Date : 20031124
Dossier : T-1878-02
Référence : 2003 CF 1380
Ottawa (Ontario), le lundi 24 novembre 2003
EN PRÉSENCE DE : MADAME LA PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB
ENTRE :
AB HASSLE, ASTRAZENECA AB
et ASTRAZENECA CANADA INC.
demanderesses
- et -
APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Je ne suis pas disposée à accueillir, ni même à examiner au fond, la requête d'Apotex en autorisation de déposer une contre-preuve. Les motifs de ma décision suivent.
[2] La présente requête s'inscrit dans le contexte d'une demande présentée par AB Hassle, Astrazeneca AB et Astrazeneca Canada Inc. (Astrazeneca) visant à obtenir une ordonnance d'interdiction en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) DORS/93-133, modifié. Astrazeneca a déposé son avis de demande le 8 novembre 2002. Ses affidavits ont été déposés le 10 janvier 2003 et ceux de la défenderesse Apotex Inc. (Apotex), le 2 avril 2003. Le 7 mai 2003, Astrazeneca a déposé une requête où elle demandait, entre autres, l'autorisation de déposer un affidavit en réponse à celui de M. Jörgen Lindquist. Diverses questions de procédure ont retardé l'instruction de la requête, qui n'a été finalement présentée que le 19 août 2003. Entre-temps, il a été décidé que la présente demande serait poursuivie à titre d'instance à gestion spéciale, et j'ai été affectée comme protonotaire responsable de la gestion de l'instance.
[3] Comme l'indique le dossier de la Cour, j'ai donné une directive aux parties, le 6 août 2003, leur demandant de présenter des observations sur les prochaines étapes de la procédure et leur proposant un calendrier à ce sujet. Dans ses premières observations, Apotex a fait état de son intention de présenter une requête en autorisation de produire une contre-preuve dans le cas où Astrazeneca serait autorisée à déposer l'affidavit de M. Lindquist par suite de l'audience du 19 août 2003 [traduction] « soit comme partie de l'ordonnance accordant aux demanderesses le droit de déposer une preuve nouvelle, soit par la voie d'une requête distincte » . Apotex a donc suggéré qu'il serait plus approprié d'établir le calendrier après l'audience du 19 août 2003. Dans les directives données en date du 6 août 2003, j'ai déclaré ce qui suit :
[traduction] L'intention de la défenderesse de demander l'autorisation de déposer une preuve additionnelle dans le cas où la requête de la demanderesse serait accueillie et l'incertitude actuelle où la défenderesse se trouve sur la date de cette demande sont précisément les raisons qui ont justifié cette directive. J'attends leurs observations [...].
[4] Cette directive faisait état d'une préoccupation visant le retard de procédure qu'entraînerait toute requête d'Apotex en autorisation de déposer une contre-preuve après la décision relative à la requête d'Astrazeneca. Chose curieuse, ni l'une ni l'autre des parties n'ont abordé la date de la requête d'Apotex dans leurs observations relatives au calendrier; les calendriers proposés n'en faisaient tout simplement pas mention.
[5] Le 8 août 2003, j'ai rendu une ordonnance qui prévoyait notamment :
[traduction]
1. Toute requête de la défenderesse pour obtenir l'autorisation de déposer un affidavit supplémentaire, dans le cas où les demanderesses seraient autorisées à déposer l'affidavit supplémentaire de M. Lindquist, sera présentée soit comme une partie de son dossier de requête en réponse à la requête en instance des demanderesses, soit comme une requête qui devra être présentée à l'audience générale du 19 août 2003 à Toronto, et elle sera signifiée et déposée au plus tard le 14 août 2003.
2. Les contre-interrogatoires sur les affidavits, y compris ceux qui pourraient porter sur un ou plusieurs affidavits autorisés par suite de l'audience du 19 août 2003, devront être terminés au plus tard le 31 octobre 2003.
[6] Si les moyens pris pour arriver à la fin visée ne sont pas clairs dans cette ordonnance, comme l'a suggéré avec diplomatie l'avocat d'Apotex, l'intention peut difficilement être plus claire : Apotex devait prendre les mesures nécessaires pour que la décision sur l'autorisation de déposer une contre-preuve soit rendue à l'audience du 19 août 2003. Apotex, à tout le moins, a compris que c'était l'intention de l'ordonnance, car elle déclare avoir spécifiquement revu le dossier de requête qu'elle avait déjà déposé en réponse à la requête d'Astrazeneca pour vérifier que [traduction] « le redressement visé avait été adéquatement demandé » et que le dossier [traduction] « avait clairement et explicitement exposé la requête d'Apotex d'être autorisée à déposer une preuve additionnelle » . Au terme de l'examen du dossier, Apotex a décidé [traduction] « qu'il était non seulement superflu de déposer une requête distincte à ce sujet, mais que ce serait un gaspillage du temps et des ressources des parties et de la Cour de les surcharger avec une requête entièrement nouvelle » . (Affidavit de H.B. Radomski à l'appui de la requête d'Apotex, aux paragraphes 15, 16 et 17).
[7] L'audience du 19 août 2003 s'est tenue devant le protonotaire Lafrenière. Une ordonnance a été rendue le 21 août 2003, qui ne fait aucunement mention d'une requête d'Apotex en autorisation de déposer une preuve additionnelle et n'impose aucun redressement de cette nature. Apotex prétend que la question n'a pas été tranchée par le protonotaire Lafrenière, que celui-ci [traduction] « a indiqué qu'il n'était pas disposé à ce moment-là à trancher » la question, et qu'il avait déclaré au cours de l'audience qu'Apotex pouvait présenter une requête devant moi pour être autorisée à déposer une preuve supplémentaire (affidavit de H.B. Radomski, aux paragraphes 19 et 20). Apotex fait valoir que l'affidavit de M. Radomski est le seul élément de preuve devant la Cour de ce qui s'est passé à l'audience du 19 août 2003; elle suggère que cet élément de preuve, tel qu'il est formulé, révèle que bien qu'Apotex ait cherché à se conformer aux prescriptions de l'ordonnance du 8 août 2003, elle ne peut être tenue responsable du refus du protonotaire Lafrenière de trancher la question. Apotex soutient que la seule option qui lui restait, à la lumière des observations du protonotaire Lafrenière, était de déposer la présente requête pour obtenir une décision sur l'autorisation de déposer une preuve supplémentaire.
[8] La preuve produite par Apotex au sujet de l'issue de l'audience du 19 août 2003 est ambiguë. Le protonotaire Lafrenière a-t-il refusé d'instruire la requête d'Apotex? Le cas échéant, pour quels motifs? Le protonotaire Lafrenière n'a-t-il pas plutôt examiné la requête et conclu qu'il ne disposait pas de suffisamment de documents pour rendre une décision? Astrazeneca n'a pas contre-interrogé M. Radomski sur son affidavit ni déposé ses propres éléments de preuve sur ce qui s'est passé le 19 août 2003.
[9] J'ai indiqué à l'audience sur la présente requête que j'inclinais à conclure, d'après les termes de l'affidavit de M. Radomski, que le protonotaire Lafrenière n'avait pas refusé d'instruire la requête, mais qu'au vu des documents produits devant lui, il avait conclu que ces documents n'étaient pas suffisants pour lui permettre de rendre une décision (comme d'ailleurs je l'aurais fait moi-même, en me fondant sur l'examen que j'ai fait des observations écrites déposées par Apotex dans la procédure visée).
[10] Il faut se rappeler que le dépôt d'une contre-preuve n'est pas un droit, mais une mesure de redressement discrétionnaire, et qu'Apotex a le fardeau d'établir les conditions qui justifient d'accorder le redressement. Conclure qu'une décision ne peut être rendue en raison de l'insuffisance des documents présentés revient à conclure que la partie requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau et, par conséquent, que la requête ne peut être accueillie. Cette conclusion détermine l'issue de la cause. À moins que l'autorisation spécifique de présenter une nouvelle demande lui soit accordée, la partie dont la requête a été rejetée n'est pas autorisée à déposer une nouvelle requête fondée sur une preuve meilleure.
[11] La déclaration du protonotaire Lafrenière portant qu'Apotex pouvait m'adresser une requête pour obtenir l'autorisation de déposer une preuve additionnelle par affidavit en réponse constitue-t-elle l'autorisation de présenter une nouvelle demande? Je ne le pense pas. L'autorisation de présenter une nouvelle demande fondée sur une preuve meilleure, qui était à la disposition de la partie visée ou aurait dû l'être lors de la première audience, va à l'encontre du principe du caractère définitif des jugements et doit, à mon avis, être exceptionnelle et faire l'objet d'une déclaration expresse. Elle ne peut être déduite. Il va de soi que les parties ont toujours le loisir de présenter des requêtes devant les tribunaux si elles en décident ainsi; cela ne veut pas dire qu'elles ont le droit de voir leurs requêtes examinées au fond si ces requêtes sont incorrectes, ne respectent pas les délais ou constituent un abus de procédure. Déclarer qu'une partie peut présenter une requête si elle le souhaite est énoncer un fait, et non accorder l'autorisation de le faire.
[12] Heureusement, je ne suis pas forcée de m'appuyer exclusivement sur mon interprétation de la preuve fournie dans l'affidavit de M. Radomski pour étayer ma conclusion relative à l'issue de l'audience du 19 août 2003. Le résumé de l'audience du 19 août 2003 est versé au dossier de la Cour et j'ai le droit d'en prendre connaissance d'office. On y lit notamment ce qui suit :
[traduction] La Cour a indiqué qu'elle n'est pas persuadée qu'elle dispose de suffisamment d'éléments de preuve pour accorder à la défenderesse l'autorisation de déposer une contre-preuve. La Cour a indiqué ensuite que la défenderesse a le loisir de présenter une autre requête à l'attention au protonotaire Tabib après la décision sur la présente affaire. Si la défenderesse souhaite présenter une requête, la Cour renvoie l'affaire au protonotaire Tabib.
[13] Bien que le résumé de l'audience soit aussi seulement une interprétation faite par l'agent du greffe des observations présentées à l'audience, il appuie la conclusion à laquelle je suis arrivée, soit que le protonotaire Lafrenière a bien examiné la requête d'Apotex en autorisation de déposer une preuve supplémentaire et conclu que les documents produits étaient insuffisants. En effet, la requête d'Apotex a été rejetée, sans autorisation expresse de présenter une nouvelle requête.
[14] J'ajoute ici que si l'ordonnance formelle paraphée par le protonotaire Lafrenière ne concorde pas avec sa décision à l'audience, les parties ne doivent s'en prendre qu'à elles.
[15] Le dossier de la Cour révèle en effet que, selon la directive de la Cour, un projet d'ordonnance a été présenté par l'avocat d'Astrazeneca, avec l'approbation de l'avocat d'Apotex, peut-on penser. Si, comme l'a suggéré Apotex, le protonotaire Lafrenière avait simplement refusé de traiter sa requête et m'avait renvoyé l'affaire ou encore avait accordé l'autorisation de présenter une nouvelle requête, cette décision aurait dû faire partie de l'ordonnance. Apotex a eu l'occasion de prendre des mesures pour qu'elle fasse clairement partie de l'ordonnance. À titre subsidiaire, Apotex aurait pu demander au protonotaire Lafrenière d'examiner de nouveau les termes de l'ordonnance en vertu de l'article 397 des règles. Il est tout simplement incorrect et abusif pour une partie qui ne réussit pas à obtenir qu'une ordonnance embrasse toutes les questions tranchées ou présentées en vue d'une décision lors d'une audience d'interpréter l'incertitude qui en résulte comme l'autorisation de présenter une nouvelle demande fondée sur une preuve meilleure.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La requête de la défenderesse est rejetée et la défenderesse doit payer les dépens sans délai.
2. Les contre-interrogatoires sur les affidavits devront être terminés au plus tard le 28 février 2004.
3. Les parties sont autorisées à signifier et déposer une demande d'audience dès que les contre-interrogatoires sont terminés, en déposant une attestation de la fin des contre-interrogatoires. La demanderesse doit signifier et déposer une demande d'audience au plus tard le 10 mars 2004.
4. S'il survient des difficultés dans l'établissement du calendrier des contre-interrogatoires, les parties doivent sans délai s'adresser à la Cour pour obtenir des directives.
« Mireille Tabib »
Protonotaire
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1878-02
INTITULÉ : AB Hassle, Astrazeneca AB et Astrazeneca
Canada Inc.
c.
Apotex Inc. et le ministre de la Santé
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 21 novembre 2003
MOTIFS DU JUGEMENT : Madame le protonotaire Mireille Tabib
DATE DES MOTIFS
ET DE L'ORDONNANCE : Le 24 novembre 2003
COMPARUTIONS :
Gunars A. Gaikis POUR LES DEMANDERESSES
Scott Beezer
Andrew R. Brodkin POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Smart & Biggar POUR LES DEMANDERESSES
Avocats
Toronto (Ontario)
Goodmans s.r.l. POUR LA DÉFENDERESSE
Avocats
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada Le ministre de la Santé