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     T-75-97

MONTRÉAL (QUÉBEC), CE 5e JOUR DE FÉVRIER 1997

EN PRÉSENCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

ENTRE:

     PAUL CRESSATY

     Demandeur

     ET

     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     Défendeur

     ORDONNANCE

     La requête en radiation de la déclaration du demandeur est rejetée. Frais à suivre.

     Richard Morneau

     Protonotaire

     T-75-97

ENTRE:

     PAUL CRESSATY

     Demandeur

     ET

     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     Défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU,

PROTONOTAIRE:

Introduction

     Il s'agit d'une requête du défendeur en radiation de la déclaration du demandeur au motif que cette déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action vu qu'elle fut déposée, suivant le défendeur, en dehors du délai statutaire de rigueur de quatre-vingt-dix jours prévu par l'article 135 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2ième supp.) ch.1.1

     Le demandeur ne voit pas la situation de la même façon et, après analyse, je partage sa position.

     Il considère que dans les circonstances, l'on doit, en vertu de l'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale2 et d'un article se trouvant depuis le 1er janvier 1994 au Livre de la prescription au Code civil du Québec3 (le Code), reconnaître qu'il était toujours autorisé en droit à déposer la déclaration visée par la requête en radiation du défendeur.

     Le présent débat soulève donc l'interrelation qui peut exister entre l'article 135 de la Loi sur les douanes, l'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale et l'article 2895 du Code.

     Pour bien saisir la position des parties, l'on se doit de revoir les faits pertinents à partir du début.

Les faits

     Le 16 mai 1996, le demandeur déposait au dossier de la Cour portant le numéro T-1134-964 une déclaration d'action qui se veut, à sa face même, un appel en vertu de l'article 135 de la Loi sur les douanes d'une décision du ministre du Revenu national rendue le 12 mars 1996.

     Cet article 135 se lit comme suit:

              135.(1) Toute personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l'article 131 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d'action devant la Section du première instance de la Cour fédérale, à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.         
              (2) La Loi sur la Cour fédérale et les Règles de la Cour fédérale applicables aux actions ordinaires s'appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), sous réserve des adaptations occasionnées par les règles particulières à ces actions.         

     Le 10 juillet 1996, le défendeur présentait en vertu des règles 324 et 419(1) a) et c) une requête en radiation de la déclaration du demandeur au motif, si l'on s'en rapporte aux observations écrites du défendeur, que cette déclaration ne dévoilait somme toute aucun fait essentiel sur lequel elle pouvait être basée. Le demandeur, qui à l'époque n'était pas représenté par procureur, ne formula pas d'observations propres à défendre la formulation de sa déclaration d'action.

     Le 13 septembre 1996, j'accueillais la requête du défendeur en émettant l'ordonnance qui suit:

              ORDER         
              As presently drafted, one must agree that Plaintiff's statement of claim dated May 16, 1996 does not disclose any reasonable cause of action as it is not drafted in accordance with the principles governing pleading in this Court, and especially with rule 408 of the Federal Court Rules, which reads:         
                  408. (1) Every pleading must contain a precise statement of the material facts on which the party pleading relies.             
                  (2) Without limiting the generality of paragraph (1), the effect of any document or the purport of any conversation referred to in the pleading must, to the extent that it is material, be briefly stated, and the precise words of the document or conversation should not be stated, except in so far as those words are themselves material.             
                  (3) A party need not plead any fact if it is presumed by law to be true or as to which the burden of proof lies on the other party (e.g. consideration for a bill of exchange), unless the other party has specifically denied it in his pleading.             
                  (4) A statement that a thing has been done or that an event has occurred, being a thing or event the doing or occurrence of which, as the case may be, constitutes a condition precedent necessary for the case of a party, is to be implied in his pleading.             
                  (5) Whenever it is material to allege notice to any person of any fact, matter or thing, it shall be sufficient to allege such notice as a fact unless the form or precise terms of such notice be material.             
              Plaintiff's statement of claim dated May 16, 1996 is therefore struck out.         
              The Court reserves, however, Plaintiff's right to file a new and proper statement of claim - one which would comply with rule 408 - if the limitation period to do so has not elapsed on the date of the new filing. 5         

     Le 12 décembre 1996, le demandeur déposait dans le dossier T-1134-96 le texte de la déclaration d'action visée par la requête à l'étude. Toutefois, c'est sous la forme d'une déclaration amendée qu'il déposa le tout.

     Le 13 janvier 1997, le défendeur réclama en audition orale la radiation de cette procédure au motif que l'on ne pouvait amender une procédure qui avait été radiée. Le procureur du défendeur se rallia à l'idée qu'au mieux l'on devait voir cette procédure amendée comme étant une nouvelle déclaration d'action déposée par le demandeur le 12 décembre 1996.

     Cette position du défendeur m'est apparue fondée. Toutefois, comme je considérais que le demandeur, qui agissait maintenant par procureur, avait étoffé le texte de sa déclaration (déclaration d'action amendée, devait-on lire à l'époque) et comme ce dernier contestait qu'il était acquis que ladite déclaration du 12 décembre était assurément prescrite, j'ai rejeté la requête en radiation du défendeur en ordonnant toutefois le 15 janvier 1997 ce qui suit:

              ORDONNANCE         
              Cette requête est rejetée. Toutefois, vu mon ordonnance datée du 13 septembre 1996, l'"Amended Statement of Claim" déposée par le demandeur le 12 décembre 1996 doit être vue plutôt comme une nouvelle déclaration d'action déposée par le demandeur le 12 décembre 1996. Elle sera en cette qualité et de par la présente ordonnance transférée par le greffe dans un nouveau dossier de cette Cour sans nécessité de signification nouvelle par quiconque.         
              Tel que mentionné à l'audience, la Cour réserve au défendeur le droit de soulever à l'encontre de cette déclaration d'action l'allégation à l'effet que le 12 décembre 1996, le demandeur ne pouvait plus entreprendre une action en cette Cour sur la base de l'article 135 de la Loi sur les douanes.         
              Frais à suivre et ce, dans le dossier à être créé.         

     Voilà pourquoi nous retrouvons maintenant au présent dossier de la Cour une déclaration d'action du demandeur avec comme date de dépôt le 12 décembre 1996.

     Comme tous étaient en droit de s'y attendre, le défendeur présenta le 27 janvier 1997 la requête à l'étude au motif, tel que mentionné plus avant, que cette déclaration du 12 décembre 1996 fut à sa face même déposée en dehors du délai de rigueur de quatre-vingt-dix (90) jours prévu par l'article 135 de la Loi sur les douanes.

Analyse

     Il est certain que si l'on débute notre étude en fonction uniquement de la date du dépôt de la déclaration sous attaque, il est clair qu'il s'est écoulé plus de quatre-vingt-dix jours entre la date de la décision du 12 mars 1996 et la date du dépôt de la déclaration le 12 décembre 1996. Il y a même plus de quatre-vingt-dix jours entre le dépôt de la déclaration le 16 mai 1996 dans le dossier T-1134-96 et le dépôt du 12 décembre 1996 dans le présent dossier.

     Si l'on ne retient que ces dates - sans faire intervenir de dispositions législatives autres que l'article 135 de la Loi sur les douanes -, il est clair que l'on doit accueillir la requête du défendeur et ordonner la radiation de la déclaration d'action du demandeur déposée dans le présent dossier. Il est acquis en effet que ni la Cour ni les règles de cette Cour ne peuvent en soi proroger le délai imparti par l'article 135 de la Loi sur les douanes. Les arrêts suivants que m'a remis le procureur du défendeur sont clairement à cet effet: Giovanni Miucci et Sa Majesté la Reine et le Ministre du Revenu national, jugement rendu le 1er novembre 1991 par l'honorable juge Pinard, dossier de la Cour T-348-91, confirmé par la Cour d'appel fédérale, dossier A-1148-91, le 7 décembre 1993; Donald Richard Dawe and Her Majesty the Queen, jugement de la Cour d'appel fédérale rendu le 13 septembre 1994, dossier A-359-93.

     Le demandeur se dit conscient du délai de l'article 135 et dit l'avoir respecté lorsque le 16 mai 1996, il déposa6 une déclaration d'action à l'encontre de la décision du ministre datée du 12 mars 1996.7 On doit en effet reconnaître qu'un délai de seulement un peu plus de soixante (60) jours s'était alors écoulé entre ces deux dates.

     C'est fort de ce premier dépôt dans le délai de l'article 135 et en appui sur mon ordonnance du 13 septembre 1996 radiant sa déclaration8 que le demandeur s'en rapporte maintenant à l'article 2895 du Code via l'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale - qui réfère aux règles de droit provincial en matière de prescription en l'absence de disposition au contraire dans une loi fédérale - pour soutenir que le dépôt du 12 décembre 1996 s'est effectué moins de trois mois après mon ordonnance du 13 septembre et que, partant, l'interruption de la prescription opérée par le dépôt du 16 mai 1996 s'est poursuivie, par l'effet de l'article 2895, jusqu'au 12 décembre 1996, jour où le demandeur a fait valoir de nouveau son droit.

     Rappelons que l'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale se lit comme suit:

              39.(1) Sauf disposition contraire d'une autre loi, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute instance devant la Cour dont le fait générateur est survenu dans cette province.         
              (2) Le délai de prescription est de six ans à compter du fait générateur lorsque celui-ci n'est pas survenu dans une province.         
         (mes soulignés)         

     L'article 2895 du Code, quant à lui, se lit comme suit:

              Art. 2895. Lorsque la demande d'une partie est rejetée sans qu'une décision ait été rendue sur le fond de l'affaire et que, à la date du jugement, le délai de prescription est expiré ou doit expirer dans moins de trois mois, le demandeur bénéficie d'un délai supplémentaire de trois mois à compter de la signification du jugement, pour faire valoir son droit.         
              Il en est de même en matière d'arbitrage; le délai de trois mois court alors depuis le dépôt de la sentence, la fin de la mission des arbitres ou la signification du jugement d'annulation de la sentence.         
         (mes soulignés)         

     Il est évident que l'expression "Sauf disposition contraire d'une autre loi," que l'on retrouve au début de l'article 39 fait en sorte que l'on ne peut faire appel à une règle de droit provincial en matière de prescription qui contreviendrait à une disposition d'une loi fédérale. C'est donc dire qu'en matière de délai de prescription, c'est le délai de l'article 135 qui gouverne et non tout autre délai que l'on pourrait retrouver au Livre huitième du Code9.

     Toutefois à mon sens, l'expression "les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent ...." vise plus que les simples délais et doit inclure l'ensemble des règles du Livre huitième du Code qui ne sont pas contraires à une disposition législative fédérale.

     Cette inclusion touche donc l'article 2895 du Code qui contient une règle portant sur l'interruption de la prescription puisqu'il appert qu'il n'existe pas de disposition fédérale portant sur l'interruption de la prescription et contraire à l'article 2895.10

     Quant aux éléments constitutifs de l'article 2895, l'on doit retenir que cet article envisage le fait qu'une demande soit "rejetée". Tel que mentionné plus avant11, c'est le remède que réclamait et réclame toujours le défendeur et le fait que la règle 419 parle de "radiation" n'écarte pas l'application de l'article 2895. Une déclaration qui est radiée est forcément "rejetée".

     De plus, la radiation sous la règle 419 en l'espèce tombe précisément sous le scénario envisagé par l'article 2895, soit qu'une action soit rejetée sans qu'une décision ait été rendue sur le fond de l'affaire.

     Lorsque l'on regarde en bout de ligne le résultat dont bénéficie le demandeur en l'instance, soit que le 12 décembre 1996 il s'attaque à nouveau à une décision datant du 12 mars 1996, n'y a-t-il pas lieu de considérer que l'on substitue au délai de l'article 135 un nouveau délai, le tout contrairement au délai de rigueur de l'article 135 et des dispositions in limine de l'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale? Je ne le crois pas.

     L'article 2895 du Code ne crée pas un nouveau délai de prescription. Sa dynamique envisage forcément que la demande qui se voit éventuellement rejetée soit entreprise en premier lieu dans le délai de prescription applicable. Ici, le demandeur a agi le 16 mai 1996 dans le délai applicable, soit à l'intérieur du délai de quatre-vingt-dix (90) jours de l'article 135 de la Loi sur les douanes.

     Ce que l'article 2895 accomplit c'est de prolonger l'effet de l'interruption de la prescription, effet initialement accompli par le dépôt le 16 mai 1996.12 Il ne crée pas de délai. Il ne contrevient donc pas à l'article 135 tel qu'il est interdit de faire de par les termes de l'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale. Il agit au niveau de l'institution de l'interruption de la prescription en en prolongeant son effet en autant que le délai de l'article 135 soit respecté initialement.

     Cette situation n'est pas envisagée par les arrêts soumis par le défendeur et cités plus avant13.

     Les tribunaux semblent bien faire la distinction entre les dispositions dans des lois fédérales qui traitent de délais de prescription et les dispositions que l'on peut retrouver dans une loi provinciale et qui traitent de la prescription sans créer nécessairement de délais.

     En effet, dans l'arrêt Tait v. Canadian National Railways (1985), 11 D.L.R. (4th) 460, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a maintenu une déclaration d'action entreprise en dehors du délai de prescription de deux ans stipulé dans la loi fédérale applicable (en l'occurrence, le paragraphe 342(1) de la Loi sur les chemins de fer) et ce, en permettant l'application à la demande du demandeur d'un article de loi provinciale. Cet article de loi se trouve être l'article 2A du "Statute of Limitations" de la Nouvelle-Écosse.

     Tel que le mentionne la Cour suprême en page 464, le but de cet article 2A est le suivant:

         The section was obviously designed to provide the court with specific authority to provide equitable relief in certain cases from the rigidity of statutory limitation periods.         

     La cour a permis la coexistence de cet article 2A et de l'article 342(1) dans les termes suivants:

         Section 2A does not create another limitation period in conflict with the one set out in s. 342(1) of the Railway Act. It merely confers upon the court a discretion in certain instances to provide relief from the rigidities of fixed limitation periods found in statutes which have force and effect in Nova Scotia. It is an extension of an equitable jurisdiction to the court in procedural matters and is not in conflict with the Railway Act's limitation period itself.         
         (mes soulignés)         

     Dans l'arrêt Tait, la Cour devait concilier une loi provinciale et une loi fédérale alors que, contrairement à la situation dans le présent dossier, elle ne bénéficiait pas d'un article tel l'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale qui invite à cette conciliation. Tel qu'on l'a constaté, la Cour est néanmoins parvenue à cette conciliation.

     De plus, dans cette affaire, la Cour a permis que l'action soit maintenue malgré qu'en tout temps pertinent le délai de la loi fédérale était expiré. Ce n'est pas le cas ici.

     Enfin, dans l'affaire Tait, c'est l'usage par la Cour de sa discrétion en vertu de l'article 2A qui a sauvé l'action. Ici, c'est l'effet automatique de la loi, soit l'article 2895 du Code, qui intervient.

     La coexistence ici vu l'absence de conflit est d'autant plus loisible.

     Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter la requête en radiation de la déclaration du demandeur.

     Richard Morneau

     Protonotaire

Montréal (Québec)

le 5 février 1997

             T-75-97

PAUL CRESSATY

             Demandeur

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

             Défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-75-97

PAUL CRESSATY

     Demandeur

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     Défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 27 janvier 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR:Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 5 février 1997

COMPARUTIONS:

Me Mathieu Moreau pour le demandeur

Me Jacques Mimar pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Mathieu Moreau pour le demandeur

Brouillette Moreau

Saint-Laurent (Québec)

Me George Thomsonpour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

__________________

     1      Bien que le titre de l'avis de requête du défendeur fasse état des règles 419(1) a), c) et f) des Règles de la Cour fédérale (les règles), la Cour retient, suite à l'ensemble des représentations du procureur du défendeur, que la requête à l'étude se loge sous l'alinéa 419(1) a) des règles - au motif de la prescription - et que les autres alinéas de la règle 419 étaient principalement invoqués lorsque la même requête fut présentée initialement dans un autre dossier de la Cour, soit le T-1134-96.
     On notera, d'autre part, que la règle 419 parle de radier une procédure alors que le défendeur dans son avis de requête réclame que la déclaration soit rejetée. Il n'y a pas lieu de s'offusquer de l'emploi de termes différents puisque je suis d'avis, et nous aurons l'occasion d'y revenir, que ces deux termes signifient la même chose dans le cadre d'une requête préliminaire.

     2      S.R., ch. 10 (2e suppl.). L'article 39 se lit comme suit:
             39.(1) Sauf disposition contraire d'une autre loi, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute instance devant la Cour dont le fait générateur est survenu dans cette province.
             (2) Le délai de prescription est de six ans à compter du fait générateur lorsque celui-ci n'est pas survenu dans une province.

     3      Il s'agit de l'article 2895 du Code auquel nous aurons l'occasion de revenir. Notons pour fins d'intérêt que cet article se lit comme suit:
             Art. 2895. Lorsque la demande d'une partie est rejetée sans qu'une décision ait été rendue sur le fond de l'affaire et que, à la date du jugement, le délai de prescription est expiré ou doit expirer dans moins de trois mois, le demandeur bénéficie d'un délai supplémentaire de trois mois à compter de la signification du jugement, pour faire valoir son droit.
             Il en est de même en matière d'arbitrage; le délai de trois mois court alors depuis le dépôt de la sentence, la fin de la mission des arbitres ou la signification du jugement d'annulation de la sentence.

     4      Le demandeur a acquitté alors les frais requis par le tarif pour un tel dépôt.

     5      Quant au dernier paragraphe de cette ordonnance, nous verrons finalement que suivant le raisonnement du demandeur, l'absence de ce paragraphe à l'ordonnance n'aurait rien changé à ses prétentions en droit puisque ce dernier s'appuie strictement sur des dispositions législatives pour maintenir sa déclaration dans le dossier présent.

     6      Dépôt, je le répète, qui s'effectua dans le dossier T-1134-96.

     7      La date de réception de cette décision par le demandeur n'est pas une question en litige.

     8      L'on pourrait tenter ici de couper court à tout débat en affirmant que la procédure qui fut radiée le 13 septembre 1996 était somme toute une nullité et que l'on ne peut donc la considérer comme une déclaration d'action au sens de l'article 135 de la Loi sur les douanes dont le dépôt aurait eu comme effet d'interrompre la prescription. Je ne serais pas d'accord avec un tel argument.
     Dans l'arrêt Dawe, supra, le juge Létourneau a rejeté l'argument à l'effet que l'envoi au ministre du Revenu national d'un simple avis d'intention d'interjeter appel satisfaisait aux exigences de l'article 135. La Cour s'exprima comme suit:
         ... un simple avis donné de l'intention d'engager éventuellement une action ne constitue ni l'équivalent, ni un remplacement valable de l'engagement réel d'une action.
         Le paragraphe 135(1) de la loi exige le dépôt dans le délai prescrit d'une déclaration comportant allégués contre la décision du ministre pour qu'une action soit intentée valablement sous le régime de la loi.
     Dans le cas qui nous occupe, le demandeur déposa dans le dossier T-1134-96 (tout en acquittant les droits requis) un acte de procédure intitulé "statement of claim". Même si elle fut radiée, elle contenait quatre allégués et une conclusion. Je pense, pour reprendre les termes du juge Létourneau, que le demandeur avait alors valablement agi sous le régime de la Loi sur les douanes. D'ailleurs, dans mon ordonnance du 13 septembre, je réfère à la procédure du demandeur comme étant une "statement of claim".
     Je ne crois pas, de plus, que l'on puisse dans le cadre de la présente analyse retenir contre le demandeur le fait que deux dossiers de Cour aient été ouverts. Si le 15 janvier 1997 j'ai ordonné l'ouverture d'un second dossier, c'est que j'ai cru qu'administrativement il en serait plus clair ainsi.

     9      Livre où se retrouve l'article 2895. D'autre part, il appert acquis - puisque cela n'a pas été soulevé par quiconque à ce jour - que toute la cause d'action dans la présente affaire est née au Québec et que c'est le droit provincial de cette province qui s'applique en vertu de l'article 39.

     10      Aucune partie n'a soulevé l'existence d'une telle disposition. Une telle disposition, si elle existe, devrait être une disposition écrite si l'on s'en rapporte à une lecture combinée des versions française et anglaise du début de l'article 39.

     11      Supra, note 1.

     12      Notons que c'est l'article 2892 du Code qui prescrit en premier lieu l'interruption civile de la prescription par le dépôt d'une demande en justice.
     Quant à l'article 2895, les parties ne m'ont soumis aucune autorité jurisprudentielle ou doctrinale portant sur son interprétation. En page 1817 du tome II des Commentaires du ministre de la Justice, publiés par Les publications du Québec, et portant sur le Code, le ministre de la Justice d'alors du Québec émet les commentaires qui suivent sur l'interprétation à donner à l'article 2895:
         Cet article, qui est de droit nouveau, vient limiter les conséquences d'une décision qui ne porte pas sur le fond du litige, mais qui résulte plutôt, par exemple, d'un simple défaut de forme ou de l'incompétence du tribunal.
         Que la prescription soit acquise ou non, l'article 2895 prolonge l'effet de l'interruption par un délai additionnel de trois mois, afin de permettre au demandeur de faire valoir à nouveau son droit.
     (mes soulignés)

     13      Voir page 5, supra .

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