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Date : 20050427

Dossier : T-1405-04

Référence : 2005 CF 566

Ottawa (Ontario), le mercredi 27 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                TRANS-PACIFIC SHIPPING CO.

                                                                                                                                demanderesse

                                                                            et

                                                          ATLANTIC & ORIENT

                                              SHIPPING CORPORATION (BVI) et

                                                          ATLANTIC & ORIENT

                                             SHIPPING CORPORATION (NEVIS)

                                                                                                                                défenderesses

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE DAWSON


[1]                Les requêtes dont la Cour est actuellement saisie portent principalement sur la question de savoir s'il convient en l'espèce que la Cour exerce sa compétence pour enregistrer un jugement étranger non pas en date d'aujourd'hui, mais à la date du 30 juillet 2004. Cette question se pose dans les circonstances suivantes.

FAITS À L'ORIGINE DU LITIGE

[2]                Le 30 juillet 2004, conformément à l'article 327 des Règles de la Cour fédérale (1998), aujourd'hui devenues les Règles des Cours fédérale (Règles), un protonotaire de la Cour fédérale a accueilli sur une base ex parte la demande de Trans-Pacific Shipping Co. (Trans-Pacific) en vue d'obtenir une ordonnance portant enregistrement d'un jugement étranger qu'avait rendu en sa faveur un tribunal d'arbitrage de Londres (Angleterre) le 18 mars 2004 contre l'Atlantic & Orient Shipping Corporation (Atlantic & Orient). Le tribunal d'arbitrage avait été désigné conformément à un contrat de charte-partie intervenu entre Trans-Pacific et Atlantic & Orient. L'ordonnance du 30 juillet 2004 autorisait également la délivrance d'un bref de saisie-exécution devant être signifié au capitaine ou à un officier du navire M/V Norsund.


[3]                Se fondant sur le bref de saisie-exécution, le shérif de la province de la Colombie-Britannique a alors saisi les soutes qui se trouvaient à bord du navire M/V Norsund. À la demande d'Atlantic & Orient Shipping Corporation (Nevis) (Atlantic & Orient (Nevis)), l'exécution du bref a été suspendue pourvu que soit déposé un cautionnement de 200 000 $ que l'avocat de celle-ci détiendrait en fidéicommis. Le cautionnement est toujours détenu en fidéicommis jusqu'au règlement d'une action connexe dans le dossier de la Cour T-1843-04. Dans cette seconde instance, Trans-Pacific sollicite un jugement déclaratoire portant qu'en droit, les dettes de certains défendeurs sont les dettes d'autres défendeurs et que les actifs de certains des défendeurs sont ceux des autres. Elle sollicite également une ordonnance exigeant le versement du cautionnement détenu en l'espèce en paiement total ou partiel de la somme due en vertu de la sentence arbitrale rendue en sa faveur.

[4]                Le 24 janvier 2005, dans TMR Energy Ltd. c. State Property Fund of Ukraine, 2005 CAF 28; [2005] A.C.F. n_ 116, la Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel interjeté à l'égard d'une ordonnance en date du 22 septembre 2004 dans laquelle la Cour fédérale avait annulé l'enregistrement d'une sentence arbitrale étrangère. À l'instar de la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale a conclu qu'un protonotaire n'a pas compétence en vertu des Règles pour trancher les demandes d'enregistrement de jugements étrangers présentées en application des articles 327 à 334 des Règles.

[5]                Dans une directive datée du 1er mars 2005, le protonotaire a avisé les parties de la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans TMR Energy. C'est probablement cette directive qui est à l'origine des deux requêtes dont la Cour est actuellement saisie. Dans un premier temps, Trans-Pacific a déposé, le 29 mars 2005, une requête dans laquelle elle sollicite

1.          une ordonnance portant enregistrement, reconnaissance et exécution de la sentence arbitrale étrangère, avec effet rétroactif, sur la foi du dossier dont la Cour était saisie lorsque Trans-Pacific a présenté à la Cour sa première demande d'enregistrement;

2.          une ordonnance portant réunion de la présente instance avec l'action en cours dans le dossier T-1843-04;

3.          les dépens.


Dans un deuxième temps, Atlantic & Orient (Nevis) a déposé, le 6 avril 2005, une requête dans laquelle elle sollicite :

1.          une ordonnance déclarant nulle et non avenue l'ordonnance du 30 juillet 2004;

2.          subsidiairement, une ordonnance annulant l'ordonnance du 30 juillet 2004;

3.          les dépens.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[6]                Les questions à trancher sont donc les suivantes :

1.          La sentence arbitrale rendue le 18 mars 2004 devrait-elle être enregistrée?

2.          Dans l'affirmative, l'ordonnance portant enregistrement, reconnaissance et exécution de la sentence arbitrale devrait-elle être rendue avec effet rétroactif?

3.          Y a-t-il lieu de rendre une ordonnance déclarant nulle et non avenue l'ordonnance du 30 juillet 2004?

4.          La présente instance devrait-elle être réunie avec celle du dossier de la Cour portant le numéro T-1843-04?

5.          Quelle est l'ordonnance qui devrait être rendue, le cas échéant, au sujet des dépens?


ANALYSE

(i)          La sentence arbitrale rendue le 18 mars 2004 devrait-elle être enregistrée?

[7]                La décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans TMR Energy porte directement sur cette question et lie la Cour. La demande d'enregistrement de la sentence arbitrale présentée à la Cour en l'espèce n'indiquait pas si elle serait entendue par un juge ou un protonotaire. Nous savons maintenant que la demande aurait dû être présentée devant un juge de la Cour. Étant donné que la demande a été présentée devant un protonotaire, l'ordonnance portant enregistrement qui en résulte était nulle. En conséquence, la demanderesse a présenté une nouvelle demande d'enregistrement sur la foi des documents qui avaient initialement été déposés et portés à l'attention de la Cour.

[8]                En réponse à cette nouvelle demande, Atlantic & Orient (Nevis) a soutenu ce qui suit dans ses observations écrites : l'absence de compétence du protonotaire ne peut être corrigée de quelque façon que ce soit après le fait; ni la Loi sur les Cours fédérales non plus que les Règles ne renferment une disposition qui permettrait à la Cour de faire droit à la demande avec effet rétroactif; une ordonnance de cette nature nuirait à Atlantic & Orient (Nevis) et, enfin, une nouvelle demande visant à faire valoir la sentence arbitrale devrait être présentée. Ces arguments seront commentés plus loin. Cependant, Atlantic & Orient (Nevis) n'a nullement soutenu que les documents présentés sur une base ex parte à la Cour en juillet 2004 étaient insuffisants ou incomplets aux fins de l'enregistrement de la sentence arbitrale.


[9]                Cette position était compatible avec la position et la conduite que la défenderesse a adoptées jusqu'au dépôt de sa requête actuelle. Aucune entité n'a pris de mesures visant à faire annuler l'ordonnance datée du 30 juillet 2004, que ce soit au moyen d'un appel ou d'une requête fondée sur le paragraphe 399(1) des Règles en vue d'annuler une ordonnance rendue ex parte. Or, Atlantic & Orient (Nevis), une de ses sociétés (qui seraient) liées ou toute autre partie concernée a eu tout le temps voulu pour le faire après la saisie des soutes. Atlantic & Orient (Nevis) a plutôt choisi de déposer un cautionnement.

[10]            C'est dans ce contexte que j'examine les arguments qu'a invoqués l'avocat d'Atlantic & Orient (Nevis) pendant sa plaidoirie après les questions que j'ai posées à l'avocat de Trans-Pacific au cours de la plaidoirie de celui-ci. Mes questions portaient sur la suffisance de la copie « certifiée conforme ou authentifiée » de la sentence arbitrale (comme l'exige le paragraphe 329(1) des Règles) et sur la suffisance de l'affidavit fait sur la foi de renseignements tenus pour véridiques par un membre du cabinet représentant Trans-Pacific, selon lequel le déclarant, après avoir effectué des recherches complètes et minutieuses, ne connaît aucun empêchement à l'enregistrement, la reconnaissance ou l'exécution du jugement étranger (comme l'exige l'alinéa 329(1)g) des Règles).

[11]            Ayant entendu mes questions à ce sujet, l'avocat d'Atlantic & Orient (Nevis) a soutenu verbalement que ces lacunes étaient graves au point de constituer un manquement aux exigences du paragraphe 329(1) des Règles, de sorte que l'enregistrement devrait être refusé.


[12]            En ce qui a trait à chacune des lacunes alléguées, le paragraphe 329(1) des Règles exige que l'affidavit à l'appui de la demande d'enregistrement soit accompagné d'une « copie certifiée conforme ou authentifiée du jugement étranger » . Ce qui a été fourni était un affidavit selon lequel le déposant a déclaré qu'il avait une connaissance personnelle des faits sur lesquels portait l'affidavit, qu'il avait la sentence arbitrale originale en sa possession et que le document joint comme pièce A à son affidavit était une copie conforme de la sentence finale.

[13]            Il est vrai que, lorsqu'un jugement étranger est mentionné, nous nous attendons généralement à voir une copie du jugement certifiée par le tribunal ayant rendu ledit jugement. Cependant, dans la présente affaire, le tribunal d'arbitrage devait, conformément au contrat de charte-partie, être composé de [traduction] « commerçants ayant de bonnes connaissances en marine marchande » . La sentence finale est simplement signée par deux messieurs devant deux témoins.

[14]            Le paragraphe 329(1) des Règles envisage l'ampliation ou l'attestation de la conformité du jugement étranger. Aucun avocat n'a soutenu verbalement que l'attestation par un notaire du fait qu'un document est une copie conforme d'un original ne constituerait pas une attestation de l'exactitude de la copie. Dans l'Oxford English Dictionary, le mot « exemplification » (ampliation) est défini comme suit : [traduction] « copie ou transcription attestée du dossier, de l'acte, etc. » . Dans la présente affaire, le titulaire du document a attesté l'exactitude de la copie qu'il a jointe comme pièce à son affidavit.


[15]            En ce qui a trait à la preuve par ouï-dire selon laquelle le représentant de la demanderesse, après avoir mené une enquête approfondie, ne connaissait aucun obstacle à l'enregistrement, le paragraphe 81(1) des Règles prévoit que, sauf s'ils sont présentés à l'appui d'une requête, les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle. Cependant, l'inobservation d'une disposition des règles n'entache pas de nullité l'instance ou une mesure prise dans l'instance (article 56 des Règles). Elle constitue plutôt une irrégularité qui peut être contestée en vertu de l'article 58 des Règles. Les requêtes visant à contester une mesure en raison de l'inobservation d'une disposition des Règles doivent être présentées le plus tôt possible (paragraphe 58(2) des Règles). Tel qu'il est mentionné plus haut, avant le 6 avril 2005, aucune contestation n'a été présentée à l'égard de l'ordonnance attaquée.

[16]            Dans la présente affaire, l'avocat d'Atlantic & Orient (Nevis) a mentionné au cours de sa plaidoirie que son argument sur ce point était [traduction] « très technique » et qu'aucune [traduction] « irrégularité n'était invoquée » .


[17]            L'utilisation d'une preuve fondée sur des renseignements tenus pour véridiques dans une demande n'est pas nécessairement fatale. Voir Canada c. Olympia Interiors Ltd. (2001), 209 F.T.R. 182; décision confirmée (mais pas explicitement sur ce point) (2004), 323 N.R. 191 (C.A.). La règle selon laquelle le déclarant doit avoir une connaissance personnelle des faits sur lesquels porte son affidavit s'explique par la nécessité que toute preuve ainsi déposée puisse être vérifiée de façon significative au moyen du contre-interrogatoire. Lorsque l'exactitude des renseignements fournis dans le cadre d'une preuve par ouï-dire n'est pas contestée et qu'aucune demande de contre-interrogatoire n'a été présentée, l'acceptation d'une preuve fondée sur des renseignements tenus pour avérés ne constitue pas une entorse à ce principe.

[18]            Dans la présente affaire, j'estime qu'une preuve directe aurait dû être présentée en ce qui a trait à l'absence d'obstacle à l'enregistrement. De plus, une ampliation plus officielle de la sentence arbitrale initiale était peut-être disponible. Il n'en demeure pas moins que l'objet de l'ensemble des exigences du paragraphe 329(1) des Règles est de veiller à ce que la Cour reconnaisse et exécute uniquement les jugements étrangers valides et opposables. Au cours de la période de près de neuf mois qui a suivi l'enregistrement de la sentence arbitrale en l'espèce, personne n'a donné à entendre que la Cour n'aurait pas dû reconnaître cette sentence. Plus précisément, il n'est pas allégué que la copie de la décision dont la Cour est saisie est inexacte ou n'est pas authentique. Il n'y a même pas d'allusion à l'existence d'un obstacle à l'enregistrement, à la reconnaissance ou à l'exécution du jugement étranger.

[19]            Sans approuver toute dérogation aux exigences strictes des Règles, j'estime que, dans l'ensemble des circonstances, refuser l'enregistrement de la décision aurait pour effet de donner une plus grande importance à la forme qu'au fond et ne permettrait pas d'apporter au litige une solution qui soit juste, comme l'exige l'article 3 des Règles.


[20]            Compte tenu des circonstances uniques de la présente affaire, je suis d'avis que la demanderesse a présenté une preuve suffisante à la Cour pour respecter les exigences du paragraphe 329(1) des Règles; par conséquent, une ordonnance portant enregistrement et reconnaissance de la sentence arbitrale devrait être rendue.

(ii)         L'ordonnance portant enregistrement de la sentence arbitrale devrait-elle être datée du 30 juillet 2004?

[21]            J'ai déjà résumé les arguments d'Atlantic & Orient (Nevis) au sujet de l'enregistrement du jugement avec effet rétroactif. Au cours des plaidoiries, l'avocat d'Atlantic & Orient (Nevis) a précisé que, selon la position de celle-ci, la Cour a compétence pour statuer sur une nouvelle demande d'enregistrement et possède le pouvoir discrétionnaire voulu pour rendre une ordonnance portant enregistrement du jugement avec effet rétroactif. Cependant, Atlantic & Orient (Nevis) soutient que les faits présentés en preuve ne justifient pas l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

[22]            En ce qui concerne le pouvoir de délivrer des ordonnances avec effet rétroactif, le paragraphe 392(2) des Règles prévoit ce qui suit :

Sauf disposition contraire de l'ordonnance, celle-ci prend effet au moment où elle est consignée et signée par le juge ou le protonotaire qui préside ou, dans le cas d'une ordonnance rendue oralement en audience publique dans des circonstances telles qu'il est en pratique impossible de la consigner, au moment où elle est rendue.

                  [Non soulignédans l'original.]

Unless it provides otherwise, an order is effective from the time that it is endorsed in writing and signed by the presiding judge or prothonotary or, in the case of an order given orally from the bench in circumstances that render it impracticable to endorse a written copy of the order, at the time it is made.

[underlining added]


[23]            Dans Crown Zellerbach Canada Limited et al. c. R. In right of British Columbia (1979), 13 B.C.L.R. 276, à la page 283, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a décidé qu'une règle rédigée de façon similaire permettait d'antidater une ordonnance. Tant la Cour fédérale que la Cour d'appel fédérale ont exercé ce pouvoir dans différentes circonstances dans les décisions suivantes : Xin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 182 F.T.R. 138 (C.F. 1re inst.); Mennes c. Canada, [1997] A.C.F. n_ 1162 (C.A.); Hijos de Romulo Torrents Albert S.A. c. Le navire « Star Blackford » et al., [1979] 2 C.F. 109 (C.A.).

[24]            Quant aux facteurs régissant l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, dans Turner c. London and South-Western Railway Co., [1874] 17 L.R. Eq. 561, le vice-chancelier Hall a passé en revue la jurisprudence antérieure selon laquelle lorsqu'une partie à une action décédait, par exemple, après la fin d'un procès, mais pendant que la Cour délibérait, celle-ci permettait que le jugement soit rendu après le décès avec effet rétroactif, afin que la partie ne soit pas lésée par le délai découlant de la mise en délibéré. Le but de la pratique était de placer la partie dans la position dans laquelle elle se serait trouvée si la Cour avait rendu son jugement immédiatement après le procès plutôt que de mettre l'affaire en délibéré.


[25]            Dans des décisions anglaises postérieures, il a été confirmé que l'exercice de ce pouvoir devrait [traduction] « être fondé sur des principes valables démontrés » (Borthwick c. Elderslie Steamship Company Ltd. (No. 2), [1905] 2 K.B. 516, à la page 519), et [traduction] « que les faits doivent comporter un élément exceptionnel justifiant une ordonnance de cette nature » (Belgian Grain and Produce Co., Ltd. c. Cox & Co. (France), Ltd., (1919) W.N. 317 (C.A.).

[26]            Les tribunaux ont adopté cette jurisprudence au Canada. Voir, par exemple, Crown Zellerbach, précité, à la page 284, Loyie Estate c.Erickson Estate (1994), 94 B.C.L.R. (2d) 33 (C.S.), et Monahan c. Nelson (2000), 76 B.C.L.R. (3d) 109 (C.A.). Selon les décisions canadiennes susmentionnées et la jurisprudence qui y est examinée, nul ne devrait être lésé par la conduite de la Cour (Loyie, à la page 41, et Monahan, aux pages 119 et suivantes ainsi qu'à la page 140). En conséquence, il est possible, par exemple, d'antidater un jugement afin d'éviter de causer un préjudice à une partie par suite d'une mesure ou d'un retard de la Cour. Selon une formule plus classique, actus curiae neminem gravabit.

[27]            Lorsque j'applique les principes exposés ci-dessus aux faits dont je suis saisie, je constate que les éléments de preuve suivants sont pertinents et significatifs :

1.          la demande d'enregistrement déposée le 29 juillet 2004 n'indiquait pas si elle devrait être présentée à un juge ou à un protonotaire;

2.          le 27 février 2004, le greffe de la Cour a reçu à Ottawa une lettre dans laquelle un avocat agissant dans une autre instance a informé la Cour que, dans cette autre instance, une partie dont les droits seraient touchés par une ordonnance que rendrait un protonotaire en vue d'exécuter un jugement étranger avait l'intention de contester le pouvoir des protonotaires de la Cour de rendre des ordonnances portant enregistrement et reconnaissance de jugements étrangers;


3.          malheureusement, cet avis n'a pas été transmis au greffe de Vancouver. Par conséquent, dans la présente affaire, la Cour a renvoyé la demande de Trans-Pacific à l'un de ses protonotaires;

4.          par suite de l'ordonnance dans laquelle le protonotaire a enregistré le jugement et autorisé la délivrance du bref de saisie et de vente, et par suite de l'exécution du bref, un cautionnement a été déposé;

5.          d'après les renseignements dont la demanderesse dispose, ce cautionnement est le seul bien qui appartient aux défenderesses au Canada.

[28]            À mon avis, si l'enregistrement n'est pas antidaté, Trans-Pacific subira un préjudice découlant du renvoi de sa demande à un protonotaire par la Cour. Par ailleurs, les défenderesses ne subiront aucun préjudice si l'ordonnance est antidatée, pourvu que cet enregistrement ne touche pas le droit d'Atlantic & Orient (Nevis) de continuer à faire valoir que les soutes saisies n'appartenaient pas à la débitrice judiciaire.

[29]            En conséquence, l'ordonnance ayant pour effet d'enregistrer le jugement étranger sera antidatée et portera la date de l'ordonnance initiale de la Cour.


[30]            Avant de passer à une autre question, je souligne que, dans la présente affaire, il n'a nullement été allégué que Trans-Pacific ne s'était pas conformée à l'obligation de divulgation complète qui incombe à toute partie sollicitant un redressement sur une base ex parte. En conséquence, les faits sont différents de ceux dont la Cour était saisie dans l'affaire TMR Energy, susmentionnée, où l'enregistrement avec effet rétroactif a été refusé pour cette raison.

(iii)        Y a-t-il lieu de rendre une ordonnance déclarant nulle et non avenue l'ordonnance de la Cour datée du 30 juillet 2004?

[31]            Oui, dans la mesure où cette ordonnance portait sur l'enregistrement de la sentence arbitrale, parce que la décision de la Cour d'appel ne peut être distinguée et lie la Cour en l'espèce. Une ordonnance en ce sens sera rendue et entrera en vigueur après l'enregistrement de la sentence arbitrale avec effet rétroactif. À tous autres égards, l'ordonnance du 30 juillet 2004 demeurera en vigueur, parce que je souhaite que l'autorisation relative au bref de saisie et de vente soit appuyée par la présente ordonnance portant enregistrement de la sentence arbitrale à la date du 30 juillet 2004.

(iv)        La présente instance devrait-elle être réunie avec celle du dossier de la Cour portant le numéro T-1843-04?

[32]            Trans-Pacific sollicite la réunion de la présente demande avec l'instance engagée devant la Cour dans le dossier numéro T-1843-04. Elle soutient que la réunion des deux instances est justifiée pour les raisons suivantes :

1.          dans cette autre instance, elle sollicite une ordonnance exigeant que lui soit versé le montant du cautionnement qui a été déposé en l'espèce;


2.          les parties à chacune des instances semblent être liées et les questions en litige sont liées entre elles, de sorte que les questions de fait seront communes et la réunion permettra d'économiser des frais sans léser les parties adverses.

Atlantic & Orient (Nevis) ne s'oppose pas à la réunion des instances.

[33]            À l'audience, j'ai discuté avec les avocats des problèmes inhérents à la réunion d'une action avec une demande et évoqué la possibilité de convertir la présente demande en action, pourvu que la réunion des deux instances ne donne pas lieu à d'autres droits de communication préalable. Les avocats étaient d'accord avec cette condition.

[34]            Cependant, je continue à m'interroger sur la nécessité de réunir les instances. À l'heure actuelle, il n'y a aucune question à trancher dans la présente demande, parce que la question soulevée a été réglée du fait de l'enregistrement de la sentence arbitrale. Par conséquent, je ne vois pas à quoi pourrait servir la réunion des deux instances en vue de l'audience.

[35]            Je reconnais qu'il est logique de veiller à ce que le droit au cautionnement détenu en l'espèce soit reconnu en bonne et due forme dans le jugement qui sera rendu dans le dossier T-1843-04. Cependant, il semble que cette réparation soit déjà sollicitée dans la demande de redressement formulée dans l'action en cours.


[36]            En conséquence, je rejette à ce moment-ci la partie de la requête par laquelle Trans-Pacific sollicite la réunion des instances. Cette décision ne porte pas atteinte au droit des parties de présenter toute requête nécessaire dans le dossier T-1843-04 ou de solliciter à nouveau une réparation en l'espèce, y compris la réunion des instances, si cette mesure semble subséquemment justifiée.

[37]            Le fonctionnaire chargé de la gestion de l'instance dans le dossier T-1843-04 peut régler efficacement toutes ces questions.

(v)         Dépens

[38]            Bien que chaque partie ait sollicité les dépens dans ses actes de procédure, l'avocat de Trans-Pacific s'est désisté de sa demande de dépens au cours des plaidoiries verbales, précisant que, dans les circonstances, chaque partie devrait supporter ses propres dépens. Pour sa part, Atlantic & Orient (Nevis) continue à solliciter ses dépens, parce qu'elle [traduction] « a dû répondre à la requête par suite d'un événement qui n'a rien à voir avec sa conduite » .

[39]            J'estime également que Trans-Pacific a dû présenter la requête par suite d'un événement qui n'a rien à voir avec sa conduite.

[40]            Dans les circonstances, chaque partie devrait supporter ses propres dépens.


                                                                ORDONNANCE

[41]            EN CONSÉQUENCE, LA COUR ORDONNE :

1.          La requête visant à faire enregistrer le jugement étranger rendu le 18 mars 2004 contre Atlantic & Orient Shipping Corporation par un tribunal d'arbitrage de Londres (Angleterre) (le jugement étranger) est accueillie et cet enregistrement s'appliquera rétroactivement au 30 juillet 2004.

2.          L'enregistrement susmentionné ne porte pas atteinte au droit d'Atlantic & Orient Shipping Corporation (Nevis) de continuer à faire valoir que les soutes saisies en application du bref de saisie-exécution délivré par la Cour dans la présente demande n'appartenaient pas à la débitrice judiciaire.

3.          Par suite de l'enregistrement du jugement étranger à la date du 30 juillet 2004, l'ordonnance de la Cour datée du 30 juillet 2004 est déclarée nulle et non avenue dans la mesure où elle avait pour effet d'enregistrer ce jugement étranger.

4.          La requête en réunion d'instances de la demanderesse est rejetée à ce moment-ci, mais l'une ou l'autre des parties pourra solliciter à nouveau une réparation plus tard ou présenter toute requête nécessaire dans le dossier de la Cour numéro T-1843-04, y compris une requête en réunion d'instances.


5.          Chaque partie devrait supporter ses propres dépens. Aucuns dépens ne sont adjugés.

           « Eleanor R. Dawson »                                                                                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques,            LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-1405-04

INTITULÉ:                                         TRANS-PACIFIC SHIPPING CO.

c.

ATLANTIC & ORIENT SHIPPING

CORPORATION (BVI) et

ATLANTIC & ORIENT SHIPPING

CORPORATION (NEVIS)

LIEU DE L'AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :             LE 11 AVRIL 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       MADAME LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                      LE 27 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :

J. William Perrett                                            POUR LA DEMANDERESSE

David K. Jones                                               POUR LA DÉFENDERESSE Atlantic & Orient Shipping Corporation (Nevis)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Bromley Chapelski                                        POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

Bernard and Partners                                                POUR LA DÉFENDERESSE Atlantic & Orient

Vancouver (Colombie-Britannique)                         Shipping Corporation (Nevis)


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