Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

                                                                                                                T-1162-93

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 4 DÉCEMBRE 1996

 

 

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE JOYAL

 

 

Entre :

 

                                   MARSHALL KYLE BOXRUD et

                                       SHIRLEY ANNE BOXRUD,

 

                                                                                                            demandeurs,

 

ET

 

                                         SA MAJESTÉ LA REINE,

 

                                                                                                           défenderesse.

 

 

 

                                                 J U G E M E N T

 

 

            La réclamation des demandeurs est accueillie en partie.  La Cour déclare que les améliorations apportées au fonds sont des biens meubles appartenant aux demandeurs, à l'exception du complexe bureau principal/ résidence du directeur et de la piscine.  Il est de plus déclaré que ces deux derniers ajouts ont été installés à demeure et sont incorporés au fonds appartenant à la Bande indienne du lac Adams qui a été cédé à la Couronne.

 

            Les demandeurs ont droit à 80 % de leurs frais et débours taxés, mais je ne rends aucune ordonnance correspondante en faveur de la défenderesse.

 

 

                                                                        «L. Marcel Joyal»

                                                                       

 

                                                                                       JUGE

 

 

 

Traduction certifiée conforme                       

 

                                                                        François Blais, LL.L.


 

 

 

 

 

                                                                                                                T-1162-93

 

 

Entre :

 

                                   MARSHALL KYLE BOXRUD et

                                       SHIRLEY ANNE BOXRUD,

 

                                                                                                            demandeurs,

 

 

ET

 

 

                                         SA MAJESTÉ LA REINE,

 

                                                                                                           défenderesse.

 

 

                                         MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE JOYAL

 

 

            Les demandeurs, Marshall Kyle Boxrud et Shirley Anne Boxrud sont les propriétaires exploitants d'une station de villégiature au lac Adams, près de Chase (C.-B.), sur des terres louées de la Couronne.  Ils ont intenté la présente action à l'encontre de la Couronne afin de faire déclarer que les améliorations apportées au fonds sur lequel ils exploitent leur entreprise leur appartiennent, et que le titre de propriété de ces améliorations n'est pas rétrocédé à la Couronne à l'expiration du bail.

 

Contexte

 

            Les biens en question sont situés sur la réserve indienne Hustalen no 1 qui appartient à la Bande indienne du lac Adams.  Le 6 novembre 1968, la Bande a cédé certaines parties de la réserve afin que les terres soient aménagées et loties en vue de leur sous-location, comme il est indiqué dans l'acte de cession et le décret C.P. 1969-262.  Ainsi donc, à l'expiration du droit de tenure à bail, l'intérêt de pleine propriété sur le fonds est rétrocédé à la Couronne au profit de la Bande.

 

            Le 2 avril 1969, la Couronne a loué les terres à Indian Point Lands Inc., société enregistrée en Colombie-Britannique ayant un établissement à Chase (C.-B.).  Le bail portait sur des lots[1] d'environ 40,7 acres pour une durée de 20 ans (c'est-à-dire jusqu'au 2 avril 1989).  Le levé de terrain a été déposé au bureau d'enregistrement à Kamloops (C.-B.).  La société Indian Points Lands Inc. a aménagé et loti les terres à des fins résidentielles et commerciales.

 

            Le 12 novembre 1971, Indian Points Lands Inc. a sous-loué certains lots[2] à Tiliruk Transport and Publishing Company Ltd. («Tiliruk») pour [TRADUCTION] «le reste du terme de vingt ans moins un jour à compter du 1er jour d'avril 1969» (c.-à-d. jusqu'au 31 mars 1989).  Le sous-bail a été inscrit au Registre des terres indiennes à Ottawa.

 

            Comme l'autorisait ce sous-bail, Tiliruk a construit sur les terres dix chalets, un complexe formé d'un bureau et de la résidence du directeur, un quai et deux jetées nécessaires pour l'exploitation d'une station estivale.  La station de quatre acres porte le nom de Indian Point Resort.

 

            Le 9 octobre 1971, Tiliruk a vendu la station à Harold James et Eileen Muriel Farquhar par voie de cession du sous-bail ayant pour but de transférer tous les titres de propriété des améliorations faites aux Farquhar.  La clause qui, d'après les demandeurs, porte atteinte à cette cession sera discutée ci-dessous.

 

            Le 1er mars 1974, les Farquhar ont vendu Indian Point Resort aux demandeurs.  Ces derniers prétendent que tous les titres de propriété des améliorations leur ont été cédés.  La cession du sous-bail a été approuvée par la Couronne et enregistrée.

 

            Depuis, les demandeurs ont apporté d'autres améliorations sur le fonds et ont continué d'utiliser les améliorations en place et d'exploiter la station estivale après l'expiration du sous-bail.  Au moment d'entamer les négociations en vue de conclure un nouveau sous-bail, la Couronne a déclaré qu'elle détenait un droit dans les améliorations.

 

            En février 1993, plutôt que de renégocier le sous-bail, les parties ont convenu que la Couronne louerait directement le fonds aux demandeurs.  Ce bail a été enregistré à Ottawa le 24 mars 1993.  Le bail renferme une disposition indiquant qu'il y a un conflit quant à la propriété des améliorations et accordant aux parties le droit de demander à la présente Cour une déclaration ayant trait aux titres de propriété.  Les demandeurs ont déposé la déclaration introductive d'instance le 20 mai 1993, afin de faire confirmer les titres de propriété.

 

            Les deux parties ont retenu les services d'experts indépendants pour faire les levés sur la station afin de déterminer la nature et le type de construction, la manière dont les constructions ont été fixées au fonds, le degré de difficulté concernant l'enlèvement des structures et la nature apparemment permanente des constructions.  Il y a un certain nombre de divergences portant sur des détails sans importance, par exemple le nombre précis de chalets et les dimensions de l'édifice principal.  Néanmoins, les deux experts, dont un seul a donné une déposition orale, semblent avoir abordé la question d'un point de vue pratique et réaliste.

 

            Voici en quoi consiste les améliorations faisant l'objet du litige :

 

A.Le complexe formé du bureau et de la résidence du directeur

L'édifice principal est une construction de 3 500 pieds carrés, répartis sur deux étages (1 750 pieds carrés par étage), formant deux ailes.

L'aile originale, couvrant 2 200 pieds carrés sur deux étages, est une construction à poteaux et à poutres en bois dont la conception est semblable à celle des chalets.  L'ingénieur de la défenderesse indique que cette aile a été conçue pour être facilement démontée.  Toutefois, il apporte une réserve importante.  Pour détacher cette aile de l'ajout construit ultérieurement, certains travaux de séparation seraient nécessaires.

L'ajout à l'édifice principal est une construction en bois d'un étage posée sur des fondations de béton pleine hauteur.  Le plancher du sous-sol de cette aile se trouve au niveau du plancher de l'étage inférieur de l'aile originale.  Les murs des fondations servent également de murs de soutènement pour retenir les talus de terre des côtés nord-est et sud-est de la construction.  Bien qu'il soit techniquement possible d'enlever la partie supérieure de cet ajout, cela entraînerait des travaux et des dépenses considérables.  De plus, les fondations ne pourraient plus servir de mur de soutènement si la partie supérieure en était détachée étant donné qu'elles seraient privées du soutien assuré par cette construction.  Donc, l'enlèvement de toute portion de l'ajout exigerait la démolition des structures de béton ou d'importants travaux de renforcement.

Les travaux nécessaires pour séparer les deux ailes du complexe exigeraient probablement le remplacement du mur mitoyen réunissant les deux ailes.  En outre, l'étage supérieur de l'aile principale abrite une partie de la résidence du directeur, soit la cuisine et la salle de séjour, alors que la partie supérieure de l'ajout abrite les chambres et les toilettes.  À l'étage inférieur se trouvent le bureau, une boutique et une pièce de rangement.  Pour séparer les deux ailes, il faudrait donc couper en deux la résidence des demandeurs.  Je conclus que l'assemblage entre l'aile originale de l'édifice et l'ajout est un raccord permanent et je traiterai le complexe comme une seule amélioration.

 

B.Les chalets en location

Quelque onze chalets de 440 pieds carrés avec eau courante et électricité sont loués aux vacanciers.  Ce sont des constructions préfabriquées à poutres et à poteaux avec un plancher de bois reposant sur des piliers de béton individuels.  Quatre des chalets ont un revêtement isolant et le vide sanitaire a été fermé afin de pouvoir les utiliser pendant l'hiver.  Ils ne sont attachés au fonds que par les raccords des services publics et les quatre piliers de béton individuels.  La preuve indique que les chalets ne portent atteinte au fonds que de façon minimale et ont été conçus pour être facilement démontés.

 

C.La «maison de poupée»

Il s'agit d'un petit chalet dont la structure et le design sont semblables aux grands chalets.

 

D.Le quai et les jetées

Il y a deux jetées, dont la plus importante est rattachée à la terre par un quai flottant de vingt pieds sur quarante pieds le long de la rive.  Le quai repose sur deux piliers enfoncés à quelques pieds seulement dans le sol.  À cette exception près, toute la structure est flottante et peut être facilement enlevée sans endommager le fonds.


E.La piscine

Il s'agit d'une piscine conventionnelle de 18 x 36 pieds dont les murs d'acier sont creusés dans le sol et recouverts d'une toile de vinyle.  L'ingénieur de la défenderesse déclare que l'enlèvement de cette piscine exigerait [TRADUCTION] «la démolition de quelques parties de béton et l'utilisation de matériaux de remblai».  Il y a un appareil de chauffage et un filtre qui, apparemment, ne seraient pas faciles à enlever, mais qui ne causeraient pas de dommages résiduels importants au fonds.  Je conclus que l'enlèvement de la piscine, même s'il demeure techniquement possible, en amoindrirait tellement la valeur que le coût en devient prohibitif.

 

Les questions en litige

 

            Bien que l'action ait été initialement présentée comme un litige concernant le montant à imputer comme frais de location relativement au bail de la station de villégiature, cette partie de la cause a été réglée entre les parties et n'a pas été débattue devant moi.  Les parties demandent uniquement à la présente Cour de déclarer laquelle des parties est propriétaire des améliorations qui ont été apportées au fonds.

 

            Pour être en mesure de me prononcer sur le titre de propriété des améliorations, il me faut analyser dans quelles circonstances le droit de propriété des améliorations reviendrait à la Couronne en même temps que le titre de propriété du fonds.  Les demandeurs prétendent que les améliorations sont des biens meubles utilisés pour l'exploitation de leur entreprise, qui peuvent être enlevés sans nuire aux autres biens meubles ou au fonds, et par conséquent qu'il ne s'agit pas d'immeubles et qu'ils sont la propriété des demandeurs.  La Couronne prétend que les améliorations ont été fixées à demeure et sont devenues la propriété de la Couronne.

 

Analyse

 

            À titre de locateur, le titre de propriété du fonds est rétrocédé à la Couronne à l'expiration du droit de tenure à bail.  Le locataire aura bien entendu le droit de conserver son droit de propriété dans les biens meubles qu'il a installés sur le fonds.  La question porte sur les éléments qui ont été installés sur le fonds de façon suffisamment permanente pour être incorporés à celui-ci.

 

            Un examen de la jurisprudence de la Cour fédérale sur la question de l'incorporation révèle celle-ci ne s'est posée que dans le contexte fiscal (c'est-à-dire pour le calcul de l'allocation du coût en capital).  Le critère, énoncé dans l'arrêt La Reine c. Mount Robson Motor Inn Limited[3] et repris dans la décision Park Mobile Home Sales Ltd. et autres c. M.R.N.[4] est le suivant :

 

Le droit applicable en la matière semble raisonnablement clair.  Lorsque des meubles sont attachés à un fonds, ils peuvent soit conserver leur nature de biens meubles soit s'incorporer au fonds, auquel cas ils deviennent des immeubles par destination.  Puisqu'une fois attachés au fonds, les immeubles par destination sont vraiment incorporés à celui-ci, ils appartiennent au propriétaire du fonds.  Il en est ainsi tant qu'ils demeurent attachés au fonds, que la personne qui les y a attachés ait conservé ou non le droit de les enlever.

 

 

            Dans l'arrêt Mount Robson Motor Inn, la Cour d'appel a statué que des chalets étaient des immeubles par destination principalement parce que les entrées d'asphalte ne pouvaient être enlevées sans endommager le fonds.  Toutefois, la Cour n'a pas discuté en détail des critères pertinents à utiliser pour en arriver à une telle conclusion.  Il semble que cette cause soit la seule autorité jurisprudentielle de la Cour fédérale sur la façon de distinguer un immeuble par destination d'un bien meuble.  Néanmoins, la jurisprudence traite abondamment de l'application de lois provinciales à des questions de compétence fédérale lorsqu'elles font partie des questions en litige[5].  L'analyse exhaustive des tribunaux de la Colombie-Britannique sur le sujet nous fournit quelques éléments utiles.

 

            La cause principale, provenant de la Colombie-Britannique, portant sur la distinction entre les immeubles par destination et les biens meubles ou sur les accessoires fixes du locataire est La Salle Recreations Limited v. Canadian Camdex Investments[6].  Les tribunaux de la Colombie-Britannique, comme ceux de plusieurs autres provinces canadiennes, ont adopté le critère énoncé par le juge en chef Meredith, s'exprimant au nom de la cour de division dans l'affaire Stack v. Eaton[7].  La Cour d'appel a reformulé les principes applicables dans les termes suivants :

 

[TRADUCTION]

J'estime que les points suivants sont bien établis en droit :

 

(1)  Les objets qui ne sont pas attachés au fonds autrement que par leur propre poids ne doivent pas être considérés comme étant incorporés au fonds, à moins que les circonstances démontrent que les parties avaient l'intention qu'il en soit ainsi.

 

(2)  Les objets fixés au fonds, même légèrement, doivent être considérés comme étant incorporés au fonds, à moins que les circonstances démontrent que les parties avaient l'intention de continuer de les traiter comme des biens meubles.

 

(3)  Les circonstances qu'il faut nécessairement démontrer pour modifier la nature première des objets sont des circonstances démontrant manifestement aux yeux de tous le degré de fixation et le but de celle-ci.

 

(4)  L'intention de la personne qui a fixé l'objet au fonds n'est pertinente que si cette intention peut être présumée du degré de fixation et du but de celle-ci.

 

 

            Le critère crée une présomption selon laquelle les objets attachés au fonds même légèrement doivent être considérés comme étant incorporés à celui-ci.  Cette présomption peut être réfutée en faisant référence à l'usage prévu des objets, tel qu'il ressort du degré et du but de la fixation.  En déterminant l'objet ou le but de cette fixation, il faut vérifier si l'intention était de faire un meilleur usage de l'objet ou du fonds.

 

            Dans Homestar Holdings Ltd. v. Old Country Inn Ltd.[8], le juge Cumming, tel était alors son titre, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, nous fournit une analyse très utile de la jurisprudence ayant trait aux biens meubles et aux immeubles par destination.  Après avoir cité la décision La Salle Recreations, précitée, et avoir noté combien il est difficile de concilier des causes manifestement contradictoires, la Cour analyse les divers facteurs qui, après examen, exigent que l'on se prononce d'une façon ou d'une autre sur la nature des biens.  Les biens attachés au fonds sont, généralement, des immeubles par destination, à l'exception des «accessoires fixes d'exploitation».  La Cour dresse ensuite la liste des différentes décisions qui ont été rendues au fil des ans, dans quelque 22 causes, et qui soulèvent des questions assez difficiles.  En effet, aucun objet ou bien ne peut être examiné dans l'abstrait lorsqu'il s'agit d'en déterminer la nature en tant qu'accessoire fixé à demeure ou que bien meuble.  La nature du bien, la position des parties, l'intention dans laquelle les améliorations ont été apportées, les différentes conditions du bail, la nature de l'entreprise sont autant de facteurs qui doivent être pris en compte.

 

            Dans un sous-bail, c'est-à-dire celui conclu entre le locataire initial et Tiliruk, en date du 12 novembre 1970, on trouve la clause 14 qui est rédigée dans les termes suivants :

 

[TRADUCTION]

14.  À l'expiration ou à la résiliation du bail, le sous-locataire aura le droit d'enlever les constructions qu'il a érigées sur le fonds et qui n'y sont pas attachés à demeure; il est toutefois entendu que si elles ne sont pas enlevées avant l'expiration du sous-bail, elles deviendront la propriété du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

 

            Bien que cette clause fasse référence au principe de l'enlèvement des constructions, ou reconnaisse ce principe, elle est manifestement limitée aux constructions qui ne sont pas attachées à demeure au fonds.  Par conséquent, cette clause présume que la question soulevée devant la présente Cour est déjà résolue.

 

            Deuxièmement, il semble d'après la preuve que, de toute façon, aucune amélioration de quelque type que ce soit n'a été enlevée, et que ces améliorations reviendraient autrement à la Couronne.  Cette affirmation ne nous est pas nécessairement utile.  La clause 16.1 du bail entre les parties, qui est entré en vigueur le 1er avril 1989, déposée sous la pièce D-2, onglet 6, indique clairement ce qui suit : [TRADUCTION] «le locataire a le droit [...] d'enlever ses biens meubles et toutes structures, installations ou améliorations que les tribunaux ont jugé comme étant la propriété du locataire à la date de signature du présent bail [...]».  La clause 16.02 fait en outre référence au conflit qui existait entre les parties au moment de la signature du bail, quant aux titres de propriété de toutes les structures, installations et améliorations, et prévoit le renvoi de cette question à la Cour fédérale.

 

            À mon avis, ces deux dispositions démontrent que la question dont je suis saisi a toujours été présente à l'esprit des parties et que les dispositions de la clause 14 du document précité ne leur est d'aucune utilité.

 

Conclusion

 

            Pour ce qui a trait au degré de fixation des améliorations en question, je suis porté à accepter la conclusion suivante du rapport technique :

 

[TRADUCTION]

La plupart des constructions et des structures érigées sur le fonds peuvent être facilement enlevées, étant donné qu'elles ont été conçues et construites en vue de pouvoir être installées ailleurs.  L'enlèvement de la plupart de ces structures entraînera peu de dommages résiduels au fonds ou, de toutes les façons, le fonds peut être remis dans son état initial avec relativement peu d'effort.

 

Parmi les différentes structures qui ont été érigées sur le fonds, seul l'ajout à l'édifice principal pose des difficultés d'enlèvement.  Il n'a manifestement pas été conçu ou construit en vue d'être installé ailleurs.  Les effets résiduels de son enlèvement seraient importants, et des travaux importants seraient exigés pour reconstruire l'édifice et remettre le fonds dans son état initial.

 

 

            Comme il est indiqué ci-dessus, l'ajout à l'édifice principal a été, à toutes fins pratiques, attaché à demeure au fonds.  L'aile originale de l'édifice principal, ayant été reliée de façon permanente à l'ajout, a acquis ce même degré de fixation.  Finalement, la piscine, bien qu'en théorie elle puisse être enlevée, présente manifestement un degré important de fixation.

 

            Pour ce qui a trait à toutes les améliorations, à l'exception du complexe principal et de la piscine, le degré initial de fixation est minime.  Ce degré minime de fixation donne lieu à l'application de la présomption selon laquelle les améliorations sont des immeubles par destination, mais je conclus que l'objet de la fixation de ces améliorations, démontré principalement par leur facilité d'enlèvement, était d'améliorer leur valeur en tant que biens meubles.

 

            Pour ce qui a trait au complexe principal, je conclus que l'objet apparent de la fixation était de faire un meilleur usage du fonds en tant que lieu de résidence permanente étant donné qu'il est fixé à demeure.  La piscine n'a certainement pas été construite avec l'intention d'être enlevée facilement.  Donc, ces ajouts sont présumés être des immeubles par destination.

 

            Bien que la jurisprudence ne fasse aucune référence précise à des considérations purement économiques dans le débat entre bien meuble et immeuble par destination, il me semble néanmoins que ces aspects pratiques suffiraient à eux seuls à en dégager le sens commun.  Je citerai comme exemple la raison qui sous-tend la construction de la piscine creusée.  Il est vrai, dans un certain sens, que les murs d'acier et la clôture de sécurité qui ceinture la piscine peuvent être physiquement enlevés et la cavité remblayée pour remettre le fonds dans son état initial.  Toutefois, quel usage en ferait le propriétaire?  Il devrait tout d'abord creuser une nouvelle cavité.  Il devrait réutiliser les panneaux d'acier qui ont probablement été sérieusement endommagés par une exposition au sol acide.  Il devrait probablement installer une nouvelle toile de vinyle.  L'ensemble de ces opérations me semble tout à fait futile et, à mon avis, n'apporte aucun avantage économique au propriétaire.

 

            Les mêmes considérations s'appliquent aux structures jumelles servant de local commercial et de résidence.  Quel serait l'aspect pratique de séparer une aile de l'autre, et quel avantage économique le propriétaire du bien meuble en retirerait-il?  Une telle opération, à mon avis, n'en vaut pas la chandelle.

 

            La jurisprudence, à laquelle il a été fait référence ci-dessus, m'indique clairement que les faits et les circonstances de chaque cas doivent être examinés avant de procéder à un classement approprié.  Bien entendu, il faut pour cela que la Cour porte un jugement de valeur.  L'un des faits importants dont je suis saisi est que les demandeurs exploitent une station estivale et qu'une bonne partie de leurs améliorations peuvent être considérées comme des accessoires fixes du locataire.  Cet élément, à mon avis, rend leur classement compatible avec certaines causes de jurisprudence, ou du moins pas incompatible avec d'autres.  Il y a en outre la question de l'enlèvement des chalets ou des jetées et la question de savoir si un tel enlèvement peut être facilement effectué sans endommager le fonds, mais avec un avantage pour les propriétaires.

 

            Le même raisonnement s'applique bien entendu au complexe bureau/résidence et à la piscine creusée.  À cause de la dernière amélioration qui y a été apportée, la résidence originale a perdu son caractère de mobilité, et ses différentes parties sont d'un usage très douteux.  Quant à la piscine, je n'ai pas besoin de répéter ici qu'il serait futile de l'enlever.  Autrement dit, on ne pourrait enlever ce bien meuble qu'en le détruisant.

 

Conclusion

 

            Compte tenu de tout ce qui précède, j'accueille la réclamation des demandeurs en partie.  Il est déclaré que les améliorations apportées au fonds sont des biens meubles appartenant aux demandeurs, à l'exception du complexe bureau principal/résidence du directeur et de la piscine.  Il est de plus déclaré que ces deux derniers ajouts ont été installés à demeure et sont incorporés au fonds appartenant à la Bande indienne du lac Adams qui a été cédé à la Couronne.

 

            Les demandeurs ont droit à 80 % de leurs frais et débours taxés, mais je ne rends aucune ordonnance correspondante en faveur de la défenderesse.

 

            En terminant, je tiens à féliciter les deux parties, leurs avocats et leurs témoins pour avoir apporté au déroulement de cette instance courtoisie et célérité.

 

 

 

 

                                                                        «L. Marcel Joyal»

                                                                       

 

                                                                                       J U G E

 

 

 

O T T A W A (Ontario)

le 4 décembre 1996

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                       

 

                                                                        François Blais, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

N° DU GREFFE :T-1162-93

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Marshall Kyle Boxrud et autre,

demandeurs

                                                                 - et -

                                                                 Sa Majesté la Reine,

défenderesse

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Victoria (C.-B.)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :   les 30 et 31 octobre et

le 1er novembre 1996

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :    le juge Joyal

 

 

DATE :                                                    le 4 décembre 1996

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Peter W. Klassen                                             POUR LES DEMANDEURS

 

 

Kenn B. Kardish                                             POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Crease Harman and Co.

Victoria (C.-B.)                                               POUR LES DEMANDEURS

 

 

Kardish and Company

Victoria (C.-B.)                                               POUR LA DÉFENDERESSE



     [1]Désignés sous les lettres A, B et C au plan 54559 des archives d'arpentage des terres du Canada

     [2]Désignés sous les chiffres 28, 29, 30 et 44 au plan 59214 des archives d'arpentage des terres du Canada

     [3][1982] 2 C.F. 52 (C.A.F., le juge Pratte s'exprimant au nom de la Cour)

     [4][1983] C.T.C. 2635 (le juge St-Onge, C.C.I.)

     [5]Voir par exemple, Canada (P.G.) et Le Motel Fontaine Bleue Inc. (1978), 29 N.R. 394 (C.A.F.) et 384238 Ontario Ltd. c. La Reine, [1982] 1 C.F. 61 (C.F. 1re inst.)

     [6](1969), 4 D.L.R. (3d) 549; 68 W.W.R. 339 (C.A.C.-B.), aux pages 344-345

     [7](1902), 4 O.L.R. 335, à la page 338

     [8](1986) 8 B.C.L.R. (2d) 211

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.