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Date : 20011219

Dossier : T-992-92

Référence neutre : 2001 CFPI 1404

ENTRE :

                       ALMECON INDUSTRIES LIMITED

                                                                       demanderesse

                                  - et -

                   ANCHORTEK LTD., EXPLOSIVES LIMITED,

                        ACE EXPLOSIVES ETI LTD.

                       ET WESTERN EXPLOSIVES LTD.

                                                                      défenderesses

                                         

                          MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION


[1]                 Les présents motifs font suite à l'instruction d'actions réunies dans lesquelles la demanderesse sollicite : premièrement une déclaration de validité et de contrefaçon du brevet canadien n ° 1,220,134 (le brevet d'Almecon); deuxièmement, une déclaration du droit à des dommages-intérêts pour contrefaçon ou, à titre subsidiaire au choix de la demanderesse, à la restitution des bénéfices des défenderesses; troisièmement, un renvoi pour décider de l'étendue de la contrefaçon et du montant des dommages-intérêts ou des bénéfices; et, enfin, les intérêts avant jugement et après jugement sur ces dommages-intérêts ou bénéfices ainsi que les dépens. Au cours de l'instance, l'avocat de la demanderesse a abandonné la demande d'injonction permanente formée contre les défenderesses visant à les empêcher de contrefaire le brevet d'Almecon et de fabriquer, utiliser, distribuer, vendre, offrir en vente l' « Energy Plug » au Canada ou d'inciter un tiers à le faire[1]. J'ai présumé qu'en abandonnant la demande d'injonction, la demanderesse a également abandonné la demande de remise ou de destruction contenue dans la déclaration modifiée à deux reprises datée dans sa version finale du 27 janvier 1999. Une demande de dommages-intérêts exemplaires, formulée dans la déclaration modifiée à deux reprises, bien qu'elle n'ait pas été expressément abandonnée, n'a pas été poursuivie dans les plaidoiries.


[2]                 Anchortek Ltd. (Anchortek), dans la version finale de sa défense et demande reconventionnelle, et Explosives Limited, Ace Explosives ETI Ltd. et Western Explosives Ltd., dans la version finale de leur défense, demandent le rejet de l'action de la demanderesse avec dépens. En outre Anchortek, en qualité de demanderesse reconventionnelle, demande à la Cour de statuer que chacune des revendications du brevet d'Almecon est et a toujours été invalide, nulle et non avenue, de statuer que la demanderesse a fait des déclarations trompeuses aux clients d'Anchortek en contravention de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce[2] et de lui accorder des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des déclarations trompeuses alléguées, les intérêts avant jugement et après jugement sur ces dommages-intérêts et les dépens sur sa demande reconventionnelle[3].

[3]                 Par ordonnance sur consentement prononcée au cours de l'instruction, la question du montant des dommages-intérêts auquel Anchortek pourrait avoir droit au titre de sa demande reconventionnelle a été laissée en vue d'un renvoi[4].

[4]                 À la fin de l'instruction, les deux avocats ont souhaité que la décision sur la question des dépens soit reportée jusqu'à ce qu'ils aient pu prendre connaissance du jugement sur le fond et des motifs. C'est ce que prévoira le jugement.

L'EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

[5]                 À l'ouverture de l'instruction, un exposé conjoint des faits raisonnablement complet a été déposé[5]. Voici sa teneur :


[traduction] Les Parties

  

1.              La demanderesse est un fabricant de cartouches de prospection sismique établi à Edmonton (Alberta). Depuis septembre 1984, la demanderesse fabrique et vend des cartouches de prospection sismique, notamment de la marque King Plug. La demanderesse fabrique et vend également des cartouches de marque Prince et Queen.

  

2.              La défenderesse Anchortek est également un fabricant de cartouches de prospection sismique, établi à Calgary (Alberta). Elle fabrique et vend, depuis 1992, des cartouches de prospection sismique. Les trois codéfenderesses ont acheté des cartouches de prospection sismique d'Anchortek et les ont revendues à leurs clients respectifs.

  

3.              Les parties à l'action sont toutes constituées selon les lois de la province de l'Alberta, sauf la défenderesse Ace Explosives ETI Ltd., constituée selon les lois de l'Ontario. Chacune des parties a un bureau et un établissement en Alberta.

  

Cartouches de prospection sismique

  

4.              On effectue des travaux d'exploration sismique afin de localiser des gisements de pétrole et de gaz naturel. Pour ce faire, on fore des trous selon un plan, dans une région particulière, puis on fait détoner une charge explosive dans chaque trou. Des appareils installés sur le sol à proximité enregistrent les ondes de choc émises par les explosions. Les données ainsi recueillies facilitent la localisation du pétrole ou du gaz naturel.

  

5.              Il est courant d'insérer une cartouche de prospection sismique dans des trous de prospection sismique avant la détonation et de les recouvrir de terre ou de tout autre type de matériaux de remblayage. Les cartouches sont conçues pour demeurer dans les trous et les obturer après la détonation des explosifs.

  

Le brevet d'Almecon

  

6.              La demanderesse allègue la contrefaçon de son brevet revendiquant un type de cartouche de prospection sismique.

  

7.              Le brevet canadien n ° 1,220,134 (le brevet d'Almecon) a été demandé le 25 janvier 1985 et délivré le 7 avril 1987 à Almecon Industries Limited (Almecon). Le brevet d'Almecon revendique une « cartouche d'obturation et de bourrage utilisable dans un trou de prospection sismique » . L'invention alléguée remonte au moins à août 1984. Le brevet (à moins qu'il ne soit jugé invalide) expire le 6 avril 2004. Le brevet d'Almecon nomme Jim Jackson et Paavo Luoma comme co-inventeurs.


8.              Anchortek est un « intéressé » à l'égard du brevet d'Almecon au sens de l'article 60 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, modifiée.

  

9.              La King Plug d'Almecon est une réalisation du brevet d'Almecon (et la conception initiale était, de façon générale, celle qui est indiquée aux figures 1 à 4 du brevet d'Almecon). La King Plug d'Almecon a été introduite sur le marché au cours de l'hiver de 1984-1985.

  

10.           En juillet 1985, on a modifié le King Plug par rapport à sa conception initiale (de façon générale selon ce qui est représenté dans le brevet d'Almecon), afin de doter les griffes arrière de pointes aiguisées disposées en angle, et les griffes avant de pointes disposées à l'horizontale.

  

L'Energy Plug

11.            La demanderesse allègue que l'Energy Plug contrefait les revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon.

  

12.            L'Energy Plug est insérée dans la partie supérieure des trous de prospection sismique (qui mesurent généralement 3,5 po de diamètre environ). L'Energy Plug est introduite dans un trou, après insertion de la charge explosive près du fond du trou et avant sa détonation. La cartouche doit demeurer dans le trou avant et après la détonation. On remplit le trou de boue ou de terre avant de faire détoner la charge explosive.

  

13.            La conception de l'Energy Plug a été modifiée dans les 6 premiers mois suivant son introduction sur le marché. Les deux modèles sont illustrés dans les pièces D-9 et D-10 relatives à l'interrogatoire préalable des défenderesses.

  

Fabrication et vente de l'Energy Plug

14.            Anchortek a fabriqué et vendu l'Energy Plug de 1992 à 1996, au Canada.

  

15.            Anchortek a vendu des cartouches Energy Plug aux trois codéfenderesses et à Austin Powder Co. Ltd. (collectivement, les distributeurs). Ces quatre sociétés distribuent des explosifs et des produits connexes, pour le secteur de la prospection sismique en Alberta.

  

16.            Les distributeurs ont chacun acheté des cartouches Energy Plug à Anchortek et les ont revendues à leurs clients en Alberta au cours de la période comprise approximativement entre janvier 1992 et mars 1996.

  

17.            La demanderesse a poursuivi Austin Powder Ltd. dans le dossier du greffe n ° T-609-96 et cette action a fait l'objet d'un règlement.


18.            Anchortek est au courant du brevet d'Almecon et des allégations de contrefaçon à l'encontre de son Energy Plug depuis au moins le 21 février 1992.

  

Contentieux antérieur au sujet du brevet d'Almecon

19.            Le brevet d'Almecon a fait l'objet d'un procès entre la demanderesse et Nutron Manufacturing Ltd. dans le dossier du greffe n ° T-762-88, qui a donné lieu à la décision prononcée par la Section de première instance de la Cour fédérale le 26 février 1996, confirmée par la Cour d'appel fédérale le 6 février 1997. Ces jugements ont interprété les revendications 1 et 5 du brevet et ont défini la personne versée dans l'art auquel se rapporte le brevet.      

  

Ventes d'Anchortek depuis 1996

20.            Depuis approximativement mars 1996, Anchortek a fabriqué des cartouches de prospection sismique qui ne sont pas arguées de contrefaçon du brevet d'Almecon. Elle les a vendues aux trois autres codéfenderesses et à Austin Powder Ltd.

  

L'action intentée contre Austin Powder

21.            La demanderesse a intenté une poursuite contre Austin Powder Ltd. (dossier n ° T-609-96 de la Cour fédérale) pour contrefaçon du brevet d'Almecon du fait de la vente par elle des cartouches Energy Plug. Cette action a fait l'objet d'un règlement signé en août 1999.

  

22.            L'entente de règlement intervenue entre Almecon et Austin Powder Ltd. contenait une disposition portant qu'Austin Powder Ltd. achèterait 70 % de ses cartouches à Almecon. Le consentement d'Austin Powder à cette disposition a été obtenu sur le seul fondement de l'allégation d'Almecon que l'Energy Plug contrefait le brevet d'Almecon.

  

23.            La demanderesse, avant la signature de l'entente de règlement avec Austin Powder, était au courant que celle-ci achetait des cartouches de prospection sismique du type indiqué au paragraphe 20 à la défenderesse Anchortek.

  

24.            Depuis la date de signature de l'entente de règlement, Austin Powder a commencé à acheter des cartouches de prospection sismique à la demanderesse conformément à l'entente de règlement.

   

[6]             Le paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets, auquel renvoie le paragraphe 8 de l'exposé

conjoints des faits, était ainsi conçu à l'époque :



60. (1) Un brevet ou une revendication se rapportant à un brevet peut être déclaré invalide ou nul par la Cour fédérale, à la diligence du procureur général du Canada ou à la diligence d'un intéressé.

60. (1) A patent or any claim in a patent may be declared invalid or void by the Federal Court at the instance of the Attorney General of Canada or at the instance of any interested person.


[7]                 Les figures 1 à 4 du brevet d'Almecon, auxquelles renvoie le paragraphe 9

de l'exposé conjoint des faits, sont reproduites à l'annexe 1 des présents motifs.

[8]                 La version modifiée de la King Plug, à laquelle renvoie le paragraphe 10 de l'exposé conjoint des faits, est reproduite à l'annexe 2 des présents motifs.

[9]                 Les deux modèles de l'Energy Plug auxquels renvoie le paragraphe 13 de l'exposé conjoint des faits sont reproduits aux annexes 3 à 4 des présents motifs.


[10]         La présente action a été intentée, au départ, seulement contre Anchortek. Des actions distinctes ont été intentées contre chacune des codéfenderesses en 1996[6]. Je conclus donc que chacune des codéfenderesses était au courant du brevet d'Almecon et des allégations de contrefaçon de ce brevet par l'Energy Plug d'Anchortek depuis au moins le moment où les déclarations dans les actions intentées par la demanderesse ont été signifiées à chacune des codéfenderesses.

[11]            Les décisions antérieures de la Cour relatives à la contrefaçon du brevet d'Almecon, auxquelles renvoie le paragraphe 19 de l'exposé conjoint des faits, ont été publiées, dans le cas de la décision de la Section de première instance, à (1996), 65 C.P.R. (3d) 499 et, dans le cas de l'arrêt de la Cour d'appel, à (1997), 209 N.R. 387. L'autorisation d'appel auprès de la Cour suprême du Canada a été refusée[7].

[12]         Enfin, en ce qui touche l'exposé conjoint des faits, l'entente de règlement intervenue entre Almecon et Austin Powder Ltd.[8], à laquelle renvoie le paragraphe 22, contient notamment les dispositions suivantes :

4. Austin convient d'acheter des cartouches de bourrage et d'obturation à Almecon selon les modalités énumérées ci-dessous :

...

(7) Le présent engagement d'acheter des cartouches de bourrage et d'obturation à Almecon prend fin à la première des deux dates suivantes :

a)         le 7 avril 2004,

b)              dans le cas où la Cour fédérale du Canada jugerait que le brevet d'Almecon est invalide ou n'a pas été contrefait par l'Energy Plug d'Anchortek dans l'action en Cour fédérale n ° T-992-92, le présent engagement prend fin à la date d'expiration de tout délai d'appel de dernière instance dans cette action.


...

À part ce qui précède, et j'y reviendrai plus loin, aucune allégation de contrefaçon n'apparaît à la lecture de l'entente de règlement.

LE BREVET EN LITIGE

[13]            Sous la rubrique [traduction] « Historique de l'invention » , on trouve ce qui suit dans le brevet d'Almecon[9] :

[traduction] Lorsque l'on effectue des travaux d'exploration sismique, on procède normalement au forage des trous dans les formations géologiques présentant de l'intérêt et on charge ces trous d'explosifs. Ensuite, on fait détoner les explosifs et on enregistre les mesures appropriées afin d'évaluer la formation ciblée.

  

L'exécution de forages sismiques soulève un certain nombre de problèmes, dont l'un se pose lors de la détonation des explosifs. En effet, lorsqu'un trou n'est pas obturé de façon appropriée, une grande partie de l'énergie de l'explosion s'échappe du trou vers le haut, plutôt qu'à travers la formation ciblée.

  

Il y a donc toujours une demande en matière de cartouches de prospection sismique de construction simple et à bon marché, qui sont suffisamment solides pour demeurer en place pendant de longues périodes et pour résister à une explosion. Jusqu'à maintenant, divers modèles de cartouches ont été proposés et employés, mais ceux-ci ne respectent pas de manière satisfaisante tous les critères susmentionnés.

  

De plus, on doit insérer des cartouches dans les trous de prospection sismique afin de soutenir le béton, la terre ou tout autre type de matériaux de remblayage. Par conséquent, un modèle de cartouche simple pouvant résister à une explosion, en plus de demeurer en place, susciterait beaucoup d'intérêt et pourrait servir de cartouche d'obturation au besoin.

  

La cartouche visée par la présente invention est destinée à résoudre ces problèmes.

   

[14]            La fonction décrite aux deuxième et troisième paragraphe de l'extrait qui précède est généralement désignée comme la fonction de « bourrage » , bien que le terme « bourrage » ne soit pas employé dans les paragraphes cités. Le terme est employé dans tout le reste de la divulgation du brevet d'Almecon et dans les revendications.

[15]            L'invention revendiquée est résumée dans les termes suivants dans la divulgation du brevet d'Almecon :

[traduction] Il existe présentement un modèle de cartouche en plastique mouléléger, économique et monobloc, qui peut servir de façon très efficace comme cartouche de bourrage et d'obturation, afin d'empêcher l'énergie de l'explosion de s'échapper des trous de prospection.

L'invention permet donc de fabriquer une cartouche de bourrage et d'obturation à utiliser dans les trous de prospection sismique, comprenant un corps constitué d'une partie avant et d'une partie arrière, la partie avant étant fermée à son extrémité, et de nombreuses pièces allongées s'étendant vers l'extérieur et vers l'arrière à partir d'au moins une des extrémités du corps, ces pièces étant disposées de manière à assurer la stabilité axiale de la cartouche lorsqu'elle est insérée dans un trou de prospection.

Le type de cartouche idéal est cylindrique et muni de pièces allongées qui s'étendent depuis ses extrémités avant et arrière.

Il existe d'ailleurs un moyen d'accroître la quantité de données recueillies lors de travaux d'exploration sismique. Il s'agit d'insérer dans un trou de prospection sismique, dans lequel une charge explosive a déjà été placée, et au-dessus de ladite charge, une cartouche de bourrage comprenant un corps constitué d'une partie avant et d'une partie arrière, la partie avant étant fermée à son extrémité, et de nombreuses pièces allongées s'étendant vers l'extérieur et vers l'arrière à partir d'au moins une des extrémités du corps, lesdites pièces étant disposées de manière à assurer la stabilité axiale de ladite cartouche lorsqu'elle est insérée dans un trou de prospection, puis de faire détoner la charge et d'enregistrer les données sismiques.

[16]            Sous le titre [traduction] « Description détaillée des réalisations privilégiées » , on trouve ce qui suit dans le mémoire descriptif du brevet d'Almecon.


[traduction] Le corps (12) de la cartouche (10) est cylindrique. La cartouche est de préférence fabriquée avec des matériaux résilients, tels qu'un élastomère ou un plastique. Sur l'illustration, l'extrémité avant (14) du corps (12) de la cartouche a la forme d'un cône tronqué (16), comme l'illustre la description.

La partie de la cartouche en forme de cône tronqué (16) peut cependant avoir d'autres formes. Par exemple, elle pourrait également être hémisphérique, pyramidale ou aplatie. Fondamentalement, il est seulement nécessaire que l'extrémité avant (14) de la cartouche soit essentiellement fermée.

Toutefois, dans la réalisation privilégiée, l'extrémité avant de la cartouche possède la forme de cône tronqué (16), comme dans l'illustration.

Une série de pièces allongées ou de griffes (18 et 20) s'étendent vers l'extérieur et vers l'arrière depuis les extrémités avant (14) et arrière (22) du corps (12) de la cartouche. Ces pièces font partie intégrante du corps (12) de la cartouche.

Bien que les pièces individuelles (18 et 20) puissent présenter diverses configurations acceptables, il est préférable que la largeur et l'épaisseur diminuent progressivement depuis la base (24) jusqu'à l'extrémité des dites pièces (26). Ainsi qu'il est illustré, les pièces avant (18) sont moulées de manière à ce qu'elles soient lisses et effilées (28), alors que les pièces arrière (20) sont un peu plus épaisses (30) et sont biseautées à 30 degrés à leur extrémité (32).

Idéalement, les griffes avant (18) et arrière (20) sont disposées de manière symétrique autour du corps (12) de la cartouche. La cartouche (10) possède ainsi une meilleure stabilité directionnelle, ce qui l'empêche d'être désalignée lorsqu'on l'insère dans un trou de prospection ou lorsqu'on fait détoner la charge explosive. La configuration privilégiée comprend deux griffes avant (18) et quatre griffes arrière (20).

La partie arrière (38) du corps (12) de la cartouche comporte sur une partie importante de sa surface deux collerettes (34 et 36) qui laissent des espaces vides (40 et 42) derrière les griffes avant (18). Lorsque l'on utilise la cartouche, les collerettes (34 et 36) collent étroitement aux parois du trou de prospection afin de réduire la quantité d'énergie qui peut s'échapper le long des parois de la cartouche. Il est préférable que les collerettes fassent partie intégrante des griffes arrière (20), car elles permettent àces dernières (20) de beaucoup mieux résister à la force de l'explosion.

Les chiffres donnés entre parenthèses dans la citation qui précède renvoient aux dessins ou illustrations du brevet, reproduits dans les figures 1 à 4 à l'annexe 1 des présents motifs.

[17]            La divulgation continue en décrivant le mode d'emploi de la cartouche. Pour aider le lecteur à comprendre la description du mode d'emploi, la figure 9 du brevet d'Almecon est reproduite à l'annexe 5 des présents motifs :

[traduction] Voici comment il faut utiliser la cartouche : après forage d'un trou (43) et mise en place de la charge explosive, il faut y insérer la cartouche visée par la présente invention, pour ensuite faire détoner la charge explosive. La cartouche, sous la force de l'explosion, se déforme et remonte légèrement dans le trou. Les griffes (18 et 20) s'enfoncent alors dans les parois du trou, ce qui confine l'énergie de l'explosion. On peut comparer la position de la cartouche avant et après la détonation des explosifs en consultant les FIGURES 5 et 9.

La force supplémentaire qui s'exerce sur la surface plate (44) de la partie conique tronquée (16) de la cartouche permet aux griffes de mieux s'enfoncer dans les parois. C'est pourquoi il est préférable que la partie conique de la cartouche soit tronquée et relativement plate.

La plus grande partie de la force de l'explosion est confinée au trou de prospection et aux formations environnantes.

Après la détonation, on laisse généralement la cartouche (10) dans le trou, pour ensuite la recouvrir d'un matériau de remblayage, tel que du béton. Lorsque la cartouche est poussée vers le haut, elle arrache une importante quantité de matériaux des parois (52) du trou (FIGURE 9); ces matériaux servent de matériaux de couverture.

[18]            Les revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon, faisant l'objet de la contrefaçon alléguée, sont ainsi rédigées :

[traduction]

1.      Une cartouche de bourrage et d'obturation utilisable dans un trou de prospection sismique et comprenant :

  

un corps comportant une extrémité avant et une extrémité arrière, et se terminant à son extrémité avant par un nez plus ou moins plat;

  

plusieurs membres allongés en projection vers l'extérieur et vers l'arrière, à partir d'au moins une extrémité dudit corps, lesdits membres étant disposés de manière à conférer à ladite cartouche une stabilité axiale lorsqu'elle est insérée dans un trou de prospection.

  

...


5.      La cartouche visée dans la revendication 1 et dont ledit nez a la forme d'un cône tronqué.

   

LES QUESTIONS EN LITIGE

[19]            À l'ouverture de l'instruction, les avocats ont présenté un exposé conjoint des questions en litige dans la présente action. Du fait des décisions antérieures des deux Sections de la Cour au sujet du brevet d'Almecon, les questions concernant l'invalidité sont nettement plus étroites que ne l'avaient prévu au départ les actes de procédure. L'exposé conjoint des questions en litige, selon un ordre différent de celui selon lequel il a été présenté à la Cour, a la teneur suivante :

[traduction]

1).      Validité

a)      Revendications plus larges

S'il est jugé que les revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon comprennent l'Energy Plug, sont-elles invalides du fait qu'elles sont plus larges que l'invention réalisée ou divulguée dans la mesure où cette dernière ne comprenait pas une cartouche comportant une extrémité avant du type qu'on trouve dans l'Energy Plug?

b)     Inutilité/meilleure manière de réaliser l'invention

Le fait que le brevet d'Almecon ne comporte pas de divulgation d'une cartouche comportant des pointes disposées à l'horizontale sur les membres allongés en projection vers l'extérieur et vers l'arrière rend-il le brevet invalide pour cause d'inutilité ou pour non-divulgation de la meilleure manière de réaliser l'invention? L'extrémité avant de la réalisation présentée dans les figures 6 à 8 du brevet d'Almecon est-elle trop superficielle pour assurer la stabilité axiale voulue, ce qui rendrait le brevet invalide pour cause d'inutilité?

2).      Contrefaçon

Si l'on suppose que le brevet est valide, deux questions se posent.


a)      « un nez plus ou moins plat »

L'Energy Plug contrefait-elle les revendications 1 ou 5 du brevet d'Almecon compte tenu de l'interprétation donnée par le juge Wetston de la formulation « un nez plus ou moins plat » dans sa décision Almecon Industries Ltd. c. Nutron Manufacturing Ltd.?

b)      L'Energy Plug est-elle une « cartouche de bourrage » ?

L'Energy Plug fonctionne-t-elle de manière différente des cartouches du type décrit et revendiqué dans le brevet?

3).     Demande reconventionnelle -Déclarations fausses et trompeuses

La défenderesse Anchortek allègue que la déclaration faite par la demanderesse que l'Energy Plug contrefait le brevet d'Almecon est fausse et trompeuse. Il est allégué qu'une telle déclaration faite à un client d'Anchortek tombe sous le coup de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce et de l'article 52 de la Loi sur la concurrence.

.

La déclaration est-elle fausse et trompeuse? La déclaration a-t-elle étéfaite?

Si la déclaration est fausse et trompeuse, l'entente de règlement intervenue entre Almecon et Austin Powder en 1999 dans une action correspondante en contrefaçon de brevet devant la Cour fédérale tombe-t-elle sous le coup de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce ou de l'article 52 de la Loi sur la concurrence?

En outre,

i.      si une déclaration faite dans l'entente de règlement répète une allégation de l'acte introductif d'instance, peut-elle tomber sous le coup de l'alinéa 7a) et/ou de l'article 52? Y a-t-il une fin de non-recevoir qui empêche Almecon d'adopter la position que sa responsabilité ne peut être engagée en vertu de l'une ou l'autre de ces dispositions?

ii.     si la déclaration a été faite, tendait-elle à discréditer l'entreprise ou les marchandises d'Anchortek?

iii.    si la déclaration a été faite, a-t-elle causé un préjudice à Anchortek?

[20]            Ainsi qu'il a été indiqué auparavant, la demande reconventionnelle ayant trait à la Loi sur la concurrence n'est pas poursuivie. Ainsi qu'il a été noté auparavant aussi, en vertu d'ordonnances sur consentement de la Cour, la question de l'étendue des dommages-intérêts ou des bénéfices si la Cour conclut à la contrefaçon ou celle des dommages-intérêts si la demande reconventionnelle à raison des déclarations fausses ou trompeuses est accueillie, est déférée à un renvoi .

ANALYSE

            1)         Les personnes du métier et l'interprétation des revendications

                         a)         Les jugements prononcés dans l'affaire Almecon Industries Ltd. c. Nutron Manufacturing Ltd.

[21]            Le juge Wetston, qui était alors mon collègue, est arrivé à la conclusion suivante au sujet des personnes du métier dont relève le brevet d'Almecon et à travers les yeux desquelles il faut interpréter le brevet d'Almecon, à la page 424 de ses motifs[10] :

... Après avoir examiné tous les éléments de preuve et les observations des avocats, je conclus que la personne versée dans l'art dont relève l'invention d'Almecon est un technicien expérimenté d'une équipe de prospection sismique.

[22]            Le juge Wetston est ensuite passé à l'interprétation des revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon, soit les revendications en cause dans la présente affaire, à travers les yeux d'un technicien expérimenté d'une équipe de prospection sismique. À l'égard de la revendication 1, il a écrit aux pages 425 et 426 :

L'extrémité avant de la cartouche d'Almecon se termine par un [TRADUCTION] « nez plus ou moins plat » . À mon avis, cela signifie que l'extrémité avant du corps de la cartouche est essentiellement fermée, sa surface se trouvant dans un plan normal à l'axe longitudinal du corps, de manière à intercepter l'onde de pression produite par la détonation de la charge. Si le nez plat n'était pas essentiellement fermé, la force du tir serait incapable de déplacer la cartouche légèrement vers le haut dans le trou de manière que ses membres allongés s'enfoncent dans les parois du trou, comme il est stipulé dans le brevet d'Almecon.

[23]            Au sujet de la revendication 5, le juge Wetston a écrit aux pages 427 et 428 :

[...] Comme il en a été question ci-haut, la cartouche d'Almecon se termine par un nez plat. J'en déduis que l'extrémité avant de la cartouche se termine par une surface plane. Comme la cartouche se termine à l'extrémité avant à la fois par un nez plat et par un cône tronqué, j'en conclus que la revendication 5 signifie que la pointe de l'extrémité conique a été remplacée par une surface plane qui est essentiellement ou complètement fermée.

Le brevet d'Almecon indique aussi que l'extrémité avant de la cartouche peut avoir différents profils autres que celui d'un cône tronqué, par exemple un profil hémisphérique ou pyramidal. Les revendications s'appuient donc sur une variation de la forme de l'extrémité fermée.

[24]            La décision du juge Wetston a été confirmée par la Cour d'appel fédérale[11]. Le juge Strayer, au nom de la Cour d'appel fédérale, a écrit au paragraphe [6] de ses motifs :


Selon nous, le juge de première instance a interprété les revendications avec ouverture d'esprit. En se fondant sur les revendications nos 1 à 5, il a pu déduire que le dispositif décrit, qui sert à la fois au bourrage et à l'obturation, devait remplir la totalité ou la plus grande partie du trou. Cette fonction doit être accomplie par le corps de la cartouche puisque ses membres allongés ne pourraient constituer une surface de blocage continue. Nous ne pouvons affirmer que le juge de première instance a commis une erreur de droit lorsqu'il s'est appuyé sur les divulgations pour obtenir de plus amples précisions sur la question de savoir si le corps et les membres allongés du dispositif pouvaient contribuer à la stabilité axiale; il a ainsi veillé à ce que sa lecture de la revendication soit équitable... Il y avait un risque d'ambiguïté - du moins en ce qui concerne les expressions [TRADUCTION] « les membres » et « stabilité axiale » employées dans la revendication n ° 1 - qui pouvait être dissipé à l'aide des divulgations. Celles-ci ont révélé comment fonctionnait la cartouche, à savoir que les membres allongés, appelés [TRADUCTION] « griffes » , sont enfoncés dans les parois du trou au moment de l'explosion de la charge. Cette information, combinée à la preuve d'expert faisant état de ce qu'un homme de métier pourrait en déduire, constituait un fondement suffisant pour permettre au juge de première instance de conclure que des griffes relativement rigides sont nécessaires et que la cartouche fonctionne à son mieux lorsque le corps est presque aussi grand que le diamètre du trou. C'est pourquoi il a pu interpréter les revendications comme il l'a fait.                                                                                                        [renvoi omis]

[25]            Le juge Wetston a jugé que le brevet d'Almecon n'avait été antériorisé par aucun des brevets faisant partie de l'état de la technique ou des produits de l'industrie. En outre, il a conclu que le brevet d'Almecon n'était pas rendu évident par les brevets ou les produits de l'industrie faisant partie de l'état de la technique qui existaient en 1984. Il a jugé que les revendications 1 et 5 ne sont pas plus larges que l'invention divulguée. Le juge Wetston a tiré les conclusions suivantes, aux pages 445 et 446, à l'égard des motifs d'invalidité qu'on lui avait fait valoir :

C'est à la défenderesse qu'incombe le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet est invalide. Je ne suis pas convaincu que la défenderesse se soit acquittée de cette charge. Le brevet d'Almecon enseigne une progression inventive qui représente une avancée sur la technique antérieure en matière de cartouches de bourrage et d'obturation. _À mon avis, le brevet est valide.


b) Les personnes du métier

[26]            J'adopte la conclusion du juge Wetston concernant les personnes du métier dont relève le brevet, citée au paragraphe [21].

  

                         c)          L'interprétation des revendications


[27]            Il convient de noter que, dans l'extrait de la décision Almecon Industries Ltd c. Nutron Manufacturing Ltd. cité aux paragraphes [22] et [23], le juge Wetston adopte la terminologie de la revendication 1 du brevet d'Almecon, « ... un nez plus ou moins plat... » , alors que la formule « ... essentiellement fermée... » est empruntée à la divulgation, non aux revendications. De même, les autres profils de l'extrémité avant, dont parle le juge Wetston, sont tirés de la divulgation, les revendications 1 et 5 n'en faisant pas mention. Le juge Wetston note ensuite que ces autres profils comprennent le profil hémisphérique et le profil pyramidal. J'ai de la difficulté à concilier sa reconnaissance des autres profils, hémisphérique ou pyramidal, pour l'extrémité avant avec son interprétation des revendications selon laquelle l'extrémité avant du corps de la cartouche a une surface se trouvant dans un plan normal à l'axe longitudinal du corps. Ce point de son interprétation est compatible avec une extrémité avant qui est un cône tronqué, mais ne semble pas compatible avec un profil de l'extrémité avant qui serait hémisphérique ou pyramidal dans le cas où l'hémisphère ou la pyramide ne serait pas elle-même tronquée. La divulgation du brevet d'Almecon ne laisse pas entendre que l'un ou l'autre de ces profils devrait être tronqué.

[28]            Ainsi que l'a fait observer le juge Wetston, selon la revendication 1, l'extrémité avant de la cartouche de bourrage et d'obturation a « un nez plus ou moins plat » . Au moins certaines extrémités hémisphériques ou pyramidales peuvent être comprises dans la description « plus ou moins plat » , mais ainsi que je l'ai indiqué, on arrive difficilement à concevoir l'une ou l'autre comme comportant une surface « se trouvant dans un plan normal » par rapport à l'axe longitudinal du corps.

[29]            Dans la décision Alsop Process Co. of Canada c. J. P. Friesen & Son[12], le juge Cassels a écrit à la page 355 :

[traduction] Bien que les défenderesses dans la présente affaire ne soient pas strictement liées par les décisions que j'ai citées, sinon sur des questions de droit, il faudrait un argument solide pour me persuader d'adopter en ce qui concerne l'interprétation du mémoire descriptif une position différente de celle adoptée par la Chambre des lords et ces juges éminents.

   

[30]            J'en viens à la même conclusion au sujet de l'interprétation des revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon, entérinée par la Cour d'appel fédérale et, à tout le moins de façon implicite, par la Cour suprême du Canada lorsqu'elle a refusé l'autorisation d'appel. Donc, compte tenu de la réserve exprimée ci-dessus, j'adopte l'interprétation des revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon donnée par le juge Wetston. Cette réserve s'explique, j'en suis convaincu, par des différences dans la preuve présentée au juge Wetston et à moi-même, qui ont pu suffire à ne pas attirer l'attention du juge Wetston sur un point que je trouve particulièrement pertinent compte tenu des faits dont je suis saisi.

            2)          La validité du brevet d'Almecon

                         a)         La présomption de validité et la charge de la preuve

[31]            Dans la décision Almecon Industries Ltd. c. Nutron Manufacturing Ltd.[13], le juge Wetston a écrit à la page 428 :

__En vertu des articles 45 et 46 de la Loi sur les brevets, ... un brevet canadien délivré en bonne et due forme est réputé, jusqu'à preuve du contraire, valide pour une durée totale de sept [sic, dix-sept] ans à compter de la date à laquelle il est délivré. La partie qui attaque le brevet doit convaincre le tribunal, selon la prépondérance des probabilités, de l'invalidité du brevet :...

_Les parties conviennent que la Cour devrait déterminer si le brevet d'Almecon est invalide en se fondant sur les moyens de l'antériorité, de l'évidence, de la trop grande généralité des revendications 1 et 5 et de l'ambiguïté.                           [renvois omis]

[32]            Au soutien du premier alinéa de la citation qui précède, le juge Wetston a cité l'arrêt Unilever PLC c. Procter & Gamble Inc.[14]. L'arrêt de la Cour d'appel fédérale Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp.[15] énonce le même principe aux pages 357 à 359.


[33]            Les questions soulevées par les défenderesses dans la présente affaire au sujet de la validité du brevet n'ont pas été soulevées devant le juge Wetston.

b)      Revendications plus larges que l'invention faite ou divulguée

[34]            Les revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon portent sur une « cartouche de bourrage et d'obturation » . Les défenderesses font remarquer que l'Energy Plug d'Anchortek n'est tout simplement pas une cartouche « de bourrage » , mais une cartouche « d'évacuation » , c'est-à-dire que l'extrémité avant de l'Energy Plug n'est pas fermée ou « essentiellement fermée » ni destinée à défléchir l'énergie ou la force de l'explosion vers le fond du trou de prospection sismique et dans les formations environnantes ciblées lorsque l'énergie ou la force se heurte à l'extrémité avant de l'Energy Plug. Les défenderesses allèguent que l'Energy Plug laisse plutôt passer au moins une importante partie de cette énergie ou de cette force jusque dans le matériau de couverture qui recouvre la cartouche et permet ainsi « l'évacuation » des gaz d'explosion dans l'atmosphère sans éjection de débris. Selon les défenderesses, si les revendications 1 ou 5 du brevet d'Almecon sont interprétées de façon à inclure une cartouche de prospection sismique comme l'Energy Plug, soit une « cartouche d'évacuation » , alors ces revendications ne sont plus valides, car elles ont une portée plus large que l'invention faite par les inventeurs ou divulguée dans le brevet d'Almecon.

[35]            Dans la décision Noranda Mines Ltd. c. Minerals Separation North American Corp.[16], le président Thorson a fait à la page 146 les observations suivantes, reprises dans les motifs de la Cour suprême du Canada :

[traduction] Les revendications du brevet constituent les bornes du monopole de l'inventeur et servent à mettre en garde contre tout empiétement. Ces bornes doivent être bien en vue de façon à constituer une mise en garde efficace; la zone ainsi délimitée ne doit pas empiéter sur le terrain du voisin. Le texte d'une revendication doit, dans la mesure du possible, ne comporter aucune équivoque, aucun aspect obscur, et ne pas se prêter à des interprétations multiples; il doit être rédigé en termes clairs et précis, de façon que tout le monde connaisse non seulement les limites du domaine sur lequel il est interdit d'empiéter mais aussi celles du domaine où l'on peut s'aventurer sans crainte. Si une revendication ne respecte pas ces exigences, elle ne peut être valide.

...

L'inventeur peut restreindre à sa guise la portée de ses revendications dans les limites de son invention, mais il ne peut leur donner une portée plus grande que l'invention. Il ne peut revendiquer ce qu'il n'a pas inventé, car il placerait alors ses bornes sur un terrain qui ne lui appartient pas.

[36]            Dans la décision Leithiser c. Pengo Hydra-Pull of Canada, Ltd.[17], le juge Thurlow (tel était alors son titre), après avoir cité des extraits du témoignage donné en interrogatoire préalable par Leithiser, conclut à la page 123 :

Selon moi, il ressort, à la lumière de ce témoignage, que l'appelant [Leithiser] n'a jamais inventé de freineuse dotée d'un seul réa-frein avec plusieurs gorges et que, même si ce dispositif avait été réalisé, il n'aurait pu fonctionner et que, par ailleurs, l'appelant n'a jamais inventé ou conçu une machine dotée d'un seul réa-frein avec une gorge unique ou une gorge en forme de V. En outre, ce genre de machine n'est pas décrit dans le mémoire descriptif. Par conséquent, les revendications qui visent cette machine dotée d'un seul réa-frein sont, d'après moi, beaucoup plus larges que l'invention de l'appelant et que la description qui en est faite dans le mémoire descriptif; elles sont donc invalides pour ces deux motifs.


De fait, le juge Thurlow a adopté et appliqué les indications données dans Noranda Mines en définissant les conséquences d'une revendication ayant une portée plus large que l'invention faite ou divulguée.

[37]            La décision Reliance Electric Industrial Co. c. Northern Telecom Ltd.[18] de Madame le juge Reed va dans le même sens.

[38]            Dans des extraits de l'interrogatoire préalable de M. Luoma, l'un des inventeurs désignés dans le brevet d'Almecon et président de la demanderesse, qui faisaient partie de la preuve qu'on m'a présentée, se trouve l'échange suivant[19] :

[traduction]

Q.             M. Garland : Oui. Je renvoyais aux divers dessins que vous nous avez fournis, que nous avons revus aujourd'hui à l'égard des diverses réalisations de la cartouche d'Almecon ainsi que de la cartouche d'Almecon qui est présentée dans les dessins du brevet.

  

Et je vous ai demandé si, en fait, dans tous les cas, les cartouches présentées dans ces dessins comprenaient une extrémité avant qui était complètement fermée?

  

R.            Oui.

  

Q.            Et cette extrémité avant qui était complètement fermée changeait manifestement de profil; dans certains cas, c'était un cône tronqué qui était plus uni que dans d'autres cas; est-ce exact?

  

                 Si vous ne vous en souvenez pas, c'est égal.

  

R.            Pouvez-vous répéter cela?


Q.            Tout ce que je disais, c'est que vous avez indiqué que dans tous les dessins différents que nous avons regardés aujourd'hui au sujet de la cartouche d'Almecon, dans tous les cas, l'extrémité avant de la cartouche consistait en une surface complètement fermée.

  

                 Je disais seulement, en fait, cette surface complètement fermée pouvait avoir divers profils que nous avons vus aujourd'hui?

  

R.            Oui.

  

Q.            Oui. Et certaines surfaces étaient des cônes tronqués?

  

R.            Oui.

  

Q.            Certaines étaient, comme je les ai décrites, plus unies?

  

R.            Coniques.

  

Q.            Pardon ?

  

R.            Coniques.

  

Q.            Coniques, O.K. Et certaines étaient, comme je les ai décrites, des surfaces plus unies, courbes?

  

R.            Oui. Oui.

  

Q.            Peut-on dire alors que, lorsque vous avez conçu votre cartouche qui fait l'objet du brevet, vous n'avez jamais envisagé une version qui comprenait une extrémité avant comportant des ouvertures; est-ce vrai?

  

M. STRATTON : Ce n'est pas ce que dit le brevet.                               

                 M. GARLAND :                      Je ne vous demande pas ce que dit le brevet. Je vous demande -

                 M. STRATTON : Mais c'est pour discuter de cela que nous sommes ici.

  

       M. GARLAND : Non. Nous sommes ici pour discuter de plus que cela. Je demande au témoin, qui est l'un des inventeurs, à l'époque où il concevait ce dispositif - et nous avons regardé divers dessins présentant les diverses réalisations qu'il a conçues - et je lui dis en fait qu'il n'a jamais envisagé comme partie de sa conception -

R.     Au contraire.

Q.     Vous l'avez envisagée?


R.     Oui.

Q.     Mais nous n'avons aucun dessin présentant de telles réalisations?

R.     Je l'ai rejetée.

Q.     Vous l'avez rejetée.

R.     Oui.

Q.     Et pourquoi l'auriez-vous rejetée?

R.     La fonction privilégiée de la cartouche est de remplir une fonction de bouchage pour laquelle la très grande majorité des clients préfèrent une cartouche fermée.

Q.     Donc, d'après ce que je comprends, quand vous étiez au stade de la conception, vous avez envisagé une version comportant des ouvertures et, comme vous venez de dire, vous l'avez rejetée?

R.     J'ai mentionné que j'ai fait les calculs et que je savais que la cartouche ne pourrait pas résister aux forces. Alors j'ai envisagé toutes sortes de conceptions.

             Nous avons eu cette réunion de brainstorming. Jim Jackson a donné ses idées. J'ai proposé toutes les solutions. J'ai examiné comment maîtriser la pression de cette charge pour bloquer cette cartouche dans la formation et j'y ai pensé pendant environ deux semaines. J'ai rempli ma corbeille à papier plusieurs fois. Et j'ai trouvé la réalisation privilégiée qui, selon moi, donnerait le meilleur résultat.

Q.     Et c'est ce qui a conduit, en fin de compte, à la demande de brevet, n'est-ce pas?

R.     C'est exact.

Q.     Pour reprendre votre expression, cette version qui « donnerait le meilleur résultat » ne comprenait pas de réalisations comportant des ouvertures; vous les aviez rejetées, ces versions?

R.     Je n'ai pas eu l'idée de l'Energy Plug, non.

Q.     Je ne réfère pas à l'Energy Plug comme telle. Je parle seulement de réalisations comportant des ouvertures; voilà - vous les avez rejetées?

R.     C'est exact. Oui.

       M. STRATTON : C'est la meilleure façon d'y arriver.

R.     LE TÉMOIN :    C'est exact. La façon de régler mon problème, oui.


Q.     M. GARLAND : Peut-on dire qu'au stade de la conception de votre cartouche, quand vous faisiez toutes ces opérations mentales, comme vous avez dit, quand vous avez fait le calcul et que vous avez trouvé ce qui fait l'objet de votre invention, que vous n'avez jamais envisagé une extrémité avant d'une cartouche qui prendrait la forme d'une ouverture comme celle que nous avons ici dans l'Energy Plug, avec une portion conique en renfoncement?

R.     J'ai suivi différents chemins pour maîtriser cette pression de l'explosion de manière à obtenir une cartouche qui fonctionnerait. Et je ne me rappelle pas exactement quel genre d'appareil je visais. Mais je ne pouvais pas trouver d'idée de fonctionnement qui changerait quelque chose.

Q.     Mais, encore une fois, vous n'avez pas - bien, je vous demande : Est-ce que, en fait, l'une des réalisations que vous avez envisagées à ce moment-là était une réalisation ressemblant à l'Energy Plug?

       M. STRATTON : Je demande au témoin de ne pas répondre. Ce n'est pas pertinent.

(OBJECTION À UNE QUESTION)

       M. GARLAND : Je maintiens ma question.

Q.     Avez-vous envisagéune réalisation qui permettrait le passage d'une partie de l'énergie ou des matériaux qui remontent?

R.     Oui. J'ai appelécela l'évacuation.

Q.     Vous avez appelécela l'évacuation?

R.     J'ai considérécela, oui.

Q.     Je n'ai pas vu de dessins présentant cette réalisation?

R.     Eh bien, c'est qu'ils n'ont pas dépassé le stade du brainstorming et de la réflexion.

Q.     Pour quelle raison?

R.     Parce que l'industrie avait des trous ouverts en 1984 et c'était un gros problème sur le terrain, et personne ne voulait avoir affaire àdes dégagements de gaz ou àdes cartouches ouvertes. Les trous ouverts étaient interdits et c'était un gros problème. Une cartouche ouverte, pour moi, c'est la même chose qu'un trou ouvert.

...


R.     Ma déclaration au sujet du - rejet de la cartouche ouverte. Je voudrais juste expliquer que je n'ai pas - c'est une expression trop forte, parce que j'ai ajoutédes trous àmes cartouches. Je savais que la - que je voulais une cartouche qui soit essentiellement fermée. Donc, l'ouverture est comprise dans mon brevet, et je voulais maintenir cela. Et le rejet se rapportait plus à la réalisation privilégiée qui, à l'époque, apportait une solution àun problème d'éjection de débris. Et l'industrie y était très sensible et nous avons donc préféré une cartouche sans - et des cartouches sans ouvertures ayant la moindre importance - dans la direction qu'il y aurait des gaz qui s'échappent ou des problèmes reliés au problème existant.

       En ce qui concerne les ouvertures, je voulais particulièrement avoir une cartouche essentiellement, mais non nécessairement complètement fermée.

Q.     M. GARLAND : O.K. Mais vous conviendrez que dans tous les dessins de conception que vous nous avez fournis, et dans tous les dessins du brevet en litige, dans chacune des réalisations sans exception, la surface avant de ces cartouches est complètement fermée?

R.     C'est exact. Oui.

Q.     Et à l'époque où vous travailliez à la conception de la cartouche qui a fini par devenir l'objet du brevet, j'ai compris que vous avez dit que vous avez pu penser à l'origine à des cartouches qui pourraient avoir des évents ou des trous, mais vous avez abandonné cela pour des cartouches qui n'avaient pas de trous?

R.     Dans mon travail de développement, j'ai considéré tous les moyens qui m'étaient possibles pour maîtriser la pression de cette explosion en vue d'obtenir une cartouche de bourrage qui, pour moi, était une cartouche qui reste dans le trou au cours de la détonation ou de l'explosion.

       Et à ce moment-là, en ménageant des ouvertures et en réduisant les pressions, j'ai réalisé que je ne pouvais pas apporter d'amélioration significative à mon invention par ce moyen, que je devais m'occuper de ces questions mécaniques de l'ancrage et de l'invention des griffes qui ancrent la cartouche dans la formation par l'effet des forces de l'explosion, et que la terre transmettrait les forces. Je ne pouvais avoir recours à un moyen où je laissais s'échapper la pression.

Q.     Et si je vous comprends bien, lorsque vous avez commencé à faire votre déclaration vers la fin ici, les clients ne recherchaient pas des cartouches comportant des trous, est-ce exact?

       Et même j'ai eu l'impression qu'ils pourraient, en fait, avoir une réaction négative devant de telles cartouches?

R.     Les clients s'inquiétaient des éjections de débris, et ils recherchaient donc une cartouche qui préviendrait les éjections ou empêcherait la cartouche de basculer dans le trou. C'est le problème que nous - dont nous cherchions la solution.


Q.     Est-ce que j'avais raison de comprendre de ce que vous avez dit qu'en fait, les clients ou les clients éventuels pourraient, en fait, avoir une réaction négative devant une cartouche comportant des trous ou des évents?

R.     C'est une crainte qui était là à l'arrière-plan, que nous sommes dans -nous devons développer une cartouche. Et on m'a transmis cette information en provenance du terrain, avec des connaissances limitées à l'époque.                                                                                                                                        [non soulignédans l'original]

[39]            M. James Jackson, l'autre inventeur nommément désigné dans le brevet d'Almecon, a donné le témoignage suivant devant moi[20] :

Q.      Vous n'avez jamais envisagé une conception dans laquelle la cartouche aurait une extrémité avant comportant un trou ou un évent, n'est-ce pas, Monsieur?

R.      Oui.

Q.      O.K. En fait, vous n'avez jamais envisagé une conception qui visait àpermettre le passage d'une partie de la force de l'explosion par des ouvertures, des trous ou des évents dans la cartouche et à laisser remonter cette énergie ou cette force par le trou, n'est-ce pas?

R.      Exact.

  

[40]        Par contre, M. Luoma, dans son témoignage devant la Cour lors de l'instruction, a donnéle témoignage suivant[21] :

Q.      À l'époque, avant le dépôt de votre demande de brevet le 25 janvier 1985, étiez-vous d'avis qu'une cartouche comportant des trous fonctionnerait de la manière que vous avez décrite dans votre invention?


R.      Oui.

Q.      Et pour quelle raison?

R.      J'avais conçu plusieurs modèles comportant des trous...

....

R.      Oui. C'était en janvier 85, aussi la demande de brevet indiquait « essentiellement fermée » , et j'envisageais des trous pour autant qu'ils restent assez petits pour que la cartouche puisse soutenir le matériau de couverture.

...

R.      ... Ces modèles conçus contenaient des trous, qui ne posaient pas de problème dans la mesure où les trous étaient suffisamment petits pour que la cartouche puisse encore soutenir la matériau de couverture; et que, d'un autre côté, la surface restante de la cartouche soit assez grande pour intercepter l'explosion remontant le trou.

[41]         La divulgation du brevet envisage clairement la fonction de bourrage comme consistant non seulement à réduire l'incidence des éjections de débris, mais aussi à réduire la perte de l'énergie de l'explosion vers le haut dans le trou de prospection. Par contre, elle indique qu'il est [traduction] « ... nécessaire que l'extrémité avant ... soit essentiellement fermée[22] » . En outre, elle envisage la réduction de [traduction] « ... la perte de la force explosive[23] » et indique que [traduction] « la plus grande partie » de la force de l'explosion est confinée « ... au trou de prospection et aux formations environnantes[24] » .

[42]        L'avocat des défenderesses a fait valoir que la mention « essentiellement fermée » dans le mémoire descriptif du brevet d'Almecon était une [traduction] « expression isolée » qui ne constituait qu'un « commentaire favorable » sur le mémoire descriptif. Il m'a cité l'arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc.[25], dans lequel le juge Binnie, s'exprimant au nom de la Cour, cite avec approbation, àla page 1098, l'extrait suivant de l'arrêt Metalliflex Ltd. c. Rodi & Wienenberger Aktiengesellschaft[26] :

On doit naturellement interpréter les revendications en se reportant à l'ensemble du mémoire descriptif, qui peut donc être consultépour faciliter la compréhension et l'interprétation d'une revendication, mais on ne peut pas permettre que le breveté élargisse la portée de son monopole décrit expressément dans les revendications « en empruntant tel ou tel élément à d'autres parties du mémoire descriptif » .


[43]            Sur le fondement de tous les extraits versés au dossier et des témoignages que j'ai cités, au sujet des cartouches « d'évacuation » ayant une extrémité avant quelque peu ouverte, je suis convaincu que la formule [traduction] « essentiellement fermée » , qui figure dans le mémoire descriptif du brevet d'Almecon, ne constitue ni une expression isolée, ni un commentaire. Il s'agit même d'une expression sur laquelle s'est appuyé le juge Wetston dans son interprétation des revendications 1 et 5 du brevet dans la décision Almecon Industries Ltd. c. Nutron Manufacturing Ltd.[27]. Compte tenu de l'ensemble de la preuve dont je suis saisi, ainsi que de l'interprétation des revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon que j'ai adoptée, je conclus que ces revendications ne sont invalides ni parce qu'elles auraient une portée plus large que l'invention faite par les inventeurs nommés dans le brevet d'Almecon, ni parce qu'elles auraient une portée plus large que l'invention réellement divulguée dans le brevet.

            c)         L'inutilité/la meilleure manière de réaliser l'invention

                         i)          L'inutilité

[44]            À l'article 2 de la Loi sur les brevets, dans la version en vigueur à l'époque pertinente, le terme « invention » était défini comme toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l'un d'eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité.

[45]            Dans la décision de première instance dans l'affaire Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd.[28], le juge Collier, à la page 216 de ses motifs, a cité avec approbation l'extrait suivant du traité de Fox, Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4e éd. (1969) :


[traduction] Le véritable critère d'utilité d'une invention consiste à déterminer si une personne compétente peut l'utiliser aux fins prévues et si elle est en fait utile au moment de la délivrance du brevet aux fins indiquées par le breveté. « Si, quand on l'utilise conformément aux instructions données dans le mémoire descriptif, l'invention produit les résultats promis, elle est utile au sens où ce terme est employé dans les brevets. La question à se poser est celle de savoir si lorsqu'on fait ce que le mémoire descriptif dit de faire, on peut faire ou réaliser ce que le mémoire descriptif dit qu'on peut faire ou réaliser. » Comme lord Maugham l'a fait observer dans l'affaire Mullard Radio Valve Co. Ltd. c. Philco Radio & Television Corpn. of Great Britain Ltd. et al. : « Il s'agit de l'utilité aux fins indiquées par le breveté, que cette utilité soit commerciale ou non. Il est suffisant que cette invention, dans les mains d'une personne compétente, permette d'obtenir les résultats promis ou comme on le dit parfois, que « cela marche » . Le juge Simonds voit ceci de façon encore plus succincte. « Il doit y avoir une utilité réelle. La chose doit fonctionner. » Sous réserve de la qualification susmentionnée, cette invention doit être utile et aux fins précisées dans le mémoire descriptif et la revendication, dans des conditions normales de fonctionnement. Il n'est pas suffisant que cette invention soit utile sous une forme modifiée ou de concert avec une autre découverte ultérieure. Cette invention doit servir aux fins prévues; sinon, le brevet est nul.

À la suite de cette citation dans laquelle il a ajoutéle soulignement, le juge Collier a conclu :

La demanderesse allègue que les modifications, jugées nécessaires par tous les témoins, pourraient facilement être apportées par un travailleur moyennement versé dans l'art. J'estime que l'utilité après modification de l'invention ne constitue pas là une réponse.

[46]            Dans la même affaire, lorsqu'elle a été entendue en Cour suprême du Canada, le juge Dickson (tel était alors son titre) a écrit, à la page 525, en faisant référence à la 3e édition d'Halsbury :

Le terme [inutile] signifie [traduction] « que l'invention ne fonctionnera pas, dans le sens qu'elle ne produira rien du tout ou, dans un sens plus général, qu'elle ne fera pas ce que le mémoire descriptif prédit qu'elle fera » .

[47]        L'avocat des défenderesses a fait valoir que la réalisation de l'invention illustrée dans certaines figures au moins du brevet d'Almecon, particulièrement les figures 6 à 8, ainsi que certaines des premières réalisations de l'invention « ne fonctionnaient pas » tout simplement.

[48]            La King Plug d'Almecon, illustrée à l'annexe 1 des présents motifs, a commencé à être commercialisée vers la fin de l'automne de 1984. Ce fut un succès commercial. De façon générale, d'après la preuve dont je suis saisi, « elle fonctionnait » [29].

[49]            Certaines difficultés semblent avoir été rencontrées avec la King Plug au moins dès le printemps de 1986. Dans une lettre datée du 19 juin 1986, James Jackson, co-inventeur et directeur du marketing chez Almecon, écrivait[30] :

[traduction] Cartouche Summer King

  

Nous avons conçu un nouveau modèle de King Plug appelé Summer King. Cette nouvelle cartouche permet de résoudre les problèmes associés à l'utilisation de cartouches dans des trous forés dans des conditions estivales et des matériaux meubles. Cette cartouche a été conçue d'après les mêmes principes de conception que la King Plug. Elle est cependant plus souple et plus grosse que cette dernière, car elle est destinée à obturer des trous de prospection d'un plus grand diamètre forés dans des matériaux plus meubles, lors de travaux d'exploration estivaux [...]

  

King Plug

Comme nous l'avons déjà mentionné, nous avons amélioré la King Plug en utilisant des griffes aiguisées de forme différente qui s'enfoncent plus solidement dans des matériaux résistants et empêchent ainsi la cartouche de tomber dans le trou de prospection [...]

   

La King Plug originale était la pièce P-4 à l'instruction de l'action. La King Plug modifiée était la pièce P-5. La Summer King était la pièce D-17. La pièce D-15 est une illustration et une description sans date sous le titre « Summer King Plug » .

[50]            M. Ross Sutherland a fourni une déclaration d'expert pour les demanderesses et a témoigné en contre-preuve pour elles. Au paragraphe 28 de sa déclaration[31], il écrit :

[traduction] J'ai également examiné les formes de griffes dans la configuration de la cartouche de la figure 1 dans le brevet d'Almecon [voir l'annexe 1 des présents motifs]. Je ne suis pas d'avis que la cartouche présentée dans la figure 1 ne fonctionnerait pas parce qu'elle risquerait de tomber dans le trou de prospection. Je n'ai jamais entendu, à propos de la première version de la King Plug [illustrée dans la figure 1], de plaintes portant sur le fait que la cartouche tomberait dans les trous de prospection.

Je suis convaincu que M. Sutherland, du fait de l'expérience qu'il avait dans la période pertinente, dont il fait état dans sa déclaration, aurait été au courant de toute défaillance significative de fonctionnement des cartouches King Plug de la version originale.

[51]            Dans la décision Cochlear Corp. c. Cosem Neurostim Ltée[32], le juge Joyal, sur le fondement de la jurisprudence qu'il cite, écrit à la page 35 :

Il est possible de prouver l'utilité d'un brevet en invoquant l'accueil qu'il a reçu du public, c'est-à-dire son succès commercial. ..._L'utilité d'une invention doit être jugée à la date où celle-ci a été fabriquée, en tenant compte des connaissances qui existaient à cette époque. ..._Vu le succès commercial de la prothèse de Cochlear, on ne peut guère douter de son utilité.                                [renvois omis]


[52]            Je suis convaincu, sur le fondement de la preuve présentée, que la réalisation du brevet d'Almecon que constituait la King Plug originale a été bien reçue par l'industrie et a été un succès commercial. Les modifications ultérieures de la conception pour améliorer le fonctionnement dans des conditions particulières ne suffisent pas, à elles seules, à établir que l'invention, telle qu'elle a été réalisée dans la version originale, était dépourvue d'utilité.

[53]            Les figures 6 à 8 du brevet d'Almecon illustrent la version originale de la Queen Plug d'Almecon. Certains éléments de la preuve présentée indiquent que la version originale de la Queen Plug n'a jamais été fabriquée ou vendue dans le commerce[33]. La Queen Plug a été modifiée au moins à deux reprises, pour prendre finalement la forme illustrée dans la pièce D-20. Sous cette forme, elle a fini par être approuvée par le gouvernement de l'Alberta.

[54]            L'avocat des défenderesses a plaidé que les figures 6 à 8 du brevet d'Almecon représentent une réalisation qui n'aurait pas eu la « stabilité axiale » exigée par la brevet. Dans la mesure où les revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon comprennent la réalisation illustrée dans les figures 6 à 8 du brevet, il en résulterait qu'elles sont invalides pour la raison qu'elles comprennent une réalisation qui ne fonctionne pas ou est dépourvue d'utilité.

[55]            Je rejette cet argument. Le preuve concernant l'usage effectif de la Queen Plug originale était contradictoire. Dans une déclaration déposée devant moi[34], M. Ross Sutherland écrit au paragraphe 27 :


[traduction] On m'a également demandé d'examiner la Queen Plug fabriquée et vendue par Almecon. Je connais bien la Queen Plug originale illustrée dans les figures 6 à 8 du brevet d'Almecon. En fait, au moins une équipe sous ma surveillance a utilisé ce type de cartouche. Je n'ai pas entendu de plaintes disant que la cartouche ne fonctionnait pas correctement. Je ne suis donc pas d'accord avec la l'idée que la cartouche ne convenait pas àl'utilisation. Je note que l'usage que je faisais de la Queen Plug originale n'était pas un usage expérimental. L'équipe utilisait la cartouche d'une manière commerciale normale.    

M. Sutherland a témoigné devant moi. Il a confirméle paragraphe qui précède, tiré de sa déclaration. En contre-interrogatoire, il n'a pas été ébranlé sur la question de l'usage commercial de la Queen Plug originale.

[56]            Ainsi que je l'ai déjà noté dans les présents motifs, la partie qui attaque un brevet, en l'espèce les défenderesses, doit convaincre la Cour, suivant la prépondérance de la preuve, que le brevet est invalide. Compte tenu de la preuve contradictoire concernant l'usage commercial de la Queen Plug originale, je conclus que les défenderesses ne se sont pas acquittées du fardeau de preuve qui leur incombait à l'égard de leur allégation que les revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon comprennent une réalisation qui ne fonctionne pas.

ii)         La meilleure manière de réaliser l'invention


[57]            L'alinéa 34 (1)c) de la Loi sur les brevets, dans la version en vigueur à l'époque pertinente, c'est-à-dire à la date de la demande du brevet d'Almecon, disposait que le requérant devait, dans le mémoire descriptif portant sur une machine, et la cartouche de bourrage et d'obturation en cause constitue indubitablement une « machine » , expliquer le principe de la machine et décrire la meilleure manière dont il a conçu l'application de ce principe. Dans la décision Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines Ltd.[35], le président Thorson a écrit à la page 112 :

[traduction] ... De plus, l'inventeur doit agir de bonne foi et donner tous les renseignements qu'il connaît et qui permettront à l'invention de donner tout le rendement qu'il avait prévu.

[58]            Dans l'arrêt TRW Inc. c. Walbar of Canada Inc.[36], le juge Stone, après avoir cité l'extrait qui précède de la décision Minerals Separation, formule le commentaire suivant à la page 195 :

Il semble ressortir clairement de ces mots du président Thorson et de la loi elle-même que l'inventeur a l'obligation de décrire la meilleure méthode qu'il connaisse et non seulement une méthode connue de lui.

[59]            La demande de brevet d'Almecon a été déposée, à l'origine, le 25 janvier 1985. Après le dépôt de la demande, soit le 27 juin 1985, Almecon a déposé une modification volontaire de sa demande sous la forme d'une divulgation supplémentaire, qui introduisait dans la demande la partie de la divulgation décrivant deux nouveaux dessins, les figures 10 et 11, ainsi que les revendications 20 à 24.


[60]            Sur le fondement de la divulgation supplémentaire et des modifications apportées aux réalisations de l'invention qui ont commencées à être commercialisées par la demanderesse vers la fin de l'automne de 1984, l'avocat des défenderesses m'invite à conclure que la divulgation déposée à l'origine ne divulguait pas la « meilleure manière » de réaliser l'invention connue des inventeurs à la date du dépôt.

[61]            Dans l'arrêt Lido Industrial Products Ltd. c. Teledyne Industries Inc.[37], le juge en chef Thurlow, dissident en partie sur un point qui n'est pas pertinent, a adopté un extrait du traité de Fox, Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, (4e éd. (1969)), concernant les principes applicables à l'obligation de divulguer « la meilleure manière » . Le texte adopté comprenait notamment l'extrait suivant :

[traduction] La Loi vise à empêcher une personne d'obtenir un brevet en contrepartie d'une divulgation de moyens ou d'une méthode d'application de son invention qui soit moins efficace que ceux dont il a la meilleure connaissance au moment où il présente sa demande. S'il le fait, il y a défaut de contrepartie, parce que, par ce moyen, il se réserve la partie la plus précieuse des renseignements relatifs à l'invention. Il doit mettre cette dernière en possession du public d'une manière aussi complète que celle dont il la possède lui-même et lui donner la possibilité de tirer des avantages égaux à ceux qu'il en tire.                                    [non souligné dans l'original]


[62]            L'avocat de la demanderesse a fait valoir que je ne devrais pas tenir compte de l'extrait qui précède, parce que l'affaire Lido portait sur une demande de priorité. Je suis convaincu que le fait que l'affaire Lido portait sur une demande de priorité n'est pas pertinent par rapport aux présents motifs. L'essentiel de cet extrait, dans son application aux faits de l'espèce, est que l'inventeur doit divulguer « la meilleure manière » connue de lui à la date du dépôt de la demande de brevet. On ne m'a présenté aucune preuve que les inventeurs nommés dans le brevet d'Almecon aient fait autre chose. Entre la date du dépôt de leur demande et la date du dépôt de la divulgation supplémentaire, on a acquis une expérience significative sur le terrain en ce qui concerne les réalisations de l'invention. Il n'est pas déraisonnable de supposer que cette expérience sur le terrain a entraîné la divulgation supplémentaire ainsi que les améliorations de la réalisation de l'invention utilisées sur le terrain.

[63]            Je conclus qu'il n'y a rien dans la preuve présentée qui m'amènerait à conclure que la demanderesse et les inventeurs n'ont pas divulgué dans la demande portant sur le brevet d'Almecon « la meilleure manière » connue d'eux à la date où la demande a été déposée. Donc, le moyen de contestation de la validité du brevet fondé sur la non-divulgation de « la meilleure manière » de réaliser l'invention sera rejeté.

d)        Conclusion au sujet de la validité

[64]            Sur la base des questions soulevées par les défenderesses à l'égard de la validité du brevet d'Almecon, je conclus que les défenderesses ne se sont simplement pas acquittées du fardeau qui leur incombait de démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, l'invalidité du brevet d'Almecon ou, plus particulièrement, des revendications 1 et 5 de ce brevet.


            3)         La contrefaçon du brevet d'Almecon

                         a)         Introduction

[65]            Dans la décision Almecon Industries Ltd. c. Nutron Manufacturing Ltd.[38], le juge Wetston a résumé son interprétation des revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon dans les termes suivants, au paragraphe [32] :

Par conséquent, je conclus que l'invention décrite dans les revendications du brevet d'Almecon suppose que

(1) la cartouche a un corps;

(2) le corps a des griffes en projection vers l'extérieur et vers l'arrière;

(3) les griffes et le corps assurent la stabilité axiale;

(4) l'extrémité de la cartouche est plus ou moins aplatie; et

(5) la cartouche comporte un cône tronqué composé d'une partie conique dont la pointe a été remplacée par une surface plane.

Je suis convaincu que la mention au point (4) de « l'extrémité de la cartouche » s'entend de « l'extrémité avant de la cartouche » .


[66]            Il convient de noter qu'on ne mentionne pas dans le résumé précédent que la surface de l'extrémité avant est dans un plan normal à l'axe longitudinal du corps, ni que cette surface plus ou moins aplatie est essentiellement fermée. J'ai déjà formulé des commentaires sur ces aspects de l'interprétation du juge Wetston.

[67]            Le juge Wetston a noté les indications suivantes au sujet du critère de la contrefaçon, aux paragraphes [105] et [106] :

La question de la contrefaçon d'un brevet est une question mixte de droit et de fait. La première interprétation des revendications est une question de droit : ... Toutefois, dès que les revendications du brevet ont été interprétées, la tâche de déterminer s'il y a eu ou non contrefaçon d'une revendication devient essentiellement une question de fait : ... La Cour doit examiner ce qui, en fait, a été accompli par le prétendu contrefacteur.

Il incombe àla demanderesse d'établir la contrefaçon. En comparant l'objet censément source de contrefaçon avec le mémoire descriptif (à la fois la divulgation et les revendications), la Cour doit décider si cet objet est visé par la portée du brevet en cause. Le cas échéant, il y a contrefaçon : ... Si une variante d'un aspect d'une revendication n'a aucun effet déterminant sur le mode de fonctionnement de l'invention, il y a présomption que le brevet est contrefait, et que le détenteur du brevet voulait que la variante soit couverte par la portée de la revendication : ...

                                                              [renvois omis, non souligné dans l'original]

[68]            Le juge Wetston a poursuivi en formulant des observations sur la contrefaçon de la substance de l'invention et la contrefaçon textuelle ou littérale. Depuis sa décision, la Cour suprême du Canada a fourni des éclaircissements importants sur la question. Dans l'arrêt Baker Petrolite Corporation et al. c. Canwell Enviro-Industries Ltd., et al.[39], j'ai passé en revue en partie la jurisprudence de notre Cour que je juge pertinente et la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada aux paragraphes [128] et [129], où j'ai écrit :

Dans le jugement Cabot Corp. c. 318602 Ontario Ltd., le juge Rouleau a écrit à la page 164 :


Une légère différence entre le brevet et le produit des défenderesses n'est pas une défense contre une accusation de contrefaçon. Comme l'a déclaré le juge Mahoney dans l'affaire Globe-Union Inc. c. Varta Batteries Ltd. ... :

La méthode de la défenderesse fonctionne. En vérité, il s'agit fort probablement d'une amélioration commerciale du brevet des connexions...

...

Le principe qu'il faut appliquer a été énoncé dans l'espèce dans Lightning Fastener Co., Ltd. c. Colonial Fastener Co. Ltd. et al.,... comme suit :

[traduction] « Dans chaque espèce, l'essence, le principe de l'invention, et non simplement sa forme doivent être examinés. Une jurisprudence abondante dit que si le contrefacteur s'approprie le principe tout en modifiant quelques détails, s'il est manifeste qu'il s'est approprié l'essence de l'idée qui fait l'objet de l'invention, ne modifiant simplement que des détails, la Cour est justifiée de voir, au-delà de ces modifications de détails, que l'essence de l'invention a été contrefaite et, en conséquence, qu''elle doit protéger l'inventeur. Et la question n'est pas de savoir si un aspect essentiel de la machine ou de la méthode a été emprunté au mémoire descriptif mais plutôt, ce qui est fort différent, si le prétendu contrefacteur a empruntéau brevetél'essence de son invention. »

À mon avis, la défenderesse s'est approprié l'invention du brevet des         connexions.

                                                         [renvois omis]

Plus récemment, dans l'arrêt Free World Trust ... le juge Binnie a écrit aux pages 183 et 184 :

Le présent pourvoi porte essentiellement sur la contrefaçon. Depuis au moins l'arrêt Grip Printing and Publishing Co. of Toronto c. Butterfield ..., il est établi que le titulaire d'un brevet dispose d'un recours contre tout contrefacteur éventuel qui, sans s'approprier littéralement l'invention, s'approprie néanmoins l'essentiel de celle-ci (ou sa « substance » ).                                                               ...

  

Limiter la portée de la « contrefaçon de l'essentiel du brevet » est manifestement une importante question d'intérêt public. L'application purement textuelle des revendications permettrait à une personne versée dans l'art d'apporter à l'appareil des modifications légères et sans importance et de s'approprier ainsi l'essentiel de l'invention en copiant l'appareil tout en échappant au monopole. Une interprétation plus large risque par contre de conférer au breveté les avantages d'inventions qui ne lui sont pas attribuables dans les faits, mais qui pourraient être jugées, avec le recul, « équivalentes » à ce qui a été inventé. Un tel résultat serait injuste pour le public et pour les concurrents. Il importe que le système de concession de brevets soit juste et que son fonctionnement soit prévisible.                                                                                                                      ...

  

Le présent pourvoi soulève donc la question fondamentale de la démarche qui s'impose pour arbitrer « contrefaçon textuelle » et « contrefaçon de l'essentiel du brevet » de façon à obtenir un résultat juste et prévisible.


Le juge Binnie analyse assez longuement six (6) propositions qu'il juge susceptibles de résoudre le mieux possible la tension entre la « contrefaçon textuelle » et la « contrefaçon de l'essentiel du brevet » .

  

[renvois et certaines parties de la citation de l'arrêt Free World Trust omis]

   

Le renvoi à Free World Trust dans la citation qui précède est un renvoi à l'arrêt Free World Trust c. Électro Santé Inc.[40]. Les pages indiquées renvoient à la publication de l'arrêt à (2000), 9 C.P.R. (4th) 168.

[69]            Les six propositions énoncées par le juge Binnie sont les suivantes[41] :

a) La Loi sur les brevets favorise le respect de la teneur des revendications.

  

b) Le respect de la teneur des revendications favorise àson tour tant l'équité que la prévisibilité.

  

c) La teneur d'une revendication doit toutefois être interprétée de façon éclairée et en fonction de l'objet.

  

d) Ainsi interprétée, la teneur des revendications définit le monopole. On ne peut s'en remettre à des notions imprécises comme « l'esprit de l'invention » pour en accroître l'étendue.

  

e) Suivant une interprétation téléologique, il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l'invention sont essentiels, alors que d'autres ne le sont pas. Les éléments essentiels et les éléments non essentiels sont déterminés :

  

(i) en fonction des connaissances usuelles d'un travailleur versé dans l'art dont relève l'invention;

  

(ii) à la date à laquelle le brevet est publié;

  

(iii) selon qu'il était ou non manifeste, pour un lecteur averti, au moment où le brevet a été publié, que l'emploi d'une variante d'un composant donné ne modifierait pas le fonctionnement de l'invention, ou


(iv) conformément à l'intention de l'inventeur, expresse ou inférée des revendications, qu'un composant en particulier soit essentiel, peu importe son effet en pratique;

  

(v) mais indépendamment de toute preuve extrinsèque de l'intention de l'inventeur.

  

f) Il n'y a pas de contrefaçon lorsqu'un élément essentiel est différent ou omis. Il peut toutefois y avoir contrefaçon lorsque des éléments non essentiels sont substitués ou omis.

   

En l'espèce, la date à laquelle le brevet a été publié est la date de délivrance du brevet, soit le 7 avril 1987.

[70]            Compte tenu des six (6) propositions qui précèdent et sur le fondement d'une comparaison de la réalisation la plus pertinente du brevet d'Almecon qu'on m'a présentée, qui faisait l'objet d'un usage commercial le 7 avril 1987, la King Plug[42], et de la forme la plus pertinente de l'Energy Plug qui est en cause[43], je suis convaincu que les éléments « essentiels » de l'invention faisant l'objet du brevet d'Almecon sont un corps, une extrémité avant [traduction] « se terminant par un nez plus ou moins plat » , une extrémité avant « essentiellement fermée » , des griffes en projection vers l'extérieur et vers l'arrière du corps, la stabilité axiale assurée par le corps et les griffes et le fait que toutes ces caractéristiques contribuent à prévenir ou à réduire au minimum les éjections de débris et à retenir l'énergie de l'explosion dans le trou de prospection sous la cartouche elle-même, et que la cartouche joue le rôle de « cartouche d'obturation » .

[71]            Les deux cartouches ont un corps. Bien que le fait que l'Energy Plug a deux griffes en projection vers l'extérieur dans un plan normal à l'axe longitudinal de la cartouche constitue une différence, je suis convaincu que ce n'est pas une différence importante. Le fait que, dans chaque cas, les griffes et le corps assurent la stabilité axiale et le fait que les deux cartouches servent de « cartouches d'obturation » sont des éléments essentiels qui n'ont pas été contestés devant moi. Se rattachant aux questions de savoir si l'Energy Plug se termine à son extrémité avant par un « nez plus ou moins aplati » et si cette extrémité avant est « essentiellement fermée » , une autre question se pose : l'Energy Plug, lorsqu'elle est atteinte par l'énergie ou la force d'une explosion survenue dans le trou de prospection au-dessous de l'endroit où elle se trouve, remonte-t-elle légèrement d'une manière qui fixe ou enfonce les griffes en projection vers l'extérieur et dans un plan normal ou vers l'arrière, contribuant ainsi à réduire au minimum les éjections ou, selon une autre formulation, à réduire au minimum la perte d'énergie à travers la cartouche sismique et autour d'elle?

[72]            Par souci de commodité, les revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon sont répétées ci-dessous :

[traduction]

1.      Une cartouche de bourrage et d'obturation utilisable dans un trou de prospection sismique et comprenant :

  

un corps comportant une extrémité avant et une extrémité arrière, et se terminant à son extrémité avant par un nez plus ou moins plat;

  

plusieurs membres allongés en projection vers l'extérieur et vers l'arrière, à partir d'au moins une extrémité dudit corps, lesdits membres étant disposés de manière à conférer à ladite cartouche une stabilité axiale lorsqu'elle est insérée dans un trou de prospection.

  

...


5.      La cartouche visée dans la revendication 1 et dont ledit nez a la forme d'un cône tronqué.

   

b)         L'extrémité avant en forme de nez « plus ou moins plat »

[73]            L'identification de l' « extrémité avant » de l'Energy Plug[44] d'Anchortek est un peu difficile. J'ai trouvé très utiles deux (2) dessins CAO que le témoin expert de la demanderesse, Clifford J. Anderson, a préparés pour montrer l'Energy Plug en vue de face ou en vue latérale. Ces dessins sont donnés au paragraphe 26 de sa déclaration d'expert[45]. Ils sont reproduits ci-dessous.

            

[74]            Dans sa déclaration, M. Anderson indique ce qui suit au sujet des dessins ci-dessus :

[traduction] Le premier dessin [c'est-à-dire le dessin de gauche] montre le cône en renfoncement de la cartouche au trait, comme on le trouve dans l'Energy Plug qui est fabriquée et vendue.

   

Sur le dessin de droite, le cône en renfoncement a été enlevé de sa position dans la cartouche, les quatre (4) membres fixes par lesquels le cône en renfoncement est suspendu dans la cartouche ont été enlevés et le cône en renfoncement a été placé sur le dessus de la cartouche.

[75]            Je suis convaincu que ces dessins définissent de la manière la plus efficace l'extrémité avant et l'extrémité arrière de l'Energy Plug. L'extrémité avant est, j'en suis persuadé, le cône fortement tronqué qui forme la partie supérieure d'environ 3/8 de pouce de la cartouche dans le dessin de gauche avec la partie renfoncée de la cartouche consistant essentiellement en une partie conique, une collerette sous la partie conique et les membres par lesquels la portion renfoncée de la cartouche est fixée au corps de la cartouche. L' « extrémité arrière » de la cartouche est la partie située sous ce que j'ai défini comme constituant l'extrémité avant de la cartouche dans les dessins et à laquelle les « griffes » , notamment les « griffes » à l'horizontale, sont fixées.


[76]            Cela étant, l'extrémité avant de l'Energy Plug est-elle « plus ou moins plate » ? Sur le fondement de l'ensemble de la preuve dont je suis saisi, je conclus qu'il faut répondre à cette question que l'extrémité avant de l'Energy Plug est « plus ou moins plate » , encore que ce soit d'une autre manière que l'extrémité avant de la King Plug de la demanderesse. Je conclus que l'Energy Plug est au moins aussi plate que les profils hémisphérique et pyramidal de la cartouche d'obturation et de forage qui sont envisagés dans la divulgation du brevet d'Almecon.

[77]            J'estime utile de mentionner une autre dessin CAO inclus par M. Anderson dans sa déclaration d'expert. Il s'agit du dessin donné au paragraphe 27 de sa déclaration, reproduit ci-dessous, illustrant l'Energy Plug superposée sur l'extrémité avant conique de la Super Grip Nutron Plug, dont le juge Wetston a statué qu'elle contrefaisait les revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon.

          

S'il est manifeste dans le dessin ci-dessus et dans les pièces déposées que la Nutron Super Grip Plug comportait effectivement une surface horizontale comme élément de son extrémité avant, surface qui supporte un petit cône, l'élément équivalent de l'Energy Plug dont je conclus qu'elle constitue une « extrémité avant plus ou moins plate » est la partie plate de cette extrémité avant dans laquelle le cône en renfoncement est suspendu. Si la partie plate de l'Energy Plug n'est sûrement pas fermée, je suis convaincu qu'elle est, indubitablement, « plus ou moins plate » .

                         c)         L'extrémité avant essentiellement fermée

[78]            La partie renfoncée de l'Energy Plug est suspendue au reste du corps de la cartouche d'une manière qui ménage des ouvertures qui laisseraient sûrement passer à travers la cartouche l'énergie, les liquides et des matériaux comme la boue et le sable. Il est donc certain que l'Energy Plug n'est pas entièrement fermée. La question se pose de savoir si l'extrémité avant est néanmoins essentiellement fermée.

[79]            On a présenté une preuve abondante au sujet des qualités d' « évacuation » de l'Energy Plug et sur le point de savoir si, dans le fonctionnement effectif, immédiatement après une explosion sous la cartouche, les petites ouvertures deviendraient vite obstruées par les matériaux projetés vers le haut du trou de prospection par la force de l'explosion de sorte que l'échappement d'énergie et de matériaux à travers la cartouche serait réduit au minimum. Fondamentalement, le débat était centré sur le point de savoir si l'Energy Plug constituait en fait une « cartouche de bourrage » ou plutôt une « cartouche d'évacuation » , ou peut-être une cartouche de bourrage dotée d'une certaine capacité d'évacuation.


[80]            Les défenderesses ont présenté une preuve par vidéo à propos d'essais en conditions réelles effectués avec l'Energy Plug par le gouvernement de l'Alberta, qui démontrait pour ceux qui ont l'oeil vif qu'à certaines occasions, lorsqu'une détonation avait lieu sous une Energy Plug dans un trou de prospection sismique, au moins une certaine énergie s'échappait à travers la cartouche ou autour d'elle jusqu'à la surface du sol.

[81]            De son côté, la demanderesse a présenté une preuve portant sur des essais en laboratoire visant à simuler le résultat d'une détonation sous une Energy Plug dans un trou de prospection sismique pour démontrer que l'Energy Plug contenait suffisamment d'énergie provenant de l'explosion dans le trou de prospection au-dessous de la cartouche pour faire remonter légèrement la cartouche et ancrer ainsi les griffes de la cartouche dans les parois du trou de prospection simulé.

[82]            J'ai trouvé que la preuve par vidéo et la preuve fournie par les essais en laboratoire n'étaient ni l'une ni l'autre satisfaisantes, et encore moins concluantes. Le fait reste, et les experts qui ont témoigné devant moi s'accordent pour l'essentiel sur ce point, que la façon dont une cartouche insérée dans un trou de prospection se comporte lorsqu'une explosion est déclenchée au-dessous de la cartouche, relève de la conjecture, celle-ci s'appuyant dans le meilleur des cas sur la théorie scientifique.


[83]            Sur le fondement de l'ensemble de la preuve qu'on m'a présentée, je suis convaincu que l'extrémité avant de l'Energy Plug est « essentiellement fermée » . Sur le fondement toujours de l'ensemble de la preuve, je préfère la conclusion que la nature et la taille des ouvertures dans l'extrémité avant de l'Energy Plug sont telles que, immédiatement après une explosion sous la cartouche, les ouvertures seraient obstruées et au moins une partie importante de l'énergie serait retenue dans le trou de prospection sismique. Vraisemblablement, l'Energy Plug remonterait légèrement sous la poussée de l'énergie contenue, ce qui tendrait à « ancrer » les griffes dans les parois du trou de prospection.

d)        Conclusion au sujet de la contrefaçon

[84]            En fin de compte, je conclus que l'Energy Plug est une « cartouche de bourrage » , c'est-à-dire que, en raison de la stabilité axiale aidée en partie par l'ancrage des griffes de la cartouche dans les parois du trou de prospection, elle sert à réduire au minimum les éjections de débris de même que la perte d'énergie au travers et autour de la cartouche sismique. Quant au fait que l'Energy Plug, comme la réalisation privilégiée de l'invention, sert de « cartouche d'obturation » , il n'a pas été véritablement contesté devant moi.

[85]            S'il n'y a pas de doute que la conception de l'Energy Plug, à première vue, produit une impression nettement différente de celle d'une cartouche comportant les caractéristiques ou éléments essentiels énoncés dans les revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon, je suis convaincu qu'aucune caractéristique ou aucun élément essentiel n'est différent ou omis. Je conclus que l'utilisation des griffes se projetant dans un plan normal constitue une substitution d'éléments non essentiels. De même, je conclus que le renfoncement d'une bonne partie de l'extrémité avant de l'Energy Plug n'est qu'une modification de forme. En fin de compte, je conclus que l'Energy Plug contrefait les revendications 1 et 5 du brevet d'Almecon.     


4)        Les déclarations fausses ou trompeuses

[86]            Ainsi que je l'ai déjà indiqué, la défenderesse Anchortek demande à la Cour, par voie de demande reconventionnelle, de statuer que la demanderesse a fait aux clients d'Anchortek des déclarations trompeuses, en contravention de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce[46]. Le début de l'article 7 de cette loi et l'alinéa a) sont ainsi conçus :


7. Nul ne peut :

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l'entreprise, les marchandises ou les services d'un concurrent;

...


7. No person shall

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, wares or services of a competitor;

...



[87]            Dans sa plaidoirie, l'avocat des défenderesses a allégué que les demanderesses ont indiqué à l'un des clients d'Anchortek, à savoir Austin Powder Ltd., que l'Energy Plug contrefaisait le brevet d'Almecon. À mon avis, cette allégation de l'avocat n'a pas été établie dans la preuve qu'on m'a présentée. De toute façon, il n'a pas été contesté que la demanderesse a intenté une poursuite contre Austin Powder Ltd. en 1996, alléguant la contrefaçon du brevet d'Almecon du fait de la vente par Austin Powder Ltd. des produits Energy Plug [47]. Cette action a été réglée en août 1999. L'une des conditions de l'entente de règlement[48] prévoyait qu'Austin Powder Ltd. s'engageait à acheter à Almecon 70 % de son volume annuel de cartouches sismiques de bourrage et d'obturation. Cette condition a eu pour conséquence qu'Austin Powder Ltd. a acheté à la défenderesse Anchortek un nombre moins grand de cartouches de bourrage et d'obturation, et peut-être de produits connexes.

[88]            Compte tenu des conclusions auxquelles je suis arrivé auparavant dans les présents motifs, je ne puis conclure que la demanderesse a fait des déclarations fausses ou trompeuses à Austin Powder Ltd. en alléguant que l'Energy Plug contrefaisait le brevet d'Almecon. Néanmoins, même s'il était jugé que mes conclusions concernant la validité du brevet d'Almecon et la contrefaçon de ce brevet par l'Energy Plug étaient erronées, je suis convaincu qu'Anchortek ne peut avoir gain de cause sur cet aspect de sa demande reconventionnelle.

[89]            Dans l'arrêt S. & S. Industries Inc. c. Rowell[49], le juge Spence laisse entendre que la voie appropriée pour la personne qui, comme la demanderesse en l'espèce, cherche à défendre son brevet est d'intenter une action en contrefaçon. Il oppose à cela la situation dans laquelle le titulaire d'un brevet n'intente pas d'action, mais se contente simplement d'alléguer un brevet valide et la contrefaçon dans une tentative de modifier la conduite d'un acheteur ou d'un utilisateur d'un produit concurrent, comme Austin Powder Ltd.

[90]            Dans la décision Chase Manhattan Corp. c. 3133559 Canada Inc.[50], le juge Dubé, dans des motifs exposés oralement, a fait observer :


Les paragraphes attaqués ne révèlent aucun fait substantiel susceptible de fonder les allégations de déclarations fausses ou trompeuses visées à l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce ( « la Loi » ). Les paragraphes attaqués renvoient aux allégations faites par la demanderesse dans ses déclarations dans la présente action ... et dans une autre action devant la Cour fédérale ... contre une personne, .... Une allégation dans une déclaration ne peut servir de fondement pour prétendre que la partie qui a engagé l'action a fait une déclaration fausse ou trompeuse au sens de l'alinéa 7a ) de la Loi.                                                                                                                                            [renvois omis]

   

[91]            L'entente de règlement intervenue entre la demanderesse et Austin Powder Ltd., à première vue, ne fait état d'aucune allégation directe de contrefaçon. Que la déclaration ayant conduit à cette entente de règlement fasse une telle allégation est, j'en suis persuadé, évident. Mais je conviens avec le juge Dubé qu'une allégation formulée dans une déclaration ne peut servir de fondement pour prétendre que la partie qui a engagé l'action a fait une déclaration fausse ou trompeuse au sens de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce. Je ne trouve aucune preuve d'une autre déclaration de cette nature dans les documents ou dans la preuve orale qu'on a présentés devant moi.

[92]            Il s'ensuit que la demande en dommages-intérêts d'Anchortek à l'encontre de la demanderesse pour déclarations fausses ou trompeuses doit être rejetée.

CONCLUSIONS


[93]            En résumé, je conclus donc que le brevet d'Almecon, soit le brevet canadien 1,220,134, est valide et a été contrefait par l'Energy Plug d'Anchortek. En outre, et en partie compte tenu de la conclusion qui précède, je juge mal fondée la demande reconventionnelle de la défenderesse Anchortek.

[94]            Il sera donc déclaré, comme le requiert la demanderesse, que le brevet canadien n ° 1,220,134 est valide et que les défenderesses ont contrefait ce brevet en fabriquant, vendant et revendant l'Energy Plug d'Anchortek. Ainsi qu'en sont convenues les parties et conformément à une ordonnance antérieure dans la présente procédure, un renvoi sera ordonné pour déterminer le montant des dommages-intérêts ou des bénéfices auxquels la demanderesse a droit du fait de la contrefaçon du brevet en litige par les défenderesses. Le jugement sera prononcé en faveur de la demanderesse, contre chacune des défenderesses, pour le montant approprié de dommages-intérêts ou de bénéfices, au choix de la demanderesse, qui sera ainsi déterminé, avec les intérêts avant le jugement et après le jugement.

[95]            À la demande des avocats, je reporterai ma décision sur les dépens. Les motifs du jugement seront distribués et les avocats auront un délai raisonnable pour en prendre connaissance et présenter des observations écrites sur la question des dépens, après quoi je prononcerai un jugement supplémentaire sur les dépens.


LES QUESTIONS INTERLOCUTOIRES

[96]            Au cours de l'instruction de la présente affaire, j'ai été appelé à rendre un certain nombre de décisions interlocutoires qui n'ont pas été consignées officiellement comme des ordonnances. Pour certaines de ces décisions, j'ai même donné des motifs oralement. Les avocats ont suggéré, pendant l'instruction, qu'il pourrait être utile de consigner au moins quelques-unes de ces décisions dans les présents motifs puisque, je suppose, ils pourraient être pertinents dans le cas ou l'on interjetterait appel de ma décision. On trouvera ci-dessous un résumé de mon raisonnement sur les questions interlocutoires que je considère comme de quelque importance.

            a)         Extraits versés au dossier concernant une déduction à tirer d'un changement dans le produit d'Anchortek; la question de la Bearspaw Plug et de la Spider Plug

[97]            Le paragraphe 20 de l'exposé conjoint des faits, lequel a été reproduit intégralement au début des présents motifs, est reproduit ici par souci de commodité :

[traduction] Depuis approximativement mars 1996, Anchortek a fabriqué des cartouches de prospection sismique qui ne sont pas arguées de contrefaçon du brevet d'Almecon. Ces cartouches ont été vendues par Anchortek aux trois autres codéfenderesses et à Austin Powder Ltd.

   

[98]            Deux cartouches de forage sismique, désignées comme la Bearspaw Plug et la Spider Plug, ont été introduites en preuve lors de la première journée de l'instruction comme pièces P-10 et P-11. On m'a assuré que ces pièces sont les cartouches de prospection sismique auxquelles renvoie le paragraphe précité de l'exposé conjoint des faits.


[99]            L'avocat de la demanderesse a indiqué qu'il se proposait d'introduire, au cours de l'instruction, certains extraits versés au dossier, tirés de l'interrogatoire préalable, à l'appui de la proposition que la référence à la conception de la Bearspaw Plug et de la Spider Plug permettrait de déduire que la défenderesse Anchortek, par suite de la décision antérieure du juge Wetston et de l'arrêt prononcé en appel, avait effectivement concédé que son Energy Plug contrefaisait bien le brevet d'Almecon. L'avocat des défenderesses a plaidé que je ne devrais pas permettre que des extraits soient versés au dossier dans le but de soutenir une telle déduction.

[100]        J'ai accueilli l'objection des défenderesses dans les termes suivants[51] :

[traduction] Je suis satisfait d'avoir comme pièces la Bearspaw Plug et la Spider Plug, et je comprends que, s'il y avait une réserve au sujet de la pertinence d'avoir ces éléments comme pièces, celle-ci a été retirée. La préoccupation de la défenderesse porte sur la façon dont j'utiliserai ces pièces et, essentiellement, il n'y a pas de préoccupation que je les utilise par rapport à la défense [sic] à la demande reconventionnelle.

  

Puisque ces pièces sont devant moi, les questions et les réponses qui servent à identifier ces cartouches sont pertinentes par rapport à ce que signifient ces pièces pour moi, et je suis disposé à ordonner, au besoin, que ces questions soient introduites comme extraits versés au dossier si la demanderesse le souhaite.

  

Comme on ne m'a indiqué aucune jurisprudence, j'hésite beaucoup à tirer une déduction au sujet de la contrefaçon à partir de la forme de cartouche que les défenderesses ont adoptée lorsqu'il est devenu manifeste que l'action - la décision rendue par le juge Wetston tiendrait.

  

Je trouve qu'il serait regrettable de décourager les efforts faits en vue d'atténuer le dommage éventuel, et en effet si je considérais de tirer une telle déduction, c'est ce que je me trouverais à faire. Je me trouverais à dire aux entreprises comme Anchortek et ses codéfenderesses, les distributeurs, vous êtes prises dans un dilemme. Vous aimeriez atténuer le dommage, mais ne le faites surtout pas, parce que, si vous le faites, vous vous trouverez à concéder l'occasion au tribunal de déduire que vous saviez vraiment que vous faisiez de la contrefaçon.


  

À mon avis, cela n'a pas de sens sur le plan économique de placer les défenderesses à une action comme la présente action dans une position de ce genre, où elles devraient continuer à faire face à la possibilité d'un dommage qui va en croissant pour éviter de compromettre leur conviction, parfois profondément ancrée, qu'elles ne font pas de contrefaçon.

  

...

  

Je réserve ma décision sur la question de l'introduction des extraits versés au dossier en réponse à la demande reconventionnelle qui pourraient dans le contexte de la façon dont cette prétention se développe dans le cours de l'instruction être pertinents comme défense [sic] à cette demande reconventionnelle.                                                                                                             [une correction de forme intégrée]

   

b)        Le témoignage d'opinion d'une personne qui n'a pas été reconnue comme expert

[101]        Immédiatement après la décision qui précède, on m'a demandé de statuer sur l'admissibilité d'extraits versés au dossier relatifs au mode de fonctionnement de l'Energy Plug comme cartouche de prospection sismique. Une objection a été formulée contre ces extraits pour la raison, essentiellement, qu'il s'agissait d'un témoignage d'opinion ne provenant pas d'un expert et non appuyé par un affidavit ou une déclaration d'un expert.

[102]        Au soutien de l'admission des extraits, l'avocat de la demanderesse a notamment cité le traité de Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada[52], où les auteurs ont écrit, à la page 609 :


[traduction] Les tribunaux ont maintenant une plus grande latitude pour recevoir les opinions de témoins profanes si : 1) le témoin possède une connaissance personnelle; 2) le témoin est dans une meilleure position que le juge du fait pour se former une opinion; 3) la témoin a le bagage d'expérience nécessaire pour tirer la conclusion; et 4) l'opinion est un mode d'expression concise et le témoin ne pourrait décrire de façon aussi exacte et adéquate et avec une facilité raisonnable les faits au sujet desquels il témoigne.    

   

[103]        J'ai décidé d'admettre les extraits en question en preuve, me réservant la question du poids à leur accorder[53]. M'adressant à l'avocat des défenderesses, j'ai fait observer[54] :

[traduction] Je compte que vous allez vous manifester encore pour me dire, au cours des plaidoiries, qu'il y a un certain nombre de ces questions et réponses que je devrais ignorer ou auxquelles je ne devrais accorder aucun poids parce qu'elles contredisent clairement l'opinion d'un expert et que cette personne n'est pas un expert. Je prêterai une oreille extrêmement attentive à ces propos, mais je ne puis leur prêter une oreille attentive si je n'ai pas les extraits sous les yeux pour me former un jugement.

  

Donc, la possibilité a été ménagée pour l'avocat des défenderesses de traiter du poids à accorder à ces extraits.

            c)         La preuve de l'état de la technique compte tenu des limites de la contestation de la validité

[104]        L'avocat des défenderesses a ensuite formulé une objection à une série de questions posées à M. James Jackson en réponse et réplique. L'avocat des défenderesses a fait valoir[55] :

[traduction]... Je m'oppose aux questions ou à toute question se rapportant à des cartouches autres que les cartouches dans la conception desquelles M. Jackson a eu un rôle. Il importe de réaliser que nous n'avons pas attaqué la validité du brevet sur la base de l'antériorité, c'est-à-dire de l'état de la technique. Nous n'avons pas attaqué la validité du brevet sur le fondement de l'évidence. Qu'est-ce qui existait? Y a-t-il eu réellement une activité inventive? Là n'est pas la question.


La seule contestation de la validité se rapporte à ce que nous voyons, qu'est-ce que M. Jackson a réellement inventé, quelle était la nature de sa conception, qu'est-ce qui est divulgué dans le brevet et est-ce que ce qui est divulgué dans le brevet et ce qu'il a réellement inventé correspond à ce que nous trouvons dans l'Energy Plug, et puis il y a quelques questions concernant des éléments d'utilité de la cartouche qu'il a conçue.

  

Ce qui, selon moi, n'est pas pertinent par rapport à la présente affaire, ce sont les cartouches faisant partie de la technique antérieure, qui ont précédé la cartouche du brevet sur laquelle ont travaillé M. Jackson et M. Luoma, parce que, je le répète, nous n'avons pas allégué que leur brevet ne satisfaisait pas au critère de la nouveauté, nous n'avons pas allégué que leur cartouche ne comporte pas le degré voulu d'activité inventive par rapport à ce qui existait auparavant, donc ce qui existait auparavant, selon moi, n'est aucunement pertinent.

   

[105]        L'avocat a cité la décision Leithiser et al c. Pengo Hydro-Pull of Canada Ltd.[56], où le juge Thurlow, tel était alors son titre, a écrit à la page 118 :

Deux questions se posent à cet égard.

  

La première est de savoir si les revendications du brevet de l'appelant sont plus larges que ce qu'il a inventé. La seconde consiste à déterminer si les revendications sont plus larges que l"invention qui est décrite dans le mémoire descriptif. Si la réponse à l'une ou l'autre de ces questions est affirmative, selon mon interprétation des principes de droit applicables, les revendications sont invalides.

  

Ce sont les mêmes contestations de la validité, et seulement les mêmes, qui ont été plaidées devant moi.

[106]        Aux pages 589 et 590 de la transcription, volume 6, j'indique, selon ce qui a été consigné :

[traduction] D'après ce dont je me souviens au sujet des extraits versés au dossier par les défenderesses, que j'ai regardés très brièvement, ils ont trait à ce que le co-inventeur de M. Jackson [M. Luoma] comprenait comme constituant le problème qu'il cherchait à résoudre à l'époque de l'invention. C'est exactement parallèle à la preuve dont il est question dans la décision Leithiser.


On n'a pas mis devant M. Luoma, ... toute une série de cartouches comme celles que nous avons aujourd'hui, mais on l'a plutôt invité à témoigner au sujet de ce qu'il faisait, de ce qu'il cherchait à réaliser, lorsqu'il a fait ce brevet, lorsqu'il a fait cette invention.

  

L'avocat de la demanderesse a fait valoir qu'il repassait avec le témoin les cartouches faisant partie de l'état de la technique précisément dans ce but, c'est-à-dire pour déterminer comment M. Jackson percevait, par rapport à l'état de la technique, le problème que lui et M. Luoma cherchaient à résoudre.

[107]        J'ai conclu, ainsi qu'il est consigné à la page 591 du même volume de la transcription, avec une omission et une correction significative :

[traduction] Je vais permettre d'interroger ce témoin ... au sujet de ce que M. [Jackson] se rappelle avoir été sa perception du problème que lui et son co-inventeur cherchaient à surmonter.

  

Donc, j'ai effectivement rejeté l'objection soulevée par l'avocat des défenderesses et permis que l'on interroge M. Jackson par rapport aux cartouches faisant partie de l'état de la technique, mais seulement dans un but limité. Je suis convaincu que ma décision se trouvait ainsi à donner un résultat parallèle à celui qu'enseigne la décision Leithiser.

            d)         L'étendue de la contre-preuve


[108]        Le septième jour de l'instruction, les défenderesses ont formulé une objection aux paragraphes 8 à 26 de la déclaration du témoin Ross Sutherland[57] déposée par la demanderesse en faisant valoir que ces paragraphes constituaient une contre-preuve irrégulière puisqu'il s'agissait d'une tentative de la demanderesse de scinder sa preuve principale.

[109]        Les avocats des deux parties ont présenté à la Cour de courts mémoires sur la question ainsi que des observations orales. L'avocat des défenderesses a renvoyé à l'extrait suivant, provenant des pages 21 et 22 de l'arrêt Allcock Laight & Westwood Ltd. c. Patten, Bernard & Dynamic Displays Ltd.[58] :

[traduction] Selon un principe juridique bien établi, lorsqu'il n'y a qu'un seul point litigieux à juger (comme c'est le cas en l'espèce), la partie qui commence doit présenter l'ensemble de sa preuve en premier lieu et non pas la scinder en produisant d'abord une preuve prima facie et, après que son adversaire l'a ébranlée, une preuve confirmative : Jacobs c. Tarleton ... Cette décision a été examinée par la Cour et le principe qu'elle énonce a été appliqué dans l'arrêt R. c. Michael. ... Le principe est maintenant si bien établi qu'il n'exige pas de développement. Lorsqu'on juge une action, que ce soit devant un jury ou le juge seul, il importe d'observer cette règle. Un défendeur a le droit de connaître la preuve faite contre lui lorsqu'il présente sa défense, mais le demandeur n'a pas la latitude, sous le couvert d'une réponse, de reconfirmer la preuve qu'il lui incombait de faire en premier lieu sous peine de ne pas être persuasif.                                                                                                                                                             [renvois omis]   

   

[110]        Par contre, dans la décision Bombardier Ltée c. Commission sur les pratiques restrictives du commerce[59], le juge Cattanach a écrit à la page 260 :

Il ressort des motifs succincts précédents que le témoignage du Dr Rosenbluth n'était pas indispensable pour établir la preuve de l'accusation formulée par le directeur. Il est tout au plus utile à la Commission pour apprécier les faits dont elle était saisie, mais non pas ceux sur lesquels le directeur fonde son accusation. La Commission a accepté les témoignages du Dr Skeoch et du Dr Rosenbluth. Celui du Dr Skeoch constituait une « nouvelle preuve » qui a été réfutée.


La partie adverse ne pouvait pas la vérifier avec certitude et la Commission a donc eu raison d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est dévolu. En outre, elle n'est pas tenue d'observer les règles des cours de justice, du moment que son comportement n'est pas contraire à l'équité. La valeur d'un avis d'expert est fonction de la valeur des raisons sur lesquelles il repose. Ces raisons peuvent donner lieu à un contre-interrogatoire. L'expert peut aussi contester les faits sur lesquels il fonde son avis à partir de ses connaissances personnelles ou de faits qui lui sont révélés. Il peut aussi contester la validité de la source de cette révélation. Étant donné ces droits, le témoignage n'est pas accepté ipso facto et il est, en droit, sujet aux attaques de la partie adverse. On ne peut donc pas dire qu'en agissant comme elle l'a fait, la Commission a manqué à l'équité.

   

[111]        Bien que je sois soumis aux règles que la Commission n'était pas tenue d'observer, dont parle le juge Cattanach, j'ai néanmoins adopté son raisonnement tel qu'il est présenté dans la citation qui précède. Aux pages 758 à 760 de la transcription de l'instruction, j'ai rendu la décision suivante, que j'ai corrigée sans, j'en suis convaincu, en modifier le fond :

[traduction] Le juge Cattanach examinait, dans la décision Bombardier, une décision de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce par laquelle elle semblait admettre en contre-preuve une déclaration d'expert. Cette déclaration, comme en l'espèce, pourrait avoir été introduite dans la preuve principale du demandeur, le directeur, mais celui-ci avait jugé opportun de ne pas l'introduire, sachant fort bien que la défenderesse, Bombardier, avait une déclaration d'expert sur la même question. Mais comme en l'espèce, il semble que l'avocat du directeur n'était pas certain que Bombardier utiliserait cette déclaration d'expert, et si Bombardier ne l'utilisait pas, la position du directeur était qu'il ne voulait pas, par l'entremise de son avocat, soulever la question parce que cela aurait entraîné la réponse.

  

Le juge Cattanach a conclu que c'était là une position raisonnable et [a refusé d'infirmer la décision de la Commission de permettre l'introduction de la déclaration de l'expert du directeur en contre-preuve à la suite de l'introduction de la déclaration de l'expert de Bombardier en défense].

  

...

  

Il est exact - et le juge Cattanach l'a relevé - que la Commission sur les pratiques restrictives du commerce n'était pas strictement liée par les règles de preuve, mais la raison pour laquelle ... il a maintenu [la décision de la Commission], c'est qu'il supposait que la ... Commission par l'entremise de son président avait jugé la preuve utile et jugé la façon de procéder non déraisonnable de la part du directeur, et c'est la conclusion à laquelle j'en arrive en l'espèce.


La question de l'évacuation par opposition au bourrage comme [l'avocat de la demanderesse] l'a dit ... a été soulevée très indirectement dans la défense. Elle a certainement été soulevée directement dans les affidavits d'expert [présentés] déposés pour le compte des défenderesses, mais la simple [présentation] de ces affidavits ... ne représentait pas un engagement pris par les défenderesses de les introduire dans leur preuve, ni un engagement de convoquer les experts qui ont donné ces déclarations à témoigner en défense.

  

Dans les circonstances, en l'absence d'un tel engagement, je ne juge pas déraisonnable de la part de la demanderesse de ne pas soulever la question de l'évacuation par rapport au bourrage de sa propre initiative. À vrai dire, je conclus qu'il n'était pas dans l'intérêt de la demanderesse de le faire. Cela étant dit, les défenderesses étaient ... prévenues que, si elles décidaient de soulever la question, il y avait une déclaration d'expert pour le compte de la demanderesse sur la même question, et il n'était pas illogique de présumer que la demanderesse souhaiterait donc l'introduire en réponse.

  

Je n'estime pas que l'une ou l'autre des parties est particulièrement désavantagée ou prise véritablement par surprise du fait que les défenderesses ont jugé opportun de soulever cette question dans [leur] preuve et que la demanderesse juge maintenant opportun de la soulever en contre-preuve.

  

Donc, je compte admettre en preuve le témoignage de M. Sutherland qui est reflété aux paragraphes 8 à 26 de sa déclaration d'expert, et si cela exige une ordonnance selon l'article 181 [des Règles de la Cour fédérale (1998)] autorisant une exception aux dispositions générales de cette règle, j'en prononcerai une.

  

Cela étant dit, par souci d'équité et même de justice, d'après moi, la demanderesse ayant choisi de procéder de cette façon, je suis disposé à entendre une réplique à la contre-preuve.

   

            e)         Additions supplémentaires aux extraits versés au dossier

[112]        Je crois comprendre qu'il n'est pas rare dans les affaires comme celle qui fait l'objet des présents motifs que les avocats aient de la difficulté à s'entendre sur l'étendue des extraits à verser au dossier provenant des interrogatoires préalables. En l'espèce, l'avocat des défenderesses a fait


valoir que je devrais accepter certaines additions aux extraits à introduire en preuve pour le compte de la demanderesse. Il a cité la décision Foote et al. c. Royal Columbian Hospital et al.[60], où le juge en chef McEachern a écrit à la page 98 :

[traduction] À mon avis, la Cour peut, de sa propre initiative ou sur demande d'une partie, introduire en preuve toutes les parties qui se rattachent raisonnablement à des parties d'un interrogatoire qui ont déjà été introduites en preuve. Pour déterminer si des parties de l'interrogatoire sont rattachées, la Cour peut prendre en compte le fil des idées ou du sujet, le but visé par l'introduction de la preuve en premier lieu et l'équité, au sens où la preuve devrait représenter la réponse complète du témoin sur ce qui fait l'objet de l'enquête dans la mesure où le témoin l'a exprimée dans les réponses qu'il a données au cours de son interrogatoire préalable. De cette manière, la Cour cherche à faire en sorte que le témoignage sur chaque question soit complet, mais la Cour doit, bien sûr, aussi veiller avec soin à ce que ne soient pas admises en preuve des réponses qui, compte tenu du déroulement de l'instruction, devraient être présentées, si tant est qu'elles peuvent l'être, par la voie de témoignages oraux.

   

[113]        J'ai accepté en preuve les éléments additionnels des interrogatoires préalables proposés pour le compte des défenderesses. Au pages 838 et 839 du volume 9 de la transcription, ma décision est consignée de la façon suivante, toujours avec des modifications de forme seulement :

[traduction][L'avocat de la demanderesse] m'a décliné un ensemble de règles, notamment donner un sens à ce qui en est dépourvu ou fournir des explications, inclure tout ce qui modifie, contredit une réponse ou en restreint la portée, tout ce qui complète une réponse dans des circonstances où cela n'est pas inéquitable; quant à moi, pour mes propres besoins, je ferais la synthèse de toutes ces règles dans un seul terme, la « mise en contexte » . Tout ce qui ne met pas en contexte, n'est pas rattaché ne devrait pas être admis. Mais tout ce qui met en contexte ce qu'une partie se propose d'introduire, que ce soit par la voie d'explication, d'amplification, de contradiction, de restriction, quel que soit le terme employé - toutes choses que j'inclus dans la « mise en contexte » - devrait être admis,


particulièrement dans les circonstances où la mise en contexte permet au juge qui préside d'accorder le poids voulu.

    

                                                                             « Frederick E. Gibson »      

                                                                                                             Juge                      

  

Ottawa (Ontario)

19 décembre 2001

    

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                               ANNEXE 1

                          Figures 1 à 4 du brevet d'Almecon

                                             (paragraphe 7)


                                          ANNEXE 1 (suite)


                                               ANNEXE 2

                             Version modifiée de la King Plug

                                             (paragraphe 8)


                                               ANNEXE 3

                          Version originale de l'Energy Plug

                                             (paragraphe 9)


                                               ANNEXE 4

                          Version modifiée de l'Energy Plug

                                             (paragraphe 9)


                                               ANNEXE 5

                                Figure 9 du brevet d'Almecon

                                            (paragraphe 17)


   

Date : 20011219

Dossier : T-992-92

Ottawa (Ontario), le mercredi 19 décembre 2001

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

ALMECON INDUSTRIES LIMITED

demanderesse

- et -

ANCHORTEK LTD., EXPLOSIVES LIMITED,

ACE EXPLOSIVES ETI LTD.

ET WESTERN EXPLOSIVES LTD.

défenderesses

  

JUGEMENT

  

1.         Le brevet canadien n ° 1,220,134, et en particulier les revendications 1 et 5 de celui-ci, sont valides et ont été contrefaits par la défenderesse Anchortek Ltd. du fait de la fabrication et de la vente au cours des années 1992 à 1996 de l' « Energy Plug » et par les autres défenderesses du fait de l'achat à Anchortek Ltd. de l' « Energy Plug » et de la revente de celle-ci au cours de la période comprise approximativement entre janvier 1992 et mars 1996.


2.         Ainsi qu'il a déjà été ordonné par la Cour en vertu des articles 107, 153 et 247 des Règles de la Cour fédérale (1998) :

a)                    les questions portant sur l'étendue de la contrefaçon par les défenderesses du brevet de la demanderesse,

b)                    les questions portant sur les dommages-intérêts découlant de la contrefaçon,

c)                    les questions portant sur les bénéfices découlant de la contrefaçon,

font l'objet, en vertu du présent jugement, d'un renvoi selon les articles 153 et suivants des règles. Les parties auront le droit de procéder à un interrogatoire préalable de la partie ou des parties ayant un intérêt opposé et d'en obtenir communication des documents avant de faire un choix entre les bénéfices et les dommages-intérêts. La demanderesse devra effectuer ce choix avant de demander la fixation d'une date pour le renvoi.

3.         La demanderesse a droit de recouvrer des défenderesses les intérêts avant jugement et les intérêts après jugement sur les dommages-intérêts ou sur les bénéfices ainsi déterminés, ces intérêts avant et après jugement devant être déterminés dans le cadre de ce renvoi.

4.         La demande reconventionnelle de la défenderesse Anchortek Ltd. est rejetée.


5.         La question des dépens est réservée pour un jugement supplémentaire reflétant l'accord entre les parties ou, à défaut d'accord, après présentation d'observations écrites des parties à la Cour selon le calendrier que déterminera la Cour sur demande de l'une des parties.

  

                                                                             « Frederick E. Gibson »      

                                                                                                             Juge                      

  

Ottawa (Ontario)

19 décembre 2001

    

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


             COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :         T-992-92

INTITULÉ :        ALMECON INDUSTRIES LIMITED c. ANCHORTEK

LTD. ET AL.

                            

LIEU DE L'AUDIENCE :                 CALGARY

DATES DE L'AUDIENCE :              LES 5, 6, 7, 10, 11 ET 12 SEPTEMBRE 2001

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                    19 DÉCEMBRE 2001

COMPARUTIONS :

RONALD DIMOCK

BRUCE STRATTON                        POUR LA DEMANDERESSE

GLEN TREMBLAY

STEVEN GARLAND

JEREMY WANT                           POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

DIMOCK STRATTON CLARIZIO

TORONTO                                POUR LA DEMANDERESSE

SMART & BIGGAR

OTTAWA                                 POUR LES DÉFENDERESSES



[1]              Transcription, volume 1, pages 46 et 47.

[2]       L.R.C. (1985), ch. T-13.

[3]              Dans sa demande reconventionnelle, Anchortek sollicitait également une réparation en vertu de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34. Au cours de l'instruction, cette demande a été abandonnée. Transcription, volume 11, p. 973.

[4]              Transcription, volume 1, p. 47 à 49.

[5]              Pièce J-2.

[6]              Dossiers du greffe T-607-96, T-608-96 et T-610-96. Les actions intentées contre les                                 codéfenderesses ont été réunies à l'action intentée contre Anchortek, sur consentement, par une                           ordonnance du protonotaire adjoint Giles datée du 27 avril 1998. Cette ordonnance dispose                     notamment :

[traduction] En vertu des articles 101 à 105 des Règles de la Cour fédérale (1998), les actions nos T-607-96, T-608-96 et T-610-96, qui sont relatives à des allégations de contrefaçon des droits de la demanderesse sur le brevet canadien n ° 1,220,134 (le brevet d'Almecon) par les activités alléguées des défenderesses à ces actions à l'égard de l'utilisation, de la distribution, de l'offre en vente et de la vente au Canada d'une cartouche de prospection sismique fabriquée par Anchortek Ltd., désignée sous le nom Energy Plug (les allégations d'Achortek), sont réunies dans la présente action n ° T-992-92...

[7]              [1997] C.S.C.R. n ° 374 (Q.L.).

[8]              Pièce D-16.

[9]                    Pièce P-1.

[10]              Ainsi qu'il a été dit auparavant, les motifs de la décision du juge Wetston sont publiés à (1996), 65 C.P.R. (3d) 417.

[11]              (1997), 209 N.R. 387.

[12]              (1917), 35 D.L.R. 353 (C. de l'É.).

[13]              Précitée, note 10.

[14]              (1995), 61 C.P.R. (3d) 499 (C.A.F.).

[15]              (1991), 35 C.P.R. (3d) 350.

[16]              (1947), 12 C.P.R. 102 (C. de l'É.); infirmé par (1949), 12 C.P.R. 182 (C.S.C.); confirmé par (1952), 15 C.P.R.133 (C.P.).

[17]              (1974), 17 C.P.R. (2d) 110 (C.A.F.).

[18]              (1993), 47 C.P.R. (3d) 55 (C.F. 1re inst.); confirmé par (1994), 55 C.P.R. (3d) 299 (C.A.F.).

[19]              Pièce D-13, p. 238 à 243 et 249, lignes 24 à 27, p. 250 et 251 et lignes 1 à 6 à la p. 252.

[20]              Transcription, volume 7, p. 684, lignes 16 à 25.

[21]              Transcription, volume 7, p. 694, lignes 6 à 12, p. 700, lignes 9 à 12 et p. 701, lignes 17 à 21.

[22]                Brevet d'Almecon, p. 6, lignes 5 et 6, non souligné dans l'original.

[23]                  Brevet d'Almecon, p. 7, lignes 5 et 6.

[24]                  Brevet d'Almecon, p. 7, lignes 24 et 25.

[25]              [2000] 2 R.C.S. 1067.

[26]              [1961] R.C.S. 117, à la p. 122.

[27]              Précitée, note 10.          

[28]              (1978), 39 C.P.R. (2d) 191 (C.F. 1re inst.), (1979), 41 C.P.R. (2d) 94 (C.A.F.), [1981] 1 R.C.S. 504.

[29]              Témoignage principal de James Jackson, transcription, vol. 6, p. 609, 618 et 619; témoignage principal de Paavo Luoma, transcription, vol. 7, p. 693 et 694.

[30]              Pièce D-14, documents cités dans les extraits de Paavo Luoma versés au dossier par les défenderesses, onglet 9.

[31]              Pièce P-45.

[32]              (1995), 64 C.P.R. (3d) 10 (C.F. 1re inst.).

[33]                Extraits de l'interrogatoire préalable de Paavo Luoma, le 8 juillet 1998, versés au dossier; réponse écrite à une question à la p. 100, ligne 1; pièce D-13.

[34]                  Pièce P-45.

[35]              (1947), 12 C.P.R. 102 (C. de l'É.); infirmé par (1949), 12 C.P.R. 182 (C.S.C.); confirmé par (1952), 15 C.P.R. 133 aux p. 143 à 148 (C.P.).

[36]              (1991), 39 C.P.R. (3d) 176 (C.A.F.).

[37]              (1981), 57 C.P.R. (2d) 29 aux p. 44 et 45 (C.A.F.).

[38]              Précitée, note 10.

[39]              [2001] CFPI 889, dossier du greffe T-913-95, appel déposé [2001] n ° 1491.

[40]              [2000] 2 R.C.S. 1024.

[41]                  Free World Trust, précité, note 40, aux p. 1043 et 1044.

[42]              Pièce P-5.

[43]              Pièce P-3.                

[44]                  Voir l'annexe 4 des présents motifs.

[45]                  Pièce P-12.

[46]              Précitée, note 2.

[47]              Voir les paragraphes 21 à 24 de l'exposé conjoint des faits cités plus tôt dans les présents motifs.

[48]              Pièce D-16.

[49]              [1966] R.C.S. 419.

[50]              [1999] A.C.F. n ° 1044 (Q.L.), (C.F. 1re inst.).

[51]              Transcription, volume 1, p. 66, lignes 17 à 25, p. 67, lignes 1 à 22 et p. 68, lignes 6 à 9.

[52]              2e éd., (Toronto: Butterworths, 1999).

[53]             Transcription, volume 1, p. 99.

[54]             Transcription, volume 1, p. 99, lignes 22 à 25 et p. 100, lignes 1 à 4.

[55]             Transcription, volume 6, p. 564 et 565.

[56]              Précitée, note 17.

[57]              Pièce P-45.

[58]             [1967] 1 O.R. 18 (C.A. Ont.).

[59]             (1980), 48 C.P.R. (2d) 248 (C.F. 1re inst.).

[60]       (1982), 29 C.P.C. 94 (C.S.C.-B.).

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