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Date : 20020614

Dossier : T-1337-99

Référence neutre : 2002 CFPI 667

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                  NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC. et

NOVARTIS AG

                                                                                                                                            demanderesses

                                                                              - et -

                                                                     APOTEX INC. et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON


[1]                 Les demanderesses, Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. et al. (Novartis), visent à obtenir, par voie de requête, une ordonnance leur permettant de présenter leur preuve dans la présente instance ainsi qu'une ordonnance imposant un calendrier régissant la poursuite de l'instance. Pour plus de commodité et de clarification, l'historique des procédures sera résumé brièvement.

[2]                 L'avis de demande, une procédure de prohibition, auquel je référerai comme étant le « cyclo 8 » , est basé sur le huitième avis d'allégation d'Apotex, daté du 10 juin 1999, prétendant l'absence de contrefaçon de certaines revendications du brevet canadien 1,332,150 (le brevet 150) relatives à la cyclosporine, en tant que médicament. Novartis a commencé la présente instance en interdiction le 23 juillet 1999.

[3]                 Une autre demande d'interdiction de la part de Novartis, « cyclo 7 » , est basée sur le septième avis d'allégation d'Apotex, daté du 28 mai 1999, prétendant l'invalidité de certaines revendications relativement au brevet 150.

[4]                 Le 3 mars 2000, un avis d'examen de l'état de l'instance a été délivré en rapport avec la demande de cyclo 8, les demanderesses n'ayant rien déposé depuis l'avis de demande. Les parties ont négocié une entente concernant la conduite de l'instance. Le 3 mai 2000, le juge McKeown a délivré une ordonnance comme suit :

[TRADUCTION]

IL EST ORDONNÉ QUE la présente demande soit rejetée en raison du délai, à moins que les demanderesses et la défenderesse, Apotex Inc., déposent et fassent signifier un avis de requête afin de mettre en application les questions énoncées dans la page 2 de la lettre de Gowling, Strathy & Henderson datée du 13 avril 2000, adressé à la Cour fédérale d'ici le 31 mai 2000.


Conformément à ladite ordonnance, par un avis de requête daté du 31 mai 2000, Novartis a demandé une ordonnance suspendant l'instance de cyclo 8 pendant le règlement de l'instance de cyclo 7, de même qu'une ordonnance prolongeant la période de 24 mois [tel que le prévoit l'alinéa 7(1)e) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) DORS/93-133 dans sa forme modifiée, DORS/98-166] pour une période équivalant à la durée de la suspension. Apotex a consenti à la réparation demandée.

[5]                 Le 7 juin 2000, par une ordonnance de Madame le protonotaire Aronovitch, il a été ordonné que :

[TRADUCTION]

Le dossier T-1337-99 [cyclo 8] soit suspendu pendant le règlement du dossier T-1266-99 [cyclo 7] et

Que la période de 24 mois soit prolongée pour une période égale à la durée de la suspension ordonnée au paragraphe 1.


[6]                 La demande du cyclo 7 a été rejetée par la Section de première instance de la Cour fédérale le 18 octobre 2001. Novartis a interjeté appel de la décision. Le 22 octobre 2001, Apotex a demandé par requête une ordonnance rejetant l'instance de cyclo 8 ou, dans l'alternative, une ordonnance exigeant que Novartis dépose un avis de désistement. Dans une ordonnance du juge Kelen datée du 1er novembre 2001, la requête a été rejetée avec dépens. Il n'y a pas eu d'appel de la décision, mais le 30 novembre 2001, Apotex a déposé une autre requête demandant que la suspension de l'instance du cyclo 8 soit annulée et que l'instance soit rejetée au motif qu'elle était frivole, vexatoire ou qu'elle constituait un abus de procédure. Le 20 mars 2002, Madame le protonotaire Aronovitch a annulé la suspension, avec le consentement de Novartis, mais elle a rejeté, pour le reste, la requête avec dépens. Il y a eu appel de la décision de Madame le protonotaire Aronovitch.

[7]                 Le 19 avril 2002, Novartis a déposé la présente requête. La défenderesse Apotex s'est vigoureusement objectée à ce que la réparation demandée soit accordée. Les observations d'Apotex peuvent être réunies et résumées en faisant référence aux trois paragraphes de ses observations écrites. Ils sont ainsi rédigés :

[TRADUCTION]

Presque trois ans après son commencement, Novartis vise maintenant à obtenir une ordonnance lui permettant de présenter sa preuve dans la présente instance. De plus, Novartis dépose la présente requête plus de six mois après que Monsieur le juge Blais ait rejeté l'instance dans le dossier no T-1266-99 [cyclo 7], cinq mois et demi après l'ordonnance du juge Kelen et plus de quatre mois après que Novartis ait consenti à lever la suspension de la présente instance.

Remarquablement, Novartis dépose la présente requête sans n'avoir jamais offert d'explication pour son défaut de rencontrer les délais imposés par les Règles de la Cour fédérale. Nous vous soumettons respectueusement que la Cour ne peut pas accorder la réparation demandée, à moins que Novartis ne satisfasse au critère pour une prolongation en vertu des Règles de la Cour fédérale et qu'elle soit en mesure de convaincre la Cour qu'elle devrait maintenant, environ 15 mois après l'expiration du délai imparti (excluant la période de suspension), avoir le droit de déposer sa preuve.

Puisque Novartis n'a produit aucun élément de preuve que ce soit relativement à la présente requête afin de satisfaire au critère avant qu'une prolongation ne puisse être accordée en vertu des Règles de la Cour fédérale, nous vous soumettons respectueusement que la requête de Novartis doit être rejetée.

[8]                 Si Apotex a raison, elle aura réussi avec la présente requête ce qu'elle n'a pas réussi avec les requêtes précédentes visant à obtenir le rejet de l'instance de Novartis.

  

[9]                 Malgré les observations bien construites d'Apotex, dont de nombreuses étant axées sur des questions tranchées antérieurement par les ordonnances du juge Kelen et du protonotaire Aronovitch, je suis d'accord, pour les motifs qui suivent, avec la position et la procédure des demanderesses.

[10]            Les observations d'Apotex omettent de reconnaître l'importance et les conséquences de l'examen de l'état de l'instance et de l'ordonnance suspendant l'instance.

[11]            La règle 380, alinéa (1)b) et paragraphe (2), des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 prévoit que lorsqu'il s'est écoulé 180 jours depuis la délivrance d'un avis de demande et qu'une demande d'audience n'a pas été déposée, un examen de l'état de l'instance sera effectué sur la base des observations écrites. Il est implicite dans la règle 380 que les délais prescrits par les règles n'ont pas été respectés. Autrement, il ne serait pas nécessaire de faire un examen de l'état de l'instance. Une ordonnance, rendue suivant un examen de l'état de l'instance, dispose pour l'avenir et, une fois que l'ordonnance est délivrée, les délais prescrits par les règles ne s'appliquent plus. Et cela est le cas, peu importe la nature de l'ordonnance. Vues dans ce contexte, les observations d'Apotex dans lesquelles elle demande de revenir et d'appliquer les délais prescrits, avant l'examen de l'état de l'instance, ne peuvent être maintenues.

[12]            En ce qui a trait à la suspension, la signification d'une « suspension d'instance » a été discutée par le juge en chef Dickson dans l'arrêt R. c. Jewitt, [1985] 2 R.C.S. 128, à la page 137 :


Une suspension d'instance est un arrêt des procédures judiciaires ordonné par un tribunal. Selon la définition qu'en donne le Black's Law Dictionary (5e éd. 1979), il s'agit d'une sorte d'ordonnance par laquelle un tribunal fige ses procédures en un point donné, en arrêtant complètement la poursuite de l'action ou en suspendant l'une ou l'autre de ses phases. Une suspension peut vouloir dire que les procédures sont suspendues en attendant que l'une des parties accomplisse un acte qu'elle doit accomplir comme, par exemple, lorsqu'un non-résident a reçu l'ordre de fournir caution pour les dépens. Dans certaines circonstances toutefois, une suspension peut signifier l'arrêt total ou la suspension permanente de l'instance.

[13]            Une fois que la suspension d'instance est ordonnée, les parties sont empêchées de prendre toute autre mesure dans l'affaire en cause. Cela demeure ainsi à moins et jusqu'à ce que la suspension soit annulée. Dès l'annulation de la suspension, par effet de la loi, l'instance est rétablie au point ou à l'étape où elle se trouvait au moment où la suspension a été ordonnée à l'origine.


[14]            En l'espèce, Apotex a demandé que la suspension soit annulée et Novartis y a consenti. Puisque l'ordonnance suite à un examen de l'état de l'instance dispose pour l'avenir rendant ainsi les délais prescrits inapplicables, dès l'annulation de la suspension, les demanderesses auraient dû demander les directives de la Cour concernant la poursuite de l'instance. Cependant, en même temps que la requête et le consentement pour l'annulation de la suspension dans la présente cause, la défenderesse, Apotex, a présenté une requête afin que la demande soit rejetée. Apotex n'a pas eu gain de cause. L'effet combiné de l'examen de l'état de l'instance, de l'ordonnance de suspension et de l'ordonnance rejetant la requête en rejet d'Apotex, fait en sorte qu'il ne soit pas nécessaire pour Novartis de demander une prolongation de délai pour déposer les affidavits des demanderesses. Toutefois, vu ma conclusion antérieure en rapport avec la procédure à suivre, Novartis n'aurait pas dû aller de l'avant avec le dépôt des affidavits sans d'abord demander des directives à la Cour.

[15]            La requête de Novartis était opportune et je conclus que la requête demandant la permission de déposer les affidavits et demandant des directives pour un calendrier régissant la poursuite de la présente instance est appropriée et correcte. Je souligne que cette conclusion est reliée aux faits et qu'elle est confinée aux circonstances très uniques et inhabituelles de l'espèce.

[16]            L'avocat de Novartis a informé la Cour que les affidavits des demanderesses étaient prêts à être déposés. Il n'est donc pas nécessaire d'accorder deux semaines pour le dépôt comme les demanderesses l'avaient demandé à l'origine.

  

                                                                     ORDONNANCE

PAR CONSÉQUENT, LA COUR ORDONNE QUE :

1) les demanderesses doivent signifier et déposer leur preuve dans la présente instance dans les trois (3) jours de la date de la présente ordonnance;

2) les défendeurs doivent signifier et déposer leur preuve dans la présente instance dans les trente (30) jours de la signification de la preuve des demanderesses;


3) les contre-interrogatoires doivent être complétés dans les soixante (60) jours de la signification de la preuve des défendeurs;

4) le dossier des demanderesses doit être signifié et déposé dans les trente (30) jours après la fin des contre-interrogatoires;

5) le dossier des défendeurs doit être signifié et déposé dans les trente (30) jours de la signification du dossier des demanderesses.

Les dépens suivront l'issue de la cause.

                                                                                                                 « Carolyn A. Layden-Stevenson »   

                                                                                                                                                                 Juge                         

   

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-1337-99

INTITULÉ :                                       

NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC. ET AL.

- et -

APOTEX INC. ET AL.

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 4 JUIN 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                      LE 14 JUIN 2002

COMPARUTIONS :

RICHARD G. DEARDEN                                                            POUR LES DEMANDERESSES

JENNIFER WILKIE

ANDREW BRODKIN                                                                 POUR LES DÉFENDEURS

NATHALIE BUTTERFIELD                                                        APOTEX INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING LAFLEUR HENDERSON, s.r.l.                           POUR LES DEMANDERESSES

OTTAWA (ONTARIO)

  

GOODMANS, s.r.l.                                                                       POUR LES DÉFENDEURS

TORONTO (ONTARIO)                                                             APOTEX INC.

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