Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision




Date : 20001116


Dossier : T-159-98


ENTRE :


     OSWAN TUCKER et TUCKER & SON LTD.


     demandeurs


     et


     SA MAJESTÉ LA REINE

     représentée par le Ministre

     des Pêches et des Océans


     défenderesse


     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN (ex officio)

INTRODUCTION

[1]      Il s'agit d'une action en dommages-intérêts découlant de la décision par laquelle le Ministre des Pêches et des Océans a demandé à Oswan Tucker (le demandeur) de choisir d'utiliser un permis de pêche côtière pour le poisson de fond ou un permis de pêche hauturière pour le flétan noir. Le demandeur affirme que le Ministre a exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'article 7 de la Loi sur les pêches d'une façon manifestement déraisonnable. Subsidiairement, il affirme que le Ministre a fait une déclaration inexacte avec négligence sur laquelle il s'est fondé à son détriment.

LES FAITS

[2]      Le 15 juin 1990, le Ministre des Pêches et des Océans a publié un communiqué de presse énonçant les détails d'un programme de développement destiné à encourager le développement et l'exploration de stocks de poisson de fond sous-utilisés dans le Canada Atlantique. Selon le programme, parmi les espèces de poisson de fond sous-utilisées, il y avait le flétan du Groenland (le flétan noir) dans la sous-zone de pêche O, divisions 2GH et 2J3KL, soit des zones qui sont situées passablement dans le nord (ainsi, la sous-zone O est située entre l'île de Baffin et le Groenland). Les quotas de pêche dans ces zones n'étaient pas tous attribués et l'on croyait qu'à cet endroit, les poissons étaient plus gros et qu'il y avait plus de poissons que dans les zones situées plus au sud.

[3]      On a lancé un appel de propositions, aux fins de l'inscription au programme de développement, auprès des titulaires de permis de pêche de poisson de fond, d'autres titulaires de permis et de nouveaux participants, et ce, dans cet ordre. On a lancé un autre appel de propositions au moyen d'un communiqué de presse en date du 18 février 1991.

[4]      Le demandeur a toujours été pêcheur. Il exerçait cette activité en vertu de permis de pêche côtière (navires immatriculés de moins de 65 pieds de long) et en vertu de permis de pêche hauturière (navires immatriculés d'au moins 65 pieds de long). À la fin des années 1980 et au début des années 1990, on avait délivré au demandeur des permis de pêche côtière que celui-ci utilisait en se servant de navires de moins de 65 pieds de long. Le demandeur pêchait la morue du Nord et le crabe, mais à cause de la pénurie de poisson, la pêche à la morue a été fermée.

[5]      Le demandeur a donc décidé de tenter sa chance dans le cadre du programme de développement. Il avait initialement entendu parler du programme de développement par d'autres sources, et ensuite au moyen des communiqués de presse du Ministre. On a accepté le demandeur à l'égard du programme de développement pour l'année 1991 et celui-ci a reçu des subventions pour des engins de pêche expérimentaux. En 1991, le demandeur a exercé ses activités de pêche en se servant d'un navire de 75 pieds de long en vertu du permis de Great Northern Leasing.

[6]      En 1992, le demandeur a demandé et obtenu son propre permis de pêche hauturière dans le cadre du programme de développement. Il détenait en même temps un permis de pêche côtière pour un navire de moins de 65 pieds de long, et ce, indépendamment du programme. En 1992, le demandeur n'a pas utilisé son permis de pêche côtière, mais il affirme qu'on ne lui a jamais fait savoir qu'il ne pouvait pas utiliser le permis de pêche hauturière et le permis de pêche côtière en même temps.

[7]      En 1993, le demandeur n'a pas obtenu ou utilisé un permis de pêche hauturière même s'il avait le droit de le faire. Il a plutôt exercé ses activités en vertu d'un permis de pêche côtière en se servant d'un navire de moins de 65 pieds de long, indépendamment du programme de développement.

[8]      En 1994, il a été mis fin au programme de développement. Toutefois, on a annoncé la chose à la fin de la saison. Étant donné que l'on avait tardé à annoncer la fin au programme, les pêcheurs qui avaient déjà exercé leurs activités dans le cadre du programme de développement se sont vu délivrer des permis de pêche au flétan noir dans les anciennes zones de développement. En 1994, le demandeur détenait deux permis, un permis de pêche côtière pour le poisson de fond et un permis de pêche hauturière pour le flétan noir dans les anciennes zones de développement.

[9]      En 1995, le demandeur a obtenu un permis de pêche hauturière pour le flétan noir dans les divisions 2GH et J pour un navire d'au moins 65 pieds de long. Avant d'obtenir ce permis, il avait obtenu un permis de pêche côtière pour un navire de moins de 65 pieds. Six jours après que le permis de pêche hauturière eut été délivré, Jim Baird, chef, Allocation des ressources et octroi des permis, au ministère des Pêches et des Océans à St. John's a écrit au demandeur pour l'informer que pendant qu'il utilisait un navire d'au moins 65 pieds de long pour le flétan noir, il ne pouvait pas utiliser son permis de pêche de poisson de fond pour un navire de moins de 65 pieds. En 1995, le demandeur a néanmoins continué à pêcher en utilisant les deux permis et les deux genres de navires.

[10]      En 1996, le demandeur a été informé qu'on lui délivrerait un permis de pêche hauturière lui permettant d'utiliser un navire d'au moins 65 pieds de long pour le flétan noir dans les divisions 2GH et J. Toutefois, on a fait savoir au demandeur que lorsqu'il utilisait le navire d'au moins 65 pieds de long, il devait « déposer » tout permis dont il était titulaire pour un navire de moins de 65 pieds. Le demandeur a refusé de signer une reconnaissance à l'égard de cette condition. En 1996, aucun permis de pêche hauturière ne lui a été délivré.

[11]      Au cours des années 1997, 1998, 1999 et 2000, le demandeur a pêché le flétan noir en utilisant un navire de plus de 65 pieds dans les divisions 2GH et J. Il n'a pas participé à la pêche côtière en se servant d'un navire de moins de 65 pieds de long.

[12]      C'est la condition selon laquelle le demandeur pouvait uniquement pêcher soit en vertu du permis de pêche hauturière soit en vertu du permis de pêche côtière, mais non en vertu des deux permis en même temps, qui a donné lieu à la présente action. Le demandeur affirme que la décision par laquelle le Ministre lui a demandé de faire un choix constitue un exercice manifestement déraisonnable du pouvoir discrétionnaire qui est conféré à celui-ci. Subsidiairement, il affirme que le Ministre a déclaré avec négligence, au moyen de ses communiqués de presse et de ses actions, en 1992, 1993 et 1994, qu'il pouvait utiliser les deux permis en même temps et qu'il s'est fondé sur ces déclarations inexactes à son détriment.

EXERCICE MANIFESTEMENT DÉRAISONNABLE DU POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE

     Norme de contrôle

[13]      Le Ministre exerce son pouvoir discrétionnaire à l'égard de l'octroi de permis de pêche conformément à l'article 7 de la Loi sur les pêches, qui prévoit ce qui suit :

7. (1) Subject to subsection (2), the Minister may, in his absolute discretion, wherever the exclusive right of fishing does not already exist by law, issue or authorize to be issued leases and licences for fisheries or fishing, wherever situated or carried on.


(2) Except as otherwise provided in this Act, leases or licences for any term exceeding nine years shall be issued only under the authority of the Governor in Council.

7. (1) En l'absence d'exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le Ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d'exploitation de pêcheries -- ou en permettre l'octroi --, indépendamment du lieu de l'exploitation ou de l'activité de pêche.

(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l'octroi de baux, permis et licences pour un terme supérieur à neuf ans est subordonné à l'autorisation du gouverneur général en conseil.

Les parties conviennent que la norme de contrôle de l'exercice par le Ministre de ce pouvoir discrétionnaire est celle de la décision manifestement déraisonnable. Je suis d'accord. Le libellé de l'article 7 n'impose aucune restriction au Ministre dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. De fait, la version anglaise de la disposition parle d'un pouvoir discrétionnaire absolu ( « absolute » ), ce qui montre selon moi que le législateur voulait que la Cour fasse preuve d'une grande retenue envers le Ministre. Le Ministre a l'expertise nécessaire lorsqu'il s'agit de délivrer des permis de pêche.

[14]      Dans l'exercice de ses fonctions, le Ministre est chargé de la gestion des pêches et de la conservation. Dans l'arrêt Comeau's Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12, au paragraphe 37, le juge Major a fait les remarques suivantes :

Cette interprétation de la portée du pouvoir discrétionnaire du Ministre est conforme à la politique globale de la Loi sur les pêches. Les ressources halieutiques du Canada sont un bien commun qui appartient à tous les Canadiens. En vertu de la Loi sur les pêches, le Ministre a l'obligation de gérer, conserver et développer les pêches au nom des Canadiens et dans l'intérêt public (art. 43). Les permis sont un outil dans l'arsenal de pouvoirs que la Loi sur les pêches confère au Ministre pour gérer les pêches. Ils permettent de restreindre l'accès à la pêche commerciale, de limiter le nombre de pêcheurs et de navires et d'imposer des restrictions quant aux engins de pêche utilisés et à d'autres aspects de la pêche commerciale.

Il s'agit de considérations polycentriques obligeant le Ministre à tenir compte d'intérêts fort divers, plutôt que des intérêts opposant uniquement le gouvernement au particulier.

[15]      Enfin, la décision de délivrer un permis de pêche n'a pas d'importance en tant que précédent.

[16]      Toutes ces considérations montrent que la norme de contrôle de l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au Ministre par l'article 7 de la Loi sur les pêches est celle de la décision manifestement déraisonnable.

     L'exercice du pouvoir discrétionnaire est-il manifestement déraisonnable?

[17]      La politique de la Loi sur les pêches et les considérations qui se rapportent à l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au Ministre par l'article 7 de la Loi sont celles que le juge Major a énoncées dans l'arrêt Comeau précité. Plus précisément, en vertu de la Loi sur les pêches, il incombe au Ministre de gérer les pêches. L'octroi de permis visant à restreindre l'accès à la pêche commerciale et à limiter le nombre de pêcheurs et de navires est un instrument ou un mécanisme dont dispose le Ministre aux fins de pareille gestion.

[18]      Étant donné qu'il incombe au Ministre de gérer les pêches et que l'octroi de permis est un instrument de gestion reconnu, il s'agit de savoir s'il est manifestement déraisonnable pour le Ministre de demander au demandeur d'utiliser un permis de pêche côtière ou un permis de pêche hauturière mais non les deux à la fois. Il a été expliqué au cours de la présentation de la preuve que la gestion des pêches vise notamment à décourager la concentration au sein de l'industrie et que pareille politique a été élaborée avec l'aide des personnes oeuvrant dans l'industrie. Il serait possible de soutenir, comme le demandeur l'a fait dans ces cas-ci, que le fait de permettre au demandeur d'utiliser un permis de pêche côtière et un permis de pêche hauturière en même temps n'accroîtra pas d'une façon notable la concentration au sein de l'industrie. Toutefois, il n'appartient pas à la Cour de juger de la sagesse de la politique anti-concentration ou de se demander si une approche moins restrictive en ce qui concerne l'octroi de permis pourrait néanmoins être conforme à la politique. Le fait de limiter la concentration relève certes de la gestion des pêches et le fait de restreindre le nombre de permis est un moyen permettant d'atteindre cet objectif. Compte tenu de l'obligation qui incombe au Ministre, en ce qui concerne la gestion des pêches, et de l'étendue illimitée du pouvoir discrétionnaire conféré au Ministre par l'article 7 à l'égard de l'octroi de permis, le Ministre n'agit pas d'une façon manifestement déraisonnable en refusant au demandeur la possibilité d'utiliser un permis de pêche côtière et un permis de pêche hauturière en même temps.

[19]      Le demandeur a cherché à se fonder sur le libellé des politiques du Ministre relatives aux espèces uniques et à la séparation des flottilles pour démontrer qu'il n'est pas conforme à ces politiques de l'empêcher d'utiliser un permis de pêche côtière et un permis de pêche hauturière en même temps. Ces politiques sont incluses dans la Politique d'émission des permis pour la pêche commerciale dans l'Est du Canada publiée par le ministère des Pêches et des Océans. Il est inutile d'analyser les politiques en détail. Comme l'avocate du défendeur l'a souligné, il s'agit de politiques et non de dispositions législatives; attribuer à ces politiques un caractère législatif entraverait l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui est conféré au Ministre par l'article 7. Dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, le juge McIntyre a dit ce qui suit, aux pages 6 et 7 :

C'est la Loi qui accorde le pouvoir discrétionnaire et la formulation et l'adoption de lignes directrices générales ne peut le restreindre. Il n'y a rien d'illégal ou d'anormal à ce que le Ministre chargé d'appliquer le plan général établi par la Loi et les règlements formule et publie des conditions générales de délivrance de licences d'importation. Il est utile que les demandeurs de licences connaissent les grandes lignes de la politique et de la pratique que le Ministre entend suivre. Donner aux lignes directrices la portée que l'appelante allègue qu'elles ont équivaudrait à attribuer un caractère législatif aux directives ministérielles et entraverait l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre.

La Politique d'émission des permis pour la pêche commerciale dans l'Est du Canada peut aider les pêcheurs à connaître, d'une façon générale, les politiques du ministère des Pêches et des Océans en matière d'octroi de permis. Toutefois, la Politique ne peut entraver le pouvoir discrétionnaire que possède le Ministre en vertu de l'article 7.

[20]      Quoi qu'il en soit, je suis convaincu, compte tenu de la preuve, qu'en refusant de permettre au demandeur d'utiliser un permis de pêche côtière et un permis de pêche hauturière en même temps, le Ministre n'exerçait pas son pouvoir discrétionnaire en violation des politiques sur les espèces uniques ou sur la séparation des flottilles au sens où ces politiques avaient été interprétées par le passé et au sens où l'entendaient les personnes oeuvrant dans cette industrie. De fait, selon la preuve, il y a pour Terre-Neuve environ 8 000 permis de pêche côtière et uniquement une quinzaine de permis de pêche hauturière; les permis de pêche côtière sont uniquement délivrés aux propriétaires-exploitants et aucun titulaire de permis (à part le demandeur) ne détient à la fois un permis de pêche côtière et un permis de pêche hauturière.

[21]      Le demandeur semble soutenir qu'en raison de la pratique passée, en 1992, en 1993 et en 1994, lorsqu'il n'était pas interdit d'utiliser un permis de pêche côtière et un permis de pêche hauturière en même temps, son droit d'utiliser les deux permis en même temps est maintenant acquis. Jim Baird a témoigné qu'au cours de la période où le programme de développement était mis en oeuvre, le demandeur était de fait autorisé à utiliser le permis de pêche côtière et le permis de pêche hauturière en même temps. Toutefois, cette pratique n'a pas créé de précédent ou d'obligation de la part du Ministre de permettre l'utilisation des deux permis en même temps pour une période indéfinie dans l'avenir. L'article 10 du Règlement de pêche (dispositions générales), DORS/93-53, 4 février 1993, prévoit ce qui suit :

10. Unless otherwise specified in a document, a document expires

(a) where it is issued for a calendar year, on December 31 of the year for which it is issued; or

(b) where it is issued for a fiscal year, on March 31 of the year for which it is issued.

10. Sauf indication contraire dans le document, celui-ci expire à l'une des dates suivantes :

a) le 31 décembre de l'année pour laquelle il a été délivré, s'il est délivré pour une année civile;

b) le 31 mars de l'année pour laquelle il a été délivré, s'il est délivré pour un exercice.

Aucune période n'était précisée dans les permis qui ont été délivrés au demandeur et tous les permis ont été délivrés pour des années civiles.

[22]      Il n'existe pas de droit acquis à un permis. Au paragraphe 43 de l'arrêt Comeau, voici ce que le juge Major a dit :

Le pouvoir de délivrer un permis, une fois exercé dans une affaire, est épuisé et la délivrance ne peut être révisée ou révoquée qu'aux conditions particulières énoncées à l'art. 9. Toutefois, le pouvoir d'autoriser est un pouvoir constant au sens du par. 31(3) de la Loi d'interprétation. Je ne pense pas que l'autorisation de délivrer un permis ait conféré à l'appelante un droit irrévocable à un permis. Jusqu'à ce que le permis soit délivré, il n'y a pas de permis et, par conséquent, aucune permission de faire ce qui est par ailleurs interdit, à savoir pêcher le homard en haute mer. Tant et aussi longtemps que le permis n'est pas délivré, le Ministre peut, aux fins d'appliquer la politique du gouvernement, réévaluer sa décision initiale d'autoriser le permis et revenir sur celle-ci. Jusqu'à ce qu'il ait effectivement délivré le permis, le Ministre avait le pouvoir constant soit de revenir sur sa décision antérieure d'autoriser, soit de délivrer le permis : Reference re Maritime Freight Rates Act, [1933] R.C.S. 423.

Le demandeur obtenait des permis de pêche annuels qui expiraient à la fin de chaque année civile. Le Ministre n'était pas tenu, pour la simple raison qu'un permis avait déjà été délivré, de délivrer de nouveau le même permis l'année suivante ou de permettre l'utilisation de permis de pêche côtière et de permis de pêche hauturière en même temps parce qu'il l'avait permis au cours d'une année antérieure.

[23]      Le demandeur se fonde sur la décision Matthews c. Canada (Procureur général), [1997] 1 C.F. 206, conf. 242 N.R. 181, autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée (2000), 255 N.R. 398. Dans la décision Matthews, il a été statué que le pouvoir discrétionnaire, en ce qui concerne les permis délivrés en vertu de l'article 7 de la Loi sur les pêches, ne comprend pas le pouvoir d'imposer des peines pour la conduite passée d'une personne. Comme dans l'affaire Matthews, le demandeur ici en cause soutient que le Ministre n'agissait pas dans les limites du pouvoir discrétionnaire qui lui était conféré par l'article 7 étant donné qu'à son avis, la décision du Ministre n'était pas liée à la gestion des pêches. La décision Matthews ne s'applique tout simplement pas en l'espèce. Comme il a été statué au paragraphe 18, le Ministre, eu égard aux circonstances de l'espèce, cherchait à assurer la gestion des pêches et la décision qu'il a prise relevait du pouvoir discrétionnaire qui lui était conféré par l'article 7.

     Déclaration inexacte faite avec négligence[24]      L'argument subsidiaire du demandeur est fondé sur le fait qu'une déclaration inexacte a été faite avec négligence. Cette cause d'action pose de nombreux problèmes. Le demandeur n'a pas démontré l'existence d'une obligation de diligence fondée sur l'existence d'une relation spéciale entre le Ministre et le demandeur. Il n'a pas non plus démontré que le Ministre avait agi d'une façon négligente en faisant la déclaration en question ou qu'il s'était fondé à son détriment sur une chose que le Ministre avait dite dans des communiqués de presse, dans des contrats ou de quelque autre façon. Le demandeur veut simplement que le Ministre soit obligé de lui permettre d'utiliser le permis de pêche côtière et le permis de pêche hauturière en même temps parce que par le passé, dans le cadre du programme de développement de la pêche hauturière, le Ministre avait permis la chose. Toutefois, comme il en a été fait mention, les éléments nécessaires pour établir qu'une déclaration inexacte a été faite avec négligence ne sont pas présents. Au cours des plaidoiries orales, l'avocat du demandeur a cherché à qualifier la cause d'action de fin de non-recevoir. Même si elle est ainsi qualifiée, il reste que rien ne prouve que le demandeur se soit fondé à son détriment sur une déclaration ou sur un acte du Ministre.

DISPOSITIF

[25]      La demande est rejetée avec dépens.





     Marshall Rothstein

     Juge


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE LA PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  T-159-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Oswan Tucker et Tucker & Son Ltd. c. Sa Majesté la Reine (MPO)

LIEU DE L'AUDIENCE :              St. John's (T.-N.)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 6 novembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE ROTHSTEIN (ex officio) EN DATE DU 16 NOVEMBRE 2000.


ONT COMPARU :

Keith S. Morgan                  POUR LES DEMANDEURS
Ginette Mazerolle                  POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brown, Fitzgerald, Morgan              POUR LES DEMANDEURS

St. John's (T.-N.)

Morris Rosenberg                  POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Halifax (N.-É.)




Date : 20001116


Dossier : T-159-98


OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 16 NOVEMBRE 2000

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN


ENTRE :

     OSWAN TUCKER et TUCKER & SON LTD.

     demandeurs

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     représentée par le Ministre

     des Pêches et des Océans

     défenderesse


     JUGEMENT


     La demande est rejetée avec dépens.




     Marshall Rothstein

     Juge


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.