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Date : 20010201

Dossier : T-322-00

Ottawa (Ontario), le 1er février 2001.

En présence de Monsieur le juge McKeown

Entre :

JAY DURIE

demandeur

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

                                                          ORDONNANCE

VU LA DEMANDE de contrôle judiciaire présentée pour le compte du demandeur;

LA COUR ORDONNE QUE :

Pour les motifs exposés oralement, la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision de la présidente indépendante est annulée et la Cour y substitue une conclusion de non culpabilité.

                                                                                                                 « W.P. McKeown »

                                                                                                                                   J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 20010205

Dossier : T-322-00

Citation : 2001 CFPI 22

ENTRE :

JAY DURIE

demandeur

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

                         MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS ORALEMENT

LE JUGE McKEOWN

[1]                Le demandeur cherche à obtenir le contrôle judiciaire de la décision, datée du 29 juin 1999, dans laquelle la présidente indépendante du tribunal disciplinaire de l'établissement de Bath a conclu qu'il était coupable d'avoir omis ou refusé de fournir un échantillon d'urine sur demande, infraction prévue au paragraphe 40(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi).


LES QUESTIONS LITIGIEUSES

[2]                Voici les questions litigieuses : la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer, le déplacement du fardeau de la preuve, et la norme de preuve qu'il convient d'appliquer dans le cadre d'une instance disciplinaire dont fait l'objet un détenu.

LES FAITS

[3]                Le demandeur est un détenu qui purge une peine d'emprisonnement de dix ans. Le 12 avril 1999, on lui a demandé de fournir un échantillon d'urine conformément à l'alinéa 54b) de la Loi. Le demandeur a reçu l'avis, mais il a été incapable de fournir un échantillon d'urine dans le délai prévu de deux heures; on lui a donc accordé une prorogation du délai. Le demandeur a été accusé de l'infraction disciplinaire prévue au paragraphe 40(1) de la Loi, savoir :


40. Est coupable d'une infraction disciplinaire le détenu qui_:

...

(l) refuse ou omet de fournir l'échantillon d'urine qui peut être exigé au titre des articles 54 ou 55;

40. An inmate commits a disciplinary offence who

...

(l) fails or refuses to provide a urine sample when demanded pursuant to section 54 or 55;



[4]                Le 29 juin 1999, l'affaire a été entendue devant la présidente indépendante. Le demandeur a plaidé non coupable. La présidente indépendante a conclu que le demandeur était coupable d'avoir commis cette infraction. Elle a fait la déclaration suivante dans ses motifs :

[TRADUCTION] Monsieur Napier, vous avez fait une excellente plaidoirie, mais j'ai conclu dans d'autres affaires – et j'estime que je ne peux me contredire à l'égard d'un cas particulier, que pour qu'il y ait une excuse raisonnable justifiable pour que j'entende des éléments de preuve à cet égard, il doit y avoir certains éléments de preuve médicale et – en fait, j'ai des réserves, car je pense que M. Durie renvoie à un certain état de santé, et je ne comprends pas pourquoi, compte tenu du fait que l'affaire traîne depuis avril, que M. Durie n'a pas été en mesure de fournir, au procès, une preuve médicale concernant ses problèmes de dos. Malheureusement, il s'agit du type de norme requise.

Par ailleurs, je dois souligner qu'il s'agit d'une question juridique intéressante; vous pouvez être en désaccord avec ma conclusion dans la présente affaire et faire valoir que – en fait, ce que je veux dire, en ce qui concerne le droit criminel, c'est que s'il s'agissait d'une affaire criminelle, vous avez certainement soulevé un doute raisonnable; malheureusement, la norme qu'on a imposée aux présidents de formations en matière disciplinaire est plus exigeante; en d'autres termes, l'excuse fournie doit être accompagnée d'une certaine justification médicale ou encore d'une autre documentation. En conséquence, je ne peux accepter votre argument selon lequel M.. Durie doit être reconnu non coupable de cette infraction, bien que vous ayez, comme je l'ai déjà dit, soulevé une question juridique intéressante en l'espèce.


[5]                J'ai accepté que la norme de preuve qu'il convient d'appliquer à cette décision est celle de la décision manifestement déraisonnable vu que j'ai conclu qu'une erreur susceptible de contrôle a été commise, peu importe la norme de contrôle que j'applique. Le fardeau de preuve incombe au défendeur (le procureur de la poursuite) dans les auditions en matière disciplinaire. Il incombe au demandeur (l'accusé) lorsque le défendeur a établi que l'infraction a été commise et le demandeur invoque une excuse légitime. La présidente a commis une erreur lorsqu'elle a exigé une preuve médicale et/ou de la documentation. Le demandeur avait le droit de produire de la preuve au sujet d'une excuse légitime, et la présidente aurait dû apprécier cette preuve et déterminer s'il s'agissait bel et bien d'une excuse légitime. Le demandeur n'est pas tenu de produire de la preuve médicale ou d'autre preuve documentaire, mais dans plusieurs cas, il a intérêt à le faire. La loi n'exige pas un type de preuve particulier.

[6]                Il n'est pas nécessaire que je tranche la question de savoir si cette erreur est suffisante pour que j'annule la décision de la présidente indépendante vu que celle-ci a commis une erreur encore plus flagrante. Voici ce que prévoit le paragraphe 43(3) de la Loi :


(3) La personne chargée de l'audition ne peut prononcer la culpabilité que si elle est convaincue hors de tout doute raisonnable, sur la foi de la preuve présentée, que le détenu a bien commis l'infraction reprochée. [Non souligné dans l'original]

(3) The person conducting the hearing shall not find the inmate guilty unless satisfied beyond a reasonable doubt, based on the evidence presented at the hearing, that the inmate committed the disciplinary offence in question. [Emphasis added]


[7]                La présidente a convenablement répondu à la question lorsqu'elle a dit :

[TRADUCTION] ... en ce qui concerne le droit criminel, ... s'il s'agissait d'une affaire criminelle, vous avez certainement soulevé un doute raisonnable;


Il s'agit de la norme de preuve qu'il convient d'appliquer, et nous savons ce qu'elle pensait des faits en appliquant la bonne norme. Il n'est pas nécessaire de renvoyer la présente affaire pour qu'on l'entende de nouveau, compte tenu de ces circonstances inhabituelles. Elle a poursuivi en disant que [TRADUCTION] « dans des auditions en matière disciplinaire, l'accusé doit remplir une norme plus exigeante » ; en d'autres termes, il incombe un fardeau de preuve moins lourd au défendeur. Quoi qu'il en soit, elle avait déjà tranché la question au regard de la norme qu'il convenait d'appliquer. Une conclusion ultérieure que le demandeur est coupable constituait une grave injustice, et il s'agit de l'un des rares cas où l'exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire en matière de discipline carcérale est justifié.

[8]                La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la présidente indépendante est annulée et la Cour y substitue une conclusion de non culpabilité.

                                                                             « W.P. McKeown »

                                                                                               J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 5 février 2001.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                         T-322-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :         JAY DURIE c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU             CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :             OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :            LE 1ER FÉVRIER 2001

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN

EN DATE DU :                             5 FÉVRIER 2001

ONT COMPARU :

M. Michael MandelcornPOUR LE DEMANDEUR

M. Michael RoachPOUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Michael MandelcornPOUR LE DEMANDEUR

Kingston (Ontario)

M. Morris RosenbergPOUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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