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                                                                 Date : 20020301

                                                                Dossier : T-226-01

                                                                                   

OTTAWA (Ontario), le 1er mars 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

                                                                                   

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

SARAH-ROSE JOSEPHA ADLER

défenderesse

ORDONNANCE

VU l'appel qu'a interjeté le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration conformément au paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, et à l'article 21 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, à l'égard de la décision en date du 20 décembre 2000 par laquelle le juge de la citoyenneté Frank Hayden a approuvé la demande d'attribution de la citoyenneté présentée par la défenderesse Sarah-Rose Josepha Adler,

APRÈS avoir lu les documents déposés et entendu les observations des parties;

ET pour les motifs d'ordonnance délivrés aujourd'hui,


LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

L'appel est accueilli.

             « Michael A. Kelen »                     

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                                                                 Date : 20020301

                                                                Dossier : T-226-01

                                                                                   

                                                Référence neutre : 2002 CFPI 227

                                                                                   

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

SARAH-ROSE JOSEPHA ADLER

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN

[1]         Il s'agit d'un appel qu'a interjeté le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration conformément au paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, et à l'article 21 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, à l'égard de la décision en date du 20 décembre 2000 par laquelle le juge de la citoyenneté Frank Hayden a approuvé la demande d'attribution de la citoyenneté présentée par la défenderesse Sarah-Rose Josepha Adler.


LES FAITS

[2]    La défenderesse, qui est citoyenne de l'Afrique du Sud, est née le 19 mars 1944 et est entrée au Canada le 16 août 1997 comme résidente permanente. Le 31 août 2000, elle a présenté une demande de citoyennetécanadienne.

[3]    Avant de s'établir au Canada, la défenderesse travaillait en Afrique du Sud comme [TRADUCTION] « militante des droits de la personne et animatrice communautaire parajuridique » . Elle est arrivée au Canada pour travailler dans le cabinet d'avocats où son frère travaillait déjà et qui étendait ses activités internationales en matière de droits de la personne en Afrique du Sud. Elle avait indiqué son intention d'accepter cet emploi avant son arrivée au Canada. Son époux et sa fille se sont établis en même temps qu'elle, tandis que leur fils est arrivéle 6 avril 1998, après avoir terminédes études de premier cycle en Afrique du Sud.

[4]    À la demande de son employeur canadien, la défenderesse est retournée en Afrique du Sud. Au cours des quatre années précédant sa demande de citoyenneté, elle a passé961 jours àl'extérieur du Canada et n'est restée au pays que 149 jours. La défenderesse explique que ces absences sont imputables à ses activités professionnelles. Son mari et sa fille l'accompagnaient au cours de ces voyages aller-retour.

[5]    En octobre 1999, la défenderesse a fait l'achat d'une maison à Toronto conjointement avec un membre de sa famille. Sa fille a poursuivi des études en Afrique du Sud jusqu'à l'an 2000.


[6]    Voici les séjours que la demanderesse a faits à l'extérieur du Canada depuis son arrivée le 16 août 1997 et la demande de citoyenneté qu'elle a déposée le 31 août 2000 :

1.                    vingt-huit jours après son arrivée au Canada, la demanderesse a quitté le pays pour aller passer un an et deux semaines en Afrique du Sud, soit du 13 septembre 1997 au 25 septembre 1998;

2.                    la demanderesse est revenue au Canada pour une période de dix-sept jours et est ensuite retournée en Afrique du Sud pour une période d'un an et trois mois, soit du 12 octobre 1998 au 15 janvier 2000;

3.                    la demanderesse est revenue au Canada pour une période de trente-cinq jours et a ensuite quitté à nouveau le pays pour quatre mois afin de retourner en Afrique du Sud, soit du 25 février 2000 au 29 juin 2000.

La demanderesse a demandé la citoyenneté canadienne deux mois après son retour au Canada.

[7]         Lorsque la demanderesse s'absentait du Canada, son époux et sa fille l'accompagnaient en Afrique du Sud. Son époux travaillait là-bas et y travaille toujours. La demanderesse est propriétaire d'une résidence en Afrique du Sud et a vécu à cet endroit avec sa famille pendant ses séjours à l'extérieur du Canada.

[8]         Pendant ses absences, la demanderesse a déposé des déclarations de revenus canadiennes pour les années 1997, 1998 et 1999. Elle a conservé un compte bancaire au Canada et obtenu un « permis de retour pour résident permanent » afin de pouvoir revenir au Canada comme résidente de retour.


NORME D'EXAMEN

[9]    La norme d'examen applicable à une décision qu'un juge de la citoyenneté a prise au sujet de la sélection et de l'application du critère de la résidence est celle qu'a énoncée le juge McKeown dans Zhang c. M.C.I., [2001] A.C.F. n ° 778, au paragraphe 7 :

La norme d'examen qui s'applique à ces questions est la norme de la décision correcte. Dans l'affaire Lam c. Canada (M.C.I.) (1999), 164 F.T.R. 177, Monsieur le juge Lutfy a peaufiné le critère lorsqu'il s'est exprimé comme suit au paragraphe 33 :

Cependant, lorsqu'un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence.

À son tour, Monsieur le juge Pelletier a donné d'autres précisions dans l'affaire Canada (M.C.I.) c. Mindich (1999), 170 F.T.R. 178 (C.F. 1re inst.), en formulant les remarques suivantes au paragraphe 9 :

Étant donné les divergences de vues parmi les membres de la Cour fédérale, la décision d'un juge de la citoyenneté ne sera pas erronée du seul fait qu'il a choisi une approche plutôt que l'autre. Le rôle du juge qui entend l'appel consiste à vérifier si le juge de la citoyenneté a correctement appliqué le critère qu'il a choisi. [non souligné à l'original]

En conséquence, la norme d'examen est celle de la décision correcte, c'est-à-dire que la Cour d'appel doit s'assurer que le juge de la citoyennetéa appliquécorrectement un des critères de résidence. La Cour d'appel ne devrait pas substituer son opinion différente à celle du juge de la citoyenneté à moins que celui-ci n'ait commis une erreur lorsqu'il a appliquéle critère en question.

EXIGENCES RELATIVES ÀLA CITOYENNETÉ

[10] Selon le calcul prescrit à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, pour se voir attribuer la citoyenneté, la partie qui en fait la demande doit avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans (1 095 jours) dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande.


Voici le libellé du paragraphe 5(1) de la Loi :


Attribution de la citoyenneté

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois:

(a) en fait la demande;

(b) est âgée d'au moins dix-huit ans;

(c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

(d) a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

(f) n'est pas sous le coup d'une mesure d'expulsion et n'est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l'article 20.

Grant of citizenship

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(a) makes application for citizenship;

(b) is eighteen years of age or over;

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the

following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

(f) is not under a deportation order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.


CRITÈRE DE LA RÉSIDENCE


[11] La Section de première instance de la Cour fédérale du Canada a élaboré plusieurs critères àl'égard de la résidence. Dans Hsu c. M.C.I., [2001] A.C.F. n ° 862 (C.F. 1re inst.), le juge Heneghan a statuéque les juges de la citoyenneté peuvent appliquer à bon droit le critère qui leur convient, mais non utiliser une combinaison de plusieurs critères différents. Voici comment il s'est exprimé au paragraphe 7 :

À mon avis, il apparaît que le juge de la citoyenneté a utilisé une combinaison de deux critères, savoir le critère fondé sur le calcul strict du nombre de jours de présence physique et celui des attaches importantes énoncé dans la décision Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.). Alors que les motifs reflètent l'examen des questions en litige dans l'affaire Koo (Re), précitée, il n'existe aucune preuve au dossier ou dans les motifs énoncés que le juge de la citoyenneté s'est entièrement ou ouvertement penchée sur la question des « attaches » avec un autre pays. Une telle analyse, à mon avis, devrait être effectuée avant que le juge de la citoyenneté puisse tirer les conclusions qu'elle a tirées, c'est-à-dire que le demandeur n'a pas réussi à démontrer [TRADUCTION] « l'existence d'attaches plus importantes avec le Canada qu'avec tout autre pays » . Je fais miens les propos de M. le juge Lemieux dans la décision Agha (Re) (1999), 166 F.T.R. 245 (1re inst.) au paragraphe 49 :

L'absence d'analyse de la part de la juge de la citoyenneté en l'espèce constitue une erreur de principe qui m'enlève toute hésitation que je pourrais avoir d'arriver à une conclusion différente sur les faits même s'il s'agit d'un nouveau procès.

[12] Dans In re La Loi sur la citoyenneté et in re Antonios E. Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (C.F. 1re inst.), le juge en chef adjoint Thurlow a énoncé le critère du mode de vie centralisé selon lequel, même si les séjours à l'extérieur du pays dépassent les exigences minimales, le sort de la demande dépend de la mesure dans laquelle la partie appelante a centralisé son mode de vie habituel au Canada :

Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente.

Ainsi que l'a dit le juge Rand [Thomson c. M.N.R., [1946] R.C.S. 209] dans l'extrait que j'ai lu cela dépend [traduction] "essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question".


[13] Dans Re: Banerjee (1994), 25 Imm.L.R. (2d) 235 (C.F. 1re inst.), le juge Dubé a reformulé ce critère comme suit à la page 238 : « C'est la qualitéde l'attachement au Canada qui doit être examinée » .

[14] Selon le critère de la « présence physique » que le juge Muldoon J. A énoncé dans Pourghasemi (Re), [1993] A.C.F. n ° 232 (C.F. 1re inst.), la partie appelante doit être physiquement présente au Canada pendant le nombre de jours prescrit. Voici les paragraphes 3 et 4 de cette décision :

Il est évident que l'alinéa 5(1)c) vise à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de "se canadianiser". Il le fait en côtoyant les canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple - en un mot là où l'on peut rencontrer des canadiens et parler avec eux - durant les trois années requises. Pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu'elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés. Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses. Si donc le critère s'applique à l'égard de certains candidats à la citoyenneté, il doit s'appliquer à l'égard de tous. Et c'est ainsi qu'il a été appliqué par Mme le juge Reed dans Re Koo, T-20-92, 3 décembre 1992, encore que les faits de la cause ne fussent pas les mêmes.

La loi ne dit pas à la Cour de s'abandonner à la sentimentalité pour tourner ou pour défier la condition légale de résidence. Peut-être par méprise sur la jurisprudence de cette Cour en la matière, il semble que des demandeurs se sont fait conseiller que pour satisfaire à la condition prévue par la loi, il suffit d'avoir un ou des comptes bancaires canadiens, de s'abonner à des magazines canadiens, de s'inscrire à l'assurance-maladie canadienne, d'avoir une demeure et des meubles et autres biens au Canada et de nourrir de bonnes intentions, en un mot, tout sauf vivre vraiment au milieu des canadiens au Canada pendant trois des années précédant la date de la demande, ainsi que la prescrit le législateur. On peut poser la question : "Mais si le candidat à la citoyenneté suit des études à l'étranger? Qu'y a-t-il de si urgent?" Si le candidat ne peut trouver une école ou université à sa convenance au Canada, qu'il suive les études à étranger puis revienne au Canada pour satisfaire à la condition de résidence.


[15]       Enfin, en ce qui a trait au critère du « mode de vie centralisé » , Madame le juge Reed a énoncé, dans l'arrêt Koo (re), [1993] 1 C.F. 286, [1992] A.C.F. n ° 1107 (C.F. 1re inst.), une liste de facteurs qui indiquent un attachement suffisant au Canada pour permettre l'attribution de la citoyennetémême lorsque le nombre minimal prescrit de jours de présence au pays n'a pas été établi :

La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante: le critère est celui de savoir si l'on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant "vit régulièrement, normalement ou habituellement". Le critère peut être tournéautrement: le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence? Il y a plusieurs questions que l'on peut poser pour rendre une telle décision :

1) la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

2) où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

3) la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?

4) quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

5) l'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?

6) quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada: sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

[16] Tous ces critères ont été jugés applicables. Comme l'a dit le juge Blanchard dans So c. Canada (ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2001] A.C.F. n ° 1232 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 29 :

La jurisprudence appuie la proposition selon laquelle un juge de la citoyenneté peut à son choix appliquer l'un des critères mentionnés ci-dessus, pourvu que le critère choisi soit appliqué correctement.


Dans Lam c. Canada (ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1999] A.C.F. n ° 410 (C.F. 1re inst.), le juge Lutfy (alors juge de la Section de première instance de la Cour fédérale), s'est exprimé comme suit au paragraphe 14 :

À mon avis, le juge de la citoyenneté peut adhérer à l'une ou l'autre des écoles contradictoires de la Cour, et, s'il appliquait correctement aux faits de la cause les principes de l'approche qu'il privilégie, sa décision ne serait pas erronée.

DÉCISION DU JUGE DE LA CITOYENNETÉ

[17] Le juge de la citoyenneté Frank Hayden a interrogé la défenderesse. Le 20 décembre 2000, il a approuvé la demande de citoyenneté de Sarah Adler et formulé les commentaires suivants dans ses motifs écrits en ce qui a trait à la résidence :

[TRADUCTION] Son fils et sa fille se trouvent au Canada, même s'ils étaient avec elle en Afrique du Sud, tout comme son époux. Celui-ci travaille pour un institut de l'Afrique du Sud et continuera probablement à travailler là-bas.

Il semble à prime abord que sa base est ici, même si elle a passé plus de temps en Afrique du Sud. Elle a travaillé pour un cabinet basé au Canada qui lui a confié une tâche en Afrique du Sud. Elle possède une propriété àToronto depuis décembre 1999.

La documentation comporte suffisamment de renseignements établissant des attaches avec le Canada. Elle est revenue ici, sa famille se trouve ici et elle travaille depuis une base canadienne. Elle cessera de travailler en Afrique du Sud.

À la fin des motifs, le juge s'exprime comme suit :

[TRADUCTION] Pendant ses séjours à l'extérieur du pays, Mme Adler travaillait à titre de résidente canadienne envoyée par un cabinet canadien.

Le travail était et demeure très important et constitue un apport significatif du Canada à la restructuration de l'Afrique du Sud.

Même si elle a été présente au Canada seulement 149 jours, il est évident qu'elle s'est suffisamment familiarisée avec la société, la culture et le gouvernement canadiens pour se « canadianiser » .


QUESTIONS EN LITIGE

[18] Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en statuant que la défenderesse a respectél'alinéa 5(1)c) de la Loi?

ARGUMENTS

[19] Le demandeur soutient que le juge de la citoyennetéa commis une erreur de droit et de fait en omettant de conclure que la demanderesse n'avait pas centraliséson mode de vie au Canada. Le demandeur invoque les commentaires que le juge O'Keefe a formulés dans Canada (M.C.I.) c. Lee, [2000] A.C.F. n ° 744, plus précisément au paragraphe 19 :

À mon avis, comme la défenderesse en l'espèce n'a pas centralisé son mode de vie au Canada pendant son séjour de 17 jours qui a précédé sa première période d'absence du pays, je ne suis pas disposé à tenir compte des périodes au cours desquelles elle a été absente du Canada pour déterminer si elle a satisfait à l'exigence applicable en matière de résidence. En conséquence, le juge de la citoyenneté a commis une erreur lorsqu'il a conclu que la défenderesse avait satisfait à l'exigence en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi et lui a accordé la citoyennetécanadienne.

[20] Le demandeur cite également les commentaires suivants que le juge O'Keefe a formulés dans Dias c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. n ° 1964, au paragraphe 18 :

En tirant la conclusion à laquelle je suis arrivé, j'ai tenu compte des activités du demandeur au Canada, mais à mon avis, comme je l'ai déjà dit, il est presque impossible de centraliser son mode de vie au Canada en y résidant pendant 37 jours. J'ai également tenu compte du fait que le demandeur n'avait pas de résidence ailleurs qu'au Canada, mais à mon avis, pour qu'il soit tenu compte du temps passé en dehors du Canada aux fins du calcul du nombre nécessaire de jours de résidence (soit 1 095 jours), il faut établir que l'on a centralisé son mode de vie au Canada avant de quitter le pays.


[21] Le demandeur poursuit en faisant valoir que le juge de la citoyenneté a omis de la même façon de reconnaître que la défenderesse n'avait pas établi un mode de vie centraliséau Canada au cours des 27 jours qu'elle a passés ici après son arrivée et avant de retourner en Afrique du Sud pour une période d'un an et deux mois. En raison de cette omission, le juge de la citoyenneté n'a pas appliqué correctement le critère du « mode de vie centralisé » énoncédans l'arrêt Re Koo, précité.

[22] Pour sa part, la défenderesse soutient que le juge de la citoyenneté connaissait parfaitement les faits de la demande et a tenu compte de tous les facteurs pertinents pour conclure que la base de Mme Adler se trouvait au Canada, comme l'exigeait l'arrêt Koo. La défenderesse ajoute que le juge l'a interrogée lui-même et a eu l'occasion au cours de cette entrevue de lui poser des questions au sujet des préoccupations qu'il pouvait avoir. Elle insiste sur l'importance du fait qu'elle travaillait pour un cabinet canadien lorsqu'elle s'absentait du Canada et qu'elle s'était vu confier des responsabilités qui nécessitaient sa présence à l'extérieur du pays. Plus précisément, la défenderesse fournissait son aide àla restructuration démocratique de l'Afrique du Sud dans le cadre d'un projet d'aide du gouvernement canadien.

[23] La défenderesse cite la décision que le juge Rothstein (alors juge de la Section de première instance de la Cour fédérale) a rendue dans Re Aviles, [1994] A.C.F. n ° 1960 (C.F. 1re inst.), notamment les paragraphes 9 et 10 :


J'estime qu'il est dans l'intérêt du Canada que les immigrants comme les Garcia soient disposés à assumer le risque de retourner dans des parties du monde où la situation est moins stable qu'au Canada dans l'exercice de leurs fonctions au service d'un employeur canadien, plutôt qu'à demeurer au Canada, comme prestataires de l'aide sociale ou bas salariés, simplement dans le but de satisfaire aux exigences en matière de résidence fixées par l'alinéa 5(1)(c) de la Loi sur la citoyenneté. Il me semble qu'il serait quelque peu arbitraire de pénaliser les requérants en l'espèce à cause des exigences du travail qu'accomplit M. Garcia pour son employeur canadien.

Je suis convaincu que les Garcia ont l'intention de venir au Canada et, d'après ce que j'ai entendu, ils ont l'intention de demeurer au Canada dès que M. Garcia aura complété son mandat au Nicaragua à l'automne 1996. En tenant également compte des autres indices qui révèlent leur intention de s'établir au Canada et dont j'ai fait mention plus tôt, je suis convaincu qu'il y a lieu d'accorder la citoyenneté aux requérants. J'accueille donc l'appel.

ANALYSE

[24] À mon avis, la situation de la décision Aviles est différente de la présente affaire, parce que les immigrants dans Aviles ont centralisé leur mode de vie au Canada pendant un an et quatre mois avant de s'absenter pour la première fois du pays pour travailler à l'extérieur.

[25] En ce qui concerne la défenderesse, je suis d'avis qu'elle n'a pas centralisé son mode de vie au Canada pendant les vingt-sept jours qu'elle a passés ici avant de quitter le pays une première fois. Comme c'était le cas dans l'arrêt Koo, précité, la présence physique de la défenderesse au Canada s'apparente davantage à des visites au pays qu'à un retour à un endroit où une personne vit « régulièrement, normalement et habituellement » . Dans l'arrêt Banerjee, précité, le juge Dubé s'est exprimé comme suit au paragraphe 8 :

[...]Toutefois, la simple intention ne suffit pas pour établir une résidence. [...] Un demandeur doit avoir établi sa résidence et conservé un pied-à-terre au Canada avec l'intention d'y résider.


Dans la présente affaire, la défenderesse a bien l'intention de faire du Canada son lieu de résidence, mais n'y a pas établi de résidence. Elle a acheté une maison en copropriété en octobre 1999 alors qu'elle se trouvait en Afrique du Sud dans le cadre d'un séjour d'un an et trois mois. Elle est revenue au Canada le 16 janvier 2000 et a vécu dans la maison pendant trente-cinq jours avant de retourner en Afrique du Sud pour une autre période de quatre mois. En conséquence, la défenderesse avait simplement l'intention d'établir sa résidence au Canada et son achat d'une maison en copropriété ne peut satisfaire au critère de la résidence que le juge Dubé a énoncé au paragraphe 8 de l'arrêt Banerjee, précité.

[26]       Au paragraphe 9, le juge Dubé ajoute ce qui suit :

De plus, la prise de possession réelle d'une résidence semble être obligatoire ...et il faut centraliser sa vie au Canada avant de quitter le pays pour des périodes prolongées

De toute évidence, la défenderesse n'a pas pris possession d'une résidence au Canada ni n'a centralisé sa vie ici avant de quitter le pays pour des périodes prolongées.

[27]       Enfin, le juge Dubé formule les remarques suivantes au paragraphe 10 :

Toutefois, chaque cas est un cas d'espèce. C'est la qualité de l'attachement au Canada qui doit être évaluée.


Dans la présente affaire, le juge de la citoyenneté devait contrebalancer la « qualité de l'attachement » au Canada avec la « qualité de l'attachement » à l'Afrique du Sud au cours de la période pertinente. À mon avis, le juge de la citoyenneté a commis une erreur dans l'application tant du critère du « mode de vie centralisé » énoncé dans l'arrêt Koo que de celui de la « qualité de l'attachement » qui a été établi dans Banerjee. S'il avait appliqué correctement ces critères conformément aux règles de droit applicables, le juge de la citoyenneté aurait conclu que la défenderesse n'avait pas « centralisé son mode de vie » au Canada avant son premier séjour et ses séjours subséquents à l'extérieur du pays et que la « qualité de son attachement » à l'Afrique du Sud était nettement supérieure à celle de son « attachement au Canada » , car

a)    l'époux, la fille et le fils de la défenderesse ont vécu avec elle en Afrique du Sud au cours de la période pertinente, exception faite de trois séjours relativement brefs au Canada d'une durée totale de 149 jours;

b)    la défenderesse est propriétaire d'une résidence en Afrique du Sud, où elle a vécu;

c)    l'époux de la défenderesse travaille en Afrique du Sud;

d)    la défenderesse n'a établi une résidence au Canada que le 16 janvier 2000.

[28]       Compte tenu des quatre premières questions énoncées dans l'arrêt Koo, la défenderesse n'a pas respecté le critère de la résidence énoncé dans cet arrêt :

Question 1

La défenderesse n'a pas été physiquement présente au Canada pendant une période prolongée avant de s'absenter.

Question 2

La famille proche et les personnes à charge de la défenderesse résidaient en Afrique du Sud au cours de la période pertinente et non au Canada.

Question 3

La forme de présence physique de la défenderesse au Canada dénote qu'elle n'était qu'en visite et non pas qu'elle revenait dans son pays.

Question 4

Les absences physiques du Canada sont des absences considérables, de sorte qu'il manquait à la défenderesse bien plus que quelques jours pour atteindre le minimum prescrit de 1 095 jours.


[29]       Pour les motifs exposés ci-dessus, le juge de la citoyenneté a commis une erreur lorsqu'il a appliqué le critère de la résidence énoncé dans l'arrêt Koo et examiné dans la décision Banerjee. En conséquence, l'appel est accueilli.

                   « Michael A. Kelen »                       

     Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 1er mars 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                              T-226-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Sarah-Rose Josepha Adler

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto

DATE DE L'AUDIENCE :                             le 19 février 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      Monsieur le juge Kelen

DATE DES MOTIFS :                                     le 1er mars 2002

COMPARUTIONS :

Marissa Bielski                                                     POUR LE DEMANDEUR

Barbara Jackman                                                         POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                     POUR LE DEMANDEUR

Jackman, Waldman and Associates

Toronto (Ontario)                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

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