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                                                  IMM-1723-96

 

 

Ottawa (Ontario), le lundi 17 février 1997

 

 

 

En présence de : Monsieur le juge Gibson

 

 

 

 

ENTRE

 

                       FAISAL EL-NAEM,

 

                                                   requérant,

 

                             et

 

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                      intimé.

 

 

 

                         ORDONNANCE

 

 

 

          La demande de contrôle judiciaire est accueillie.  La décision en date du 30 avril 1996 de la section du statut de réfugié, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, est annulée, et l'affaire renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour qu'un tribunal de composition différente procède à une nouvelle audition et à un réexamen.

 

                                  FREDERICK E. GIBSON  

                                           Juge

 

 

Traduction certifiée conforme                          

                                 Tan Trinh-viet


 

 

 

 

 

                                                  IMM-1723-96

 

 

 

 

ENTRE

 

                       FAISAL EL-NAEM,

 

                                                   requérant,

 

                             et

 

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                      intimé.

 

 

 

                   MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

LE JUGE GIBSON

 

 

 

          Les présents motifs découlent d'une demande de contrôle judiciaire de la décision dans laquelle la section du statut de réfugié (le tribunal), de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention, compte tenu de la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration[1]. La décision du tribunal est datée du 30 avril 1996.

 

          Le requérant est citoyen syrien.  Il est né en avril 1975.  Il est arrivé au Canada en mars 1995.  Le tribunal a tenu les propos suivants :

 

[TRADUCTION] Le principal fondement de la revendication porte sur la crainte de persécution du demandeur parce qu'on l'a soupçonné d'avoir des liens avec la Muslim Brotherhood.

 

 

 


Compte tenu de la citation précédente seule, on ne sait pas si le tribunal faisait état des liens directs que le requérant lui-même avait avec la Brotherhood, ou de ses liens avec des parents qui étaient ou bien membres de la Brotherhood ou qui étaient soupçonnés d'en faire partie.  En conséquence, je conclus qu'on peut dire que le requérant a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention parce qu'il prétendait avoir raison de craindre d'être persécuté, s'il devait retourner en Syrie, du fait de ses opinions politiques, réelles ou présumées, ou de son appartenance à un groupe social, à savoir sa famille.

 

          La preuve sous-tendant la revendication du requérant peut être brièvement résumée comme suit.  Des membres de sa famille et de sa famille étendue étaient des partisans actifs de la Muslim Brotherhood, dont les membres ou les membres soupçonnés faisaient l'objet d'une répression brutale en Syrie aux époques se rapportant à la revendication du requérant.  Du début des années 1980 jusqu'au départ du requérant de la Syrie, quinze membres de sa famille étendue ont été arrêtés et détenus.  En 1982, un frère du requérant a été arrêté et sommairement exécuté.  En 1988, à l'âge de 13 ans, le requérant a commencé à attirer l'attention de la police secrète syrienne.  D'après le témoignage du requérant, il a été détenu trois fois en Octobre et novembre de cette année, pour des périodes de quatre jours, de trois jours et de dix jours respectivement.   Au cours de ces détentions, il a été interrogé et agressé.

 

          En octobre 1993, le requérant et un frère ont été détenus, dans le cas du requérant, pendant deux semaines et demie.  Il a été interrogé, battu et torturé.  En janvier 1994, avec son père, le requérant a de nouveau été détenu, cette fois pour deux mois au cours desquels il a encore été interrogé, battu et torturé.  À sa libération de la dernière détention, il est allé se cacher dans la maison d'un parent.  La police secrète était de nouveau à sa recherche.

 

          Avec l'aide d'un passeur, le requérant a quitté la Syrie via la Turquie en avril 1994 alors qu'il avait 19 ans.  Il a séjourné en Grèce pendant environ un an.  Depuis son départ de la Syrie, il a appris qu'il avait été appelé à faire le service militaire obligatoire.

 

          S'appuyant dans une grande mesure sur la preuve documentaire dont il disposait, le tribunal a conclu que le récit que le requérant avait fait de ses périodes de détention était [TRADUCTION] «...trop invraisemblable pour être cru.»  Il a ajouté :

 

[TRADUCTION] Que le demandeur ne fasse pas partie de la Muslim Brotherhood ou qu'il n'en soit qu'un partisan soupçonné, son récit n'est pas vraisemblable.  Il ressort clairement de la preuve que même les partisans soupçonnés risquent un emprisonnement à long terme et/ou la mort en Syrie.

 

 

Le fait qu'il n'existe aucune preuve reliant le demandeur à la Muslim Brotherhood ne rend pas non plus son récit plausible.  Il est bien établi que le système judiciaire syrien n'a guère de sauvegardes procédurales fondamentales, et est caractérisé par l'absence de quelque chose qui ressemble à la procédure d'équité.  Le fait que même les partisans soupçonnés de la Muslim Brotherhood s'exposent à une détention à long terme et/ ou à la mort fait voir clairement que les autorités syriennes ne s'inquiètent pas des finesses juridiques telles que la «preuve».

 

[C'est moi qui ai souligné les mots «partisan soupçonné».  Le soulignement du mot «soupçonné» seul figure dans l'original.]

 

 

 

          Le tribunal a conclu en outre que le fait pour le requérant de séjourner en Grèce pendant environ un an sans revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention dans ce pays était [TRADUCTION] «...incompatible, de façon flagrante, avec une crainte fondée de persécution».  Il a dit ceci :

 

[TRADUCTION] À notre avis, on peut s'attendre à ce que les réfugiés au sens de la Convention demandent protection dès qu'ils sont à l'abri de leurs oppresseurs, et il est raisonnablement pratique de le faire.  Une fois à l'abri du refoulement, ils sont libres de demander à s'établir dans un pays tiers choisi.

 

 

 

          Le tribunal a conclu en outre que la crainte de persécution du requérant du fait de son départ illégal de la Syrie et de son omission de se présenter pour des services militaires obligatoires  n'était pas fondée.  Il a conclu que ces deux actes du requérant équivalaient à la violation des lois d'application générale en Syrie, dont la sanction n'était pas sévère au point d'équivaloir à la persécution.

 

          L'avocat du requérant n'a pas contesté les conclusions du tribunal quant au départ illégal du requérant de la Syrie et à son omission de respecter l'avis d'appel sous les drapeaux.  L'avocat a toutefois soutenu que le tribunal avait eu tort dans sa conclusion quant à l'invraisemblance, essentiellement en mal interprétant ou en mal comprenant le fondement de la revendication du requérant.  De plus, l'avocat a fait valoir que la conclusion du tribunal découlant du séjour du requérant en Grèce n'était pas celle qu'il lui était raisonnablement loisible de tirer compte tenu de la totalité des éléments de preuve.

 

          L'avocat du requérant a soutenu que le fardeau de la preuve du requérant portait sur le fait qu'il avait été arrêté, détenu, interrogé, battu et torturé, non pas parce qu'il était soupçonné d'être membre ou partisan de la Muslim Brotherhood, mais parce que, en tant que membre d'une famille, dont les membres étaient connus pour leur adhésion à la Muslim Brotherhood ou étaient soupçonnés d'en faire partie, il se trouvait dans une situation idéale pour donner à la police secrète des renseignements sur ces parents et leurs associés.

 

          Les extraits suivants de la partie narrative du Formulaire de renseignements personnels du requérant étayent la position de l'avocat :

 

[TRADUCTION]

 

1.J'ai été persécuté par les autorités syriennes du fait des activités politiques des membres de ma famille, qui ont appuyé activement la Muslim Brotherhood.

 

2.Les membres de la famille du côté de mon père et du côté de ma mère ont été des partisans actifs de la Muslim Brotherhood.  Depuis le conflit de Hammha au début des années 1980, environ 6 personnes du côté de la famille de mon père et 9 personnes du côté de la famille de ma mère ont été détenues.  Une telle détention se poursuit aujourd'hui.

 

3.Mon frère Mohammad Faisal El-Naem était un partisan actif de la Muslim Brotherhood au cours du conflit de Hammha.  Donc, en février 1982, la police secrète s'est présentée à notre maison et a arrêté mon frère ainsi que d'autres partisans de notre quartier.  Ils ont alors été exécutés dans la rue, à l'extérieur de notre maison.

 

 

...

 

5.La police secrète a commencé à me harceler en 1988 alors que j'avais 13 ans.  J'ai été détenu trois fois pendant les mois d'octobre et de novembre.  La première détention a duré 4 jours et la troisième, 10 jours.  Au cours de la détention, la police secrète m'a agressé et m'a interrogé sur les endroits où se trouvaient mon frère Abdul Jabar El-Naem puisque son nom figurait sur la liste du service militaire.  Elle m'a également interrogé sur ce que je savais des amis de mon frère décédé Mohamad Faisal.

 

6.En octobre 1993, j'ai encore été détenu par la police secrète.  J'ai été arrêté chez moi avec mon frère Abdul Rhman El-Naem.  On nous a mis dans des voitures séparées et nous a battus pendant le trajet à destination de la station.  J'ai été détenu pendant trois semaines.  Au cours de ma détention, j'ai été torturé et interrogé sur mon frère Abdul Rhman qui s'associait avec des membres de la Muslim Brotherhood.  J'ai été libéré à la condition que je ne doive pas quitter Hammha avant d'avoir avisé la police secrète.  Abdul Rhman est toujours détenu aujourd'hui.

 

              ...

 

8.J'ai été détenu pendant deux mois [à compter de janvier 1994].  Au cours de cette détention, j'ai été amené devant diverses autorités où j'ai été battu, torturé et interrogé sur ma famille.  Les autorisés voulaient connaître les activités politiques de mes frères, de mon père et d'autres parents...

 

 

 

          Les dépositions orales du requérant étaient, pour l'essentiel, parfaitement compatibles avec la partie du récit qui se concentrait sur l'intérêt que les autorités avaient pour le requérant, non pas du fait de sa propre appartenance ou de son appartenance soupçonnée à la Muslim Brotherhood, mais du fait de son appartenance à sa famille, dont les membres ont été connus pour leurs activités au sein de la Muslim Brotherhood ou qui étaient soupçonnés d'être actifs dans cet organisme.  Bien que, sous l'interrogatoire intense tenu par l'agent d'audience, une partie du témoignage du requérant puisse être susceptible d'une interprétation différente, je suis convaincu que le fardeau de l'ensemble de la preuve du requérant démontre que les autorités ne s'intéressent absolument pas au requérant en tant que membre ou membre soupçonné de la Muslim Brotherhood ou en tant que personne ayant des «liens» avec la Brotherhood, à l'exception de son appartenance à sa famille.  Dans l'affaire Aguebor c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[2], le juge Décary s'est prononcé en ces termes :

 

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage.  Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent?  Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.  Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier.  Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être.

           

 

Dans l'affaire Ismaeli c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration[3], le juge Cullen, se reportant au passage précédent extrait de l'affaire Aguebor, s'est exprimé en ces termes :

 

En bref, il est clair que la cour de révision devrait refuser de modifier les décisions qui portent sur la crédibilité ou sur la vraisemblance, pourvu que ces décisions reposent régulièrement sur la preuve, ne méconnaissent pas la preuve, ou sont étayées par les éléments de preuve.

 

L'obligation du requérant de réfuter les conclusions de la Commission est une lourde obligation.  Le requérant doit être à même de prouver que les conclusions formulées étaient des conclusions tirées de façon abusive ou arbitraire ou étaient si déraisonnables que la Cour doit annuler la décision.

 

 

 

          Compte tenu de la totalité des éléments de preuve en l'espèce, et m'appuyant sur les propos tenus par le juge Décary dans l'affaire Aguebor, plutôt que sur ceux tenus par le juge Cullen dans l'affaire Ismaeli, je suis convaincu que les conclusions tirées par le tribunal selon lesquelles les agents syriens considéraient le requérant comme ayant des liens avec la Muslim Brotherhood, qui faisaient de lui membre, partisan ou partisan soupçonné de cette organisation de son propre chef «...ne pouvaient raisonnablement l'être».  C'est sur la base des inférences tirées par le tribunal que celui-ci a été amené à s'appuyer sur la preuve documentaire dont il disposait concernant le traitement réservé en Syrie aux membres, partisans et partisans soupçonnés de la Muslim Brotherhood.  Ayant conclu que ces inférences n'auraient pu raisonnablement être tirées  sur la base de la totalité des éléments de preuve, je suis convaincu que l'intervention de la Cour dans les conclusions du tribunal quant à la vraisemblance est justifiée.

 

          J'aborde maintenant les conclusions du tribunal concernant le séjour d'environ un an du requérant en Grèce sans revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention.  À cet aspect de son analyse, le tribunal s'est appuyé sur la décision Ilie c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[4], où le juge MacKay s'est livré à cette

analyse :

 

Enfin, j'estime que le tribunal était autorisé à tenir compte du défaut du requérant de revendiquer le statut de réfugié dans les autres pays d'Europe par lesquels il est passé entre juillet 1992 et janvier 1993 et à déterminer comment le témoignage du requérant devait être apprécié au regard de ce défaut.  En l'espèce, cet examen l'a amené à conclure que le fait que le requérant ait voyagé pendant environ six mois sans revendiquer le statut de réfugié contredisait la preuve selon laquelle il craignait d'être persécuté s'il retournait en Roumanie.  Cette conclusion touche au fond de la revendication du requérant.  Il n'était pas nécessaire que la Section du statut formule des motifs supplémentaires ou plus détaillés à l'appui de son refus d'admettre que le requérant avait une crainte bien fondée d'être persécuté.  La conclusion du tribunal porte directement sur le fondement de la revendication du requérant, à partir d'une inférence exprimée par le tribunal :

 

[TRADUCTION] Une personne qui aurait une crainte bien fondée d'être persécutée séjournerait-elle illégalement environ une demi-année dans différents pays, au risque d'être renvoyée en Roumanie, pays dans lequel elle craint d'être persécutée?  Le tribunal ne le pense pas.

 

Compte tenu de toutes les circonstances, appréciées et prises en compte par le tribunal, je ne suis pas convaincu que cette inférence ou la conclusion du tribunal soient déraisonnables.

 


          Ce raisonnement et cette conclusion peuvent être contrastées avec ceux de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Huerta c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[5] où, compte tenu d'un retard de quatre mois après l'arrivée du demandeur au Canada à partir du Mexique, au cours duquel il avait directement accès à des parents qui eux-mêmes avaient présenté des revendications du statut de réfugié, la section du statut de réfugié a tiré une inférence défavorable.  La Cour a conclu que l'inférence défavorable, quant au bien-fondé de la revendication du demandeur, tirée du délai était celle qu'il lui était loisible de tirer. Toutefois, la Cour a ajouté :

 

Le retard à formuler une demande de statut de réfugié n'est pas un facteur déterminant en soi. Il demeure cependant un élément pertinent dont le tribunal peut tenir compte pour apprécier les dires ainsi que les faits et gestes d'un revendicateur.

 

 

 

Huerta n'a pas été cité par le juge MacKay dans les motifs qu'il a prononcés dans l'affaire Ilie.

 

          Compte tenu des faits de l'espèce, je juge inutile de tenter de trouver une explication logique aux décisions rendues dans les affaires Huerta et Ilie.  Le requérant à l'instance, qui avait dix-neuf ans au moment où il se trouvait en Grèce, a expliqué qu'il avait un frère au Canada qui avait revendiqué avec succès le statut de réfugié, et qu'il était désireux de se rendre au Canada.  Selon son témoignage, il n'avait pas d'argent et il est demeuré en Grèce pour accumuler suffisamment d'argent pour venir au Canada.  Selon lui, il a entendu dire que la protection des réfugiés en Grèce était problématique et il craignait d'être expulsé en Syrie s'il exposait son statut illégal et y mettait à l'épreuve la protection des réfugiés.

 

          Le tribunal, sans tenir compte de l'âge du requérant, de son manque d'expérience et de son besoin d'argent s'il devait être en mesure d'atteindre son objectif ultime, a rejeté l'explication du requérant.

 

          Compte tenu des faits de l'espèce, je tire une conclusion contraire à celle tirée par le juge MacKay.  Je suis persuadé que, dans les circonstances de l'espèce, la conclusion du tribunal selon laquelle un individu tel que le requérant, ayant une crainte fondée de persécution, ne séjournerait pas, dans ce cas pendant environ un an, en Grèce au risque d'être refoulé vers la Syrie, pays où il craint d'être persécuté, était celle qu'il ne lui était raisonnablement pas loisible de tirer.

 

          L'explication donnée par le requérant, compte tenu de toutes les circonstances, n'était pas déraisonnable.  C'est imposer un trop lourd fardeau à une jeune personne sans argent, laissée à elle-même, dans un pays inconnu avec des coutumes et un langages inconnus et sans soutien familial, que de présumer qu'il agirait inévitablement d'une manière que des personnes raisonnables, en sécurité au Canada, pourraient considérer comme la seule manière rationnelle[6].  L'explication donnée au tribunal, conclus-je, n'était pas si irrationnelle au point de justifier un rejet catégorique.  Le requérant a choisi de soupeser un risque, celui d'être renvoyé en Syrie du fait de sa présence illégale en Grèce, par rapport à celui de se trouver en plan peut-être pour toujours, ou peut-être de voir sa revendication du statut de réfugié refusée, finissant par être sommairement renvoyé en Syrie avant de réaliser son désir de se rendre au Canada.  Après avoir réussi dans son entreprise risquée, à son arrivée au Canada, il a immédiatement revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention.

 

          Je conclus que le tribunal a eu tort, d'une manière susceptible de contrôle, de conclure que la revendication du statut de réfugié présentée par le requérant ne pouvait aboutir du fait des inférences tirées de son séjour en Grèce.

 

          Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du tribunal sera annulée, et la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée par le requérant sera renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour qu'un tribunal de composition différente procède à une nouvelle audition et à un réexamen.

 

          Ni l'un ni l'autre des avocats n'a recommandé qu'une question soit certifiée.  Aucune question ne sera donc certifiée.

 

                                     FREDERICK E. GIBSON   

                                                Juge

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 17 février 1997

 

Traduction certifiée conforme                          

                                 Tan Trinh-viet


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

          AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :IMM-1723-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Faisal El Naem c. M.C.I.

 

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :Le 31 janvier 1997

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      le juge Gibson

 

 

EN DATE DU17 février 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

Lorne Waldman                     pour le requérant

 

 

Ann-Margaret Oberst               pour l'intimé

                                

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman

Toronto (Ontario)

 

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                                  pour l'intimé

 

 

 

 

 

             



    [1]L.R.C. (1985), ch. I-2.

    [2](1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

    [3]IMM-2008-94, 11 avril 1995 (C.F.1re inst.) (non publié).

    [4](1994), 88 F.T.R. 220 (C.F.1re inst.).

    [5]A-448-91, 17 mars 1993 (non publié) (C.A.F.).

    [6]Voir Ye c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), non publié, A-711-90, 24 juin 1992 (C.A.F.), où le juge MacGuigan s'est exprimé en ces termes:

«Nous pouvons bien nous demander si cette opinion n'implique pas le fait d'imposer des concepts occidentaux à un totalitarisme oriental subtil...» En l'espèce, le tribunal peut très bien avoir imposé des concepts occidentaux d'action appropriée à un esprit mal adapté à ceux-ci.

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