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Date : 20030627

Dossier : T-127-00

Référence neutre : 2003 CFPI 797

ENTRE :

                             GROUPE AXOR INGÉNIERIE - CONSTRUCTION INC.,

                                                                                                                             Partie demanderesse

                                                                                  et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                               Partie défenderesse

                                                            MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE LEMIEUX

INTRODUCTION ET LES FAITS


[1]                 Par moyen d'action, la demanderesse Groupe Axor Ingénierie - Construction Inc., ( « Axor » ) réclame de la Couronne fédérale (la « Couronne » ) la somme de            582 775,04 $ estimée et composée 1) d'une retenue de 442 775,04 $ par Construction de Défense Canada ( « CDC » ) en vertu de certaines dispositions contractuelles entre la CDC et Axor; 2) 60 000 $ en frais financiers assumés en raison des retenues illégales de la CDC, calculés de la date des retenues à la date du dépôt de l'action; 3) 60 000 $ en honoraires professionnels; et 4) 20 000 $ en frais administratifs liés à la réclamation, le tout avec intérêts et frais sur une base avocat/client.

[2]                 La question principale est de savoir si Axor était obligée dans ses deux soumissions du 18 juin et du 31 juillet 1996 aux appels d'offres de la CDC, de tenir compte de l'annonce publique émise le 23 avril 1996 par le ministre des Finances du Canada, l'honorable Paul Martin (le « ministre » ), annonce soutenue par plusieurs documents techniques et réitérée le même jour par celui-ci en Chambre des communes. On annonçait que le Canada avait signé un protocole avec les gouvernements de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve, visant à harmoniser, le 1er avril 1997, les taxes de vente de ces provinces avec le régime fédéral.


[3]                 Le protocole d'entente, dont seulement la version anglaise a été déposée en preuve sous la cote D-6, prévoyait « [S]ubject to the signing of a detailed agreement in accordance with clause 20, the parties agree to work towards the implementation of a harmonized sales tax system by April 1, 1997 » . L'article 20 de ce protocole dispose: « Canada and the province will conclude, within six months of this memorandum of understanding, a detailed agreement elaborating the principles set out therein, which agreement will define the common tax base, provide for the single administration...and provide for, inter alia...". Le inter alia de l'article 20 fait référence à quatorze chapitres de matières à élaborer. Les documents techniques publiés à l'appui donnent la raison d'être de l'harmonisation et expliquent, en termes généraux, son fonctionnement.

[4]                 La réponse à la question principale dépend de l'interprétation du terme « avis public » qui se retrouve au paragraphe 22.4 des conditions contractuelles générales prescrites par la CDC, une interprétation qui engage aussi une étude de la décision de la Cour d'appel fédérale dans Hervé Pomerleau Inc. c. Canada, [2000] A.C.F. no 745, concernant ce même paragraphe 22.4.

[5]                 Le 31 juillet 1996, Axor dépose une soumission auprès de la CDC, suite à l'appel d'offres de celle-ci, pour la conception et la construction (conception-ingénierie-design-built) d'une clinique médicale à la base des Forces armées canadiennes à Gagetown au Nouveau-Brunswick ( « Gagetown » ) un projet qui devait être complété au plus tard le 1er juillet 1997. Axor est le soumissionnaire le plus bas et reçoit ce contrat le 27 août 1996.

[6]                 Suite à une soumission du 18 juin 1996, avec modifications déposées le 11 juillet 1996, Axor est également le soumissionnaire le plus bas et reçoit aussi le 27 août 1996 un contrat de la CDC pour la conception-ingénierie d'un mess à la base des Forces armées canadiennes à Greenwood en Nouvelle-Écosse ( « Greenwood » ), le 13 septembre 1997 étant la date du parachèvement des travaux.

[7]                 Les dispositions contractuelles applicables au litige se retrouvent au formulaire de soumission prescrit par CDC (CDL-150) et au document intitulé « Standard Construction Contract Documents 1996 » version (CDL-250) et se lisent:

CG22    AUGMENTATION OU DIMINUTION DES COÛTS

22.1      Le montant établi dans les Articles de convention doit être ni augmenté, ni diminué en raison d'une augmentation ou d'une diminution du coût des travaux résultant d'une augmentation ou d'une diminution du coût du travail, de l'outillage, des matériaux ou des rajustements salariaux énoncés ou prescrits dans les Conditions de travail.

22.2      Nonobstant le paragraphe CG22.1 et l'article CG35, le montant énoncé des les Articles de convention doit faire l'objet d'un redressement de la manière prévue au paragraphe CG22.3, en cas de modification à une taxe imposée en vertu de la Loi sur l'accise, de la Loi sur la taxe d'accise, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, de la Loi sur les douanes, du Tarif des douanes ou de toute loi provinciale sur la taxe de vente imposant une taxe de vente au détail sur l'achat de biens personnels corporels incorporés dans les bien immobiliers:

22.2.1 survenant après la date à laquelle l'entrepreneur a présenté une soumission pour le Contrat;

22.2.2 s'appliquant aux matériaux; et

22.2.3 influant sur le coût de ces matériaux pour l'Entrepreneur.

22.3      En cas de changement fiscal suivant le paragraphe CG22.2, tout montant pertinent indiqué dans les Articles de convention sera augmenté ou diminué d'un montant égal qui, sur examen des registres mentionnés à l'article CG51, représente l'augmentation ou la diminution, selon le cas, des coûts directement attribuables à ce changement.

22.4      Aux fins du paragraphe CG22.2, lorsqu'une taxe fait l'objet d'un changement après la date à laquelle l'Entrepreneur a présenté une soumission mais alors que le ministre des Finances en avait donné avis public avant la date de présentation de la soumission, le changement fiscal est censé être survenu avant la date à laquelle la soumission a été présentée. [je souligne]

[8]                 L'article 3 du formulaire de soumission déposé par la partie défenderesse comme pièce D-1 vise les taxes et se lit:


3.         We understand and agree that all applicable taxes, permits and fees are our responsibility and are included in our Tendered Price. The exception to the foregoing is the Goods and Services Tax (GST)... .                               

[9]                 Plus tard, le 23 octobre 1996, le ministre annonce la signature des accords détaillés prévus à l'article 20 du protocole d'entente du 23 avril 1996 « outlining the new harmonized sales tax system which will be implemented in those provinces on April 1, 1997 » .

[10]            Le 29 novembre 1996, le ministre annonce le dépôt à la Chambre des communes d'un avis de motion de voies et moyens concernant le projet de loi visant les amendements législatifs relatifs à l'harmonisation des taxes de vente ( « TVH » ). Par la suite, le 2 décembre 1996, le ministre dépose à la Chambre des communes le projet de loi C-70 sur l'harmonisation. Cette loi fut sanctionnée le 20 mars 1997 et prend effet le 1er avril 1997.

[11]            Avant l'harmonisation, le Nouveau-Brunswick imposait une taxe de vente provinciale ( « TVP » ) de onze pour cent (11%) sur les matériaux de construction et pour la Nouvelle-Écosse, cette taxe était d'un ordre semblable.


[12]            L'harmonisation avait comme but l'intégration des deux régimes, fédéral et provinciaux de taxes de ventes à partir du 1er avril 1997 produisant une seule TVH de quinze pour cent (15%) avec deux composantes: sept pour cent (7%) pour le fédéral et huit pour cent (8%) pour chacune des trois provinces de l'Atlantique. Les anciennes taxes de vente provinciales seraient abrogées créant une diminution nette de trois pour cent (3%) (de onze pour cent (11%) à huit pour cent (8%)) du taux provincial sur les matériaux de construction livrés aux chantiers de construction après le 1er avril 1997.

[13]            Constatant le changement fiscal mis en vigueur par le Parlement fin mars 1997, CDC invoque le 12 mai 1997 contre Axor les dispositions du paragraphe 22.3 des clauses contractuelles croyant avoir droit aux bénéfices de la diminution de trois pour cent (3%) imposée sur les matériaux de construction livrés aux chantiers de Gagetown et de Greenwood après le 1er avril 1997.

[14]            Selon Axor, c'est le paragraphe 22.4 des clauses contractuelles qui s'appliquent, le paragraphe 22.3 n'ayant aucune pertinence en l'espèce. Pour Axor, aucun changement fiscal s'est produit au sens du paragraphe 22.2 (c'est-à-dire changement fiscal survenant après la date à laquelle Axor a soumissionné pour les contrats) puisque ce changement fiscal, selon l'article 22.4, est réputé être survenu avant la date à laquelle les deux soumissions d'Axor ont été présentées à CDC suite à l'avis public de l'harmonisation faite le 23 avril 1996 par le ministre.


[15]            La CDC, sous forme de crédit contractuel, retient du montant qu'elle doit à Axor:           1)         la somme de 177 411,44 $, représentant le montant qui aurait été payable par Axor à titre de taxe de vente provinciale sur les biens livrés sur le chantier de Gagetown après le 1er avril 1997, n'eut été de l'harmonisation de la taxe sur les produits et services; et

2)         la somme de 265 363,00 $ représentant le montant qui aurait été payable par Axor à titre de taxe de vente provinciale sur les biens livrés sur le chantier de Greenwood après le 1er avril 1997, n'eut été de l'harmonisation de la taxe sur les produits et services.

LA PREUVE

[16]            Quatre individus ont témoigné pour Axor:

1)         Michel Taillefer, un consultant en matière de taxes de consommation;

2)         Benoit Auclair, employé chez Axor et responsable de la préparation des deux soumissions à la CDC pour les projets Gagetown et Greenwood;

3)         Pierre Chevalier, adjoint du contrôleur du Groupe Axor et responsable de la coordination du présent litige avec la CDC; et

4)         Eric Gamache, dont les fonctions principales chez Axor étaient d'octroyer les contrats aux sous-traitants et de gérer la construction proprement dite à Gagetown et Greenwood.

[17]            La CDC n'avance aucun témoin. Elle s'appuie sur la preuve documentaire admise sur consentement, sur les contre-interrogatoires au procès et les interrogatoires avant et après défense. Elle invoque l'arrêt Hervé Pomerleau, précité.


[18]            Michel Taillefer témoigne que le 23 avril 1996 il fait parvenir à Axor un feuillet d'information au sujet de l'annonce le même jour par l'honorable Paul Martin sur l'harmonisation projetée ainsi que sur une centaine de modifications au régime fédéral de la TPS et que, suite à une conversation avec Pierre Chevalier, à la demande de celui-ci, il lui envoie une lettre le 28 avril 1996 l'avisant que la TVH aurait pour effet de réduire les prix des matériaux de construction à partir du 1er avril 1997.

[19]            Pierre Chevalier reconnaît avoir eu connaissance du projet TVH le 23 avril 1996. Cette connaissance vient de sa lecture de journaux et de l'appel qu'il avait reçu de M. Taillefer. Elle est approfondie par le contenu de la lettre de M. Taillefer du 28 avril 1996. M. Chevalier estime ce développement très important et en informe l'estimateur chef chez Axor.

[20]            L'importance du témoignage de Benoit Auclair est dans ses dires qu'à l'intérieur de l'estimé des coûts calculés à être encourus pour déterminer le prix global que soumissionnerait Axor pour Gagetown et Greenwood, il avait tenu compte de la diminution des taux effectifs de la TVP sur les matériaux de construction, résultat de la TVH prévue pour le 1er avril 1997.


[21]            Il dépose en preuve les pièces P-3 et P-4. Ces pièces sont un sommaire des coûts projetés pour les projets Gagetown et Greenwood. L'équipe chez Axor qui pilotait le développement des deux soumissions à la CDC pensait que les coûts calculés par pied carré étaient trop élevés pour ce genre de construction et qu'Axor, qui gaugeait la compétition, ne gagnerait pas les contrats à moins de trouver une façon de diminuer les coûts et donc le prix global de la soumission.

[22]            M. Auclair, aidé par le mot « taxes ????? » qu'il avait noté à l'époque sur le sommaire des coûts à la pièce P-3, témoigne que le prix de la soumission pour le projet Greenwood a été diminué d'un montant de 250 000 $ considérant la baisse anticipée des taux effectifs de la TVP en appliquant une formule statistique à deux volets:

1)         une projection de l'avancement des travaux au 1er avril 1997 à trente pour cent (30%) de la construction achevée; et

2)         pour les travaux à être complétés après le 1er avril 1997, l'application d'un ratio de soixante pour cent (60%) pour le coût de la main-d'oeuvre et quarante pour cent (40%) pour le coût des matériaux de construction.

[23]            M. Auclair dépose que cette même méthodologie fut appliquée pour diminuer les projections des coûts initiaux et le prix global pour Gagetown.

[24]            Je retiens du témoignage de M. Gamache les éléments suivants.


[25]            Premièrement, après avoir obtenu les deux contrats, lorsque Axor a demandé des offres auprès des sous-traitants, c'était sur la base des taxes en vigueur au moment où les soumissions ont été déposées par ceux-ci chez Axor. Par exemple, si un sous-traitant avait déposé sa soumission le 1er mars 1997, celle-ci devait inclure toutes les taxes en vigueur à l'époque de son dépôt, c'est-à-dire, devait comprendre la TVP de onze pour cent (11%) sur les matériaux de construction nonobstant qu'il était anticipé que celle-ci diminuerait de trois pour cent (3%) suite à la TVH sur les matériaux livrés après le 1er avril 1997.

[26]            Deuxièmement, M. Gamache explique que ce système avait été retenu par souci d'équité puisque l'application de la TVH était en fonction de l'état de la construction, chose qu'Axor pouvait contrôler mais non le sous-traitant. Par exemple, la date précise de la livraison par un sous-traitant d'un ventilateur dépendait à quel point les travaux étaient avancés pour être prêt à le recevoir.

[27]            Troisièmement, cette méthodologie n'a pas produit pour Axor un double recouvrement au sens qu'Axor a empoché une portion de la TVP qui n'était pas exigible. M. Gamache explique qu'Axor payait les sous-traitants en fonction d'un pourcentage de l'avancement des travaux et non sur réception de nombreuses factures. Le pourcentage du prix payé par Axor aux sous-traitants qui avaient conclu des contrats avec Axor avant le 1er avril 1997 mais dont les livraisons de matériaux s'échelonnaient après cette date, incluait l'ancienne TVP à onze pour cent (11%).

[28]            Pour cette catégorie de sous-traitants, afin d'établir le vrai montant de TVP non exigible mais payé par elle, Axor a dû faire des vérifications auprès de chacun d'eux pour effectuer les ajustements nécessaires.

LE DÉBAT

[29]            Axor soumet qu'elle était obligée dans ses soumissions à la CDC au mois de juin et juillet 1996 de tenir compte de la réduction proposée de la TVP sur les matériaux de construction livrés au chantier après le 1er avril 1997, puisque ce changement fiscal avait été annoncé par l'honorable Paul Martin le 23 avril 1996 et, qu'en vertu des conditions générales prescrites par la CDC qui sont incorporées dans tous les appels d'offres de celle-ci, ce changement fiscal est réputé, par le paragraphe 22.4, « être survenu avant la date à laquelle la soumission a été présentée » ce qui exclut l'ajustement prévu aux paragraphes 22.2 and 22.3 des conditions générales puisque ces paragraphes ne s'appliquent qu'à une modification survenue après la date de la soumission.

[30]            La Couronne prétend que l'annonce publique du 23 avril 1996, n'est pas un avis public au sens de l'article 22.4 des conditions générales puisque cette annonce ne donnait pas un avis au public d'un changement fiscal mais simplement faisait état d'un protocole d'entente sur l'harmonisation dans le but d'en arriver à un accord final.

[31]            Selon la Couronne, c'est plutôt l'avis du 23 octobre 1996 annonçant la signature d'un accord en profondeur sur la TVH qui est celui envisagé par le paragraphe 22.4 puisque que c'est à cet avis que la loi autorisant le changement fiscal qui sera ultérieurement adoptée le 20 mars 1997, donne effet ou suite.

1)         Axor

[32]            Le procureur d'Axor fonde son argumentation sur cinq facettes: le contexte entourant chaque soumission, le sens à donner à l'article 22 des conditions générales, le caractère très public de l'annonce du 23 avril 1996, l'impact de l'arrêt Pomerleau, précité, et les règles d'interprétation.

[33]            Il avance que le processus de soumission en réponse aux appels d'offres de la CDC est très bien connu, que la compétition est féroce et que le soumissionnaire gagnant ne négocie pas les termes du contrat mais plutôt adhère aux clauses contractuelles connues et rédigées par celle-ci.


[34]            Il remarque que l'expression « avis public » n'est pas défini au paragraphe 22.4 et soumet que l'on doit lui donner son sens ordinaire dans le contexte de l'article 22 qui a pour but de définir son caractère comme une clause contractuelle prévoyant un prix fixe avec possibilité de redressement limité aux changements fiscaux sur les matériaux survenus après la date de la soumission mais exception faite d'un changement fiscal dont le ministre avait donné avis public avant cette date.

[35]            Le soumissionnaire doit tenir compte d'un changement fiscal dont avis public a été donné avant la date de la soumission sous peine d'être pénalisé en cas d'une augmentation annoncée par l'obligation de payer à la CDC la taxe majorée et en cas d'une diminution annoncée d'une taxe par l'obligation d'en passer le bénéfice à la CDC sans possibilité d'en prendre avantage en diminuant le prix de ses soumissions.

[36]            Il met en relief le caractère public de l'annonce s'appuyant sur l'allocution du ministre en Chambre le 23 avril 1996 et le fait que cette annonce se rattache à la réalisation d'une promesse sur la réforme fondamentale de la TPS dans le Livre rouge du Parti libéral publié en campagne électorale.

[37]            Le conseiller d'Axor fait référence aux multiples documents techniques étoffant l'annonce du 23 avril 1996 et note que le montant de la partie provinciale dans la TVH est connu - huit pour cent (8%) dès lors.

[38]            Un élément important est l'aveu de la Couronne quelques jours avant le début du procès qu'Axor avait, dès le 23 avril 1996, suffisamment d'éléments pour mesurer l'impact fiscal qui allait découler de la TVH et de la prendre en considération dans ses soumissions.


[39]            Axor caractérise l'arrêt Pomerleau, précité, comme un cas tout à fait unique - un cas où le 19 avril 1983, le ministre des Finances du Canada, l'honorable Marc Lalonde, déposait un avis de motion de voies et moyens ( « avis de motion » ) dans le cadre de son Budget dans lequel il annonçait qu'à compter du 1er octobre 1984, la taxe de vente fédérale ( « TVF » ) sur les matériaux de construction et de l'équipement destinés aux bâtiments passerait de cinq à six pour cent (5% à 6%).

[40]            Malheureusement, le 9 juillet 1984, le Parlement est dissous et une élection générale est convoquée pour le 4 septembre 1984, avant même que le projet de loi donnant effet à l'avis de motion puisse être adopté.

[41]            Pomerleau soumissionne à six appels d'offres de la CDC entre le 11 juillet 1984 et le 13 septembre 1984, sur la base d'une TVF de cinq pour cent (5%).

[42]            Le 27 septembre 1984, le nouveau ministre des Finances, Michael Wilson, annonce qu'il déposera à la Chambre des communes une loi autorisant l'augmentation d'une TVF à six pour cent (6%) en vigueur le 1er octobre 1984.

[43]            La CDC réclame de Pomerleau un prix reflétant une TVF à six pour cent (6%) s'appuyant sur l'avis public donné par le ministre Lalonde le 19 avril 1983.

[44]            La Cour d'appel fédérale statue que Pomerleau n'avait pas à tenir compte de l'avis public du 19 avril 1983 parce que celui-ci avait perdu sa force avec la dissolution du Parlement ayant comme résultat que toute législation pendante devant elle devait être reprise à la session suivante.

[45]            Pour Axor, l'avis public envisagé par le paragraphe 22.4 n'est pas un avis de motion de voies et moyens puisque dans Pomerleau, précité, le juge Décary qualifie l'annonce du 27 septembre du ministre Wilson comme l'avis public pertinent qui fut plus tard l'objet d'un avis de motion déposé le 8 novembre 1984.

[46]            La règle d'interprétation invoquée par Axor, puisque nous sommes dans un contexte contractuel et non législatif, c'est l'intention des parties, c'est-à-dire, ce qu'ils avaient à l'esprit lorsqu'ils envisageaient l'article 22 des conditions générales. Selon Axor, les parties étaient à la recherche d'un mécanisme pour cerner les effets d'une modification au régime fiscal sur les matériaux de construction soit avant ou après la date de la soumission suite à un appel d'offres de la CDC. Le contexte est celui d'un mécanisme d'ajustement. Dans les circonstances, Axor plaide qu'elle devait tenir compte de la réduction de la TVP et qu'effectivement, elle en a tenu compte.

[47]            Axor invoque aussi le principe de contra proferentem, règle d'interprétation à l'effet qu'un contrat rédigé par une partie doit être interprété contre elle en cas de doute.


2)         La Couronne

[48]            Le procureur de la Couronne dessine un tableau avec deux avis publics: celui du 23 avril 1996 et celui du 23 octobre 1996 mais de portées très différentes.

[49]            S'appuyant sur l'article 3 du formulaire de soumission qui oblige tout soumissionnaire d'inclure dans le prix global toutes taxes applicables, il érige comme grand principe en matière d'appels d'offres, le devoir de placer tous soumissionnaires sur un pied d'égalité afin de créer une égalité des chances dans le processus compétitif. Axor savait qu'il devait inclure toutes les taxes applicables y inclus la TVP à onze pour cent (11%).

[50]            L'objet de l'article 22 des conditions générales est d'établir une stabilité dans les coûts (et donc dans les prix soumissionnés) mais aussi de protéger les parties contre un changement fiscal au cours de l'exécution du contrat.

[51]            Dans ce contexte, le paragraphe 22.1 représente la stabilité, la clause 22.2 est une exception si trois conditions spécifiques sont rencontrées: 1) il y a modification à une loi fiscale 2) qui survient après la date de la soumission qui vise les matériaux seulement et 3) ce changement influence le coût des matériaux. Le paragraphe 22.4 est une exception à l'exception.

[52]            Dans ce contexte, la notion d'avis public, que l'on retrouve au paragraphe 22.4, doit être reliée ou doit faire référence à un processus législatif ou dépôt d'une loi qui va amener le changement fiscal. Il plaide (transcription du 8 janvier 2003, à la page 129-130):

L'avis public est donc étroitement lié au dépôt d'un avis de voies et moyens et, par la suite, à l'adoption d'une loi. Ce n'est pas un avis public qui est dans les airs, c'est un avis public qui s'insère dans le cadre d'un processus de législation.

[53]            Il ne prétend pas qu'on doit donner à la notion d'avis public au paragraphe 22.4 le sens d'avis de motion de voies et moyens mais que l'avis public pertinent en l'espèce est celui qui nourrit une telle motion et le dépôt d'une loi qui va sanctionner le changement fiscal. Cette position, dit-il, est celle adoptée par le juge Décary dans Pomerleau, précité, au paragraphe 21, 22 et 23 de ses motifs de jugement.

[54]            L'avis du 23 avril 1996, n'a pas les caractéristiques nécessaires pour être conçu comme l'avis public au sens du paragraphe 22.4 des conditions générales. On mentionne simplement dans cet avis le protocole d'entente établissant un processus afin d'harmoniser la TVF avec les TVP et ce dans un avenir éloigné et imprévisible.


[55]            De plus, l'avis d'avril 1996 mentionne que le ministre a déposé un avis de motion de voies et moyens mais celui-ci n'était pas en relation avec la TVH mais concernait une centaine de mesures à la TPS. L'annonce du 23 avril 1996, quant à la TVH, en est une qui indique que le fédéral et les trois provinces de l'Atlantique ont signé un protocole d'entente dans le but d'en arriver à une entente finale. On annonce simplement une entente pour travailler à conclure une entente finale et qu'à moins que toutes les parties aient signé l'accord final, il n'y a rien.

[56]            En résumé, le conseiller de la Couronne dit que l'avis public au sens du paragraphe 22.4 est celui qui vise le changement législatif et la mise en place d'un système de taxes de vente harmonisé, après la signature d'une entente précise et finale, suivie d'un projet de loi déposé suite à un avis de motion de voies et moyens.

[57]            Au mois d'avril 1996, il n'était pas question d'introduire un changement de régime fiscal au niveau de l'harmonisation. L'avis public d'avril 1996 n'a pas été suivi d'un avis de motion et d'un projet de loi. C'était celui d'octobre 1996 qui a démarré le processus législatif.

[58]            Axor ne devait pas prendre en considération l'avis public d'avril 1996 mais devait, selon l'article 3 de la formule de soumission, inclure la TVP entière et laisser fonctionner par la suite le paragraphe 22.3. En agissant comme il l'a fait, Axor a changé les règles du jeu gouvernant l'appel d'offres pour les projets Gagetown et Greenwood.

[59]            La Couronne renchérit en notant que dans sa lettre du 28 avril 1996, M. Taillefer parle de changements fiscaux qui « pourraient survenir » . Il n'exprime pas à Axor la certitude nécessaire.


ANALYSE

(a)        L'arrêt Pomerleau

[60]            Dans Pomerleau, précité, l'entrepreneur avait déposé six soumissions à la CDC entre le 11 juillet 1984 et le 19 septembre 1984, incorporant une taxe d'accise de cinq pour cent (5%). Pomerleau est partie gagnante. Le dépôt de ces soumissions par Pomerleau se fait après l'annonce du 19 avril 1983 par l'honorable Marc Lalonde, d'une augmentation de cette taxe à six pour cent (6%) et aussi après la dissolution du Parlement le 9 juillet 1984 mais avant l'annonce du nouveau ministre des Finances, Michael Wilson, que l'augmentation, annoncée par le ministre Lalonde, serait légiférée intégralement comme prévu pour le 1er octobre 1984 par le nouveau Parlement conservateur avec effet rétroactif puisque la loi fut sanctionnée le 6 février 1985.

[61]            Pour compliquer l'échiquier, le ministre Lalonde, en campagne électorale, annonce que si réélu, le gouvernement libéral réintroduirait une loi pour sanctionner l'augmentation annoncée par lui en avril 1983.


[62]            Pomerleau demande mais se voit refuser par la CDC un réajustement au motif que le paragraphe 22.4 des conditions générales s'appliquait aux contrats octroyés par CDC. Pomerleau, selon cette position, aurait dû prendre en considération l'augmentation d'un pour cent (1%) lorsqu'il avait soumissionné la CDC étant donné que le ministre Lalonde en avait fait l'objet d'un avis public.

[63]            Pomerleau réclame devant cette Cour une somme qui représente le coût additionnel total, pour l'entrepreneur, de la hausse de taxe de un pour cent (1%) entrée en vigueur le 1er octobre 1984.

[64]            Le juge Denault de cette Cour lui donne raison et sa décision est maintenue par la Cour d'appel fédérale le 31 mai 2000 composée des juges Décary, Létourneau et Noël; le juge Létourneau étant dissident.

[65]            Le juge Décary situe le débat au paragraphe 20 de ses motifs et au paragraphe suivant, entérine l'interprétation « d'avis public » avancé par le procureur de Pomerleau. Ces deux paragraphes se lisent:

¶ 20       Le débat porte essentiellement sur l'interprétation qu'il faut donner à l'expression "avis public" qu'on retrouve à la clause CG22. Selon les procureurs de Sa Majesté, cette expression vise tout avis public donné par le ministre des Finances indépendamment de tout contexte parlementaire; cet avis produirait ses effets dès lors qu'il est donné et peu importe qu'il y ait par la suite dissolution du Parlement. Selon le procureur de l'intimée, cette expression vise un avis public donné par le ministre des Finances dans un contexte parlementaire; cet avis cesserait d'être opposable en vertu du contrat dès lors qu'au moment du dépôt des soumissions, il n'y avait plus de Parlement en mesure d'adopter une loi donnant effet à l'intention annoncée d'imposer une taxe. En outre, d'ajouter le procureur de l'intimée, si doute-il y avait quant au sens de l'expression "avis public", ce doute devrait jouer en faveur de la partie qui a contracté l'obligation (en l'espèce la soumissionnaire intimée) en vertu de la règle d'interprétation des contrats établie à l'article 1019 du Code civil du Bas-Canada.


¶ 21       L'interprétation du contrat que suggère l'intimée m'apparaît correcte ou à tout le moins raisonnable dans les circonstances. Les paragraphes .2, .3 et .4 de CG22 visent un "changement fiscal" survenu après le dépôt d'une soumission. Ce "changement fiscal" doit résulter de la "modification à une taxe imposée en vertu de la Loi sur l'accise" et d'autres lois nommément identifiées. L'"avis public" que donne le ministre des Finances est l'avis du "changement fiscal", donc nécessairement, d'une modification législative à venir avec effet rétroactif. Cet "avis public" est donné avant le dépôt de la soumission. [je souligne]

[66]            Le juge Décary approfondit son analyse dont l'essentiel se voit dans les paragraphes suivants:

¶ 22        Or nous savons, de la convention qui s'est développée en matière de politique budgétaire et qui permet exceptionnellement à l'État de prélever, sur une base volontaire, une taxe que le Parlement n'a pas encore approuvée, que l'avis public qui permet cette exécution anticipée est un avis formel de l'intention qu'a le gouvernement de déposer une loi à cet effet. C'est d'un avis d'intention législative dont il s'agit et il ne peut, selon moi, en être autrement: la mesure est tellement exceptionnelle dans notre système parlementaire que l'avis public ne saurait être dissocié du processus législatif qui doit éventuellement être complété et sans lequel l'avis ne saurait avoir d'effet.

¶ 23       Aussi, quand le contrat renvoie à l'avis public d'une modification à une taxe imposée en vertu d'une loi, il renvoie nécessairement à cet avis même auquel la loi en question est venue donner effet. La loi, ici, est celle qui est entrée en vigueur en février 1985, et l'avis, ici, auquel cette loi est venue donner effet, est le communiqué du Ministre en date du 27 septembre 1984.

¶ 24       Le Parlement qui aurait pu donner effet à l'Avis de motions du 19 avril 1983 ayant été dissous le 9 juillet 1984, cet Avis de motions ne pouvait plus être rattaché à un processus législatif et il ne pouvait plus, dès lors, être l'avis visé par la clause CG22. Je constate d'ailleurs que c'est l'approche retenue par le Ministre lui-même qui a cru nécessaire, avec un nouveau Parlement, de recommencer le processus à zéro et d'y aller d'un communiqué autonome, puis d'un Avis de motions avant de proposer l'adoption de la loi. C'est l'approche, aussi, qu'a retenu dans un premier temps le ministère des Travaux publics. [je souligne]

[67]            Le juge Noël est concordant avec le juge Décary et rejette l'appel aux motifs suivants:


¶ 31       J'ai eu l'avantage de lire l'opinion du juge Décary ainsi que celle du juge Létourneau. Comme le juge Décary et le juge Denault avant lui, je suis d'avis que l'article 22.4 de la clause CG22 est ambigu quant au sens à donner aux mots "avis public". Selon moi, puisque l' "avis public" prévu à l'article 22.4 porte sur la modification d'une taxe imposée par voie législative, il est loin d'être clair que le processus législatif puisse échapper au sens à donner à ces mots comme le suggère le juge Létourneau.

¶ 32       En effet, lorsque l'article 22.4 est lu dans le contexte de la clause où il se situe, la thèse selon laquelle les parties se sont entendues à l'égard d'un avis relié au processus législatif et qui devait subir le sort de la loi qu'il annonçait, se défend tout aussi bien que la thèse contraire. Il s'ensuit que le premier avis serait devenu caduc lors de la dissolution de la Chambre, et que le deuxième [l'annonce du ministre en campagne électorale] serait sans effet puisqu'émis après la dissolution de la Chambre et avant la formation d'un nouveau gouvernement.

¶ 33       Puisque nous sommes en matière contractuelle, que la clause entachée d'ambiguïté fut stipulée par le ministère des Travaux publics et que cette ambiguïté donne ouverture à l'interprétation retenue par l'intimée, c'est à bon droit, selon moi, que le juge Denault a retenu l'interprétation qui favorisait l'intimée. [je souligne]

[68]            Le juge Létourneau caractérise la position retenue par le juge Décary comme une se reposant sur la théorie d'absence d'avis public valable (celle émise par le ministre Lalonde le 19 avril 1983) « parce que cet avis public ne pouvait être dissocié du processus législatif et que ce dernier était suspendu par la dissolution du Parlement » . L'argument de Pomerleau, selon lui, repose sur la théorie du contre-avis, c'est-à-dire que la dissolution du Parlement équivaut à un contre-avis à l'avis public donné par le ministre Lalonde.

[69]            Il conclut « [A]u plan pratique, les deux théories se confondent car elles débouchent sur un résultat identique » . Il ajoute:


Comme l'approche de l'intimée et celle de mon collègue ont pour fondement commun l'absence d'avis public valable, je me propose d'analyser les deux positions ensemble car, et je le dis avec beaucoup d'égards, je crois qu'elles découlent des même méprises, soit quant à la nature même de l'avis prévu au contrat, à la finalité recherchée par cet avis et au principe d'interprétation applicable dans les circonstances.

[70]            Selon le juge Létourneau « [I]l ne s'agit pas en l'espèce d'analyser et de déplorer l'étendue de la confusion qui entoure le processus législatif au moment de la dissolution ou de la prorogation du Parlement, mais plutôt d'interpréter une disposition spécifique du contrat régissant les parties, soit plus précisément le concept "d'avis public" que l'on retrouve dans l'article 22.4... » .

[71]            Voici comment il envisage ce concept:

¶ 38       À mon avis, le sens à donner au terme "avis public" est tributaire de la finalité recherchée par la clause CG22. De toute évidence, les dispositions contenues dans la clause CG22 visent à mettre le contrat à l'abri de toute fluctuation des coûts, à l'exception de celle relative aux matériaux lorsqu'elle résulte d'une augmentation ou d'une diminution de la taxe applicable à ces matériaux, soit en l'espèce la taxe fédérale de vente. Dans ce cas, les clauses 22.2, 22.3 et 22.4 visent à protéger équitablement les deux parties au contrat en tenant compte d'une modification possible du taux de taxe ainsi que du fait qu'un soumissionnaire a été ou non avisé en temps utile d'une telle possibilité afin qu'il puisse se prémunir contre les conséquences financières qui peuvent en résulter.

39 Si l'on garde à l'esprit la finalité évidente recherchée par les parties par le biais de l'article 22.4, il me faut convenir que cette disposition contractuelle est claire et sans ambiguïté. Il devient évident que le mot "avis" qui s'y retrouve doit recevoir son sens commun, usuel et courant, soit selon le dictionnaire anglais Merriam-Webster Collegiate Dictionary, 2000, celui de "warning or intimation of something" ou "notification by one of the parties to an agreement". Le dictionnaire Le Petit Robert définit l'avis comme étant "ce que l'on porte à la connaissance de quelqu'un". Le Dictionnaire de droit québécois et canadien va dans le même sens: il le définit comme étant la "démarche par laquelle on porte quelque chose à la connaissance de quelqu'un": (Hubert Reid, 2e éd., Wilson et Lafleur Ltée, Montréal, 1996, p. 53). C'est précisément ce que les appelants ont fait en l'instance: ils ont porté à la connaissance de l'intimée le fait qu'il y aurait éventuellement une hausse de la taxe de vente fédérale. [je souligne]


[72]            Le juge Létourneau conclut qu'il « ne fait aucun doute que l'avis public donné par le ministre des Finances le 19 avril 1983 rencontre les exigences du paragraphe 22.4 et enclenche purement et simplement son processus d'application conformément à l'intention clairement exprimée des parties » . Il est de l'opinion qu'admettre que l'avis public du 19 avril 1983 n'est pas valable auprès du contrat c'est « importer sans raison valable, dans les termes mêmes de la disposition contractuelle pourtant claire, une ambiguïté externe et étrangère au contrat, soit celle qui entoure le processus législatif, pour, par la suite, conclure que la disposition contractuelle elle-même est ambiguë, qu'elle requiert interprétation et que l'ambiguïté doit s'interpréter contre celui qui a rédigé le contrat » .                                                                                                             

[73]            Le juge Létourneau raisonne que « l'intimée ne pouvait se servir d'éléments externes au contrat pour y créer une ambiguïté qui le sert et lui permet d'invoquer à son profit la règle de l'article 1019 du Code civil du Bas-Canada selon laquelle l'ambiguïté doit s'interpréter en sa faveur » .

[74]            Il pense qu' « [A]dmettre que l'avis public du 19 avril 1983 n'est pas valable, c'est aussi confondre le concept d'avis public prévu à l'article 22.4 du contrat et celui d'Avis de motion des voies et moyens sur le budget par lequel l'avis public du contrat fut exécuté » et conclut aux paragraphes 44 et 45 comme suit:


¶ 44       Les péripéties du processus électoral et législatif, si intéressantes et si intrigantes qu'elles ont pu être, ne sauraient changer la réalité factuelle et juridique des choses ou, si l'on préfère, masquer la véritable perspective du déroulement des événements. L'intimée a reçu en temps opportun un avis l'informant d'une hausse possible de taxe et l'avisant de se protéger contre une telle hausse en l'insérant immédiatement dans sa soumission. De toute évidence, pour mieux se positionner à l'égard des autres soumissionnaires, elle a préféré maintenir une soumission plus basse en spéculant sur le fait que la taxe ne serait peut-être pas adoptée ainsi que sur l'effet juridique de la dissolution du Parlement. Elle a perdu en partie sur le premier volet de sa spéculation car, même si elle s'est bien positionnée comme elle le voulait, la taxe a tout de même été imposée tel que prévu de telle sorte qu'elle fait face aujourd'hui à l'obligation d'en supporter les conséquences. Aussi se rabat-elle maintenant sur le deuxième volet de sa spéculation en détournant l'attention de son contrat, le tout au détriment des contribuables qui, par la voie du ministre des Finances, l'ont pourtant dûment avisée d'une hausse de la taxe et qui, malgré l'entier respect de leur obligation contractuelle, sont néanmoins requis de payer le prix de cette spéculation.

¶ 45       C'est une chose que de faire bénéficier d'une ambiguïté législative le contribuable qui, démuni et contre son gré, se retrouve aux prises avec les effets néfastes d'une telle ambiguïté. Mais c'est à mon avis une toute autre chose que d'étendre ce bénéfice à une partie contractante qui, dûment avisée de se protéger, choisit plutôt de spéculer sur cette ambiguïté pour, dans un premier temps, mieux se positionner au plan contractuel et par la suite, une fois le contrat obtenu, chercher à tirer à nouveau profit de l'ambiguïté.                                                            

b)        Principes

[75]            Je puise de la cinquième édition du texte Les obligations par les auteurs Baudouin et Jobin les principes suivants en matière de l'interprétation des contrats:

1)         « En face des prétentions contradictoires des parties, le juge est alors astreint à une tâche délicate: rechercher l'intention originelle commune des parties qui ont accepté de se lier par un tel contrat » . (page 343)

2)         « Le juge ne doit pas s'arrêter au simple sens littéral au sens des mots utilisés par les parties, mais rechercher, au-delà de la description formelle, l'idée même que celles-ci voulaient vraiment exprimer » . (page 343)


3)         Le Code civil établit un certain nombre de règles complémentaires « qui sont destinées à guider le tribunal dans son rôle interprétatif (article 1426 à 1432) » . (page 343)

4)         « Face à un contrat clair, le rôle du juge en est un d'application plutôt que d'interprétation. La différence entre application et interprétation n'est pas que sémantique: le processus d'application vise l'adéquation d'une norme juridique définie à une situation factuelle donnée, alors que l'interprétation vise à définir la portée de la norme juridique avant de pouvoir l'appliquer. Il est donc nécessaire qu'il y ait une ambiguïté ou un doute sur le sens à donner aux termes du contrat pour tomber dans le processus interprétatif; en l'absence d'une telle ambiguïté, le tribunal ne pourrait, sous prétexte de rechercher cette intention, dénaturer un contrat clair. Il devra s'en tenir à une application de ce qui est littéralement exprimé, tenant pour acquis que le texte reflète fidèlement l'intention des parties. Si, au contraire, il y a un doute, les règles d'interprétation écarteront le sens littéral pour faire place à la véritable intention des parties au moment de la formation du contrat. (pages 344-45)


5)         « L'ambiguïté peut d'abord provenir des termes mêmes du contrat: un mot ayant plusieurs acceptations, une syntaxe malhabile ou une contradiction entre certaines clauses du contrat en sont des exemples. Par ailleurs, un contrat qui apparaît clair à sa face même peut donner lieu à interprétation lorsqu'il appert que ce qui y est exprimé ne reflète pas l'intention véritable des parties contractantes » . (page 345)

6)         L'équité et la bonne foi peuvent être appelées à jouer un rôle dans le processus interprétatif ... si bien qu'on peut affirmer qu'en droit moderne la bonne foi et l'équité doivent guider le juge dans l'interprétation du contrat » . Les auteurs indiquent cependant que « c'est avec précaution que le tribunal doit intervenir sur cette base . . . » et ne devrait pas, par ce mécanisme, « faire céder une intention claire devant l'un de ces principes; mais quand l'intention demeure malgré tout ambiguë, il sera certes loisible au tribunal d'adopter l'interprétation qu'il estime la plus équitable pour les parties et la plus conforme au principe de bonne foi. (page 346)

      Les auteurs Baudouin et Jobin, dans leur texte, discutent du principe d'interprétation en faveur de l'adhérant aux termes de l'article 1432 du Code civil, une règle, dite de l'interprétation contra proferentem en ces termes:

La règle veut que, en présence d'un contrat d'adhésion ou d'un contrat de consommation, le tribunal doit, en cas de doute, interpréter le contrat en faveur de l'adhérent ou du consommateur ... . Toutefois, pour appliquer la règle, . . .il est évidemment nécessaire que le contrat comporte une véritable ambiguïté. (page 354)

Selon les auteurs, il s'agit d'une règle subsidiaire, « quand aurait été épuisés les autres moyens d'interprétation, c'est-à-dire ceux des articles 1426 à 1431 C.c. » .


CONCLUSIONS

[77]            À mon avis, l'arrêt Pomerleau, précité, est décisif en l'instance et favorise la position avancée par la CDC quant à l'interprétation d'avis public au paragraphe 22.4 mais est contre elle dans l'application de la règle de contra proferentem.

[78]            Dans Pomerleau, précité, le juge Décary, au nom de la majorité, détermine que la notion d'avis public à l'article 22.4 doit être interprétée dans son contexte parlementaire. L'avis public est l'avis d'un changement fiscal et donc nécessairement d'une modification législative à venir. L'avis public est un avis d'intention législative.

[79]            Selon moi, le paragraphe 22.4 a un caractère exceptionnel puisqu'il crée une présomption qu'un changement fiscal, même survenu après le dépôt d'une soumission, est censé être survenu avant la date à laquelle la soumission a été présentée, en autres mots, que la loi sanctionnant le changement fiscal avait été adoptée alors qu'elle n'était que seulement anticipée par l'avis public du ministre.


[80]            La reconnaissance de ce caractère exceptionnel du paragraphe 22.4 exige un degré élevé de certitude quant à la probabilité du changement fiscal annoncé ce qui ne peut se produire que par un avis public du ministre des Finances annonçant le changement fiscal suivi du dépôt d'un avis de motion de voies et moyens déclenchant le processus législatif avec une conséquence importante: la confiance du gouvernement devant la Chambre des communes est engagée; si la loi n'est pas adoptée, le gouvernement est défait. En principe, l'avis public du 23 avril 1996 serait exclu.

[81]            Cependant, en l'espèce, un autre facteur joue en faveur de la position avancée par Axor qu'elle était obligée de prendre en considération l'annonce du ministre des Finances en avril 1996 et de permettre le déclenchement de l'application contraignante du paragraphe 22.4 - la règle contra proferentum.

[82]            Dans Pomerleau, précité, le juge Noël reconnaît l'ambiguïté et le doute entourant l'expression « avis public » dans le paragraphe 22.4. Je partage l'avis du juge Noël; il n'y a aucun doute que l'incertitude règne quant à la modalité de son application.

[83]            La notion d'avis public élaborée par Axor se défend tout aussi bien que celle avancée par la CDC. Comme l'a reconnu le juge Noël dans Pomerleau, précité, « cette ambiguïté donne ouverture à l'interprétation retenue par » Axor (voir aussi Construction Frank Catania et Associés Inc. c. Montréal (Ville de), (C.S.), 4 juin 1997, 500-05-012578-934, Cour supérieure, Montréal, et Xequipe Inc. c. Montréal, Communauté urbaine de, (C.S.), 6 septembre 2001, Montréal, 500-05-04-4888-988.


[84]            Le juge Décary, dans Pomerleau, précité, exprime que l'interprétation qu'il avait retenue « constitue par ailleurs celle qui m'apparaît la plus juste dans les circonstances » . En l'espèce, j'en viens à la même conclusion au motif que je suis convaincu, d'après la preuve, qu'effectivement Axor avait pris en considération la diminution de la TVP de 3% sur les matériaux de construction livrés au chantier après le 1er avril 1997 et que la CDC en a obtenu le bénéfice lorsque Axor a ajusté le prix global de ses deux soumissions.

[85]            J'écarte les prétentions soulevées par le procureur de la CDC à l'effet que dans les circonstances Axor n'avait pas en réalité tenu compte de la diminution anticipée puisque la preuve d'Axor sur ce point n'était pas suffisante aux motifs: 1) d'un aveu judiciaire du procureur d'Axor durant l'interrogatoire; 2) qu'il n'existe aucune preuve qu'Axor a communiqué avec la CDC, s'il y avait réellement confusion; 3) M. Auclair n'était pas un fiscaliste et n'a déposé en preuve aucun document au soutien de sa méthodologie; 4) la pièce D-14, une lettre du procureur d'Axor, indique que celle-ci a récupéré des taxes provinciales après le 1er avril 1997; 5) certaines communications entre M. Gamache et M. Estey de la CDC.

[86]            J'ai soupesé ces prétentions de la Couronne avec la preuve d'Axor faite par l'entremise de ses témoins. Cette preuve n'a pas été contredite et se corroborait. J'accepte cette preuve.

[87]            M. Gamache a expliqué le fonctionnement des crédits de la TVP auprès de ses sous-traitants après le 1er avril 1997 et le contexte de ses communications avec M. Estey.

[88]            Il est vrai que M. Auclair n'a pas déposé de documents à l'appui de sa méthodologie mais il a témoigné que les ajustements se faisaient à la dernière minute, en comité, sur la base de leur expérience collective et non d'après des calculs minutieux qui seraient impossibles à faire vu les circonstances.

[89]            Le procureur d'Axor a raison de dire que l'aveu judiciaire qu'il a fait n'était pas qu'Axor n'avait pas pris en considération l'harmonisation mais qu'elle avait tenu compte des taxes provinciales qui étaient exigibles avant le 1er avril 1997.

[90]            En dernier lieu, à cause de l'incertitude qui régnait, il y avait une obligation à la CDC d'aviser les soumissionnaires quelle direction prendre au sujet de l'annonce du 23 avril 1996. (Voir Ville de Montréal c. Construction Catania, No. 500-09-005172-978 (C.A.), 6 mars 2000, Rothman, J.A. #35.

[91]            Pour ces motifs, je conclus que les retenues opérées par la CDC étaient illégales dans leur contexte contractuel et qu'Axor est justifié de réclamer de la Couronne fédérale la somme de 442 775, 04 $.

[92]            Je traite brièvement des autres sommes réclamées par Axor.

1)         Intérêts

[93]            Axor réclame l'intérêt avant et après jugement calculé de la date de la retenue (du 30 octobre 1997 pour Gagetown et du 30 avril 1998 pour Greenwood) sur la base, me dit-on « on a appliqué le taux d'intérêt contractuel convenu, une majoration de un point vingt-cinq (1.25) sur le taux de la Banque du Canada,... » selon les Règles de la Cour fédérale, (voir Procès-verbal, 8 janvier 2003, pages 110 et 114).

[94]            J'estime qu'Axor a droit à l'intérêt avant et après jugement et ce à partir de la date des deux retenues par la CDC.

[95]            Cependant, le recouvrement de l'intérêt dans les poursuites contre la Couronne découle des articles 31 et 31.1 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif et non pas en vertu des Règles de la Cour fédérale.

[96]            Les articles 31 et 31.1 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif se lisent:



31. (1) Sauf disposition contraire de toute autre loi fédérale, et sous réserve du paragraphe (2), les règles de droit en matière d'intérêt avant jugement qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute instance visant l'État devant le tribunal et dont le fait générateur est survenu dans cette province.31(2) Intérêt avant jugement - Fait non survenu dans une seule province

(2) Dans une instance visant l'État devant le tribunal et dont le fait générateur n'est pas survenu dans une province ou dont les faits générateurs sont survenus dans plusieurs provinces, les intérêts avant jugement sont calculés au taux que le tribunal estime raisonnable dans les circonstances et_:

a) s'il s'agit d'une créance liquide, depuis la ou les dates du ou des faits générateurs jusqu'à la date de l'ordonnance de paiement;

b) si la créance n'est pas liquide, depuis la date à laquelle le créancier a avisé par écrit l'État de sa demande jusqu'à la date de l'ordonnance de paiement.

31(3) Perte antérieure au procès ou dommages-intérêts spéciaux

(3) Si l'ordonnance de paiement accorde une somme, dans la province de Québec, à titre de perte pécuniaire antérieure au procès ou, dans les autres provinces, à titre de dommages-intérêts spéciaux, les intérêts prévus au paragraphe (2) sont calculés sur le solde du montant de la perte pécuniaire antérieure au procès ou des dommages-intérêts spéciaux accumulés à la fin de chaque période de six mois postérieure à l'avis écrit mentionné à l'alinéa (2)b) ainsi qu'à la date de cette ordonnance.

31(4) Exceptions

(4) Il n'est pas accordé d'intérêts aux termes du paragraphe (2)_:

a) sur les dommages-intérêts exemplaires ou punitifs;

b) sur les intérêts accumulés aux termes du présent article;

c) sur les dépens de l'instance;

d) sur la partie du montant de l'ordonnance de paiement que le tribunal précise comme représentant une perte pécuniaire postérieure à la date de cette ordonnance;

e) si l'ordonnance de paiement est rendue de consentement, sauf si l'État accepte de les payer;

f) si le droit aux intérêts a sa source ailleurs que dans le présent article.

31(5) Discrétion judiciaire

(5) Le tribunal peut, s'il l'estime juste, compte tenu de la fluctuation des taux d'intérêt commerciaux, du déroulement des procédures et de tout autre motif valable, refuser l'intérêt ou l'accorder pour une période autre que celle prévue à l'égard du montant total ou partiel sur lequel l'intérêt est calculé en vertu du présent article.

31(6) Application

(6) Le présent article s'applique aux sommes accordées par jugement rendu à compter de la date de son entrée en vigueur. Aucun intérêt ne peut être accordé à l'égard d'une période antérieure à cette date.

31(7) Droit maritime canadien

(7) Le présent article ne s'applique pas aux procédures en matière de droit maritime canadien, au sens de la Loi sur la Cour fédérale.

L.R. (1985), ch. C-50, art. 31; 1990, ch. 8, art. 31; 2001, ch. 4, art. 51.

31.1(1) Intérêts sur les jugements - Fait survenu dans une province

31.1 (1) Sauf disposition contraire de toute autre loi fédérale et sous réserve du paragraphe (2), les règles de droit en matière d'intérêt pour les jugements qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent aux jugements rendus contre l'État dans les cas où un fait générateur est survenu dans cette province.

31.1(2) Intérêt sur les jugements - Fait non survenu dans une seule province

(2) Un jugement rendu contre l'État, dans le cas où le fait générateur n'est pas survenu dans une province ou dans celui où les faits générateurs sont survenus dans plusieurs provinces, porte intérêt, à compter de son prononcé, au taux que la Cour estime raisonnable dans les circonstances.

1990, ch. 8, art. 31; 2001, ch. 4, art. 52(A).

31. (1) Except as otherwise provided in any other Act of Parliament and subject to subsection (2), the laws relating to prejudgment interest in proceedings between subject and subject that are in force in a province apply to any proceedings against the Crown in any court in respect of any cause of action arising in that province.

31(2) Prejudgment interest, cause of action outside province

(2) A person who is entitled to an order for the payment of money in respect of a cause of action against the Crown arising outside any province or in respect of causes of action against the Crown arising in more than one province is entitled to claim and have included in the order an award of interest thereon at such rate as the court considers reasonable in the circumstances, calculated

(a) where the order is made on a liquidated claim, from the date or dates the cause of action or causes of action arose to the date of the order; or

(b) where the order is made on an unliquidated claim, from the date the person entitled gave notice in writing of the claim to the Crown to the date of the order.

31(3) Special damages and pre-trial pecuniary losses

(3) When an order referred to in subsection (2) includes an amount for, in the Province of Quebec, pre-trial pecuniary loss or, in any other province, special damages, the interest shall be calculated under that subsection on the balance of the amount as totalled at the end of each six month period following the notice in writing referred to in paragraph (2)(b) and at the date of the order.

31(4) Exceptions

(4) Interest shall not be awarded under subsection (2)

(a) on exemplary or punitive damages;

(b) on interest accruing under this section;

(c) on an award of costs in the proceeding;

(d) on that part of the order that represents pecuniary loss arising after the date of the order and that is identified by a finding of the court;

(e) where the order is made on consent, except by consent of the Crown; or

(f) where interest is payable by a right other than under this section.

31(5) Judicial discretion

(5) A court may, where it considers it just to do so, having regard to changes in market interest rates, the conduct of the proceedings or any other relevant consideration, disallow interest or allow interest for a period other than that provided for in subsection (2) in respect of the whole or any part of the amount on which interest is payable under this section.

31(6) Application

(6) This section applies in respect of the payment of money under judgment delivered on or after the day on which this section comes into force, but no interest shall be awarded for a period before that day.

31(7) Canadian maritime law

(7) This section does not apply in respect of any case in which a claim for relief is made or a remedy is sought under or by virtue of Canadian maritime law within the meaning of the Federal Court Act.

R.S., 1985, c. C-50, s. 31; 1990, c. 8, s. 31; 2001, c. 4, s. 51.

31.1(1) Judgment interest, causes of action within province

31.1 (1) Except as otherwise provided in any other Act of Parliament and subject to subsection (2), the laws relating to interest on judgments in causes of action between subject and subject that are in force in a province apply to judgments against the Crown in respect of any cause of action arising in that province.

31.1(2) Judgment interest, causes of action outside or in more than one province

(2) A judgment against the Crown in respect of a cause of action outside any province or in respect of causes of action arising in more than one province shall bear interest at such rate as the Court considers reasonable in the circumstances, calculated from the time of the giving of the judgment.

1990, c. 8, s. 31; 2001, c. 4, s. 52(E).


[97]            La Cour est dans l'impossibilité de déterminer le montant précis d'intérêts exigibles contre la Couronne. Dans les circonstances, les procureurs d'Axor devront calculer le montant précis, en discuter avec le procureur de la CDC, et le soumettre à la Cour afin que ce montant soit entériné par moyen d'ordonnance. S'il y a dispute entre les parties, je trancherai la question.


2)         Honoraires d'avocats

[98]            Axor demande d'être indemnisé pour les frais d'avocats encourus par elle depuis le 23 mars 1998 et la pièce P-7 représente un montant important du 23 mars 1998 au 23 juin 2002 alors que la déclaration fut déposée le 26 janvier 2000.

[99]            Le Tariff B des Règles de la Cour fédérale, 1998, (les "Règles") régit les honoraires des avocats qui peuvent être acceptés aux fins de la taxation des frais.

[100]        Le premier service d'avocats à taxer est la préparation et le dépôt des actes introductifs d'instance.

[101]        Rien dans les Règles ne permet à la Cour d'ordonner à la partie perdante (la Couronne) de payer les honoraires d'avocats pour services rendus avant le début de l'action.

[102]        Ce que réclame Axor ne pourrait être ordonné par la Cour que suite à une modification au Tariff B prévoyant, comme c'est le cas dans certaines provinces, que certains honoraires d'avocats encourus avant le début de l'action est un service taxable.

[103]        Dans les circonstances, je conclus qu'Axor a droit à une indemnisation partielle des honoraires d'avocats qu'elle a encourus mais seulement pour les services prescrits au Tariff B de la Loi sur la Cour fédérale.

3)         Frais administratifs

[104]        Axor réclame une compensation pour ses administrateurs qui ont dû consacrer du temps dans une tentative de règlement et par la suite au lancement de cette action. La jurisprudence que m'a citée le procureur de la CDC caractérise dans la situation de faits devant moi, ce type de dommage comme un dommage indirect non recouvrable.

[105]        Je rejette donc la réclamation d'Axor sur ce point.

4)         Honoraires sur une base d'avocat-client

[106]        Axor a demandé que lui soient adjugés les dépens comme entre procureur et client si elle avait gain de cause dans son action. Les circonstances dans lesquelles les dépens comme entre procureur et client seront adjugés sont bien connues et je me réfère à la décision de la Cour suprême du Canada dans Baker c. le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1999] 2 R.C.S. 817, où la juge l'Heureux-Dubé à la page 864 écrit citant l'arrêt Young c. Young, [1993] 4 R.S.C. 3:


Les dépens comme entre procureur et client ne sont généralement accordés que s'il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d'une des parties.

Il n'a pas été démontré que le ministre a eu une telle conduite au cours du présent litige, et je ne crois pas qu'il s'agisse d'un des cas exceptionnels où les dépens devraient être adjugés comme entre procureur et client.

[107]        C'est le cas devant moi. Je n'accepte pas l'argument d'Axor que je devrais sévir la Couronne parce qu'elle n'a pas présenté le même argument qu'elle avait présenté devant la Cour d'appel fédérale dans Pomerleau, précité. La Couronne ne pouvait le faire parce la Cour d'appel fédérale avait rejeté son point de vue dans Pomerleau.

[108]        Pour tous ces motifs, je condamne la défenderesse, Sa Majesté la Reine, à payer à la demanderesse, Groupe Axor Ingénierie - Construction Inc., la somme de 442 775,04 $ représentant le montant des deux retenues illégales avec intérêts avant et après jugement selon les dispositions des articles 31 et 31.1 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, le tout avec dépens taxables selon la Colonne IV du Tariff B des Règles.

« François Lemieux »

                                                                                                                                                                                        

                                                                                                       J U G E                              

Ottawa (Ontario)

le 27 juin 2003


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                         

DOSSIER :                                                 T-127-00

INTITULÉ                                                  Groupe Axor Ingenierie-Construction c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                       Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :                      le 7 janvier, 2003

MOTIFS DE JUGEMENT                    du juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :                           le 27 juin, 2003

COMPARUTIONS :

Me Sylvain Rigaud                                                                               POUR LE DEMANDEUR

Me Jacques Savary                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault                                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Montréal, Quebec

Morris Rosenberg                                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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