Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19910126


Dossier : T-367-98

Entre :

     MICHEL PITRE

     Requérant

Et:

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimé

     MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision rendue le

9 février 1998 par le directeur du Centre régional de réception, qui relève du Service correctionel du Canada. Celui-ci a approuvé le transfèrement du requérant à l'établissement Archambault, qui est un établissement à sécurité moyenne. Le requérant était incarcéré auparavant dans un établissement à sécurité minimale.

[2]      Cette décision faisait suite à un avis de recommendation de transfèrement non sollicité daté du 20 janvier 1998. Dans cet avis, la gérante de l'unité où était incarcéré le requérant a constaté que le risque d"évasion du requérant avait augmenté, et qu"en conséquence, la supervision du requérant n"était plus adéquatement assumable dans un établissement offrant un encadrement minimal. La gérante a émis son avis sur la foi de quatre rapports provenant de trois sources différentes.

[3]      Le premier rapport, daté du 4 janvier 1998, indique que le requérant avait l'intention de s'évader pour réaliser "un gros coup".

[4]      Un rapport daté du 5 janvier 1998 mentionne que le requérant avait l'intention de s'évader et de réaliser "un gros coup", auquel participerait trois autres individus, dont deux qui étaient incarcérés à ce moment.

[5]      Un troisième rapport révèle que le requérant avait demandé à sa conjointe de venir le chercher dans le stationnement de l'établissement. Cette dernière a refusé de crainte d'être identifiée comme complice d'une évasion.

[6]      Finalement, le dernier rapport identifie le requérant comme ayant participé à un complot d'évasion. Un détenu devant être libéré sous peu devait venir le chercher après la période régulière des visites.

[7]      Suite à la réception de l"avis de recommendation, le Service a réévalué la cote de sécurité du requérant. Outre les rapports, on a noté que le requérant a été en liberté illégale à deux reprises, soit en 1980 et en 1984. De plus, en 1990, il s'est évadé alors qu'il bénéficiait d'une permission de sortie avec escorte; il était demeuré 79 jours en évasion et a par la suite réintégré de lui-même le pénitencier. Le Service reconnaît que le requérant n"est pas un homme violent, l'ensemble de ses crimes étant contre la propriété. À la lumière de ces informations, le Service a haussé la cote de sécurité du requérant de sécurité minimale à sécurité moyenne, et l"a transféré dans un établissement à sécurité moyenne. Le risque d'évasion du requérant n'était plus assumable dans un établissement à sécurité minimale.

[8]      Le requérant conteste le transfèrement, alléguant qu'il n'est pas fondé en droit. Les dispositions pertinentes de la Loi sur le système correctionel et la mise en liberté sous condition L.C. 1992, c. 20 se lisent comme suit:


4. Le Service est guidé, dans l'exécution de ce mandat, par les principes qui suivent:

a) la protection de la société est le critère prépondérant lors de l'application du processus correctionnel;

28. Le Service doit s'assurer, dans la mesure du possible, que le pénitencier dans lequel est incarcéré le détenu constitue le milieu le moins restrictif possible, compte tenu des éléments suivants:

a) le degré de garde et de surveillance nécessaire à la sécurité du public, à celle du pénitencier, des personnes qui s'y trouvent et du détenu;

30.(1) Le Service assigne une cote de sécurité selon les catégories dites maximales, moyennes et minimales conformément aux règlements d'application de l'alinéa 96(z.6).

(2) Le Service doit donner, par écrit, à chaque détenu les motifs à l'appui de l'assignation d'une cote de sécurité ou du changement de celle-ci.

4. The principle that shall guide the Service in achieving the purpose referred to in section 3 are:

(a) that the protection of society be the paramount consideration in the corrections process;

28. Where a person is, or is to be, confined in a penitentiary, the Service shall take all reasonable steps to ensure that the penitentiary in which the person is confined is one that provides the least restrictive environment for that person, taking into account:

(a) the degree and kind of custody and control necessary for

(i) the safety of the public,

(ii) the safety of that person and other persons in the penitentiary, and

(iii) the security of the penitentiary.

30.(1) The Service shall assign a security classification of maximum, medium or minimum to each inmate in accordance with the regulations made under paragraph 96(z.6).

2) The Service shall give each inmate reasons, in writing, for assigning a particular security classification or for changing that classification.

[9]      Le Règlement sur le système correctionel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 prévoit ce qui suit:


17. Le Service détermine la cote de sécurité à assigner à chaque détenu conformément à l'article 30 de la Loi en tenant compte des facteurs suivants:

a) la gravité de l'infraction commise par le détenu;

b) toute accusation en instance contre lui;

c) son rendement et sa conduite pendant qu'il purge sa peine;

d) ses antécédents sociaux et criminels, y compris ses antécédents comme jeune contrevenant s'ils sont disponibles;

e) toute maladie physique ou mentale ou tout trouble mental dont il souffre;

f) sa propension à la violence;

g) son implication continue dans des activités criminelles.

18. Pour l'application de l'article 30 de la Loi, le détenu reçoit, selon le cas:

a) la cote de sécurité maximale, si l'évaluation du Service montre que le détenu:

(i) soit présente un risque élevé d'évasion et, en cas d'évasion, constituerait une grande menace pour la sécurité du public;

(ii) soit exige un degré de surveillance et de contrôle à l'intérieur du pénitencier;

b) la cote de sécurité moyenne, si l'évaluation du Service montre que le détenu:

(i) soit présente un risque d'évasion de faible à moyen et, en cas d'évasion, constituerait une menace moyenne pour la sécurité du public,

(ii) soit exige un degré moyen de surveillance et de contrôle à l'intérieur du pénitencier;

c) la cote de sécurité minimale, si l'évaluation du Service montre que le détenu:

(i) soit présente un faible risque d'évasion et, en cas d'évasion, constituerait une faible menace pour la sécurité du public;

(ii) soit exige un faible degré de surveillance et de contrôle à l'intérieur du pénitencier;

17. The Service shall take the following factors into consideration in determining the security classification to be assigned to an inmate pursuant to section 30 of the Act:

(a) the seriousness of the offence committed by the inmate;

(b) any outstanding charges against the inmate;

(c) the inmate's performance and behaviour while under sentence;

(d) the inmate's social, criminal and, where available young-offender history;

(e) any physical or mental illness or disorder suffered by the inmate;

(f) the inmate's potential for violent behaviour; and

(g) the inmate's continued involvement in criminal activities.

18. For the purpose of section 30 of the Act, an inmate shall be classified as:

(a) maximum security where the inmate is assessed by the Service as:

(i) presenting a high probability of escape and a high risk to the safety of the public in the event of escape, or

(ii) requiring a high degree of supervision and control within the penitentiary;

(b) medium security where the inmate is assessed by the Service as:

(i) presenting a low to moderate probability of escape and a moderate risk to the safety of the public in the even of escape, or

(ii) requiring a moderate degree of supervision and control within the penitentiary; and

(c) minimum security where the inmate is assessed by the Service as:

(i) presenting a low probability of escape and a low risk to the safety of the public in the event of escape and

(ii) requiring a low degree of supervision and control within the penitientary.

[10]      La version française de l'article 18 du Règlement diffère de la version anglaise. En effet, selon la version anglaise, un détenu, afin d'obtenir une cote de sécurité minimale, doit rencontrer les deux exigences prévues aux alinéas 18(c)i) et (ii), car le législateur utilise le mot "and". La version française, par l'utilisation du mot "soit", indique qu'un détenu doit satisfaire qu'à un seul des critères énoncés au paragraphe 18(c) pour obtenir une cote de sécurité minimale.

[11]      Les deux versions sont irréconciliables. J'estime que l'intention du législateur est mieux transmise par le texte anglais. En effet, le but premier du Service est la protection du public. Il est donc raisonnable qu'un détenu rencontre le plus grand nombre de critères possible afin de se voir assigner une cote de sécurité minimale, et que cette cote soit augmentée dès qu'il ne respecte plus l'un de ces critères. Cette interprétation expliquerait l'utilisation du mot "ou" entre les critères énoncés pour les cotes moyennes et maximales, chaque critère représentant une violation de l"une des deux conditions nécessaires pour l"obtention de la cote minimale.

[12]      Ceci établi, il reste à examiner quelle cote devrait être assignée au requérant. Le contenu des rapports et leur fiabilité ne sont pas contestés. Ils démontrent que le requérant cherche activement à s'évader, avec l'intention de préparer un gros coup. Il est évident que le requérant représente plus qu"un faible risque d"évasion, et son intention de récidiver démontre l"existence d"une menace moyenne pour la sécurité du public. Pour ces mêmes raisons, le requérant exige un degré moyen de surveillance et de contrôle au sein du pénitencier.

[13]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                     JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 26 janvier 1999

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.