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Date : 20050506

Dossiers : T-1692-04

T-1693-04

Référence : 2005 CF 639

ENTRE :

AASHISH M. KARIA

demandeur

                                                                                                                                                           

                                                                             et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

ET ENTRE :

M. KARIA LTD.

demanderesse

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT STRAYER

INTRODUCTION


[1]                Ces deux demandes, présentées par un particulier et sa société à cent pour cent, sont fondées sur les mêmes faits et ont été entendues ensemble. Les demandeurs sollicitent un contrôle judiciaire en vue de faire annuler une décision dont fait état une lettre en date du 19 août 2004 de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) pour le compte du ministre défendeur, par laquelle l'ADRC confirmait que les demandeurs n'étaient pas admissibles au programme des divulgations volontaires (le PDV). Cette lettre confirmait simplement la décision déjà transmise aux demandeurs dans une lettre en date du 18 février 2004.


[2]                Le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), autorise le ministre à renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs en application de la Loi, où à l'annuler en tout ou en partie. L'article 281.1 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, renferme une disposition similaire en ce qui concerne la renonciation aux pénalités et intérêts à l'égard de la taxe sur les produits et services. Ce pouvoir discrétionnaire est en partie exercé au moyen d'un programme de divulgations volontaires qui a été décrit, au moment en question, dans la circulaire d'information 00-1R du mois de septembre 2002. Il est énoncé que le but du programme est de promouvoir l'observation volontaire de la déclaration et du paiement des taxes et « encourage les clients à prendre l'initiative de corriger toute anomalie afin de respecter leurs obligations légales » . La circulaire d'information en question concerne les clients qui ont délibérément omis de faire une déclaration et un paiement. (Il y a d'autres programmes à l'intention des clients qui ont par inadvertance omis de faire une déclaration ou qui n'ont pas été capables d'observer la loi à cause de circonstances indépendantes de leur volonté.) L'incitation, lorsqu'il s'agit de divulguer volontairement des omissions passées dans le cadre de ce programme est que, si une pleine divulgation est faite à la satisfaction de l'ADRC, le ministre peut exercer son pouvoir discrétionnaire en vue de renoncer à tout ou partie des pénalités qui pourraient par ailleurs être imposées.

[3]                Les conditions d'une divulgation valide sont énoncées au paragraphe 6 de la circulaire d'information, dont l'alinéa a) est rédigé comme suit :

La divulgation doit être volontaire. Le client doit prendre l'initiative de faire la divulgation volontaire. Une divulgation pourrait ne pas être admissible à titre de divulgation volontaire en vertu de la politique susmentionnée si l'on constate que le client a fait la divulgation parce qu'il était au courant d'une vérification, d'une enquête ou d'une autre mesure d'exécution de l'ADRC ou d'autres autorités ou administrations pour lesquelles des ententes d'échanges d'informations avec l'ADRC existent.

L'alinéa b) exige que la divulgation soit complète. L'alinéa c) exige que la divulgation comprenne au moins une pénalité aux fins de l'admissibilité à ce programme et l'alinéa d) exige que la divulgation contienne des renseignements dont la production est en retard d'au moins un an ou qui ne doivent pas être communiqués simplement pour se soustraire aux pénalités pour production tardive ou aux pénalités relatives aux acomptes provisionnels. C'est l'alinéa a) qui est ici le plus pertinent. Il est reconnu que la circulaire d'information est mise à la disposition du public et que les demandeurs et leurs représentants ont effectué leurs divulgations compte tenu des renseignements fournis dans cette circulaire.

LES FAITS


[4]                Le 17 septembre 2003, la police régionale de Peel a exécuté des mandats de perquisition dans la résidence et dans les locaux commerciaux des demandeurs dans le cadre d'une enquête sur une fraude. Le même jour, la Division des enquêtes de l'ADRC a demandé les déclarations de revenu de ces demandeurs pour examen. Le 18 septembre 2003, la police régionale de Peel a renvoyé certaines informations obtenues lors de la perquisition à la Division des enquêtes de l'ADRC. Le 14 octobre 2003, l'avocat des demandeurs a eu une conversation téléphonique avec un agent de l'ADRC au sujet du PDV et, à la suite de cette conversation, il a écrit à l'ADRC le 17 octobre 2003 sans donner de nom. Il a fait savoir que, selon les renseignements qu'il avait obtenus, ses clients avaient reçu des paiements par carte de crédit et qu'ils avaient déposé les sommes en cause dans des comptes bancaires sans les déclarer comme revenu. L'avocat a fait remarquer qu'il était possible que certaines de ces sommes aient été reçues au titre de la taxe sur les produits et services qui n'avait pas été versée. Il a également fait savoir qu'il croyait comprendre que son client individuel avait gagné un revenu en intérêts à l'égard de fonds déposés à l'étranger, lequel n'avait pas été déclaré. L'avocat a fait savoir que son client individuel, qu'il n'identifiait pas, avait été accusé par un service de police, qui n'était pas identifié, d'avoir commis [TRADUCTION] « une fraude mineure » et qu'un agent d'enquête avait mentionné à son client que la police pourrait bien aviser l'ADRC qu'il avait omis de déclarer un revenu. L'agent de police n'avait pas précisé si un tel avis allait de fait être donné ou à quel moment il le serait, et au mieux de la connaissance du client et de l'avocat, l'avis n'avait pas encore été donné. L'avocat a déclaré que, parce que la police conservait les dossiers de son client, ils n'étaient pas en mesure de déterminer le montant du revenu non déclaré. L'avocat a conclu sa lettre comme suit :

[TRADUCTION] Compte tenu de notre conversation téléphonique, je crois comprendre que, dans les circonstances susmentionnées, l'ADRC considérera comme volontaire la divulgation faite par nos clients dans le cadre du programme des divulgations volontaires. Veuillez confirmer la chose en apposant ci-dessous votre signature et en retournant à mon attention une copie de cette lettre.


L'ADRC n'a pas confirmé la [TRADUCTION] « chose » en signant la lettre. Toutefois, le 21 octobre, elle a envoyé à l'avocat des demandeurs une lettre dans laquelle figurait le paragraphe suivant :

[TRADUCTION] Compte tenu des circonstances dont vous nous avez fait part, nous considérons que la divulgation serait valide telle qu'elle est présentée. Toutefois, notre décision a été prise en fonction des faits qui nous ont été présentés et elle pourrait être modifiée si, au cours du traitement de la divulgation complète elle-même, de nouveaux renseignements étaient découverts. Par conséquent, il est impossible de confirmer que la divulgation volontaire sera reconnue comme valide tant que les noms de vos clients ne seront pas donnés et que tous les faits n'auront pas été vérifiés. À cet égard, au moment de la divulgation complète, les informations fournies, pour être valides, devraient satisfaire aux quatre conditions ci-après énoncées : [...].

On citait ensuite les quatre conditions énoncées dans la circulaire d'information, aux alinéas 6a), b), c) et d), dont il a ci-dessus été fait mention. Par conséquent, l'avocat des demandeurs a envoyé à l'ADRC, le 19 janvier 2004, une lettre dans laquelle il révélait les noms du client individuel et de sa société, ainsi que l'adresse du client individuel et son numéro d'assurance sociale et d'autres informations concernant la société aux fins de l'identification. C'étaient les seuls nouveaux renseignements qui étaient divulgués, mais l'auteur de la lettre faisait remarquer ce qui suit : [TRADUCTION] « Nous sommes en train de préparer les renseignements nécessaires aux fins de la divulgation volontaire et nous vous les enverrons en temps et lieu » . L'ADRC a répondu en envoyant une lettre au contribuable individuel le 18 février 2004 pour l'informer de [TRADUCTION] « la décision concernant la demande de renonciation aux pénalités dans le cadre du programme des divulgations volontaires [...] » . L'auteur de la lettre ajoutait ce qui suit :

[TRADUCTION] Les faits de l'affaire ont été minutieusement examinés et c'est avec regret que je dois vous informer qu'il ne peut être fait droit à votre demande. Pour être admissible au PDV, quatre conditions doivent être remplies. Malheureusement, la divulgation n'a pas été considérée comme volontaire parce qu'elle a été faite compte tenu de la connaissance de mesures d'exécution en cours.


[5]                Le contribuable individuel, par l'entremise de son avocat, a demandé l'examen administratif de cette décision. L'ADRC l'a informé, dans une lettre datée du 19 août 2004, qu'un examen avait eu lieu et que la décision ne serait pas modifiée. En sollicitant le contrôle judiciaire de la décision du 19 août 2004, les demandeurs cherchent en fait à faire examiner la décision qui leur a été transmise le 18 février 2004, laquelle était simplement confirmée dans la dernière lettre.

[6]                Il importe de noter que, dans la lettre du 18 février 2004, la raison invoquée à l'appui de la conclusion d'inadmissibilité des demandeurs au PDV était que [TRADUCTION] « la divulgation n'a pas été considérée comme volontaire parce qu'elle a été faite compte tenu de la connaissance de mesures d'exécution en cours » . L'ADRC prend la position selon laquelle elle s'est fondée sur l'alinéa 6a) de la circulaire d'information, à savoir qu'une divulgation n'est pas volontaire si elle est faite par un contribuable parce qu'il était au courant d'une vérification, d'une enquête et ainsi de suite, déjà entamée par l'ADRC ou par d'autres autorités « pour lesquelles des ententes d'échanges d'informations avec l'ADRC existent » . Lorsqu'il a initialement communiqué avec l'ADRC, l'avocat des demandeurs a soulevé la question de savoir si, parce que l'agent de police avait dit que des informations seraient peut-être transmises à l'ADRC, la divulgation serait encore considérée comme volontaire. Dans ses notes, l'agent de l'ADRC qui a parlé à l'avocat déclare avoir

[TRADUCTION] [...] expliqué qu'il semble que le client n'était pas au courant de la prise d'une mesure d'observation de la part de l'ADRC, mais qu'il faudrait donner des détails par écrit avant qu'une décision puisse formellement être prise.


Rien dans le dossier n'indique que les demandeurs aient su que la police régionale de Peel constituait une autorité « pour [laquelle] des ententes d'échanges d'informations avec l'ADRC existent » comme l'exige l'alinéa 6a) de la circulaire d'information. En outre, il n'existe aucune preuve documentaire de l'existence d'une entente de ce genre. Des discussions internes au sein de l'ADRC, telles qu'elles sont décrites dans les dossiers du ministère, indiquent que certains agents croyaient qu'il existait une telle entente. Toutefois, lorsque l'avocat des demandeurs, en se préparant pour l'audition de la présente affaire, a demandé passablement avec raison au ministère de la Justice qui représentait le défendeur de lui remettre une copie de l'entente, il a reçu une lettre en date du 29 novembre 2004, qui disait notamment ce qui suit :

[TRADUCTION] J'ai été informé qu'il n'y a pas d'entente écrite. Il s'agit d'une simple relation informelle entre le bureau de l'ADRC, à Toronto-Ouest, la Division des enquêtes et le Bureau des fraudes de la police régionale de Peel.

Ces renseignements n'ont pas été fournis [TRADUCTION] « sous toute réserve » et je considère qu'il s'agit d'un aveu fait de façon régulière par l'avocat.

ANALYSE

[7]                Il est reconnu que la circulaire d'information et les lignes directrices concernant le PDV ne constituent pas de la législation par délégation et n'ont pas force de loi en tant que telles.


[8]                Toutefois, les demandeurs font valoir que les dispositions de la circulaire d'information, et en particulier le paragraphe 6, créent des droits procéduraux et des contraintes qui empêchent le ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire comme il l'a fait dans les lettres du 18 février et du 19 août 2004. Ils affirment que le défendeur a agi sans avoir la compétence voulue parce qu'il avait déjà été décidé, dans la lettre du 21 octobre 2003, que la divulgation serait considérée comme volontaire ou qu'il existait une attente légitime de la part des demandeurs qu'une divulgation ne serait pas considérée comme involontaire à cause de l'engagement qui avait été pris dans la lettre du 21 octobre; ou que le défendeur ne peut pas nier que la divulgation est volontaire puisqu'il a amené les demandeurs à croire, dans la lettre du 21 octobre 2003, que la divulgation serait considérée comme volontaire ou que la décision du défendeur en date du 18 février 2004, telle qu'elle avait été confirmée par la lettre du 19 août 2004, était manifestement déraisonnable.



[9]                Je crois que la question peut être tranchée sur la base des deux derniers arguments, considérés ensemble. En premier lieu, je crois que les conditions qui s'appliquent à l'irrecevabilité fondée sur une promesse existent ici. Selon ces conditions, il doit exister une promesse selon laquelle l'auteur de la promesse se comportera d'une certaine façon dans certaines circonstances. Il faut que celui à qui cette promesse est faite se fonde, à son détriment, sur cette promesse. Cela étant, l'auteur de la promesse ne sera pas autorisé à exercer son pouvoir discrétionnaire d'une façon incompatible avec la promesse, s'il est par ailleurs légalement autorisé à remplir cette promesse. Voir, par exemple, Aurchem Exploration Ltd. c. La Reine (1992), 91 D.L.R. (4th) 710 (C.F. 1re inst.); W & R Plumbing and Heating Ltd. c. La Reine, [1986] 2 C.F. 195 (C.F. 1re inst.). Dans ce cas-ci, la promesse existe sous la forme de la circulaire d'information qui dit, en fait, à l'alinéa 6a), qu'une divulgation sera considérée comme volontaire si le client prend l'initiative de la faire, mais qu'elle est toutefois considérée comme involontaire si, en prenant cette initiative, le client est au courant d'une vérification, d'une enquête et ainsi de suite de l'ADRC ou d' « autres autorités ou administrations pour lesquelles des ententes d'échanges d'informations avec l'ADRC existent » . Après que l'avocat des demandeurs eut expressément informé l'ADRC que ses clients avaient été assujettis à une perquisition de la part d'un service de police non identifié et qu'un agent de police avait dit que son service transmettrait peut-être des informations à l'ADRC, l'ADRC a envoyé la lettre du 21 octobre 2003 à l'avocat, en disant ce qui suit : [TRADUCTION] « Compte tenu des circonstances dont vous nous avez fait part, nous considérons que la divulgation serait valide telle qu'elle est présentée » . Bien sûr, on faisait la mise en garde habituelle, à savoir que la chose serait confirmée à la suite d'une divulgation complète lorsque [TRADUCTION] « tous les faits [auraient] été vérifiés » . Cette lettre, si elle est lue avec la circulaire d'information, constituait une invitation à procéder à la divulgation compte tenu des faits qui avaient jusqu'alors été divulgués, et les demandeurs pouvaient à bon droit supposer qu'à moins qu'il n'y ait certains faits non divulgués qui soient pertinents, lorsqu'il s'agissait de savoir s'ils étaient au courant d'une enquête déjà en cours, toute divulgation additionnelle serait considérée comme volontaire. Les demandeurs agissaient à leur détriment. Dans la lettre de leur avocat en date du 19 janvier 2004, ils révélaient leur identité. Le simple fait de faire connaître leur identité ne peut pas en soi avoir causé un préjudice aux demandeurs, mais si l'on y ajoute les informations que leur avocat avait déjà fournies sans donner de noms dans la lettre du 17 octobre 2003, les demandeurs avaient divulgué à l'ADRC qu'ils avaient reçu des sommes non divulguées qu'ils devaient au titre de l'impôt sur le revenu et de la TPS. En outre, le client individuel, au moyen de ces lettres combinées, avait divulgué qu'il avait gagné des intérêts sur un revenu tiré de fonds déposés à l'étranger.

[10]            Je suis donc d'avis que le défendeur ne pouvait pas trancher cette affaire sur une base autre que celle qui est mentionnée à l'alinéa 6a) de la circulaire d'information. Les demandeurs avaient le droit de se fonder sur le fait que telle serait la façon dont leur divulgation serait considérée. En décidant si le défendeur s'est conformé au libellé de la circulaire d'information, je crois que la norme de contrôle qui s'applique est celle de la décision raisonnable simpliciter. Il faut notamment interpréter le libellé de la circulaire d'information qui, à mon avis, est le texte pertinent, et l'appliquer aux faits ici en cause. Je crois que la Cour a autant d'expertise que les agents de l'ADRC lorsqu'il s'agit d'interpréter ce texte. L'affaire est donc analogue à une question mixte de fait et de droit et je crois que la norme à appliquer est celle de la décision raisonnable. Toutefois, je tiens à ajouter que si je commets une erreur sur ce point et s'il faut faire preuve d'une plus grande retenue, je considérerais néanmoins la décision du défendeur comme manifestement déraisonnable.



[11]            Il est clair selon moi que le défendeur ne s'est jamais demandé si, en faisant leur divulgation, les demandeurs étaient au courant d'une vérification ou d'une enquête effectuée par des autorités ou administrations pour lesquelles des ententes d'échanges d'informations avec l'ADRC existaient, comme l'exige l'alinéa 6a) de la circulaire d'information. Il ressort clairement d'un document interne de l'ADRC que celle-ci a reconnu que les demandeurs n'étaient pas au courant de l'enquête qu'elle avait entamée au mois de septembre 2003 (voir le dossier des demandeurs, volume 1, page 69). Les documents internes de l'ADRC qui montrent quelles informations l'ADRC avait à sa disposition lorsqu'elle a décidé que la divulgation était involontaire indiquent que les agents ont mis l'accent sur la question de savoir si la police régionale de Peel avait conclu une entente d'échanges d'informations avec l'ADRC, mais non si les demandeurs étaient au courant de la chose. L'ADRC n'a connu l'identité du service de police en question qu'après que les demandeurs eurent fait leurs divulgations, lorsque leur avocat a fourni leurs noms le 19 janvier 2004, ce qui a permis à l'ADRC de constater qu'elle était déjà en train d'enquêter sur les demandeurs et que le service de la police régionale de Peel, qui lui avait déjà fourni des informations au mois de septembre 2003, était le service en cause (voir le dossier des demandeurs, volume 1, page 70). Une fois que les agents de l'ADRC ont appris, ou croyaient avoir appris, qu'il existait une « entente » avec la police régionale de Peel, la chose a apparemment été considérée comme déterminante. Cependant, rien n'indique, et l'ADRC ne se préoccupait clairement pas de la question, que ces demandeurs aient su que le service de la police régionale de Peel avait conclu une entente avec l'ADRC. L'avocat du défendeur a semblé soutenir qu'il suffisait que les demandeurs aient dû être au courant de l'existence de pareille entente ou aient dû découvrir qu'une telle entente existait : en d'autres termes, la connaissance dont il est question à l'alinéa 6a) comprend la connaissance par interprétation. Or, je ne puis interpréter ainsi le libellé de la circulaire d'information. Si l'ADRC veut administrer un programme sur cette base, elle devrait modifier la circulaire d'information en conséquence. Toutefois, si elle le fait, elle devrait également prévoir des moyens anonymes en vue de permettre aux contribuables de savoir avec quels organismes ou avec quelles autorités elle a conclu de telles ententes, peut-être au moyen d'un site Web ou d'un avis dans la Gazette du Canada.


[12]            Cela règle l'affaire, mais je tiens également à ajouter qu'il m'est fort difficile de reconnaître que l'ADRC avait à sa disposition des informations appropriées au sujet de l'existence d'une « entente d'échanges d'informations » qu'elle aurait conclue avec le service de la police régionale de Peel. Selon le rapport interne qui a été rédigé par l'agent des appels concerné, une telle entente avait été conclue, mais lorsque l'on a demandé une copie de l'entente à l'avocat, celui-ci a fait savoir qu'il n'existait pas [TRADUCTION] d' « entente écrite » , mais qu'il s'agissait simplement d'une [TRADUCTION] « relation informelle » . Or, une [TRADUCTION] « relation informelle » ne satisfait pas à l'exigence voulant qu'il y ait « une entente d'échanges d'informations » qui est énoncée dans la circulaire d'information, et à mon sens cela ne satisfait pas non plus aux exigences fondamentales de transparence visant à permettre au contribuable de savoir à l'avance si un organisme quelconque qui enquête sur ses affaires a conclu une entente avec l'ADRC. Entre autres choses, nous ne savons absolument pas à quel moment ces « dispositions » ont pris effet ou si les informations dont il est ici question étaient visées par la portée de cette entente. Fait surprenant, lorsqu'elle a appris, le 17 octobre, au moyen de la divulgation faite sans donner de nom, qu'un service de police non identifié avait procédé à une perquisition et qu'elle a été mise au courant de la conversation entre un agent de police et le contribuable au cours de laquelle on a donné à entendre que la police transmettrait peut-être des informations à l'ADRC, l'ADRC, dans la lettre qu'elle a envoyée à l'avocat le 21 octobre, n'a pas fait mention du problème qui pourrait se poser si l'on constatait que le service de police non identifié avait conclu une entente avec elle. L'ADRC a plutôt fait savoir que [TRADUCTION] « compte tenu des circonstances dont [le demandeur] av[ait] fait part, [il était] considér[é] que la divulgation serait valide telle qu'elle [était] présentée » , sous réserve, bien sûr, [TRADUCTION] « de nouveaux renseignements » qui pourraient être découverts et qui pourraient entraîner une modification de cette décision. En n'avertissant pas les demandeurs de ce problème, dont l'ARDC était en mesure de connaître les paramètres à ce moment-là, et en prenant par la suite la position selon laquelle, une fois que l'existence d'une telle « entente » aurait été constatée, la divulgation serait considérée comme involontaire sans qu'il soit nécessaire de prouver que le contribuable connaissait l'existence de cette entente, l'ADRC a donné aux demandeurs un faux sentiment de sécurité.


[13]            Par conséquent, j'annulerai la décision du 19 août 2004 (confirmant la décision du 18 février 2004) au motif qu'elle est déraisonnable, et je renverrai l'affaire au défendeur en lui donnant la directive suivante, à savoir que les divulgations des demandeurs doivent être considérées comme volontaires et qu'elles doivent être évaluées sur cette base dans le cadre du programme des divulgations volontaires.

        « Barry L. Strayer »         

Juge suppléant                

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :

T-1692-04 et T-1693-04

INTITULÉ:

AASHISH M. KARIA c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 14 AVRIL 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

LE JUGE SUPPLÉANT STRAYER

DATE DES MOTIFS :

LE 6 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Clifford L. Rand

Susan Thomson

POUR LES DEMANDEURS

James Leising

Aleksandra Zemdegs

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stikeman Elliott LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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