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     IMM-2565-96

E N T R E :

     KWAN WAH TONG,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HEALD, J.S.

     Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant à contester la poursuite de l'examen de la demande de résidence permanente du requérant par le Bureau du consulat général canadien à Buffalo, New York. Aucune décision définitive n'a été prise relativement à cette demande parce qu'aucune opinion médicale définitive concernant l'état de santé du requérant n'a été arrêtée. Le requérant sollicite une ordonnance déclaratoire portant que :

     (a)      le Ministre remettra au requérant le dossier médical complet du requérant;
     (b)      le Ministre s'abstiendra de rendre une décision définitive relativement à la demande de résidence permanente au Canada du requérant avant l'expiration de 3 mois suivant la réception par le requérant du dossier médical certifié;
     (c)      l'agent des visas ne peut exercer ses fonctions d'agent des visas dans les dossiers comportant un risque de refus fondé sur un problème médical s'il ne dispose pas d'un exemplaire complet du dossier médical.

Contexte factuel

     La demande de résidence permanente en cause a été soumise au consul général canadien à Buffalo, le 17 novembre 1994. Le 16 février 1995, le Ministre a donné des instructions médicales au requérant. Le requérant a été avisé qu'une entrevue personnelle ne serait pas nécessaire. Le requérant a fini d'exécuter les instructions médicales le 22 mars 1995. Le 30 juin 1995, le Ministre a demandé au requérant et à son épouse d'apporter une "enveloppe scellée" au médecin afin qu'il effectue des examens médicaux supplémentaires. Le 20 septembre 1995, le requérant a reçu à nouveau pour instructions de remettre une autre enveloppe scellée au médecin pour qu'il effectue des tests médicaux plus poussés.

     Les examens médicaux ont révélé que le requérant souffrait d'hépatite chronique active causant une fibrose du foie et une anomalie des fonctions hépatiques. En janvier 1996, le vice-consul a reçu l'opinion de deux médecins agréés. Ils concluaient que le requérant était inadmissible au Canada pour des raisons médicales par application du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration. Dans une lettre datée du 13 février 1996, le vice-consul a informé le requérant de cette conclusion. Le requérant s'est vu accorder un délai de 60 jours à partir de la date de cette lettre pour fournir de nouveaux renseignements médicaux ou une réponse, ou les deux.

     Dans des lettres datées du 26 février et du 18 mars 1996, l'avocat du requérant a demandé qu'une copie du dossier médical du requérant lui soit transmise. Dans des lettres datées du 12 avril et du 15 mai 1996, le vice-consul a informé le requérant qu'il n'était pas en mesure de lui fournir son dossier médical. Il lui a suggéré d'adresser sa demande aux Services médicaux de l'Immigration, à Ottawa. Dans la lettre datée du 15 mai, le délai accordé au requérant pour présenter des arguments concernant son état de santé a été prorogé jusqu'au 10 juin 1996. La présente demande de contrôle judiciaire a été déposée le 29 juillet 1996. Aux fins de la demande, le ministère intimé a refusé de divulguer le dossier médical du requérant.

Questions en litige

1.      L'agent des visas peut-il exercer ses fonctions en évaluant une personne qui demande la résidence permanente, sans avoir accès au dossier médical complet d'un requérant faisant l'objet d'allégations selon lesquelles son état de santé pourrait entraîner le rejet de sa demande de résidence permanente?

2.      Le Ministre porte-t-il atteinte au droit du requérant à l'équité procédurale en refusant de lui communiquer son dossier médical complet afin qu'il réponde à l'évaluation des médecins agréés ?


Analyse

1.      Le devoir de l'agent des visas

     Selon le requérant, l'agent des visas n'étant pas en possession du dossier médical, il aurait dû tenter de l'obtenir. À son avis, l'agent des visas avait le devoir de tenir compte de toute la preuve pertinente connue et il aurait dû tenter d'obtenir le dossier médical. Le requérant s'appuie sur la décision rendue par le juge Cullen dans l'affaire Ismaili v. M.C.I.1, dans laquelle il a déclaré : [Traduction] "L'agent des visas - tout à fait indépendamment de la décision des médecins agréés - doit considérer si l'état de santé du requérant entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé. L'agent des visas, sans mettre en doute l'opinion médicale et le diagnostic, doit considérer tous les éléments de preuve disponibles."

     J'ai eu l'occasion d'examiner cette question dans une affaire récente2. L'une des questions en litige dans l'affaire Fei consistait à se demander si un agent des visas a le devoir d'exiger et d'obtenir les renseignements nécessaires pour confirmer le caractère raisonnable de l'opinion du médecin agréé. Après avoir passé en revue la jurisprudence, j'ai conclu que le législateur avait conféré aux médecins agréés le pouvoir de décider de la non-admissibilité pour raisons d'ordre médical. Une fois que le médecin agréé s'est fait une opinion, l'agent des visas n'a pas la compétence de modifier cette opinion, qui le lie. À partir de cette règle, j'ai conclu qu'il n'était pas nécessaire que l'agent des visas examine le dossier médical. En conséquence, je dois rejeter cet argument.

2.      L'équité procédurale

     Le requérant soutient que la lettre du vice-consul mentionne uniquement son état de santé. Aucun détail n'est donné concernant les motifs qui ont amené les médecins agréés à tirer leur conclusion. De l'avis du requérant, cette façon de procéder porte atteinte à son droit à l'équité procédurale parce qu'il n'est pas en mesure de répondre à une déclaration générale définissant son état de santé, sans qu'on lui donne des précisions sur cet état de santé.

     Je ne peux retenir cet argument. Le requérant a eu pleinement l'occasion de répondre à l'évaluation médicale. On lui a accordé quatre mois pour y répondre. Dans l'avis qui lui a été donné, la teneur de l'opinion défavorable concernant son état de santé lui a été révélée. À mon avis, les critères énoncés par Lord Loreburn, L.C., dans Board of Education v. Rice3, sont remplis en l'espèce : [Traduction] "Ils peuvent obtenir des renseignements comme bon leur semble, en fournissant toujours une occasion convenable aux parties à la controverse, de corriger ou de contredire toute affirmation pertinente défavorable à leur thèse."

Conclusion

     Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Certification

     L'avocat du requérant a demandé la certification de deux questions en vertu de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. L'avocat de l'intimé s'est opposé à cette demande en soutenant que la jurisprudence existante répond à la plupart des questions soulevées. L'avocat était également d'avis qu'à tout le moins, certaines des questions ne soulevaient pas de question grave de portée générale. Je suis d'accord avec lui. En conséquence, je ne certifierai aucune question.

                         "Darrel V. Heald"

                                 J.S.

Toronto (Ontario)

31 octobre 1997

Traduction certifiée conforme :     

                             François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-2565-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      KWAN WAH TONG
                     - et -
                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
                     ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDITION :      30 OCTOBRE 1997
LIEU DE L'AUDITION :      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE HEALD

DATE DE L'ORDONNANCE :      31 OCTOBRE 1997

ONT COMPARU :

                     M e Cecil L. Rotenberg, c.r.
                     M e Mary Lam
                         pour le requérant
                     M e Marie-Louise Wcislo
                         pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                     United Centre
                     808-255, chemin Duncan Mill
                     North York (Ontario)
                     M3B 3H9
                         pour le requérant
                     George Thomson
                     Sous-procureur général du Canada
                         pour l'intimé

                                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                         Numéro du greffe :      IMM-2565-96
                                         Entre :
                                         KWAN WAH TONG,
                                              requérant,
                                              - et -
                                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
                                         ET DE L'IMMIGRATION,
                                              intimé.
                                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE
__________________

1      (1995), 22 Imm. L.R. (2d) 1.

2      Voir Fei v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) IMM-741-96, 30 juin 1997.

3      [1911] A.C. 179, à la page 182.

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