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Date : 20010509

Dossier : T-1420-96

                                                   Référence neutre : 2001 CFPI 447

Entre :

              SUN CONSTRUCTION COMPANY LIMITED

                                                                                    demanderesse

                                                  - et -

                                SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                      défenderesse

                        TAXATION DES FRAIS - MOTIFS

FRANÇOIS PILON

Officier taxateur


[1]                La présente action résulte d'un différend contractuel découlant du fait que la défenderesse aurait omis de payer les biens et services fournis sur un quai public. La demande initiale de dommages-intérêts déposée le 13 juin 1996 s'élevait à 36 626,02 $. Deux ans plus tard, la demanderesse Sun Construction Company Ltd. a été autorisée à modifier sa déclaration et à augmenter le redressement demandé de 23 360 $. Le 6 octobre 2000, la demanderesse a déposé un avis de requête devant être présenté au début de l'instruction le 16 octobre 2000, dans lequel elle demandait à modifier de nouveau sa déclaration pour augmenter sa réclamation à 57 380 $. Au début de l'instruction, la demanderesse a informé la Cour qu'elle retirait ses allégations et sa réclamation pour un montant de 28 466,02 $. Le juge chargé de l'instruction a finalement établi le montant de la réclamation à 57 380 $.                                                              

[2]                L'instruction, qui devait durer 10 jours, a pris fin après cinq jours d'audience, la Cour rejetant l'action avec dépens. Du consentement des parties, les frais ont été taxés le 22 mars 2001 par voie de téléconférence. M. David Moores représentait la demanderesse et M. Kevin Stamp, la défenderesse. Une autre conférence téléphonique a eu lieu le 10 avril 2001 pour discuter de la possibilité de doubler certains services taxables découlant de l'offre de règlement présentée par la défenderesse aux termes de la règle 420(2)b).

                             HONORAIRES D'AVOCATS

[3]                M. Stamp réclame sept unités pour l'article 2 (dépôt de la défense). Sous cet article, l'avocat inclut plusieurs autres éléments pour différents services, par exemple :

- préparation/dépôt d'un affidavit de documents;

- préparation/dépôt de la proposition d'examen de l'état de l'instance;

- préparation/dépôt de deux échéanciers proposés;

- préparation/dépôt du dossier de la requête;

- préparation/dépôt de rapports d'experts;


- préparation/dépôt de l'offre de règlement;

- préparation/dépôt du mémoire de l'instruction.

Certains des services précités sont également inclus sous les articles 6, 7 et 8.

[4]                M. Moores fait valoir que cette action n'était pas complexe et qu'il n'est pas justifié de réclamer les frais les plus élevés. M. Stamp conteste cette prétention et signale que les questions dont la Cour était saisie étaient compliquées du fait qu'elles portaient sur le droit contractuel et une preuve d'expert contradictoire. Qui plus est, il signale que la défenderesse a dû faire face à deux nouvelles modifications du montant des dommages réclamés dans la déclaration initiale et qu'elle ne savait pas quel genre de preuve serait déposée concernant l'état du chantier avant que les travaux ne commencent véritablement. L'avocat de la défenderesse mentionne deux facteurs additionnels qui devraient être pris en compte :

(i) la longue durée de l'instance et

(ii) l'ancienneté de l'avocat de la défenderesse.

[5]                Après avoir examiné les arguments présentés par chaque partie, j'accepte la prétention de la défenderesse et sept unités sont accordées pour l'article 2. L'article 3 est autorisé tel qu'il a été présenté.


[6]                L'avocat de la défenderesse demande quatre unités (2 unités x 2 heures) pour sa comparution par suite de la requête de la demanderesse ayant pour but de modifier sa déclaration en août 1998. L'ordonnance de la Cour a autorisé la modification, mais ne traitait pas des dépens. En l'absence d'instructions précises de la Cour au sujet des dépens dans une question interlocutoire, l'officier taxateur ne peut substituer son pouvoir à celui de la Cour. À mon avis, les dispositions de la règle 400(1) sont claires et je renvoie l'avocat à deux décisions publiées émanant d'officiers taxateurs qui ont déjà traité de la question[1] de même qu'à l'ouvrage « Orkin the Law of Costs » (2e éd.) 1998, au paragraphe 105.7 :

[TRADUCTION]

De même, si un jugement est prononcé en faveur d'une partie sans qu'une ordonnance traite des dépens, aucune des parties ne peut faire taxer de frais; ainsi, quand une question est réglée dans le cadre d'une requête ou à l'instruction, sans qu'il soit fait mention des dépens, c'est comme si le juge disait qu'il a « jugé approprié de ne rendre aucune ordonnance concernant les dépens » . [citations omises]

Par conséquent, cet article est refusé.

[7]                M. Stamp demande cinq unités pour les articles 7 et 8 relativement aux interrogatoires préalables. Selon M. Moores, les questions n'étaient pas complexes et n'ont pas été longues à régler. Il conteste également la présence de deux avocats de la défense aux interrogatoires préalables, laissant entendre que l'avocat adjoint était présent pour des fins de formation. M. Stamp nie l'allégation et maintient que la présence des deux avocats était nécessaire pour traiter des questions complexes en cause.


[8]                Je pense que M. Moores a un argument valable. Il n'a pas eu besoin de l'aide d'un avocat adjoint pendant les interrogatoires préalables et M. Pringle, l'avocat de la défenderesse, était à l'époque avocat principal pour le compte du ministère de la Justice. Par conséquent, je réduis chacun de ces articles à quatre unités. La demanderesse ne s'est pas opposée aux articles 9, 10 et 11 et par conséquent ceux-ci sont autorisés tels que présentés.

[9]                Cinq (5) unités sont demandées pour l'article 13a. M. Moores reprend son objection habituelle en alléguant qu'il s'agissait d'une affaire simple. J'autorise le nombre maximum d'unités en m'appuyant sur le fait que les parties s'étaient préparées à une instruction de dix (10) jours, ce qui, en soi, exige une préparation additionnelle.

[10]            M. Stamp réclame 36 unités pour l'article 13b à titre d'indemnisation pour les quatre jours additionnels d'instruction. Toutefois, il faut faire ici un ajustement; le tarif autorise trois unités pour chaque jour de présence à la Cour après le premier jour. Je réduis donc cet article à 12 unités. Le chiffre de 32 heures et demie de présence à la Cour indiqué sous l'article 14 est étayé par le procès-verbal de l'audience et, en l'absence d'observations de la part de M. Moores, trois unités sont autorisées pour cet article.


[11]            M. Stamp demande une unité au titre des frais de déplacement de l'avocat pour assister à la présentation de la requête et à l'instruction en vertu de l'article 24. J'ai mentionné aux avocats que c'est le juge présidant l'instruction qui a le pouvoir discrétionnaire d'autoriser cet article, et non l'officier taxateur. J'invite les parties à lire le paragraphe 8 de la décision de l'officier taxateur Stinson dans l'affaire Grant Wilson c. Sa Majesté la Reine (N ° de greffeT-1677-79 et suivants) dans laquelle il a statué ce qui suit :

Le contexte de l'article 2 des Règles, où l'on trouve la définition de « l'officier taxateur » , fait que je n'ai pas le « pouvoir discrétionnaire de la Cour » pour autoriser l'article 24. À défaut d'une telle compétence, je dois rejeter les deux articles 24.

En outre, dans l'affaire Sous-ministre du Revenu national c. Specialize Bicycle Components Canada Inc., (N ° de greffe A-45-97), les observations de l'officier taxateur Pace concernant l'applicabilité de l'article 24 appuient également ma conclusion. Il écrit ceci au paragraphe 16 :

« Après avoir examiné le libellé de l'article 24 du tarif, j'enlève l'heure réclamée parce que l'expression « à la discrétion de la Cour » se trouvant dans cet article ne s'étend pas à un « officier taxateur » tel que décrit à la règle 2. »

[12]             Les articles 25 et 26 sont autorisés tels que présentés.

                                                     

                                             DÉBOURS

[13]             Les dépenses suivantes soit n'ont pas fait l'objet d'une opposition, soit ont été appuyées par la preuve et sont autorisées telles que présentées :


- Copies à l'extérieur du bureau...                                  61,25 $

- Recherche dans Quick Law...                          15,89 $

- Frais de sténographie judiciaire...                                 225,00 $

- Frais de messagerie...                                          7,40 $

- Matériel de photographie...                                          104,00 $

- Transcription des interrogatoires préalables... 611,80 $

[14]             Le montant de 243,95 $ réclamé pour faire des copies des affidavits de documents et des documents de l'instruction est réduit à 174,25 $ pour tenir compte du tarif rajusté de 0,25 $ la page.

[15]             La demanderesse conteste une partie des débours facturés pour la présence de M. Smith aux interrogatoires préalables. M. Moores soutient que le montant de 304,05 $, représentant les frais de M. Smith pour assister aux interrogatoires préalables, est excessif. L'avocat fait référence au paragraphe 3(1) du tarif A qui a trait à l'indemnité des témoins ordinaires et suggère d'appliquer le tarif provincial de 50 $ par jour qui, à son avis, est plus acceptable.


[16]             En réponse, M. Stamp cite le paragraphe 3(3) du tarif A en vertu duquel un témoin peut avoir droit à une indemnité supérieure à celle qui est prévue aux paragraphes 3(1) et 3(2), cette somme étant égale aux dépenses ou au manque à gagner qui résultent de la comparution du témoin. M. Stamp a remis une facture de l'employeur de M. Smith, Elliott & Elliott Ltd., au montant de 304,05 $, majoré de la TVH pour trois jours et demi de travail. À mon avis, la somme de 86 $ par jour pour plus de trois jours de travail est prouvée et raisonnable et cette partie de la facture est maintenue.

[17]             À la taxation, M. Stamp a vérifié les factures concernant les frais engagés par M. Smith pour assister aux interrogatoires préalables et a trouvé une erreur d'addition. Le chiffre exact devrait être 3 038,53 $ au lieu de 2 457,23 $. En réponse, M. Moores prétend que la somme de 2 400 $ serait une indemnité raisonnable pour les frais de ce témoin. Par ailleurs, M. Stamp suggère de déduire 300 $ de cet article pour tenir compte de l'erreur. J'accepte la suggestion de M. Stamp et j'autorise le montant de 2 569,27 $ qui représente la moyenne entre les positions de chaque partie.

[18]             Le dernier article des débours contesté concerne les frais engagés par M. Smith pour comparaître à l'instruction. Selon M. Moores, la somme de 889,60 $ devrait être réduite pour tenir compte de sa présence réelle au cours de l'instruction de cinq jours. Ce montant représente huit jours de travail. Il reconnaît que le témoin devrait être indemnisé pour sa présence réelle à la Cour, mais non pour une période plus longue. En réponse, M. Stamp prétend qu'il a fallu trois jours de préparation avec M. Smith avant l'instruction.                                         


[19]             J'accepte les arguments de M. Moores. En outre, sa position est conforme à l'économie du tarif A concernant l'indemnisation d'un témoin ordinaire. Les frais de M. Smith seront donc basés sur 40 heures de travail, plutôt que sur les 64 heures réclamées. Majorés de la TVH, les frais de M. Smith sont réduits à 639,40 $. Par conséquent, cet article est autorisé pour la somme de 2 665,25 $.

                                 OFFRE DE RÈGLEMENT

                                               Questions

1.        L'offre du 7 septembre 2000 est-elle une offre de règlement au sens de la règle 420(2)b)?

2.                   Dans l'affirmative, quelles conséquences le refus de la demanderesse d'accepter cette offre a-t-il sur les dépens ?

                                            CONTEXTE

[20]             Le 7 septembre 2000, la défenderesse a signifié une offre écrite de règlement à la demanderesse rédigée dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

La défenderesse, Sa Majesté la Reine, offre à la demanderesse de régler sa réclamation pour la somme de deux mille dollars (2 000 $), incluant les intérêts avant jugement et les frais à ce jour.

Le procès a commencé cinq semaines plus tard, le 16 octobre 2000, et cette offre n'avait pas été révoquée. À l'issue de cinq jours d'instruction, Mme le juge Dawson a rejeté la demande avec dépens.


[21]             Les dispositions pertinentes de la règle 420(2)b) de la Cour fédérale se lisent comme suit :

(2) Sauf ordonnance contraire de la Cour, lorsque le défendeur présente par écrit une offre de règlement qui n'est pas révoquée et que le demandeur :

b) n'obtient pas gain de cause lors du jugement, le défendeur a droit aux dépens partie-partie jusqu'à la date de signification de l'offre et au double de ces dépens, à l'exclusion des débours, à compter du lendemain de cette date jusqu'à la date du jugement.

[22]             M. Moores fait observer qu'à son avis les mots « Sauf ordonnance contraire de la Cour » dans le contexte de la règle 420(2) signifie que le « double des dépens » n'est pas présumé s'appliquer à moins qu'un juge ne l'ordonne expressément. Avec égards, je ne partage pas cet avis. À mon avis, les officiers taxateurs doivent taxer les mémoires de frais tels qu'ils sont présentés, en tenant compte de toutes les dispositions que renferme la règle 420, à moins que la Cour n'en ait clairement ordonné autrement. En l'espèce, l'offre de règlement n'était pas connue du juge de l'instruction et la question n'avait pas été versée au dossier de la Cour avant le dépôt du mémoire de frais.


[23]             M. Moores fait référence à une décision de la Cour suprême de Terre-Neuve dans l'affaire Burton et al. v. Global Benefit Plan Consultants Inc. et al.[2] à l'appui de ses arguments selon lesquels les dispositions de la règle 420(2)b) ne s'appliquent pas à l'espèce.

[24]             L'avocat cite également deux articles de la règle 20 A (offres de règlement) de la Cour suprême de Terre-Neuve.

[TRADUCTION]

Effet de l'offre [Règle 20A.04(1)] :

20A.04. (1) Une offre de règlement est réputée constituer une offre de compromis faite sous réserve de tous droits, et elle ne doit pas être considérée comme un aveu de responsabilité, à moins d'indication contraire.

Effet du refus [Règle 20A.08(2)] :

(2) Sauf ordonnance contraire de la Cour, lorsque le défendeur a présenté une offre de règlement au moins sept jours avant le début de l'instruction ou de l'audience et que cette offre n'a été ni révoquée ni acceptée avant cette date, et lorsque le demandeur obtient un jugement qui n'est pas plus favorable que les conditions de l'offre, le demandeur a droit aux dépens partie-partie, majorés des débours taxés, jusqu'à la date de signification de l'offre, et le défendeur a droit aux débours taxés majorés, à compter de la date de signification de l'offre, des dépens partie-partie ou calculés selon une formule plus avantageuse si le juge l'estime approprié.

[25]             M. Moores s'appuie également sur les dispositions de la règle 49 des Règles de procédure civile de l'Ontario concernant les conséquences que le refus de l'offre de règlement peut avoir sur les dépens comme il est indiqué ci-dessous :

49.10(1) Offre du demandeur - Si une offre de transaction :

                                                                                                                                               

a)             est présentée par un demandeur au moins sept jours avant le début de l'audience;

b)             n'est pas retirée et n'expire pas avant le début de l'audience;


c)             n'est pas acceptée par le défendeur;

et que le demandeur obtient un jugement aussi favorable, ou plus favorable, que les conditions de l'offre, il a droit aux dépens partie-partie la date de la signification de l'offre et aux dépens procureur-client à compter de cette date, sauf ordonnance contraire du tribunal.

(2) Offre du défendeur - Si offre de transaction :

a)             est présentée par un défendeur au moins sept jours avant le début de l'audience;

b)             n'est pas retirée et n'expire pas avant le début de l'audience;

c)             n'est pas acceptée par le demandeur,

et que le demandeur obtient un jugement aussi favorable, ou moins favorable, que les conditions de l'offre, le demandeur a droit aux dépens partie-partie à la date de la signification de l'offre et le défendeur a droit aux dépens partie-partie à compter de cette date, sauf ordonnance contraire du tribunal.

            ANALYSE DES DIFFÉRENTS POINTS LITIGIEUX

                      L'offre de règlement était-elle symbolique?

La position de la demanderesse

[26]             M. Moores fait valoir que l'offre présentée à la défenderesse au montant de 2 000 $ était une offre symbolique. L'avocat cite la décision Garofolo v. Canada Safeway Ltd.[3] dans laquelle la Cour a rejeté la réclamation de la défenderesse concernant les dépens procureur-client postérieurs à l'offre dans les termes suivants :

[TRADUCTION]


« [...] l'offre en l'espèce ne peut être considérée comme une offre vraiment significative, surtout quand on examine l'ensemble de la réclamation. Au mieux, on peut la considérer comme une offre minime ou symbolique, qui a été calculée pour obtenir un avantage au niveau des dépens, plutôt que pour régler l'action. »

[27]             À l'appui de son argument, M. Moores cite également l'affaire Mega Roofing and Waterproofing Ltd. v. Dobbin (N.D.) Ltd. et al.[4]

[TRADUCTION]

« [...] quand il s'agit de traiter des conséquences qu'aura sur les dépens une offre non acceptée qui exige de la partie à qui elle est faite qu'elle capitule ou qui ne propose qu'une somme modique, il ne doit pas y avoir de règle de présomption aux termes de laquelle l'auteur de l'offre a droit aux dépens postérieurs à l'offre calculés sur une base autre que les dépens partie-partie.

[49] Bien qu'une telle offre puisse techniquement être considérée comme une offre de règlement pour les fins de la règle 20A, le dépôt de l'offre minime ou de celle qui exige la capitulation, généralement dans le seul but d'obtenir un avantage au titre des dépens, ne doit pas être encouragé.

La position de la défenderesse

[28]             M. Stamp fait valoir que l'offre de règlement n'était pas symbolique, mais substantielle. La défenderesse a offert de payer 2 000 $ comptant et de renoncer aux frais qu'elle avait engagés jusqu'à la date de l'offre. Il mentionne qu'au 7 septembre 2000, les mesures et frais suivants avaient été pris et engagés :

­                      les dépenses, y compris les frais de déplacement de M. Smith et de l'avocat pour assister aux interrogatoires préalables à St. John's;

­                      la participation à une conférence préalable à l'instruction et à une requête en vue de modifier la déclaration;

­                      des coûts de 1 200 $ pour obtenir des copies de la transcription de l'interrogatoire préalable;

­                      un nombre important de photocopies exigées pour l'affidavit de documents; et

­                      la préparation de la preuve d'expert.


M. Stamp estime que la défenderesse avait engagé entre 8 000 $ et 10 000 $ jusqu'à cette date. À son avis, l'offre de règlement de la défenderesse était raisonnable parce que sa cliente souhaitait éviter un procès dont la durée prévue était de dix (10) jours. Qui plus est, l'avocat signale que la réclamation réelle alléguée par la demanderesse n'était que de 31 000 $ après que M. Moores eut retiré le montant de 28 000 $ au début de l'instruction et que l'offre de règlement était substantielle à ce stade de l'instance.

Ma conclusion

[29]             M. Stamp a démontré à ma satisfaction que l'offre de règlement de sa cliente, incluant les menues dépenses de la défenderesse jusqu'à la date de l'offre, dépassait 8 000 $. Dans les circonstances de l'espèce, je pense que cette somme représentait une offre substantielle qui, à mon avis, avait été faite pour inciter à un règlement éventuel sans engager les dépenses d'un procès.

                           B) Effet de l'absence de compromis

La position de la demanderesse

[30]             M. Moores signale qu'en vertu des Règles de Terre-Neuve [20A.04(1)], l'offre de règlement est réputée être une offre de compromis et il ajoute que l'offre de la Couronne ne peut pas, à son avis, être considérée comme une offre véritable de compromis dans le contexte de la réclamation générale de la demanderesse.


La position de la défenderesse

[31]             M. Stamp fait valoir que la jurisprudence citée par M. Moores dans l'affaire Burton, précitée, établit qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait un élément compromis pour qu'une offre soit valide. Il fait référence au paragraphe 36 du jugement de la Cour de Terre-Neuve dans cette affaire :

[TRADUCTION]

« Pour les raisons que j'ai signalées, l'élément de compromis n'est pas un trait nécessaire d'une offre de règlement en vertu de la règle 20A. C'est-à-dire qu'une offre qui ne comporte pas d'élément de compromis est néanmoins une offre de règlement. »

Ma conclusion

[32]             Monsieur le juge Lemieux a également traité de cette question dans l'affaire Association olympique canadienne c. Olymel, Société en commandite et autre (N ° du greffe T-1564-97)[5] au paragraphe 6 :

« La question de savoir si une offre de règlement doit contenir un élément de compromis a été examinée par la Cour d'appel de l'Ontario, qui se penchait sur une disposition quelque peu semblable des Règles de procédure civile de l'Ontario dans l'affaire Date General (Canada) Ltd v. Molinar Systems Group Inc. et al., (1991), 6 O.R. (3d) 409, et, plus récemment, dans l'affaire Walker Estate et al. v. York Finch General Hospital et al., 169 D.L.R. (4th) 689. Ces deux arrêts appuient le principe que, sous le régime des règles ontariennes, l'élément de compromis ne constitue pas un trait essentiel de l'offre de règlement, mais que son absence peut être un facteur pertinent dont le tribunal peut tenir compte pour rendre une ordonnance contraire en vertu de la règle 49 des règles ontariennes, où l'on trouve les mots "sauf ordonnance contraire du tribunal". »


[33]             M. Stamp a déjà démontré que l'offre de règlement, incluant la renonciation aux menues dépenses de la défenderesse jusqu'à la date de l'offre, représentait un montant de 8 000 $ à 10 000 $. À mon avis, l'offre renfermait très probablement un élément de compromis si l'on tient compte du fait que la réclamation de la demanderesse portait sur les dommages-intérêts non déterminés seulement, c'est-à-dire une réclamation qui n'avait pas encore été déterminée de façon définitive, ni quant à la responsabilité, ni quant au montant des dommages. Comme l'a indiqué la Cour au paragraphe 29 de la décision Burton, précitée :

[TRADUCTION]

« Pour ce qui a trait à la nature des dommages-intérêts non déterminés, il est difficile d'appliquer une mesure quelconque à une offre afin de déterminer si celle-ci renfermait un élément de compromis et, dans l'affirmative, son importance. »

En outre, une partie devrait-elle se sentir obligée d'accepter un compromis si elle est d'avis que la cause de la partie adverse n'est pas fondée?

C) Obligation pour la défenderesse d'informer la demanderesse

de l'escalade des frais du litige

La position de la demanderesse


[34]             L'avocat de la demanderesse soutient qu'il a été surpris quand la défenderesse lui a signifié son mémoire de frais de plus de 40 000 $. Selon lui, cela était tout à fait inattendu et, à son avis, il incombait à la défenderesse de lui fournir un relevé des coûts croissants du litige au moment où l'offre de règlement a été faite.

La position de la défenderesse

[35]             M. Stamp soutient que la demanderesse était tout à fait au courant des nombreuses mesures qui avaient été prises dans le cours de l'instance jusqu'à la date de l'offre et qu'elle aurait dû consulter les dispositions du tarif B et de la règle 420 pour évaluer le montant des dépens pouvant être taxés à l'issue de l'instruction. À son avis, l'avocat de la demanderesse avait l'obligation de s'informer lui-même des coûts estimatifs et des risques qu'il prenait en refusant l'offre de règlement.

Ma conclusion

[36]             J'accepte les arguments de M. Stamp. Au moment où l'offre a été faite, la demanderesse était au courant de toutes les mesures que les deux parties avaient prises jusqu'à ce stade du litige et elle aurait dû savoir que la défenderesse avait engagé des dépenses importantes. En outre, je crois qu'il incombait à la demanderesse d'évaluer ces dépenses et d'accepter les risques des conséquences que la non-révocation de l'offre de règlement pouvait avoir sur les dépens.


D) Applicabilité des Règles de la Cour fédérale ou des Règles de Terre-Neuve

La position de la demanderesse

[37]             M. Moores prétend qu'il serait contraire à l'intention des Règles de la Cour fédérale d'appliquer en l'espèce la règle de présomption parce que la réclamation de la demanderesse n'était pas frivole, et pénaliser davantage la demanderesse dont la réclamation n'était pas dénuée de fondement serait inéquitable. L'avocat fait valoir que le montant de l'offre n'équivaut même pas à « l'effet vexateur » causé à la défenderesse et soutient que l'intention sous-jacente de l'offre de la Couronne était uniquement d'obtenir un avantage au titre des dépens. Finalement, M. Moores signale que les Règles de Terre-Neuve et de l'Ontario concernant les offres de règlement sont comparables aux Règles de la Cour fédérale et que la règle 420(2)b) devrait être appliquée d'une manière juste et équitable. À son avis, autoriser le double des coûts n'est pas approprié dans les circonstances de l'espèce.

La position de la défenderesse


[38]             En réponse, l'avocat de la défenderesse soutient que les dispositions des Règles de Terre-Neuve sont différentes des Règles de la Cour fédérale en ce sens que les Règles de Terre-Neuve disposent que lorsqu'un demandeur obtient un jugement qui n'est pas plus favorable que les conditions de l'offre de règlement, le défendeur a droit aux débours taxés majorés, à compter de la date de signification de l'offre, des dépens partie-partie ou calculés selon une formule plus avantageuse si le juge l'estime approprié. Au contraire, les Règles de la Cour fédérale disposent expressément que lorsqu'un demandeur n'obtient pas gain de cause lors du jugement et que le défendeur a présenté une offre de règlement, le défendeur a droit « au double de ces dépens, à l'exclusion des débours, à compter du lendemain de cette date jusqu'à la date du jugement » . Pour ce qui a trait à l'applicabilité de la règle de présomption, M. Stamp insiste sur le fait que la présomption en Cour fédérale est d'autant plus contraignante et qu'elle devrait s'appliquer, sauf ordonnance contraire de la Cour.

Ma conclusion

[39]             Je suis d'avis que les dispositions concernant les offres de règlement prévues dans les Règles de l'Ontario et de Terre-Neuve sont utiles pour comprendre les concepts et la portée des offres de règlement dans ces ressorts. Toutefois, je pense que les dispositions de la règle 420(2)b) de la Cour fédérale sont opérantes et s'appliquent manifestement à la présente action. Avant de régler définitivement cette question, je voudrais citer deux passages du juge Osborne de la Cour suprême de Terre-Neuve dans l'affaire Burton, précitée. Son raisonnement m'a grandement aidé à décider de toute cette question en faveur de la défenderesse.

Au paragraphe 10, il écrit ceci :

[TRADUCTION

« Après avoir examiné les décisions d'autres ressorts, je note, aux paragraphes 21 et 22 :

Il est clair que, dans tout le Canada, l'imposition de conséquences sévères et défavorables sur les dépens est considéré comme une nécessité afin d'encourager la présentation et l'acceptation d'offres raisonnables de règlement avant l'instruction. »


et il poursuit ainsi au paragraphe 11 :

[TRADUCTION]

« Devant une offre de règlement, une partie doit évaluer objectivement les aspects économiques de la décision de poursuivre le litige. Comme le dit Pattison, c'est "[...] ici que convergent les analyses de fond et économique de la valeur et du risque qu'il y a à poursuivre le litige jusqu'à l'obtention d'un jugement. Une partie peut décider d'accepter l'offre ou en faire une elle-même. Si, après avoir évalué l'offre, elle choisit de ne rien faire, ce choix suppose implicitement que la partie est convaincue qu'elle obtiendra un meilleur résultat au procès. Cette décision appartient seule à la partie - qui connaît les forces et les faiblesses de sa cause. Mais une telle décision indique également que la partie est prête à prendre le risque de poursuivre l'instance. Elle est disposée à accepter les conséquences d'avoir tort. Une partie qui a fait une offre de règlement ne devrait pas supporter les dépenses de poursuivre l'action jusqu'à l'instruction parce que l'autre partie a fait une évaluation trop optimiste de sa cause. »

                                            DISPOSITIF

[40]             J'ai décidé de doubler les dépens de la défenderesse entre la date de signification de l'offre de règlement (le 7 septembre 2000) et le dernier jour de l'instruction (le 20 octobre 2000). En fait, cela signifie qu'il faut doubler les dépens déjà taxés aux paragraphes 9 et 10 ci-dessus, ce qui nous amène à un total de 114.5 unités pour un montant de 11 450 $. Cette somme est donc ajoutée aux dépens de la défenderesse.


[41]             Le mémoire de frais de la défenderesse, totalisant 41 251,72 $, est taxé et autorisé pour une somme de 35 349,23 $.

« François Pilon »

Officier taxateur

Fait à Halifax(N.-É.), le 9 mai 2001.

Traduction certifiée conforme :

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             Dossier : T-1420-96

                                                                                                           

Sun Construction Company Limited

c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                           Téléconférence entre St. John's (T.-N)

et Halifax (N.-É.)

DATES DE L'AUDIENCE :                       les 22 mars et 10 avril 2001

TAXATION DES DÉPENS

ET MOTIFS PAR :                                     F. Pilon

DATE DES MOTIFS :                                le 9 mai 2001

ONT COMPARU

David C. Moores                                        pour la demanderesse

Kevin F. Stamp, c.r.                                    pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Étude de Ronald A. Cole

St. John's (T.-N.)                                        pour la demanderesse

Martin, Whalen, Hennebury & Stamp

St. John's (T.-N.)                                        pour la défenderesse



[1] Whyte c. Canada, [2000] C.T.C. 258 (Officier taxateur)

Kibale c. Canada, [1991] 2 C.F. D-9 (Officier taxateur)

[2] [1999]m 183 Nfld. & P.E.I. 86; 556 A.P.R. 86

[3] [1998], O.J. N ° 901; 66 O.T.C. 241 (Div. gén.)

[4] [1996], 143 Nfld. & P.E.I. R. 14; 448 A.P.R. 14 (Nfld. T.D.)

[5] Non publiée

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