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Date : 20001110

Dossier : T-2814-94

Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2000

EN PRÉSENCE DU JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                     

SPRINT COMMUNICATIONS COMPANY LP,

SPRINT CANADA INC.

et CALL-NET ENTERPRISES INC.,

demanderesses,

- et -

MERLIN INTERNATIONAL COMMUNICATIONS INC.,

défenderesse.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Par la voie d'une déclaration révisée modifiée le 18 avril 2000, les demanderesses (Sprint) cherchent à obtenir les réparations suivantes :

[TRADUCTION]

26.               a)          des injonctions provisoire, interlocutoire et permanente ordonnant à la défenderesse, par l'entremise de ses administrateurs, dirigeants, employés, mandataires ou autrement, de s'abstenir :


i.           de faire des déclarations fausses et trompeuses tendant à discréditer l'entreprise ou les services de l'une ou l'autre des demanderesses en contravention à l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce;

ii.                    d'employer les marques de commerce SPRINT d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à ces marques de commerce en contravention à l'article 22 de la Loi sur les marques de commerce;

iii.                   d'accuser les demanderesses Sprint Canada et Call-Net d'utiliser illicitement le nom Sprint Canada ou l'une ou l'autre des marques de commerce SPRINT, par des déclarations, des écrits ou d'autres moyens de communication destinés aux clients actuels ou potentiels, aux fournisseurs ou à d'autres sociétés ou particuliers avec lesquels les demanderesses font affaires ou auprès desquels elles font de la publicité;

iv.                  de menacer de poursuites les clients, fournisseurs ou autres sociétés ou particuliers avec lesquels les demanderesses Sprint Canada et Call-Net font affaires ou auprès desquels elles font de la publicité, au motif qu'ils acceptent la publicité ou font affaires avec la demanderesse Sprint Canada sous son nom Sprint Canada ou sous l'une ou l'autre des marques de commerce SPRINT;

v.                    de violer les enregistrements des marques de commerce portant les numéros d'enregistrement LMC 300027, LMC 414 722, LMC 418 135, LMC 398 590 et LMC 423 517, sur une base quia timet;

vi.                  d'appeler l'attention du public sur ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion avec les services ou l'entreprise de l'une ou l'autre des demanderesses en contravention à l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, sur une base quia timet;

vii.                 de faire passer ses services ou son entreprise pour ceux des demanderesses en contravention à l'alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce;

viii.               d'adopter tout nom de domaine au Canada qui cause de la confusion avec l'une quelconque des marques de commerce déposées par l'une ou l'autre des demanderesses Sprint L.P., énumérées aux paragraphes 5 et 19 de la présente déclaration.

b)          une ordonnance enjoignant à la défenderesse de faire des rétractations et des excuses par écrit à tous les clients, fournisseurs ou tiers avec lesquels l'une ou l'autre des demanderesses fait affaires et à l'égard desquels la défenderesse a exercé les activités visées aux paragraphes 12 à 21 ci-dessus;


c)          des dommages-intérêts en réparation :

i.                      des déclarations fausses et trompeuses qui ont tendu à discréditer l'entreprise ou les services des demanderesses;

ii.                    de l'emploi des marques de commerce SPRINT d'une manière qui a entraîné la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à ces marques de commerce;

iii.                   de la violation des droits à l'égard des marques de commerce;

iv.                  de la commercialisation trompeuse;

d)          à titre subsidiaire au point c) ci-dessus, au choix des demanderesses, la restitution des bénéfices réalisés par la défenderesse résultant par suite des activités de contrefaçon susmentionnées;

e)          des dommages-intérêts punitifs, majorés et exemplaires;

f)           les intérêts avant jugement et après jugement;

g)          les dépens de l'action, calculés sur la base avocat-client;

h)          la TPS applicable sur toute attribution de dommages-intérêts, de restitution de bénéfices, d'intérêts ou de dépens par la Cour;

i)                     toute autre réparation que la Cour peut estimer juste.

[2]         À l'instruction, l'avocat des demanderesses a informé la Cour que les demandes du paragraphe 26a)vi), vii) et 26b) n'étaient pas poursuivies. Il a également souligné que les avocats étaient parvenus à un accord sur les paragraphes 26a)i), a)iii) et iv).

[3]         La défenderesse a déposé une demande reconventionnelle où elle formule les prétentions suivantes :[TRADUCTION]

29.               La défenderesse déclare qu'en ce qui concerne les allégations faites dans la déclaration modifiée, elle est une personne ayant un intérêt dans la validité des enregistrements portant les numéros d'enregistrement 414 722, 418 135, 398 590 et 423 517.


30.               Ces enregistrements sont invalides étant donné l'emploi antérieur de la marque de commerce SPRINT CANADA par la défenderesse et aussi parce qu'ils n'étaient pas enregistrables à la date où les demandes d'enregistrement ont été déposées, en raison de l'existence de plusieurs enregistrements de marques de commerce canadiennes comportant le mot Sprint à toutes les époques pertinentes.

LA DÉFENDERESSE DEMANDE À LA COUR [sic] :

A.                  DE REJETER la déclaration modifiée des demanderesses;

B.                  D'ACCUEILLIR la défense et demande reconventionnelle modifiée de la défenderesse ;

C.                  D'ORDONNER que les enregistrements des marques de commerce canadiennes portant les numéros 414 722, 418 135, 398 590 et 423 517 soient radiés du registre des marques de commerce;

D.                  LE TOUT avec dépens, y compris les frais des pièces déposées et les frais d'experts;

[4] Les parties ont déposé l'exposé des faits conjoint qui suit :

[TRADUCTION]

EXPOSÉ DES FAITS CONJOINT

1.                   La demanderesse Sprint Communications Company L.P. (ci-après Sprint L.P.) est une société en commandite constituée selon les lois de l'État du Delaware, aux États-Unis d'Amérique, qui a son bureau principal ou principal établissement au 8140 Ward Parkway, Kansas (Missouri), États-Unis d'Amérique.

2.                   La demanderesse Sprint Canada Inc. (ci-après Sprint Canada) est une société par actions constituée selon les lois du Canada, dont l'adresse ou le principal établissement est le 105 Gordon Baker Road, Willowdale (Ontario) M2H 3P8.

3.                   La demanderesse Call-Net Enterprises Inc. (ci-après Call-Net) est une société par actions constituée selon les lois du Canada, qui a son bureau principal ou principal établissement au 105 Gordon Baker Road, Willowdale (Ontario) M2H 3P8.

4.                   La demanderesse Sprint L.P. est la propriétaire des marques de commerce SPRINT, SPRINT EXPRESS, SPRINTNET et US SPRINT, (ci-après les marques de commerce SPRINT) qui ont été déposées au Canada pour les marchandises et services énumérés dans les enregistrements correspondants, résumés partiellement ci-dessous :


MARQUE DE COMMERCE

N º /DATE DE L'ENREGISTREMENT

MARCHANDISES/SERVICES

SPRINT

LMC 300027

Déposée :

le 15 février 1985

Services de communication, nommément fourniture d'un réseau de télécommunications à l'usage d'autres utilisateurs.

SPRINT

LMC 414 722

Déposée :

le 23 juillet 1993

1) Dispositifs de communication pour enfants, nommément talkies-walkies et casques radio.

SPRINT

EXPRESS

LMC 418 135

Déposée :

le 15 octobre 1993

1) Services de télécommunication, nommément installation, exploitation et prestation de services de télécommunication audio, données et vidéo.

SPRINTNET

LMC 398 590

Déposée :

le 22 mai 1992

1) Services de télécommunication, nommément installation, exploitation et prestation de services de télécommunication audio, données et vidéo.

US SPRINT

LMC 423 517

Déposée :

le 25 février 1994

Services de télécommunication.

5.                   Depuis le 1er janvier 1985 au moins, Sprint L.P. et ses prédécesseurs en titre ont employé la marque de commerce SPRINT au Canada, soit directement soit par l'intermédiaire de sociétés membres du groupe, de filiales et de licenciés, tous titulaires de licences concédées par Sprint L.P. ou avec son autorisation pour l'emploi de la marque de commerce au Canada et au titre desquelles Sprint L.P. exerce un contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des marchandises ou services visés (ci-après les sociétés Sprint). À toutes les époques pertinentes, l'emploi, la publicité ou l'affichage de la marque de commerce SPRINT par les sociétés Sprint sont réputés avoir le même effet que leur emploi, publicité ou affichage par le propriétaire de la marque de commerce, Sprint L.P.

6.                   Depuis le 1er janvier 1985 au moins, les sociétés Sprint ont employé la marque de commerce SPRINT au Canada en liaison avec des services de fourniture de lignes téléphoniques privées pour la communication téléphonique et la transmission de données à l'intention d'un certain nombre de grandes sociétés canadiennes et étrangères, comme des banques et des sociétés d'assurance, en vue de l'interconnexion de leurs bureaux au Canada et aux États-Unis.


7.                   Depuis le 1er janvier 1985 au moins, les sociétés Sprint ont employé la marque de commerce SPRINT au Canada pour fournir des services d'interconnexion téléphonique à diverses compagnies de téléphone canadiennes, dont Bell Canada et Unitel, pour permettre aux clients canadiens d'appeler aux États-Unis et aux clients des États-Unis d'appeler au Canada.

8.                   Depuis 1986 au moins, les sociétés Sprint ont participé comme exposants au salon annuel de l'ACTE, principal salon professionnel canadien de l'industrie des télécommunications. Le salon de l'ACTE se tient chaque année dans une ville importante du Canada, comme Toronto, Montréal ou Vancouver. Les participants sont généralement issus d'un large éventail d'entreprises, notamment d'entreprises qui cherchent à acheter des services de télécommunication.

9.                   Vers le 1er octobre 1993, Call-Net et Sprint Canada sont devenues titulaires de licences pour l'usage des MARQUES DE COMMERCE SPRINT au Canada, chacune devenant ainsi l'une des sociétés Sprint, conformément au paragraphe 5 ci-dessus.

10.               Sprint Canada est une filiale à 100 % de Call-Net et elle a été la société exploitante principale de Call-Net à toutes les époques pertinentes. À toutes les époques pertinentes, Call-Net a été une société de portefeuille et n'a pas elle-même offert ou vendu de services. Elle l'a fait par l'intermédiaire de Sprint Canada.

11.               À compter du 1er octobre 1993 ou vers cette date, Sprint Canada a commencé à employer la marque de commerce SPRINT au Canada, notamment au Québec, en liaison avec des services téléphoniques interurbains offerts aux entreprises et aux consommateurs canadiens. Vers la fin de 1994, Sprint Canada a commencé à fournir des services téléphoniques interurbains sans frais aux entreprises, permettant aux clients de l'entreprise (y compris les consommateurs individuels) d'appeler l'entreprise sans frais (service 1-800). Parmi ses services de télécommunication, Sprint Canada a offert depuis octobre 1993 à sa clientèle d'affaires des rapports sur les coûts des télécommunications et des analyses de gestion des dépenses de télécommunication des clients.

12.               Les ventes de Sprint Canada et le nombre de ses clients, le cas échéant, (clientèle d'affaires et clientèle résidentielle) au titre des services téléphoniques interurbains en liaison avec la marque de commerce SPRINT au Canada à la fin de l'année civile, se sont chiffrés approximativement comme suit : 1994 - 175 millions de dollars, 27 000 clients d'affaires, 225 000 clients résidentiels; 1995 - 455 millions de dollars; 1996 - 710 millions de dollars, 60 000 clients d'affaires, 820 000 clients résidentiels; 1997 - 920 millions de dollars, 1,2 million de dollars pour les clients d'affaires et résidentiels, plus de 1 million de clients résidentiels.


13.               À compter d'octobre 1993 jusqu'à la fin de 1994, et chaque année civile par la suite, Sprint Canada a dépensé au moins 10 millions de dollars par année en publicité à la télévision, dans les journaux, dans les magazines et par publipostage au Canada (notamment au Québec), pour faire la promotion de ses services téléphoniques interurbains en liaison avec la marque de commerce SPRINT. Pendant cette période, Sprint Canada a également effectué du télémarketing au Canada pour ses services téléphoniques interurbains en liaison avec la marque de commerce SPRINT.

14.               Au 1er octobre 1994, la marque de commerce SPRINT était devenue notoire au Canada auprès des entreprises et des consommateurs, notamment auprès des clients effectifs et potentiels de la défenderesse, et elle dénotait les services téléphoniques interurbains des demanderesses.

15.               La publicité télévisée de Sprint Canada au Canada (notamment au Québec) a débuté en juillet 1994. De 1994 à 1998, elle a comporté ce qui est présenté sur la bande vidéo qui figure à titre de pièce n º 4 de l'affidavit de documents de Sprint Canada. La publicité télévisée en français a été diffusée au Québec.

16.               Des échantillons des publipostages de Sprint Canada distribués au Canada dans la période d'octobre 1993 à 1998 figurent aux pièces n º s 7 et 8 de l'affidavit de documents de Sprint Canada.

17.               Des échantillons de la publicité dans la presse de Sprint Canada diffusée au Canada dans la période d'octobre 1993 à 1998 figurent à la pièce n º 9 de l'affidavit de documents de Sprint Canada.

18.               La couverture de presse des sociétés Sprint au Canada a paru dans les journaux suivants :

Calgary Herald, 1994-1997

Financial Post, 1992-1997

Montreal Gazette, 1994-1997

Ottawa Citizen, 1994-1997

Toronto Star, 1993-1997

Vancouver Sun, 1994-1996

La pièce n º 23 de l'affidavit de documents de Sprint Canada indiquant les tirages de ces journaux est exacte sous tous ses aspects importants.

19.               La couverture de presse des sociétés Sprint au Canada parue dans le Globe and Mail est la suivante : 78 articles comportant des références à Sprint Canada, Sprint Communications, Sprint Corp. et Call-Net, énumérés dans la pièce n º 21 de l'affidavit de documents de Sprint Canada, et des échantilllons de la période 1993-1997 figurent dans la pièce n º 22 de l'affidavit de documents de Sprint Canada.

20.               La pièce n º 24 de l'affidavit de documents de Sprint Canada indiquant les tirages du Globe and Mail est exacte sous tous ses aspects importants.

21.               Les renseignements sur la couverture de presse au Canada des sociétés Sprint extraits de l'Infomart Database et des bases de données de Dialog Select, qui figurent dans les pièces n º s 10, 11, 12 et 13 de l'affidavit de documents de Sprint Canada, sont exacts sous tous leurs aspects importants.


22.               La défenderesse exerce son activité dans le domaine des communications, fournissant aux entreprises des services de commercialisation, de publicité, de relations publiques et d'autres services. Cette activité comprend la planification et l'évaluation du marché (par exemple, la définition des clients cibles de l'entreprise), l'élaboration de la publicité, la mise en oeuvre des plans de commercialisation du client, le plan média et l'achat de médias pour la publicité.

23.               La défenderesse a eu l'intention, à toutes les époques pertinentes, d'employer la marque de commerce et le nom commercial SPRINT CANADA en liaison avec son entreprise. La défenderesse a l'intention d'employer la marque de commerce et le nom commercial SPRINT CANADA en liaison avec son entreprise, si les demanderesses ne réussissent pas à l'en empêcher par voie d'ordonnance.

24.               La défenderesse a rédigé et envoyé les lettres figurant à la pièce n º 9 de l'affidavit de documents de Call-Net, aux dates mentionnées dans ces lettres ou aux environs, aux destinataires qui y sont mentionnés et aux destinataires qui y figuraient en copies, et ces lettres ont été reçues par leurs divers destinataires normalement peu de temps après les dates d'envoi. Ces lettres sont les suivantes :

Le 5 octobre 1994, à M. Juri Koor, président, Call-Net Enterprises Inc.;

Le 12 octobre 1994, à M. Colin Bates, vice-président, Sprint Canada;

Le 20 octobre 1994, à M. Terry Ruffell, président, Association canadienne des professionnels de la vente;

Le 28 octobre 1994, à M. Everett Elting, président, Grey Advertising Limited;

Le 28 octobre 1994, à M. David Harrison, président, Harrison, Young Pesonen & Newell Inc.;

Le 28 octobre 1994, à M. Keith Spicer, président, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Le 4 novembre 1994, à M. A.D. Pouliot, président et chef de l'exploitation, CFCF Inc.;

Le 17 novembre 1994, à M. Roger P. Parkinson, éditeur et directeur général, The Globe and Mail;

Le 18 novembre 1994, à M. James K. Warrillow, président, Maclean Hunter Publishing Limited;

Le 18 novembre 1994, à M. Keith Spicer, président, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.


25.               L'Association canadienne des professionnels de la vente, destinataire de la lettre de la demanderesse datée du 20 octobre 1994, était en 1994 une association professionnelle dont les membres étaient composés en grande partie de représentants de commerce. À l'époque, la défenderesse était membre de l'Association canadienne des professionnels de la vente, et Sprint Canada avait annoncé ses services téléphoniques interurbains dans les publications de l'Association canadienne des professionnels de la vente s'adressant à ses membres, entre autres dans son Répertoire des services de voyage. Mme Gail Hekkema, qui était indiquée en copie dans la lettre de la défenderesse du 20 octobre 1994, était la représentante du conseil régional du Québec de l'Association canadienne des professionnels de la vente. En 1994, Sprint Canada avait fait une offre aux membres de l'Association canadienne des professionnels concernant un service de télécommunication; cette offre avait été approuvée par l'Association et la défenderesse s'y était opposée par une lettre du 18 novembre 1994 adressée à M. Keith Speicer, président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

26.               Grey Advertising Limited, destinataire de la lettre de la défenderesse du 28 octobre 1994, et dont M. Everett Elting était le président, était en 1994 l'agence de publicité de Sprint Canada, responsable de la création et du développement de la publicité à la télévision et dans d'autres médias de Sprint Canada.

27.               Le destinataire de la lettre de la demanderesse datée du 28 octobre 1994, Harrison, Young, Pesonen & Newell Inc., dont M. David Harrison était le président, était en 1994 responsable du placement médias de la publicité de Sprint Canada à la télévision et dans d'autres médias. Par suite de la lettre de la défenderesse du 28 octobre 1994, Call-Net a fourni un document intitulé [TRADUCTION] Confirmation et indemnisation date du 4 novembre 1994, à Harrison, Young, Pesonen & Newell Inc., au nom de Call-Net et de Sprint Canada, visant à indemniser l'agence à l'égard de la prétention de la défenderesse, déposé comme pièce n º 10 de l'affidavit de documents de Call-Net, joint à une lettre d'envoi datée du 3 novembre 1994 de Minden Gross Grafstein & Greenstein, avocats représentant Harrison, Young, Pesonen & Newell Inc.

28.               Le destinataire de la lettre de la défenderesse du 4 novembre 1994, CFCF Inc., dont M. A.D. Pouliot était le président et chef de l'exploitation, était en 1994 un poste de télévision de Montréal qui avait diffusé la publicité télévisée de Sprint Canada et fait la promotion de ses services téléphoniques interurbains.

29.               Le destinataire de la lettre de la défenderesse du 17 novembre 1994, le journal The Globe and Mail, dont M. Roger P. Parkinson était l'éditeur et le directeur général, était à toutes les époques pertinentes distribué à l'échelle nationale au Canada et avait diffusé la publicité de Sprint Canada qui annonçait ses services téléphoniques interurbains et en faisait la promotion.

30.               Le destinataire de la lettre de la défenderesse du 18 novembre 1994, Maclean Hunter Publishing Limited, dont M. James K. Warrillow était le président, était en 1994 l'éditeur du magazine Maclean's, distribué à l'échelle nationale au Canada, qui avait publié la publicité imprimée de Sprint Canada faisant la promotion de ses services téléphoniques interurbains.


31.               La défenderesse a reçu normalement les lettres datées des 4 et 9 novembre 1994 respectivement des avocats de Sprint L.P., Shapiro, Cohen, Andres, Finalyson, et de Mark R. Hemingway, conseiller juridique de Sprint Canada Inc., pièce n º 11 de l'affidavit de documents de Sprint L.P., soit peu après les dates inscrites sur les lettres.

32.               Le 14 mai 1997, le président de la défenderesse, M. Wayne Bryant, a assisté à l'assemblée annuelle des actionnaires de Call-Net. À cette réunion, M. Bryant a posé des questions à M. Juri Koor, président directeur général de Call-Net, et à M. Jim Hardy, chef des finances, en présence de tous les participants, y compris les actionnaires et la presse financière. M. Bryant s'est présenté comme le président de Sprint Canada. Il a indiqué qu'il avait le droit d'employer le nom et la marque de commerce « Sprint Canada » au Québec, et il a demandé pourquoi Call-Net ne faisait pas mention de cette question dans ses états financiers et pourquoi il n'était pas prévu de réserves pour éventualités à ce sujet dans les états financiers de l'entreprise. Les observations de M. Bryant ont été commentées dans un rapport d'analyste de la RBC Dominion valeurs mobilières, daté du 15 mai 1997, pièce n º 3 de l'affidavit de documents de Call-Net, rapport qui a été distribué au Canada.

33.               Après l'introduction de la présente action, la défenderesse a enregistré « sprintcanada.com » comme nom de domaine sur l'Internet. Sprint L.P. s'en est plainte à la défenderesse et à Network Solutions, qui régit l'enregistrement des noms de domaine en qualité de Registraire des noms de domaine de l'InterNIC. Par une lettre datée du 9 juin 1997 à Sprint L.P., produite comme pièce n º 6 de l'affidavit de documents de Sprint L.P., la défenderesse a répondu à la plainte de Sprint L.P. Sprint L.P. est la propriétaire des marques de commerce SPRINT CANADA et SPRINT CANADA & Design, au Canada, portant respectivement les numéros d'enregistrement 468 519 et 468 521. Conformément à sa politique, Network Solutions a donc exigé que la défenderesse, soit renonce au nom de domaine sprintcanada.com, soit conteste l'affaire et enregistre un autre nom de domaine jusqu'à l'issue du litige. Pendant le cours du litige, le nom de domaine sprintcanada.com n'est à la disposition d'aucune des demanderesses ni d'une autre partie. La défenderesse a choisi la seconde option et retenu comme nom de domaine de remplacement « sprintus.com » . Depuis, Network Solutions a enregistré de nouveau sprintcanada.com comme nom de domaine de la défenderesse. Les demanderesses n'ont été informées de ces faits par la défenderesse que le 27 avril 2000. Elles ne connaissent aucunement les circonstances du nouvel enregistrement. Les demanderesses font enquête et ont l'intention de traiter l'affaire avec Network Solutions selon ce qui sera approprié.

34.               Depuis 1996, Sprint Canada exploite un site Web sur l'Internet sous le nom de domaine sprintcanada.ca. Depuis 1995, Sprint L.P. exploite un site Web sur l'Internet sous le nom de domaine sprint.com. Les sites Web respectifs de chaque société décrivent l'entreprise et ses services, et dans le cas du site de Sprint Canada, le site offre depuis 1997 aux consommateurs, aux petites entreprises et aux entreprises en général la possibilité d'acheter des services téléphoniques interurbains. En 1997, Sprint Canada a commencé à fournir des services d'accès à l'Internet aux entreprises et aux consommateurs canadiens.

35.               La défenderesse reconnaît l'authenticité des documents suivants : les copies des enregistrements de marques de commerce canadiennes de Sprint L.P., faisant partie de la pièce n º 3 de l'affidavit de documents de Sprint L.P, détaillées comme suit :


SPRINT, n º d'enregistrement LMC 300 027;

SPRINT, n º d'enregistrement LMC 414 722;

SPRINT EXPRESS, n º d'enregistrement LMC 418 135;

SPRINTNET, n º d'enregistrement LMC 398 590

US SPRINT, n º d'enregistrement LMC 423 517;

SPRINT CANADA, n º d'enregistrement LMC 468 519;

SPRINT CANADA & Design, n º d'enregistrement LMC 468 521;

CARTESPRINT, n º d'enregistrement LMC 477 461;

GLOBAL SPRINTFAX, n º d'enregistrement LMC 422 873;

SPRINT CLARITY, n º d'enregistrement LMC 443 477;

SPRINT QUICKCONFERENCE, n º d'enregistrement LMC 473 323;

CONFERENCE SPRINT, n º d'enregistrement LMC 481 294

QUESTIONS EN LITIGE

[5]         1.          La défenderesse a-t-elle violé les droits des demanderesses à l'égard de l'une ou l'autre des marques de commerce dont elles sont propriétaires?

2.          Une injonction devrait-elle être prononcée pour empêcher la défenderesse, par l'entremise de ses administrateurs, dirigeants, employés, mandataires ou autrement, d'employer l'une ou l'autre des marques de commerce SPRINT d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à ces marques de commerce en contravention à l'article 22 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi)?

3.                   Une injonction devrait-elle empêcher la défenderesse, par l'entremise de ses administrateurs, dirigeants, employés, mandataires ou autrement, de violer les droits aux enregistrements des marques de commerce portant les numéros LMC 300 027, LMC 414 722, LMC 418 135, LMC 398 590 et LMC 423 517, sur une base quia timet?


4.                   Une injonction devrait-elle empêcher la défenderesse, par l'entremise de ses administrateurs, dirigeants, employés, mandataires ou autrement, d'adopter tout nom de domaine au Canada qui cause de la confusion avec l'une ou l'autre des marques de commerce déposées des demanderesses Sprint L.P, énumérées aux paragraphes 5 et 19 de la déclaration?

5.                   Les demanderesses ont-elles droit aux dommages-intérêts en réparation :

a)          des déclarations fausses et trompeuses qui ont tendu à discréditer l'entreprise ou les services des demanderesses?

b)          de l'emploi des marques de commerce SPRINT d'une manière qui a entraîné la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à ces marques de commerce?

c)          de la violation des droits à l'égard des marques de commerce?

d)          de la commercialisation trompeuse?

e)          Les demanderesses ont-elles droit à des dommages-intérêts punitifs, majorés et exemplaires?


f)           Des intérêts avant jugement et après jugement devraient-ils être payés?

[6] Question 1

La défenderesse a-t-elle violé les droits des demanderesses à l'égard de l'une ou l'autre des marques de commerce dont elles sont propriétaires?

En avril 1988, la défenderesse a enregistré le nom « Sprint Canada » comme nom commercial au bureau du protonotaire à Montréal. En 1985, la demanderesse Sprint L.P. a enregistré la marque de commerce « SPRINT » (LMC 300 027) et, aux paragraphes 5 et 6 de l'exposé conjoint des faits, les parties ont convenu que la marque de commerce avait été employée au Canada depuis le 1er janvier 1985. En février 1987 ou vers cette période, la défenderesse a adressé une série de lettres dans lesquelles elle faisait allusion à une division de la société qu'elle appelait Sprint Canada. Il s'agissait du programme « Coupons for Better Living » . L'en-tête de lettre portait le nom de Spectrum Medical Market Consultants en relief et en caractères plus gras que les mots « Sprint Canada » qui figuraient sur deux des trois lettres.

[7]         Pour obtenir les réparations demandées, les demanderesses doivent d'abord persuader la Cour que le comportement de la défenderesse correspondait à une violation de ses droits de marque. L'article 20 de la Loi dispose :



Infringement

20. (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use shall be deemed to be infringed by a person not entitled to its use under this Act who sells, distributes or advertises wares or services in association with a confusing trade-mark or trade-name, but no registration of a trade-mark prevents a person from making

(a) any bona fide use of his personal name as a trade-name, or

(b) any bona fide use, other than as a trade-mark,

(i) of the geographical name of his place of business, or

(ii) of any accurate description of the character or quality of his wares or services,

in such a manner as is not likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching to the trade-mark.

Violation

20. (1) Le droit du propriétaire d'une marque de commerce déposée à l'emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne non admise à l'employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. Toutefois, aucun enregistrement d'une marque de commerce ne peut empêcher une personne_:

a)d'utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom commercial;

b)d'employer de bonne foi, autrement qu'à titre de marque de commerce_:

(i) soit le nom géographique de son siège d'affaires,

(ii) soit toute description exacte du genre ou de la qualité de ses marchandises ou services,

d'une manière non susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à la marque de commerce.


[8]         La véritable question est maintenant de savoir si le nom commercial de la défenderesse causait de la confusion avec les marques de commerce des demanderesses. L'article 6 de la Loi contient les dispositions relatives à la confusion :



6(1) When mark or name confusing

For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section.

6(2) Idem

The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

6(3) Idem

The use of a trade-mark causes confusion with a trade-name if the use of both the trade-mark and trade-name in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the trade-mark and those associated with the business carried on under the trade-name are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

6(4) Idem

The use of a trade-name causes confusion with a trade-mark if the use of both the trade-name and trade-mark in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the business carried on under the trade-name and those associated with the trade-mark are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

6. (1) Quand une marque ou un nom crée de la confusion

Pour l'application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

6(2) Idem

L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

6(3) Idem

L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial, lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à cette marque et les marchandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l'entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

6(4) Idem

L'emploi d'un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom et les marchandises liées à cette marque sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à l'entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

6(5) What to be considered

In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

6. (5) Éléments d'appréciation

En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris_:

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.



[9]         Le paragraphe 4(2) de la Loi traite des cas où une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services, comme en l'espèce :


(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.


[10]       Lorsque les facteurs de confusion invoqués sont ceux du paragraphe 6(5), les demanderesses doivent faire la preuve, selon la probabilité la plus forte, que l'emploi du nom commercial de la défenderesse en liaison avec ses services introduit un risque de confusion avec les marques déposées des demanderesses. Comme l'a déclaré le juge Linden dams l'arrêt United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.) aux pages 258 et 259 :

Une marque de commerce est une marque employée par une personne pour distinguer ses marchandises ou ses services de ceux des autres. Par conséquent, la marque ne peut être considérée isolément, mais seulement en liaison avec ces marchandises ou ces services. C'est ce qui ressort du libellé du paragraphe 6(2). La question que pose ce paragraphe ne concerne pas la confusion des marques, mais la confusion des biens ou des services provenant d'une source avec des biens ou des services provenant d'une autre source. C'est pourquoi il n'est pas accordé de protection très étendue aux marques qui se fondent sur des origines géographiques ou sur des mots généralement descriptifs (par exemple, les marques fictives Café du Pacifique ou Soda supérieur). Même si des marques projetées peuvent ressembler à ces marques, il est peu vraisemblable que le public présume que deux produits qui se décrivent comme étant « du Pacifique » ou « supérieur » proviennent nécessairement de la même source. Comme la confusion est peu probable, la protection n'est pas nécessaire.

[11]       Dans l'affaire Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.), le juge Décary a déclaré à la page 387 :


Pour décider si l'emploi d'une marque de commerce ou d'un nom commercial cause de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial, la Cour doit se demander si, comme première impression dans l'esprit d'une personne ordinaire ayant un vague souvenir de l'autre marque ou de l'autre nom, l'emploi des deux marques ou des deux noms, dans la même région et de la même façon, est susceptible de donner l'impression que les services reliés à ces marques ou à ces noms sont fournis par la même personne, que ces services appartiennent ou non à la même catégorie générale.

[12]       L'application des facteurs du paragraphe 6(5) est la même, qu'il s'agisse de la question de l'enregistrabilité d'une marque de commerce ou de la violation du droit à la marque de commerce, mais le fardeau de la preuve est différent.

[13]       Comme l'a déclaré le juge Linden dans United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp., précité, à la page 259 :

L'insistance sur la source des marchandises ou des services doit guider tout examen de l'article 6 de la Loi. Six facteurs sont énumérés : cinq spécifiques et un général. J'étudierai brièvement chacun d'eux. Des cinq points spécifiques à prendre en compte, il ressort que la Cour doit soupeser le droit du propriétaire d'une marque de commerce à l'emploi exclusif de sa marque en regard du droit de libre concurrence dont jouissent les autres personnes sur le marché.

[14]       À la lumière de ces orientations, je vais maintenant examiner ces facteurs en regard des faits de l'espèce.

[15]       a)          Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus.


J'en suis arrivé à la conclusion que les noms commerciaux SPRINT n'ont pas de caractère distinctif inhérent, encore que cela ne tranche pas la question puisque deux facteurs doivent être pris en compte à ce titre, le second étant la mesure dans laquelle les marques de commerce SPRINT sont devenues connues (c'est-à-dire leur caractère distinctif acquis). Je suis d'avis que par leur publicité et leur emploi au Canada depuis 1985, les marques de commerce des demanderesses comportant le mot SPRINT associé à diverses autres dénominations ont acquis un caractère distinctif inhérent en liaison avec les services énumérés. Le témoignage de Douglas Reinhart (Interrogatoire préalable, question 141, produit au procès) a montré la promotion considérable de la marque au Canada entre 1985 et 1993. Le témoignage de Mark Hemingway (Interrogatoire préalable, questions 66 et 67, produit au procès) établit qu'une enquête effectuée par les demanderesses a révélé que de 20 % à 30 % des consommateurs canadiens connaissaient le nom SPRINT.

b)                   La période d'usage.

Dans la présente affaire, les demanderesses ont établi qu'elles ont employé leur marque au Canada depuis 1985 environ. La défenderesse a commencé à employer son nom commercial dès avril 1988 ou peut-être même au début de 1987.


Dans l'ensemble, la marque des demanderesses a été employée plus longtemps que le nom commercial de la défenderesse, mais la défenderesse a témoigné que cet emploi de son nom commercial était limité. La preuve a démontré qu'il n'y avait aucune inscription de ce nom commercial dans les annuaires téléphoniques locaux et on n'a produit aucune preuve de l'emploi du nom « Sprint Canada » dans l'entreprise, sauf sur du papier à en-tête, des enveloppes de messageries et des projets de contrat. M. Bryant, un témoin de la défenderesse, a déclaré qu'entre 1987 et 1993, la défenderesse n'avait fait affaires avec personne au Canada sous le nom « Sprint Canada » . M. Bryant a aussi témoigné que, mis à part un projet d'envoi de bons par la poste, la société défenderesse n'avait fait aucune autre opération commerciale avec le papier à en-tête « Sprint » .

c)                   Le genre de marchandises, services ou entreprises.


En 1988, lorsque la défenderesse a enregistré son nom commercial et commencé à employer « Sprint » , les demanderesses avaient fait enregistrer en 1985 une marque de commerce pour des services de télécommunication (SPRINT LMC 300 027). Les autres enregistrements SPRINT sont énumérés au point 4 du paragraphe 4 de la présente décision. Les marchandises et services reliés aux marques SPRINT sont principalement des services de communication et de télécommunication. Les services offerts par la défenderesse relèvent du domaine des communications, soit la fourniture aux entreprises de services de commercialisation, de publicité, de relations publiques et d'autres services. Cette activité comprend la planification et l'évaluation du marché (par exemple, la définition des clients cibles de l'entreprise), l'élaboration de la publicité, la mise en oeuvre des plans de commercialisation du client, le plan média et l'achat de médias pour la publicité. M. Bryant, à l'interrogatoire préalable, a indiqué ce qui suit (témoignage produit au procès (pièce P-3), onglet 1, pages 10 et 11 :

[TRADUCTION]

Q.                 Mais vous n'offrez pas de services de télécommunication à proprement parler à votre client?

R.                  Bien, par un programme, s'il y a une composante de télécommunications, oui nous le faisons, mais ce n'est pas nécessairement quelque chose que nous développons nous-mêmes. Nous nous ménageons l'accès à tous les instruments nécessaires, y compris aux télécommunications, le cas échéant.

À l'onglet 2, page 20 :

Q.                 Ainsi, par exemple, vous pourriez commencer sans délai de la formation dans le domaine des télécommunications, n'est-ce pas?

R.                  Oui, c'est exact.

La preuve ne démontre pas clairement que la défenderesse ait jamais offert de services reliés à la fourniture de services de télécommunication à la date de l'action. Par conséquent, le genre de services est différent.

d)          La nature du commerce.


La nature du commerce dans lequel intervient la prestation des services est un autre facteur à considérer. Le risque de confusion sera plus grand si la distribution des services s'effectue sur le même grand marché. Dans le cas qui nous occupe, les services offerts par la défenderesse semblent être offerts à des clients qui recherchent du conseil en commercialisation et en publicité. La défenderesse n'a pas encore offert de services dans le domaine des télécommunications.

(e)                 La ressemblance dans la présentation ou le son, ou dans les idées suggérées.

La marque des demanderesses est « SPRINT » et le nom commercial de la défenderesse est « Sprint Canada » . La défenderesse présente son nom commercial sur sa papeterie de la manière suivante :


J'estime que la marque de commerce des demanderesses et le nom commercial de la défenderesse ont une très forte ressemblance dans la présentation. La présentation des lignes horizontales sur le nom commercial et l'inclinaison vers la droite des lettres formant le mot « Sprint » ne sont pas identiques mais se ressemblent. Les mots « Sprint » dans le nom commercial et la marque de commerce sont très semblables. L'ajout du mot « CANADA » change très peu la situation puisque la défenderesse ne peut prendre la marque « SPRINT » des demanderesses et lui adjoindre un mot pour la distinguer de celle des demanderesses. Dans l'affaire Conde Nast Publications Inc. v. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.) à la page 188, le juge Cattanach a déclaré :

Dans l'affaire J.B. Stone & Co., Ltd. c. Steelace Mfg Co. Ltd. (1929) 46 R.P.C. 406, le juge Lawrence dit à la page 418 que ce n'est pas une façon de répondre que de dire :

Oui, nous faisons l'emploi de votre marque de commerce, mais de telle façon qu'à notre avis il n'est pas susceptible d'y avoir tromperie ni préjudice pour votre commerce.

Et le lord juge ajoute :

J'estime qu'une telle réponse ne constitue pas une défense, contre une action instituée par le titulaire enregistré d'une marque de commerce dont se sert un concurrent relativement à ses propres marchandises, à quelque fin que ce soit.

À mon avis, c'est précisément ce qu'a fait l'intimée. Elle a utilisé la totalité de la marque de commerce de l'appelante et y a ajouté les mots « ÂGE TENDRE » . Il est évident que le premier mot ou la première syllabe d'une marque de commerce est celui ou celle qui sert le plus à établir son caractère distinctif. En l'espèce, le premier mot et l'élément le plus important de la marque dont l'intimée veut obtenir l'enregistrement est identique à la marque que l'appelante a fait enregistrer.


Dans l'affaire Carling O'Keefe Ltd. v. Anheuser-Busch Inc. Nos. 1 and 2 (1982), 68 C.P.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.) à la page 33, le juge Walsh a déclaré :

Il faut faire la distinction entre une action pour contrefaçon, où l'on peut examiner l'ensemble d'une marque de commerce, et une action pour violation de droit à la marque de commerce. M. Fox fait les commentaires suivants dans Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, à la page 392 :

L'addition d'un élément, tel le nom du défendeur, afin d'essayer d'identifier la véritable origine ne constitue pas une excuse à la violation du droit du demandeur à la marque de commerce, dans la mesure où celle-ci a été employée. Quel que soit le nombre d'éléments ajoutés, dans le but d'indiquer la véritable origine des biens, cela n'a aucune importance, tandis que dans une action pour contrefaçon, un défendeur peut échapper à sa responsabilité s'il peut démontrer que les éléments ajoutés suffisent pour distinguer ses biens de ceux du demandeur.

Il poursuit, à la page 394 :

Si le défendeur a clairement pris les éléments distinctifs de la marque de commerce déposée du demandeur, l'addition de son propre nom ou de tout autre indice distinctif ne pourra être soulevée en défense.

f)           Toutes les circonstances de l'espèce.

Cette expression comprend naturellement tous les facteurs spécifiques qui viennent d'être énumérés et examinés. En outre, ce facteur permet au juge ou au registraire, selon le cas, de prendre en compte tout fait particulier propre à la situation. Toute preuve de confusion effective est ici pertinente. Le témoignage de M.Bryant a notamment compris les éléments suivants, aux pages 204 à 206 de la transcription :


[TRADUCTION]

Q.                 Et vous dites qu'en 1994, lorsque vos clients étaient contactés et entendaient le nom « Sprint Canada » , ils vous prenaient pour la société de télécommunications?

R.          Lorsque nous avons discuté du nom « Sprint Canada » avec nos clients, avec nos associations, ils se montraient toujours perplexes, étonnés qu'il y ait deux noms « Sprint Canada » .

Q.                 Pensaient-ils que vous étiez de quelque façon associés avec eux ou peut-être titulaires d'une licence concédée par eux? Vous posaient-ils des questions de ce genre?

R.          La réponse est non.

Q.                 Vous voulez dire qu'ils ne le pensaient pas ou que vous leur répondiez « Non » ?

R.          La réponse est qu'ils ne le pensaient pas parce qu'ils connaissaient les entreprises que nous exploitions. Ils savaient que nous n'étions pas une compagnie de téléphone.

A.                  Pourtant, vous dites qu'ils étaient déconcertés?

R.          Oui, ils étaient déconcertés par l'idée qu'il puisse y avoir deux sociétés autorisées à fonctionner sous le même nom sur le même territoire. Même les experts en commercialisation, voyez-vous, ne le comprenaient pas.

A.                  On pourrait donner comme explication plausible que Sprint Canada et vous aviez conclu une sorte d'entente vous concédant une licence pour offrir ce genre de services de commercialisation sous leur nom. Ce serait là une explication possible, n'est-ce pas?

R.          Ce n'était pas là rien qu'ils... nos clients et notre association savaient que nous n'avions pas conclu ce type d'entente parce que je leur avais expliqué la chose.

A.                  Vous leur aviez donc dit que vous n'aviez pas de licence de Sprint Canada?

R.          C'est juste.

A.                  Et ils étaient préoccupés par cette question et vous leur avez dit que vous n'aviez pas de licence?

R.          Non, ils n'étaient pas préoccupés par cela, ils étaient seulement perplexes à l'idée d'une telle coexistence, du fait qu"il pouvait y avoir sur le marché deux sociétés portant exactement le même nom.

A.                  Pourquoi leur auriez-vous expliqué que vous ne déteniez pas de licence s'ils ne s'étaient pas montrés préoccupés?


R.          Je ne leur expliquais pas qu'il n'y avait pas de licence de la compagnie de téléphone.

A.                  Je croyais que c'est ce que vous aviez dit.

R.          Non, j'expliquais que nous n'offrions pas de services téléphoniques.

A.                  Est-ce le souvenir que vous conservez aujourd'hui?

R.             Oui.

A.                  Donc, à l'époque, ça semblait se passer avec presque tous vos clients?

R.          Pas avec tous. Seulement avec certains individus avec lesquels nous traitions.

A.                  Y avait-il un grand nombre de clients qui étaient préoccupés à ce sujet?

R.          Je répète qu'ils exprimaient leur étonnement qu'on pouvait avoir le même nom.

Les déclarations suivantes figurent aussi aux pages 207 et 208 :

A.                  Est-il vrai que chaque fois que vous parliez du nom Sprint Canada vos clients avaient l'impression que vous étiez une société de télécommunication?

R.          Non, ils ne disaient pas que nous étions une société de télécommunication parce qu'ils connaissaient le genre d'entreprise qui était le nôtre.

A.                  Maintenant, vous rappelez-vous avoir subi un interrogatoire préalable?

R.          Oui.

A.                  Je voudrais vous montrer une question et la réponse que vous avez donnée à cet interrogatoire préalable. Je vous lis donc la question 172 :

[TRADUCTION]

Q.              Quelle preuve avez-vous de cette confusion?

R.              Des communications personnelles avec... chaque fois que nous discutions du nom Sprint Canada, eux, nos clients avaient l'impression que nous étions une société de télécommunication. (texte tel qu'il a été lu)


A.                  Cette réponse est-elle vraie?

R.          En ce qui concerne la lettre, oui. En ce qui concerne l'esprit de la réponse, non.

[16]       Les circonstances de l'espèce sont importantes également au moment où la Cour décide du poids à attribuer à chacun des facteurs du paragraphe 6(5).

[17]       Dans l'affaire United Artists Corp. v. Pink Panther Beauty Corp., précitée, le juge Linden a déclaré à la page 264 :

Les circonstances de l'espèce sont également importantes pour décider du poids à attribuer à chacun des facteurs énumérés. Dans la décision Polysar Ltd. c. Gesco Distributing Ltd, (1985), 6 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.), le juge Joyal a examiné la question de la souplesse dont jouit le tribunal ou le registraire dans l'appréciation de l'importance à accorder à chaque facteur énuméré au paragraphe 6(5). Il a précisé :

Le principe selon lequel les critères énumérés au paragraphe 6(5) n'ont pas tous le même poids est particulièrement pertinent en l'espèce. Chaque cas de confusion peut justifier qu'on accorde plus d'importance à l'un de ces critères. [Ibid., à la page 298].

Ainsi, le tribunal ou le registraire doivent savoir que, dans chaque cas particulier, il faut apprécier à nouveau l'importance de ces facteurs. (Voir aussi Beverley Bedding & Upholstery Co. v. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F.1re inst.).)


[18]       Je suis d'avis qu'il faut accorder plus d'importance au fait que dans cette affaire, les clients de la défenderesse ont estimé que la marque « SPRINT » et le nom commercial « Sprint Canada » étaient source de confusion. De même, il faut accorder plus d'importance au fait que la marque et le nom commercial se ressemblent beaucoup dans la présentation. Il s'ensuit de cette conclusion que je ne suis pas persuadé, selon la probabilité la plus forte, qu'il n'y a pas de risque de confusion entre le nom commercial de la défenderesse et la marque déposée des demanderesses, LMC 300 027. En réalité, sur la question de la probabilité la plus forte, j'estime qu'il y a un risque que le nom commercial de la défenderesse cause de la confusion avec la marque de commerce des demanderesses.

[19]       Sur le fondement de la preuve, je conclus que la demanderesse, Sprint L.P., est la propriétaire de la marque de commerce « SPRINT » (LMC 300 027). De la même manière, je conclus que la défenderesse est la propriétaire du nom commercial « Sprint Canada » .

[20]       Le témoignage de M. Bryant, la correspondance de février 1987 et les lettres de M. Bryant m'ont amené à la conclusion que la défenderesse employait le nom commercial pour annoncer ses services aux époques pertinentes et que, de ce fait, il y a eu emploi du nom commercial par la défenderesse selon le paragraphe 4(2) de la Loi et que, par conséquent, le droit des demanderesses à l'emploi exclusif de leur marque de commerce défini au paragraphe 20(1) de la Loi a été violé.

[21]       Aux termes du paragraphe 19 de la Loi, le propriétaire d'une marque de commerce déposée a le droit exclusif à l'emploi de cette marque dans tout le Canada.


[22]             Question 2

Une injonction devrait-elle être prononcée pour empêcher la défenderesse, par l'entremise de ses administrateurs, dirigeants, employés, mandataires ou autrement d'employer l'une ou l'autre des marques de commerce SPRINT d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à cette marque de commerce en contravention à l'article 22 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi)?

Le paragraphe 22(1) de la Loi prévoit que nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à cette marque de commerce. Dans le traité Hughes on Trade Marks (Roger T. Hughes et al, Hughes on Trade Marks, édition à feuilles mobiles, Toronto, Butterworths, 1984), le paragraphe 44 indique notamment :


[TRADUCTION] L'achalandage dont il est question à l'article 22 de la Loi sur les marques de commerce, bien qu'il ne soit pas nécessairement le même ou que sa notion n'ait pas la même portée que l'achalandage d'une entreprise, est constitué d'éléments similaires : il représente cette partie de l'achalandage de l'entreprise du propriétaire qui comprend l'avantage global tiré de la réputation identifiée aux marchandises distribuées par le propriétaire en liaison avec la marque de commerce. Lorsque l'emploi d'une marque de commerce est abandonné et que le public en est avisé, il semble y avoir peu d'achalandage restant à protéger par voie d'injonction. « Entraîner une diminution de la valeur » de cet achalandage signifie réduire l'avantage de la réputation, soustraire tout ou partie de l'achalandage qui serait anticipé autrement et donc le rendre moins avantageux. Il se peut que l'emploi d'une marque créant de la confusion entraîne l'érosion et l'affaiblissement du prestige, de la force et de l'intégrité de la marque. La dépréciation de l'achalandage n'exige pas une concurrence menant immédiatement à une perte des ventes. Le dommage doit être démontré, en particulier lorsque le préjudice en question semble non intentionnel et qu'il a une diffusion restreinte.

[23]       La preuve présentée ne m'a pas persuadé de conclure à une dépréciation de l'achalandage attaché aux marques de commerce des demanderesses. En fait, la preuve concernant « Sprint Canada » , qui a été fournie par un rapport d'analyste de RBC Dominion valeurs mobilières daté du 15 mai 1997, indiquait le contraire. De même, je ne suis pas disposé à accorder l'injonction visant l'achalandage recherchée par les demanderesses.

[24]             Question 3

Une injonction devrait-elle empêcher la défenderesse , par l'entremise de ses administrateurs, dirigeants, employés, mandataires ou autrement, de violer les enregistrements des marques de commerce portant les numéros LMC 300 027, LMC 414 722, LMC 418 135, LMC 398 590 et LMC 423 517, sur une base quia timet?


La défenderesse a indiqué que sa société continuerait d'employer le nom commercial « Sprint Canada » à moins qu'elle n'en soit empêchée par ordonnance de la Cour (voir le paragraphe 23 de l'exposé conjoint des faits au paragraphe[4] de la présente décision). Une injonction quia timet peut être accordée s'il existe une probabilité réelle que la défenderesse adopte ce comportement. La présence du paragraphe 23 de l'exposé conjoint des faits établit la probabilité réelle que la défenderesse aura la conduite qu'on cherche à empêcher. Par conséquent, j'accorde l'injonction quia timet demandée par les demanderesses.

[25]             Question 4

Une injonction devrait-elle empêcher la défenderesse, par l'entremise de ses administrateurs, dirigeants, employés, mandataires ou autrement, d'adopter tout nom de domaine au Canada qui cause de la confusion avec l'une ou l'autre des marques de commerce déposées des demanderesses Sprint L.P, énumérées aux paragraphes 5 et 19 de la déclaration?

Dans leur déclaration, les demanderesses allèguent que la défenderesse a violé leurs droits en enregistrant les noms de domaine « sprintcanada.com » et « sprintus.com » . La preuve présentée au procès établit que la défenderesse a effectivement enregistré ces noms de domaine, mais selon le témoignage de M. Bryant, ces noms de domaine ont été employés seulement comme adresse de courrier électronique. Il n'y a pas de preuve que la défenderesse ait établi un site Web pour offrir ses services sous ces noms ou qu'elle ait offert des services par l'entremise d'une adresse sur le Web. Je ne vois aucun fondement me permettant de conclure à une violation des droits. Je ne suis pas disposé à accorder l'injonction demandée.


[26]             Question 5

Les demanderesse ont-elles droit aux dommages-intérêts en réparation :

a)          des déclarations fausses et trompeuses qui ont tendu à discréditer l'entreprise ou les services des demanderesses?

b)          de l'emploi des marques de commerce SPRINT d'une manière qui a entraîné la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à ces marques de commerce?

c)          de la violation des droits à l'égard des marques de commerce?

d)          de la commercialisation trompeuse?

e)          les demanderesses ont-elles droit à des dommages-intérêts punitifs, majorés et exemplaires?

f)           des intérêts avant jugement et après jugement devraient-ils être payés?

S'agissant des demandes de dommages-intérêts visées aux paragraphes 5a) et c), je ne suis pas convaincu que des préjudices ont été prouvés. Par conséquent, je n'accorde pas de dommages-intérêts au titre de ces paragraphes. La demande de dommages-intérêts pour commercialisation trompeuse n'a pas été poursuivie.


[27]       La demande portant sur les dommages-intérêts punitifs, majorés et exemplaires n'est pas accueillie car il n'y a pas de preuve justifiant d'accorder ce type de réparation.

[28]       Les demandes relatives à la question 5 f) ne s'appliquent pas du fait qu'il n'a pas été accordé de réparations pécuniaires.

[29]       S'agissant des dépens, les parties m'ayant demandé de me présenter des observations écrites, j'ordonne qu'elle soient déposées pour le 8 décembre 2000 au plus tard.

[30]       La défenderesse, représentée par son avocat, a pris l'engagement suivant :

[TRADUCTION] La défenderesse convient et prend l'engagement de ne pas employer le nom SPRINT CANADA ni tout nom similaire susceptible de causer de la confusion en liaison avec des services téléphoniques locaux ou interurbains, ni en liaison avec l'exploitation d'un réseau de télécommunications.

Au vu de cet engagement et de la preuve produite au procès, j'accorde l'injonction demandée aux paragraphes 26a)i), iii) et iv) de la déclaration.

[31]       La demande reconventionnelle de la défenderesse est rejetée. Il faut souligner que la défenderesse n'a pas plaidé sa demande reconventionnelle ni par observations écrites, ni oralement devant la Cour au procès.


ORDONNANCE

[32]             IL EST STATUÉ que l'injonction quia timet demandée par les demanderesses est accordée.

[33]             IL EST ÉGALEMENT STATUÉ que l'injonction demandée au paragraphe 26a)i), iii) et iv) de la déclaration est accordée.

[34]             IL EST ÉGALEMENT STATUÉ que les observations écrites au sujet des dépens doivent être présentées pour le 8 décembre 2000 au plus tard.

                                                                                  John A. O'Keefe              

                                                                                               J.C.F.C.                     

Ottawa (Ontario)

Le 10 novembre 2000

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                   AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DU GREFFE :                               T-2814-94

INTITULÉ DE LA CAUSE :             SPRINT COMMUNICATIONS COMPANY L.P. ET AL c. ERLIN INTERNATIONAL     COMMUNICATIONS INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 15 MAI 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE O'KEEFE

EN DATE DU :                                   10 NOVEMBRE 2000

ONT COMPARU :

ROBERT H.C. MacFARLANE ET

MICHAEL E. CHARLES                                             POUR LES DEMANDERESSES

BOB H. SOTIRIADIS                                      POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BERESKIN & PARR                                                   POUR LES DEMANDERESSES

TORONTO (ONTARIO)

LÉGER ROBIC RICHARD                                          POUR LA DÉFENDERESSE

MONTRÉAL (QUÉBEC)

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