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     T-1156-96

MONTRÉAL (QUÉBEC), CE 18e JOUR DE JUIN 1997

EN PRÉSENCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

ENTRE:

     A. LASSONDE INC.

     Demanderesse

     ET

     JEANNE BÉLANGER

     Défenderesse

     ORDONNANCE

     La Cour déclare le cabinet Martineau Walker inhabile à représenter la défenderesse pour cause de conflit d'intérêts dans le présent dossier, ordonne que ledit cabinet cesse de représenter la défenderesse au présent dossier, le tout avec dépens contre la défenderesse.

     Richard Morneau

     Protonotaire

     T-1156-96

ENTRE:

     A. LASSONDE INC.

     Demanderesse

     ET

     JEANNE BÉLANGER

     Défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU,

PROTONOTAIRE:

     Il s'agit d'une requête de la demanderesse en vertu de la règle 300.1 des Règles de la Cour fédérale afin que cette Cour déclare le cabinet Martineau Walker inhabile à représenter la défenderesse pour cause de conflit d'intérêts dans le présent dossier.

Les faits

     Le 17 mai 1996, la demanderesse a institué contre la défenderesse une action en concurrence déloyale et en contrefaçon de sa marque de commerce Oasis et sa version L'Oasis, le tout en relation avec le domaine dans lequel oeuvrent la demanderesse et la défenderesse, soit le domaine des services de soins de santé, de beauté et de distribution de cosmétiques (le domaine).

     La demanderesse soutient principalement ses droits dans le domaine sur la base de l'usage accompli par ses divers licenciés, le tout tel que le prévoit l'article 50 de la Loi sur les marques de commerce, L.R. (1985), ch. T-13.

     Le 27 septembre 1996, les procureurs de la défenderesse déposaient au nom de celle-ci une défense dont les paragraphes 10 c) et d) se lisent ainsi:

         c)      les contrats de licence souscrits par la demanderesse relativement aux établissements désignés aux paragraphes 15 à 18 de sa Déclaration sont, selon toute vraisemblance et conformément à une stratégie bien connue, des contrats de pure complaisance, accordés à titre gratuit ou pour un prix dérisoire, et à l'égard desquels la demanderesse n'exerce pas le degré de contrôle requis par la Loi sur les marques de commerce; de plus, ni la demanderesse ni aucun des "licenciés" n'a donné ni ne donne dans le cours normal de ses affaires l'avis public requis pour faire bénéficier la demanderesse des présomptions légales qu'elle invoque;         
         d)      le portefeuille de licences factices et à bon marché dont se réclame la demanderesse ne peut avoir et n'a pas pour effet d'étendre l'aire de protection restreinte et limitée de sa marque de commerce OASIS;         

     Or, la Cour doit conclure des paragraphes 2 et 8 de l'affidavit de Me Robert Brouillette déposé le 4 juin 1997 ainsi que des représentations du procureur de la demanderesse que dès l'été de 1996 les procureurs de la défenderesse achevaient de conclure au nom d'un licencié, soit Oasis Esthétique Distribution Inc. (dorénavant Distribution), un contrat de licence dans le domaine avec la demanderesse; contrat devant en toute vraisemblance faire dès lors partie du portefeuille de licences dénoncé par les mêmes procureurs dans la défense qu'ils déposèrent le 27 septembre 1996.

     Bien que conclu à l'été de 1996, le contrat de licence avec Distribution a été signé en novembre 1996.

Analyse

     Alors que la demanderesse cherche dans le cadre de son action à s'en rapporter à l'usage fait pas ses licenciés ainsi que forcément aux termes de ces licences pour établir les éléments de contrôle requis par l'article 50 de la Loi sur les marques de commerce, la défenderesse, elle, attaque ces mêmes contrats.

     Il est à noter ici que même si le contrat avec Distribution n'est pas visé expressément par le libellé tant de la déclaration d'action que de la défense, la Cour est amenée à croire que ledit contrat sera néanmoins au centre du litige et qu'il doit être vu, tel que mentionné précédemment, comme faisant partie du portefeuille de licences dénoncé par la défenderesse.

     Il m'appert dès lors que l'on doit conclure que la demanderesse a établi pour les fins de sa requête une connexité suffisante entre le lien de négociateurs des procureurs de la défenderesse - alors qu'ils agissaient pour Distribution en vue du contrat de licence pour cette dernière - et le mandat présent des mêmes procureurs dans leur attaque contre ledit contrat de licence. Par application et adaptation des principes dégagés par la Cour suprême dans l'affaire Succession Macdonald c. Martin, [1990] 3 R.C.S. 1235, il y a donc ici une présomption qui n'a pas été par ailleurs repoussée à l'effet que lors de la négociation du contrat de licence, les procureurs présents de la défenderesse ont acquis à l'égard dudit contrat des renseignements confidentiels pour lesquels, tel qu'établi par le procureur de la demanderesse, il risque d'y avoir dans le futur un mauvais usage. Certes ici les renseignements confidentiels ne sont pas présumés avoir été acquis dans le passé à l'égard de la demanderesse en tant qu'entité. Il ressort en effet que le contrat de licence de Distribution est survenu au terme d'une relation litigieuse entre elle et la demanderesse. C'est à l'égard du contrat de licence que cette connaissance est présumée et ce contrat, en raison de la déclaration d'action et de la défense, se retrouve intrinsèquement relié à la demanderesse, c'est-à-dire à ses droits. C'est pourquoi ici il y a lieu de parler d'une adaptation des principes de l'arrêt Martin, supra.

     Il m'appert qu'un membre du public raisonnablement informé serait perturbé de voir qu'on tolérerait plus longtemps que des procureurs puissent appuyer un temps un contrat de licence pour ensuite le dénoncer. L'apparence de loyauté aux yeux du public demande que l'on intervienne (voir l'arrêt A.P.V. Pavailler Inc. c. Bonischot, (1992) R.D.J. 542, en page 545).

     D'autre part, il ne m'apparaît pas d'une lecture de l'ensemble des affidavits au dossier que l'on puisse reprocher sérieusement à la demanderesse d'avoir tardé à agir ou d'avoir acquiescé à la situation qu'elle dénonce dans la requête à l'étude.

     Partant, j'entends donc déclarer le cabinet Martineau Walker inhabile à représenter la défenderesse pour cause de conflit d'intérêts dans le présent dossier, ordonner que ledit cabinet cesse de représenter la défenderesse au présent dossier, le tout avec dépens contre la défenderesse.

     Richard Morneau

     Protonotaire

Montréal (Québec)

le 18 juin 1997


             T-1156-96

A. LASSONDE INC.

             Demanderesse

JEANNE BÉLANGER

             Défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-1156-96

A. LASSONDE INC.

     Demanderesse

ET

JEANNE BÉLANGER

     Défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 16 juin 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR:Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 18 juin 1997

COMPARUTIONS:

Me Bruno Barrette pour la demanderesse

Me Stéphane Létourneau pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Brouillette Charpentier Fournier Dozois Fortin pour la demanderesse

Montréal (Québec)

Martineau Walker pour la défenderesse

Montréal (Québec)

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