Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040604

Dossier : T-958-03

Référence : 2004 CF 809

Ottawa (Ontario), le 4 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                          D. KENNETH GIBSON

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Gibson, un avocat d'Ottawa, a déposé la présente demande de contrôle judiciaire à l'égard de toute mesure actuelle ou éventuelle prise par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) en vue de recouvrer des impôts, y compris l'intérêt et les pénalités, qu'il devrait pour les années d'imposition 1990 et 1991. M. Gibson sollicite un jugement déclaratoire portant que l'ADRC ne peut, en raison de l'expiration de certains délais de prescription, prendre à son endroit des mesures de recouvrement de créances fiscales censément exigibles à l'égard des années d'imposition 1990 et 1991. Le demandeur prie également la Cour de lui accorder les dépens de la présente demande.


CONTEXTE

[2]                Le demandeur a produit ses déclarations de revenu pour les années 1990 et 1991 en retard. Dans l'affidavit qu'il a déposé en l'instance, M. Gibson atteste avoir produit sa déclaration de revenu pour l'année 1990 le 15 juin 1992 ou vers cette date, parce qu'il croyait qu'il n'aurait aucun impôt à payer en raison des pertes d'entreprise importantes qu'il avait subies. Il atteste également qu'il a produit sa déclaration pour l'année 1991 en septembre 1992, croyant encore une fois qu'il n'aurait pas à payer de l'impôt parce qu'il avait subi des pertes d'entreprise.

[3]                L'ADRC lui a envoyé un avis de cotisation, daté du 18 décembre 1992, établissant l'impôt exigible pour l'année d'imposition 1990. Le demandeur devait une somme de 80 104,68 $, incluant les intérêts et les pénalités. En ce qui concerne l'année d'imposition 1991, l'ADRC a envoyé un avis de cotisation, daté du 29 décembre 1992, lui réclamant un montant de 9 412,43 $ (le solde à payer était présenté comme une combinaison des années d'imposition 1990 et 1991 totalisant 89 709,92 $).

[4]                Le 2 mars 1999, M. Gibson a demandé que les pertes qu'il avait subies dans les années subséquentes soient reportées rétrospectivement et appliquées aux années d'imposition 1990 et 1991. Par avis de cotisation daté du 28 septembre 2000, l'ADRC a accepté cette demande, ce qui a donné lieu à une diminution de son revenu imposable pour 1990.

[5]                De nouveaux avis de cotisation ont été établis à l'endroit du demandeur en date du 26 août 2002 pour les années d'imposition 1990 et 1991. Il y était indiqué que le demandeur devait alors la somme de 137 552,40 $ en impôt, pénalités et intérêts impayés pour l'année d'imposition 1990 et la somme de 9 491,91 $ en impôt, pénalités et intérêts impayés pour l'année d'imposition 1991.

[6]                Entre décembre 1992, soit lorsqu'elle a établi les premiers avis de cotisation, et novembre 1999, soit lorsqu'elle a initialement répondu à la demande du 2 mars 1999, l'ADRC n'a pris aucune mesure en vue de recouvrer les sommes dues par le demandeur. Ce dernier n'a jusqu'à ce jour remboursé aucune partie des montants dus.

QUESTION EN LITIGE

[7]                1. L'ADRC a-t-elle dépassé le délai prescrit par l'article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C-50 (LRCECA) ou par l'article 45 de l'ancienne Loi sur la prescription des actions, L.R.O. 1990, ch. L-15 (LPA)[1], pour prendre des mesures de recouvrement à l'endroit du demandeur?


ANALYSE

[8]                Le demandeur allègue que l'ADRC a dépassé le délai prescrit par l'article 32 de la LRCECA et les alinéas 45(1)f) et h) de la LPA pour recouvrer les créances fiscales réclamées à l'égard des années d'imposition 1990 et 1991. Le demandeur dit que, depuis 1992, l'ADRC n'a fait aucun effort pour recouvrer les créances fiscales réclamées et qu'il n'a payé aucune partie de celles-ci. Le demandeur s'appuie sur la décision de la Cour suprême du Canada dans Markevich c. Canada, [2003] 1 R.C.S. 94 et soutient qu'elle confirme sa position.

[9]                La défenderesse, par ailleurs, fait valoir que l'essentiel de la décision Markevich, précitée, soutient sa position. Elle allègue que, en vertu de l'article 32 de la LRCECA, l'ADRC était tenue d'intenter des poursuites avant les 19 et 30 mars 1999, à l'égard des créances fiscales de 1990 et de 1991 respectivement. Toutefois, la défenderesse soutient que le délai de prescription établi à l'article 32 de la LRCECA a été renouvelé conformément à la demande faite le 2 mars 1999 par le demandeur relativement au report rétrospectif de pertes. Cette demande, au dire de la défenderesse, constitue une reconnaissance expresse de la dette du demandeur, et conformément au raisonnement élaboré dans la décision Markevich, précitée, le délai de prescription a alors été renouvelé pour une autre période de six ans à partir du 2 mars 1999. Ainsi, l'ADRC aurait jusqu'en mars 2005 pour prendre des mesures de recouvrement à l'endroit du demandeur pour les créances fiscales de 1990 et 1991.

[10]            Suivant le raisonnement de la majorité dans Markevich, précité, la dette fiscale fédérale alléguée découle d'une loi fédérale, à savoir la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la LIR), et crée des droits et des obligations entre l'État fédéral et les résidants du Canada ou les personnes qui ont gagné un revenu au Canada. Selon la décision de la majorité dans Markevich, précité, le fait générateur de la dette fiscale fédérale survient « ailleurs que dans une province » , pour l'application de l'article 32 de la LRCECA, et le délai de prescription de six ans prévu dans cette disposition s'applique, au lieu de la loi provinciale sur la prescription, à l'égard des dettes fiscales accumulées sous le régime de la loi fédérale. L'article 32 de la LRCECA est rédigé comme suit :


32. Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent lors des poursuites auxquelles l'État est partie pour tout fait générateur survenu dans la province. Lorsque ce dernier survient ailleurs que dans une province, la procédure se prescrit par six ans.

32. Except as otherwise provided in this Act or in any other Act of Parliament, the laws relating to prescription and the limitation of actions in force in a province between subject and subject apply to any proceedings by or against the Crown in respect of any cause of action arising in that province, and proceedings by or against the Crown in respect of a cause of action arising otherwise than in a province shall be taken within six years after the cause of action arose.


[11]            Pour déterminer quand le fait générateur est survenu, relativement à la dette fiscale fédérale, il faut s'en remettre au paragraphe 225.1(1) de la LIR. L'avis de cotisation établi pour l'année d'imposition 1990 portait la date du 18 décembre 1992 et l'avis de cotisation relatif à l'année d'imposition 1991, celle du 29 décembre 1992. En vertu du paragraphe 225.1(1) de la LIR, l'ADRC ne pouvait prendre de mesures de recouvrement avant un délai de 90 jours suivant la date de la mise à la poste de ces avis de cotisation. La disposition est rédigée comme suit :



225.1 (1) Dans le cas où un contribuable est redevable du montant d'une cotisation établie en vertu de la présente loi, exception faite des paragraphes 152(4.2), 169(3) et 220(3.1), le ministre, pour recouvrer le montant impayé, ne peut, avant le lendemain du 90e jour suivant la date de mise à la poste de l'avis de cotisation :

225.1 (1) Where a taxpayer is liable for the payment of an amount assessed under this Act, other than an amount assessed under subsection 152(4.2), 169(3) or 220(3.1), the Minister shall not, for the purpose of collecting the amount,

a) entamer une poursuite devant un tribunal;

b) attester le montant, conformément à l'article 223;

c) obliger une personne à faire un paiement, conformément au paragraphe 224(1);

d) obliger une institution ou une personne visée au paragraphe 224(1.1) à faire un paiement, conformément à ce paragraphe;

e) exiger la retenue du montant par déduction ou compensation, conformément à l'article 224.1;

f) obliger une personne à remettre des fonds, conformément au paragraphe 224.3(1);

g) donner un avis, délivrer un certificat ou donner un ordre, conformément au paragraphe 225(1).

(a) commence legal proceedings in a court,

(b) certify the amount under section 223,

(c) require a person to make a payment under subsection 224(1),

(d) require an institution or a person to make a payment under subsection 224(1.1),

(e) require the retention of the amount by way of deduction or set-off under section 224.1,

(f) require a person to turn over moneys under subsection 224.3(1), or

(g) give a notice, issue a certificate or make a direction under subsection 225(1) until after the day that is 90 days after the day of the mailing of the notice of assessment.


Par conséquent, la combinaison du paragraphe 225.1(1) de la LIR et de l'article 32 de la LRCECA qui prévoit un délai de prescription de six ans fait que l'ADRC était tenue de prendre des mesures de recouvrement à l'endroit du demandeur avant les 18 et 29 mars 1999, relativement aux créances fiscales de 1990 et de 1991 respectivement.


[12]            La défenderesse fait remarquer que la demande du contribuable, faite en date du 2 mars 1999, laquelle visait à faire en sorte que les pertes des années d'imposition subséquentes soient reportées rétrospectivement et appliquées aux déclarations de revenu des années 1990 et 1991, doit être considérée comme une « reconnaissance » de la dette et suivant la position décrite dans la décision Markevich, précitée, et que le délai de prescription est renouvelé pour une autre période de six ans à partir de cette date. Pour les motifs mentionnés ci-après, je ne suis pas d'accord pour dire que la lettre du demandeur en date du 2 mars 1999 constitue une reconnaissance de sa dette, puisqu'une distinction peut être faite d'avec les décisions citées dans l'arrêt Markevich, précité, qui présente des exemples de circonstances où le délai de prescription de l'article 32 peut être renouvelé. Aux pages 108 et 109 de cet arrêt, le juge Major s'exprimant au nom de la majorité a mentionné ce qui suit :

L'analyse téléologique de la LIR confirme que les dispositions sur le recouvrement n'excluent pas implicitement l'application de l'art. 32. L'application de délais de prescription au recouvrement de créances fiscales ne porte pas atteinte aux principes d'équité horizontale et d'équité verticale, qui, comme le souligne le juge Iacobucci dans Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, p. 738, devraient régir en partie l'interprétation de la LIR. L'appelante soutient que l'application des règles de droit en matière de prescription au recouvrement de créances fiscales allégerait injustement le fardeau fiscal d'individus qui connaissent des variations de revenu au détriment de ceux qui ont un revenu stable. Ce problème apparent peut toutefois être évité si le ministre exerce son pouvoir de recouvrement de façon raisonnablement diligente. Si le contribuable n'est pas capable de s'acquitter d'une dette fiscale avant l'expiration du délai de prescription, le ministre peut proroger ce délai de diverses façons. Dans Ross c. Canada, [2002] 2 C.T.C. 222, 2002 CFPI 401, la Section de première instance de la Cour fédérale juge que l'enregistrement d'un certificat auprès de la Cour fédérale conformément au par. 223(3) de la LIR donne lieu à un renouvellement du délai de prescription. Voir aussi MacKinnon c. Canada, [2002] 4 C.T.C. 48, 2002 CFPI 824, où la cour conclut que, en matière de prescription, la reconnaissance de la dette par une entente de nantissement avec le ministre ainsi que le paiement partiel de la dette fiscale emportent le renouvellement du délai de prescription. Il n'est pas nécessaire d'établir une liste exhaustive des façons dont le ministre peut renouveler le délai de prescription, mais je souligne qu'il dispose de nombreux moyens à cet effet. Il n'y a aucun fondement crédible à l'appui de l'argument que les règles de droit en matière de prescription compromettraient l'équité en matière de recouvrement des créances fiscales, alors qu'une diligence minimale aurait l'effet inverse.

[Non souligné dans l'original.]


[13]            Dans l'arrêt Markevich, précité, la Cour suprême a cité deux décisions à titre d'exemples de situation où le délai de prescription prévu à l'article 32 pouvait être renouvelé ou prorogé dans le contexte du recouvrement des impôts par l'ADRC. Elle a également souligné qu'il ne s'agissait pas des seuls moyens qui permettent au ministre du Revenu national (le ministre) de proroger le délai de prescription et que ce dernier dispose de « nombreux moyens » pour opérer un renouvellement avec une diligence minimale. J'explique ci-dessous en quoi ces deux décisions se distinguent de la présente affaire sur le plan des faits.

[14]            Dans la décision MacKinnon c. Canada, [2002] A.C.F. no 1101 (1re inst.)(QL), confirmée à [2003] A.C.F. no 480 (C.A.) (QL), le contribuable avait signé un contrat de nantissement en bonne et due forme, conformément au sous-alinéa 5(2)a)(i) de la Limitation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 266, de la Colombie-Britannique. Le contribuable dans cette affaire avait également fait divers paiements pour rembourser sa dette au ministre. Ces facteurs ont tenu lieu de reconnaissance de la dette et permis la prorogation du délai de prescription. Ces actions constituaient une reconnaissance expresse et non équivoque de la créance exigible. Dans ce cas, la prorogation du délai de prescription n'allait pas à l'encontre de l'objet de la disposition, soit promouvoir la certitude quant à savoir si les anciennes obligations donnaient ou ne donnaient pas lieu à des mesures, éviter les éléments de preuve périmés et encourager la partie qui poursuit à agir avec diligence raisonnable.


[15]            Dans la décision Ross c. Canada, [2002] A.C.F. no 517 (1re inst.)(QL), confirmée à [2002] A.C.F. no 1396 (C.A.)(QL), la juge Dawson a estimé que le fait pour le ministre d'enregistrer un certificat auprès de la Cour fédérale, en vertu de l'article 223 de la LIR, au moyen duquel l'ADRC a obtenu un bref de saisie-exécution, démontrait qu'il avait pris des mesures en vue du recouvrement de la créance. Par conséquent, comme le ministre avait entrepris une procédure en recouvrement contre le contribuable dans le délai prescrit à l'article 32 de la LRCECA, il n'était pas nécessaire que les mesures de recouvrement soient terminées dans le délai de prescription.

[16]            Dans la présente affaire, il est évident que, bien que l'ADRC ait procédé à une révision continue des difficultés du contribuable au cours d'un nombre considérable d'années d'imposition, elle n'a pris aucune mesure de recouvrement entre le moment de l'établissement des avis de cotisation, datés du 18 et du 29 décembre 1992 respectivement, à l'égard des années d'imposition 1990 et 1991 et la réponse de novembre 1999 à la lettre du demandeur du 2 mars 1999. Les délais de prescription de six ans devaient expirer les 18 et 29 mars 1999, pour les créances fiscales de 1990 et de 1991.


[17]            La nature et l'effet de la demande de mars 1999 constituent la question litigieuse importante dans la présente affaire. À mon avis, cette demande ne peut être considérée comme une reconnaissance expresse de la créance fiscale censément exigible. Rien dans la brève lettre explicative du demandeur n'indique une reconnaissance de la dette et il n'y a pas non plus de reconnaissance dans les formulaires signés par le demandeur pour le report rétrospectif de pertes. Qui plus est, je suis d'avis que cette lettre, même si elle devait être considérée comme une reconnaissance implicite de la dette, ne peut avoir pour effet de proroger le délai de prescription de l'article 32 de la LRCECA. Pour bénéficier d'une prorogation, l'ADRC doit démontrer, par des actes positifs, qu'elle a donné suite à des mesures de recouvrement dans le délai de prescription. Ce n'est que de cette façon que la justification relative à la diligence raisonnable en matière de prescription est respectée. En l'absence d'une reconnaissance expresse de la part du contribuable ou de certaines actions concrètes posées par l'ADRC dans le processus de recouvrement, le délai de prescription ne sera pas renouvelé.

[18]            Permettre à l'ADRC de bénéficier d'un délai de prescription prorogé, alors qu'elle n'a pris aucune mesure pour préserver ses droits de recouvrement de la créance exigible, ne facilite pas les objectifs sous-jacents aux dispositions relatives à la prescription, c'est-à-dire promouvoir la certitude auprès des personnes afin qu'elles puissent savoir si elles sont redevables d'anciennes obligations, éviter les procédures fondées sur des éléments de preuve périmés et encourager la partie qui poursuit à agir avec diligence raisonnable. La tentative de l'ADRC de s'appuyer sur une demande faite par le contribuable, deux semaines seulement avant l'expiration du délai de prescription de six ans, comme motif de prorogation du délai ne constitue pas une manière valable de démontrer que le contribuable a formellement reconnu sa dette ou a fait l'objet de mesures de recouvrement prises avec diligence par l'ADRC. À mon sens, la présente affaire n'en est pas une où le ministre a utilisé l'un des « nombreux moyens » à sa disposition sous le régime de la LIR pour faire preuve de « diligence minimale » en prenant des mesures pour recouvrer du demandeur les créances fiscales exigibles (Markevich, précité, p. 109).


[19]            En ce qui a trait à l'applicabilité de la législation ontarienne sur la prescription à la dette fiscale provinciale du demandeur, je note que la défenderesse n'a pas abordé cette question dans son argumentation écrite. À l'audience, l'avocat de la défenderesse a fait remarquer que la Cour n'avait pas compétence pour empêcher la province de demander le recouvrement de sa créance et il a proposé que le délai de prescription en Ontario commençait à courir à la date de l'avis de cotisation le plus récent, soit celui du 26 août 2002.

[20]            La Cour suprême dans Markevich, précité, aux pages 118 à 120, a confirmé, à la majorité, que le droit de la Couronne fédérale de recouvrer les impôts provinciaux doit être délégué par la province et que le recouvrement de ces impôts est assujetti à la loi provinciale en matière de prescription. En l'espèce, en vertu de l'article 49 de la Loi de l'impôt sur le revenu de l'Ontario, L.R.O. 1990, ch. I-2 (LIR de l'Ontario), et de l'article premier de l'accord intervenu entre la province de l'Ontario et le gouvernement du Canada relativement aux matières fiscales, le Canada a été autorisé par le gouvernement provincial de l'Ontario à recouvrer les créances fiscales en tant que mandataire de la province. Les parties III et IV de la LIR de l'Ontario prévoit comment l'impôt provincial doit être perçu lorsqu'un accord de perception est en vigueur.

[21]            À mon avis, compte tenu de l'arrêt Markevich, précité, et de l'ancienne LPA de l'Ontario, ainsi que de la Loi de 2002 sur la prescription des actions, laquelle est entrée en vigueur le 1er janvier 2004, le ministre fédéral ne peut maintenant recouvrer la créance fiscale provinciale censément exigible à l'égard des années d'imposition 1990 et 1991. L'alinéa 45(1)h) de l'ancienne LPA prévoyait ce qui suit :



45 (1) Les actions suivantes se prescrivent par les délais respectifs indiqués ci-dessous :

[¼]

45 (1) The following actions shall be commenced within and not after the times respectively hereinafter mentioned,

...(h) l'action en recouvrement d'une pénalité de dommages-intérêts ou d'une somme d'argent accordée par une loi à la Couronne ou à la partie lésée se prescrit par deux ans, à compter de la naissance de la cause d'action;

[¼]

(h) an action for a penalty, damages or sum of money given by any statute to the Crown or the party aggrieved, within two years after the cause of action arose;

...


[22]            Le demandeur fait également référence à l'alinéa 45(1)f) de l'ancienne LPA, qui vise « l'action pour argent perçu lors d'une saisie-exécution » . À mon avis, cet alinéa ne s'applique pas en l'espèce, puisqu'il n'y a jamais eu de saisie-exécution légalement autorisée visant les biens du demandeur.

[23]            L'alinéa 16(1)i) de la Loi de 2002 sur la prescription des actions précise qu'il n'y a aucun délai de prescription prévu pour :

i) les instances en recouvrement des créances de la Couronne à l'égard :

(i)    soit d'amendes, d'impôts et de pénalités,

(ii) soit d'intérêts qui peuvent s'ajouter à un impôt ou à une pénalité en vertu d'une loi;

[24]            L'article 24 établit les dispositions transitoires de la mise en application de la Loi de 2002 sur la prescription des actions. Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, les paragraphes 24(1), (2) et (3) sont pertinents. Ils sont rédigés comme suit :



24. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« ancien délai de prescription » Le délai de prescription qui s'appliquait à la réclamation avant l'entrée en vigueur de la présente loi.[le 1 janvier] ( « former limitation period » )

24. (1) In this section,

"effective date" means the day on which this Act comes into force [January 1, 2004] ; ("date de l'entrée en vigueur") « date de l'entrée en vigueur » Le jour où la présente loi entre en vigueur [le 1 janvier, 2004]. ( « effective date » ) 2002, chap. 24, annexe B, par. 24 (1).

"former limitation period" means the limitation period that applied in respect of the claim before the coming into force of this Act. ("ancien délai de prescription") 2002, c. 24, Sched. B, s. 24 (1).

(2) Le présent article s'applique aux réclamations fondées sur des actes ou des omissions qui ont eu lieu avant la date de l'entrée en vigueur et à l'égard desquelles aucune instance n'a été introduite avant cette date. 2002, chap. 24, annexe B, par. 24 (2).

(2) This section applies to claims based on acts or omissions that took place before the effective date and in respect of which no proceeding has been commenced before the effective date. 2002, c. 24, Sched. B, s. 24 (2).

(3) Si l'ancien délai de prescription a expiré avant la date de l'entrée en vigueur, aucune instance relative à la réclamation ne peut être introduite. 2002, chap. 24, annexe B, par. 24 (3).

(3) If the former limitation period expired before the effective date, no proceeding shall be commenced in respect of the claim. 2002, c. 24, Sched. B, s. 24 (3).


[25]            En l'espèce, l'ancien délai de prescription a expiré avant la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi, soit le 1er janvier 2004. Le paragraphe 24(3) de la Loi de 2002 sur la prescription des actions est par conséquent applicable à la situation du demandeur. Conformément à l'alinéa 45(1)h) de l'ancienne LPA, l'ADRC devait entreprendre des mesures de recouvrement dans les deux ans de la naissance de la cause d'action. En vertu de l'article 27 de la LIR de l'Ontario, l'article 225.1 de la LIR fédérale s'applique au régime de recouvrement provincial. Par conséquent, la cause d'action du recouvrement de la créance fiscale provinciale a pris naissance au même moment que la créance fiscale fédérale, soit 90 jours après la date de mise à la poste de l'avis de cotisation.


[26]            Les mesures de recouvrement de la créance fiscale provinciale devaient être entreprises dans les deux ans suivant les dates du 18 et du 29 mars 1993 à l'égard des créances fiscales des années 1990 et 1991 respectivement. Ces dates correspondent au délai de 90 jours suivant la date des avis de cotisation de chacune des années d'imposition visées. Ce délai était expiré même avant la lettre du 2 mars 1999 demandant le report rétrospectif de pertes. Par conséquent, la question de la prorogation du délai de prescription ne se pose pas à l'égard de la créance fiscale provinciale et la défenderesse a dépassé le délai prescrit par la loi pour la recouvrer.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE qu'il soit déclaré que l'Agence des douanes et du revenu du Canada a dépassé le délai prescrit par la loi pour entreprendre ou appliquer à l'endroit du demandeur des mesures de recouvrement de créances fiscales fédérales et provinciales censément exigibles à l'égard des années d'imposition 1990 et 1991. Les dépens sont adjugés au demandeur.

                                                                         _ Richard G. Mosley _              

                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                   T-958-03

INTITULÉ :                                  D. KENNETH GIBSON

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :            OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 28 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                  LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                 LE 4 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

William G. D. McCarthy                  POUR LE DEMANDEUR

Richard Gobeil                                POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

WILLIAM G.D. McCARTHY        POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Ottawa (Ontario)

MORRIS ROSENBERG                POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



[1] Les parties II et III de cette loi ont été abrogées par le paragraphe 26(1) de l'annexe B du chapitre 24 des L.O. de 2002, en vigueur depuis le 1er janvier 2004 : Loi de 2002 sur la prescription des actions, L.O. 2002, ch. 24, annexe B. L'article 45 se trouvait dans la partie III de l'ancienne LPA. Pour les besoins de la présente instance, l'article 45 demeure applicable, en vertu de l'article 24 de la Loi de 2002 sur la prescription des actions.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.