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Date : 20020927

Dossier : T-570-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1014

Ottawa (Ontario), le 27 septembre 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                                                            ECHO BAY MINES LTD.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

                                                                                                                                                                       

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (le ministre) le 6 mars 2001, par laquelle il a confirmé la cotisation établie le 1er octobre 1999 par le chef de la Division de l'administration des questions minières, qui a rejeté les allocations d'amortissement réclamées par la demanderesse en vertu de l'alinéa 65(8)g) du Règlement sur l'exploitation minière au Canada, C.R.C. 1978, ch. 1516, modifié par DORS/88-9 (le Règlement sur l'exploitation minière). Ci-après, sauf indication contraire, à chaque fois que le Règlement sur l'exploitation minière est mentionné, il s'agit du règlement modifié par DORS/88-9, et ce, pour les années financières 1992, 1993 et 1994. La décision en cause a été rendue en vertu de l'article 84 du Règlement sur l'exploitation minière, modifié par DORS/99-219.

[2]                 La demanderesse, au cours des années en cause, exploitait la mine Lupin dans les Territoires du Nord-Ouest et c'est à ce titre qu'elle a déclaré des redevances minières pour les années financières 1992, 1993 et 1994 (les déclarations) en rapport avec les opérations minières et les biens d'équipement utilisés à la mine. La cotisation des redevances minières dans les Territoires du Nord-Ouest est régie par le Règlement sur l'exploitation minière. Dans ses déclarations, la demanderesse a réclamé des déductions pour allocation d'amortissement en vertu des dispositions de l'alinéa 65(8)g) (dans la version qui était en vigueur durant les années en cause et avant leur abrogation en 1999 par DORS/99-219) du Règlement sur l'exploitation minière.

[3]                 Lors de la déduction de ces montants, la demanderesse a calculé les pourcentages prescrits à l'alinéa 65(8)g) du Règlement sur l'exploitation minière en se fondant sur le coût de l'ensemble des biens utilisés dans la production de la mine, y compris le coût des biens acquis durant l'année en cause.


[4]                 La demanderesse explique qu'elle a suivi de près l'évolution du solde de la fraction non amortie dans la catégorie de biens afin de faire en sorte que le montant d'amortissement qui était réclamé ou qui serait réclamé dans les années à venir ne dépasse pas le coût des biens. En d'autres mots, selon la demanderesse, le total du montant d'allocation d'amortissement qu'elle a réclamé n'a pas dépassé 100 % de l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine Lupin.

[5]                 En 1996, le ministre, par l'entremise de son représentant, le chef de la Division de l'administration des questions minières, Robert Lauer, a retenu les services de Coopers & Lybrand, comptables agréés, et a demandé à cette firme de procéder à une vérification comptable de chacune des déclarations de redevance minière pour les années 1992, 1993 et 1994.

[6]                 Les rapports de vérification préliminaires initiaux n'ont pas été acceptés par le chef de la Division de l'administration des questions minières étant donné que le montant de l'amortissement réclamé pour les années 1992 à 1994 était beaucoup plus élevé que le montant de 15 % par année admissible en vertu de l'alinéa 65(8)g) du Règlement sur l'exploitation minière. Les rapports de vérification ont donc été modifiés et, par conséquent, certaines déductions réclamées par la demanderesse ont été refusées.

[7]                 Ces refus de certaines déductions essuyés par la demanderesse ont entraîné l'établissement de projets de cotisation de redevance à l'égard de la demanderesse fondés sur les ajustements au calcul de l'allocation d'amortissement, et ce, pour les années 1992, 1993 et 1994. Les détails de ces projets de cotisation ont été communiqués à la demanderesse par lettre datée du 4 décembre 1997.


[8]                 Le total du montant supplémentaire compris dans ces projets de nouvelles cotisations s'élevait à 546 564 $ de redevances.

[9]                 La demanderesse s'est vu accorder un délai de 30 jours, à compter du 4 décembre 1997, pour faire des commentaires sur les rapports de vérification, à défaut de quoi, des cotisations de redevances minières, fondées sur les rapports de vérification préliminaires seraient émises pour les années 1992, 1993 et 1994.

[10]            Dans une lettre datée du 29 décembre 1997, la demanderesse a contesté les redressements après vérification envisagés relativement au calcul des allocations d'amortissement pour les biens utilisés à la production de la mine.

[11]            Les fonctionnaires du ministre, après avoir eu de nombreux entretiens avec la demanderesse, ont répondu dans une lettre datée du 1er octobre 1999. La lettre mentionnait ce qui suit : [traduction] « Compte tenu de ces vérifications, Echo Bay Mines Ltd. est, par les présentes, cotisée pour redevances minières en vertu de l'article 65 du Règlement sur l'exploitation minière au Canada, et ce, pour un montant de 546 564 $ » (le même montant que dans les cotisations envisagées).

[12]            La demanderesse a demandé une révision de cette cotisation en vertu de l'article 84 du Règlement sur l'exploitation minière, DORS/99-219.

[13]               Scott Murray, le conseiller principal (Législation) de la Direction des ressources minérales, Programme des affaires du Nord, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, a confirmé la cotisation au nom du ministre dans une lettre datée du 6 mars 2001.

[14]            Le ministre a interprété l'alinéa 65(8)g) de la manière suivante : un exploitant a le droit de déduire jusqu'à concurrence de 15 % du coût d'origine d'un bien amortissable à chaque année financière jusqu'à ce que 100 % du coût d'origine ait été réclamé en allocation d'amortissement.

[15]            Le ministre a rejeté l'interprétation qu'a donnée la demanderesse de l'alinéa 65(8)g). Les motifs invoqués par le ministre pour rejeter l'interprétation de la demanderesse sont énoncés dans les paragraphes qui suivent :

[traduction] La prétention de la société est énoncée au dernier paragraphe de la page 2 ainsi qu'au premier et deuxième paragraphes de la page 3 de la lettre de Taschuk. Si un bien nouvellement acquis coûte moins de 15 % du coût de l'ensemble des biens amortissables utilisés à la production de la mine, y compris ceux qui ont déjà été amortis, alors le bien nouvellement acquis peut être totalement amorti au cours de la première année. Il semble que la société comprenne mal les principes lorsqu'elle combine des biens amortissables avec des biens qui ont déjà été amortis, pour arriver à l'ensemble du coût pour l'exploitant des biens amortissables appartenant à la catégorie de biens. Je pense qu'il s'agit là d'un double calcul en ce sens qu'un bien qui a déjà été totalement amorti ne peut pas être amorti de nouveau et, par conséquent, n'est pas un bien amortissable en vertu de l'alinéa 65(8)g).


Il s'ensuit une absurdité si le coût d'origine des biens totalement amortis est inclus dans le calcul de l'allocation d'amortissement pour les biens de production nouvellement acquis. Les biens totalement amortis pourraient être utilisés à répétition afin de générer de l'allocation d'amortissement. Selon cette méthode, après un certain temps, les biens nouvellement acquis pourraient être totalement amortis durant l'année d'acquisition. On tendrait ainsi à surévaluer le coût réel de la production de la mine, à partir de laquelle la redevance est calculée, pour l'année financière en cause et pour les années financières subséquentes. Il en résulterait une sous-évaluation de la production de la mine et, par conséquent, la réduction ou l'élimination des redevances payables. Ce n'est pas ainsi que l'on doit interpréter l'alinéa 65(8)g).

J'estime que l'interprétation qu'a faite Echo Bay de l'alinéa 65(8)g) n'est pas convaincante. Pour que sa prétention soit retenue, l'alinéa 65(8)g) devrait être ainsi libellé :

                 g) l'allocation d'amortissement déterminée par l'exploitant ne dépassant pas 15 % par année, et 100 % de l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine. [En caractère gras dans l'original].

Si on avait utilisé la préposition « de » , il aurait été clair que les mots « et 100 % de l'ensemble » devaient se lire en relation avec « du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables » . Au lieu de cela, on a utilisé la préposition « dans » et il est clair que les mots « et 100 % dans l'ensemble » renvoient aux mots précédents « ne dépassant 15 % par année » , et leur apportent une limite. Je dois conclure que « ensemble » fait référence à une compilation des tranches individuelles d'allocation d'amortissement qui ont été utilisées dans les années antérieures.

Dossier du tribunal, à la p. 39.

Le ministre a-t-il commis une erreur dans son interprétation de l'alinéa 65(8)g) du Règlement sur l'exploitation minière?

[16]            L'alinéa 65(8)g) du Règlement sur l'exploitation minière en vigueur pendant la période en cause était ainsi libellé :



65(8) Pour déterminer la valeur de la production d'une mine au cours d'une année financière, il est permis de déduire les montants suivants :

                 ...

g) l'allocation d'amortissement déterminée par l'exploitant ne dépassant pas 15 % par année, et 100 % dans l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine; ...

65(8) The following deductions may be made in computing the value of the output of a mine for a fiscal year:

                 ...

(g) a depreciation allowance determined by the operator, not exceeding 15 per cent per year and 100 per cent in the aggregate of the cost to the operator of the depreciable assets used in the production of the output of the mine; ...


[17]            La question qui se pose dans la présente cause a trait aux interprétations différentes de l'alinéa 65(8)g) du Règlement sur l'exploitation minière avancées par les parties. Afin de faciliter la compréhension de la présente cause, j'ai résumé ci-après les positions des parties.

  

Position de la demanderesse

[18]            La demanderesse prétend que le ministre a commis une erreur dans son interprétation des dispositions de l'alinéa 65(8)g) du Règlement sur l'exploitation minière. Selon la demanderesse, les mots « ne dépassant pas 15 % par année » et les mots « et 100 % dans l'ensemble » font référence au coût pour l'exploitant des biens amortissables utilisés à la production de la mine. Par conséquent, l'allocation d'amortissement ne peut pas dépasser 15 % par année du coût pour l'exploitant des biens amortissables utilisés à la production de la mine et 100 % de l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine.


[19]            Suivant cette interprétation, tous les biens amortissables sont classés dans une catégorie. Si un bien amortissable cesse d'être utilisé dans la production de la mine, son coût d'origine est soustrait de la catégorie amortissable. De même, si l'exploitant commence à utiliser un bien nouvellement acquis dans le processus de production, le coût de ce bien pour l'exploitant est ajouté à la catégorie amortissable. Chaque année, dans le calcul de la redevance, l'exploitant peut déduire une allocation d'amortissement qui ne dépasse pas 15 % du solde de la catégorie amortissable. Cette allocation est assujettie à la restriction suivante : le montant total cumulatif déduit ne peut pas dépasser 100 % de la catégorie de biens amortissable.

[20]            De plus, lorsque le total des allocations d'amortissement réclamées par un exploitant sur une période de sept ou huit ans a atteint la limite de 100 % et lorsque l'exploitant acquiert par la suite un nouveau bien amortissable, le nouveau bien peut être complètement amorti dans l'année au cours de laquelle il a été acquis. Cela est cependant assujetti à la restriction selon laquelle le coût du bien doit être égal ou inférieur à 15 % du coût de l'ensemble des biens amortissables de la mine alors utilisés dans la production, y compris les biens qui ont déjà été amortis.

[21]            La demanderesse prétend que cette interprétation ne mène pas à un résultat absurde, et ce, en raison de la nature de l'industrie minière. Après sept ou huit ans, une mine est considérée comme étant plutôt vieille, ce qui signifie qu'avec chaque année qui passe, l'avenir de la mine devient de plus en plus incertain. Si un exploitant acquiert des biens supplémentaires pour assurer la subsistance de la mine, il devrait avoir le droit de récupérer son capital. Si l'exploitant est obligé d'amortir les biens sur une période supplémentaire de sept ou huit ans, il se peut qu'il consomme le bien dans l'exploitation sans bénéficier de l'amortissement.

[22]            La demanderesse prétend que son interprétation de l'alinéa 65(8)g) est conforme à l'objectif du Règlement sur l'exploitation minière. En plus de prévoir le prélèvement de redevances sur les opérations minières, le Règlement sur l'exploitation minière encourage l'investissement en accordant une allocation d'amortissement. Cet équilibre entre les intérêts commande une interprétation large et généreuse des dispositions relatives à l'amortissement.

La position du défendeur

[23]            Le défendeur prétend que l'alinéa 65(8)g) relatif à l'allocation d'amortissement prévoit que seulement une partie du coût des biens amortissables pour l'exploitant utilisés dans son opération minière peut être déduit à chaque année financière lors du calcul du montant de redevance dû par l'exploitant. À chaque année, au fur et à mesure que les biens amortissables sont utilisés et qu'ils sont peu à peu consommés au cours de l'exploitation de la mine, jusqu'à concurrence de 15 % de leur coût peut être déduit, et ce, jusqu'à ce que les biens amortissables soient complètement amortis.


[24]            Selon le défendeur, l'alinéa 65(8)g), dans son sens ordinaire, permet de réclamer une allocation d'amortissement annuelle maximale pour un bien amortissable égale à 15 % de son coût, à partir de l'année au cours de laquelle le bien a été acquis, et ce, jusqu'à ce que le bien ait été complètement amorti. En d'autres mots, l'exploitant peut déduire jusqu'à concurrence de 15 % du coût d'origine du bien amortissable au cours de chaque année financière jusqu'à ce que 100 % du coût d'origine ait été réclamé à titre d'allocation d'amortissement. C'est ce que les comptables appellent la méthode de l'amortissement « linéaire » . Si on utilise la méthode de l'amortissement linéaire au taux de 15 % par année, un bien amortissable sera complètement amorti après une période d'environ sept années financières.

[25]            Suivant cette interprétation, il est possible de réclamer une allocation d'amortissement de 15 % à l'égard du coût des biens de production au cours de la première année durant laquelle les redevances sont dues. Une allocation d'amortissement de 15 % peut être réclamée pour chacune des années, allant de la deuxième à la sixième année; au cours de la septième année, une allocation d'amortissement de 10 % peut être réclamée. Après les sept années, les biens de production utilisés au cours de la première année auront été amortis à 100 %. Si des biens de production supplémentaires sont achetés au cours de la cinquième année, une allocation d'amortissement de 15 % peut être réclamée pour les nouveaux biens au cours de chacune des années, allant de la cinquième à la dixième année et le 10 % qui reste peut être réclamé au cours de la onzième année. Par conséquent, les biens acquis dans une année sont amortis séparément, sans tenir compte des biens acquis au cours des autres années.

Analyse et décision


[26]            Les questions d'interprétation donnent normalement lieu à l'application de la norme de contrôle fondée sur la décision correcte. Toutefois, dans l'arrêt Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), [2002] A.C.S. no 9, au paragraphe 61, la Cour suprême du Canada a affirmé que « ... les questions de droit découlant de l'interprétation d'une loi située dans le domaine d'expertise du tribunal administratif exigeront aussi une certaine retenue » . La Cour a cité le juge Bastarache qui avait fait remarquer ce qui suit dans l'arrêt Pushpanathan c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 37 :

[...] il peut convenir de faire preuve d'un degré élevé de retenue même à l'égard de pures questions de droit, si d'autres facteurs de l'analyse pragmatique et fonctionnelle semblent indiquer que cela correspond à l'intention du législateur [...] Toutefois, en cas d'ambiguïté des autres facteurs, les cours de justice doivent faire preuve de moins de retenue à l'égard des décisions qui portent sur de pures questions de droit.

[27]            Dans la présente cause, il est vrai que le représentant du ministre possède une certaine expertise en ce qui a trait aux questions relatives à l'application du Règlement sur l'exploitation minière. Toutefois, l'interprétation de l'alinéa 65(8)g) ne nécessitait pas de connaissances techniques ou scientifiques particulières (Gerle Gold Ltd. c. Golden Rule Resources Ltd., [2001] 1 C.F. 647 (C.A.)). Par conséquent, à mon avis, la décision correcte est la norme de contrôle appropriée.

[28]            Après avoir examiné les prétentions des parties, je suis d'avis que l'interprétation qu'il convient de donner est celle que le défendeur propose.

[29]            J'adopte cette position pour les raisons suivantes :


[30]            D'abord, je suis d'avis que la demanderesse a mal interprété l'alinéa 65(8)g) quant à la déduction des biens amortissables. La demanderesse prétend que le coût total de l'ensemble des biens amortissables utilisés à la fin de son année financière, y compris les biens qui ont déjà été complètement amortis, peut être utilisé pour la détermination du plafond de 15 % de son allocation d'amortissement annuelle. De plus, elle prétend qu'un exploitant de mine peut déduire jusqu'à 100 % du coût d'une nouvelle immobilisation dans l'année de son acquisition, en autant que ce montant ne dépasse pas 15 % des coûts d'origine des biens utilisés, y compris les biens qui ont pu être complètement amortis.

[31]            À mon avis, cette interprétation est contraire aux mots utilisés à l'alinéa 65(8)g). Cette disposition ne permet qu'une allocation en rapport avec les « biens amortissables » . Un bien qui a déjà été complètement amorti ne peut pas être amorti d'avantage et par conséquent il n'est pas un bien amortissable.    

[32]            Si j'adoptais la position de la demanderesse, cela aurait pour effet de créer une absurdité en ce sens qu'un bien qui a déjà été complètement amorti pourrait être utilisé à répétition par l'exploitant afin d'augmenter le solde de la catégorie de biens amortissables, ce qui aurait pour effet d'augmenter le montant de l'allocation d'amortissement admissible. Il est manifeste dans la déclaration suivante que le ministre a entrevu cette possibilité :

[traduction] Il s'ensuit une absurdité si le coût d'origine des biens totalement amortis est inclus dans le calcul de l'allocation d'amortissement pour les biens de production nouvellement acquis. Les biens totalement amortis pourraient être utilisés à répétition afin de générer de l'allocation d'amortissement. Selon cette méthode, après un certain temps, les biens nouvellement acquis pourraient être totalement amortis durant l'année d'acquisition. On tendrait ainsi à surévaluer le coût réel de la production de la mine, à partir de laquelle la redevance est calculée, pour l'année financière en cause et pour les années financières subséquentes. Il en résulterait une sous-évaluation de la production de la mine et, par conséquent, la réduction ou l'élimination des redevances payables. Ce n'est pas ainsi que l'on doit interpréter l'alinéa 65(8)g).


[33]            Je suis d'accord avec la demanderesse pour affirmer que le Règlement sur l'exploitation minière est un texte de loi qui tente d'équilibrer les intérêts de diverses parties et que, par conséquent, ses dispositions devraient être interprétées largement. Toutefois, je ne peux pas accepter que le gouverneur en conseil ait pu vouloir que l'alinéa 65(8)g) permette que des biens complètement amortis puissent être utilisés à répétition par l'exploitant afin de créer de l'allocation d'amortissement.

[34]            Deuxièmement, je crois que l'interprétation du défendeur est exacte compte tenu du libellé particulier de la disposition en question. L'alinéa 65(8)g) mentionne que l'allocation d'amortissement calculée par l'exploitant ne peut pas dépasser « 15 % par année, et 100 % dans l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine » . À mon avis, la préposition « dans » qui est utilisée dans le membre de phrase « et 100 % dans l'ensemble du coût, pour l'exploitant » indique que le gouverneur en conseil voulait que le 15 % renvoie au taux d'allocation admissible par année, pour chaque bien pris individuellement.

[35]            La différence qui existe entre les prépositions « dans » et « de » a été un facteur important dans la décision du ministre. Il a déclaré ce qui suit :

[traduction] J'estime que l'interprétation qu'a faite Echo Bay de l'alinéa 65(8)g) n'est pas convaincante. Pour que sa prétention soit retenue, l'alinéa 65(8)g) devrait être ainsi libellé :

                 g) l'allocation d'amortissement déterminée par l'exploitant ne dépassant pas 15 % par année, et 100 % de l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine.


Si on avait utilisé la préposition « de » , il aurait été clair que les mots « et 100 % de l'ensemble » devaient se lire en relation avec « du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables » . Au lieu de cela, on a utilisé la préposition « dans » et il est clair que les mots « et 100 % dans l'ensemble » renvoient aux mots précédents « ne dépassant 15 % par année » , et leur apportent une limite. Je dois conclure que « ensemble » fait référence à une compilation des tranches individuelles d'allocation d'amortissement qui ont été utilisées dans les années antérieures.

[36]            Les déclarations du ministre concernant l'utilisation de la préposition « de » sont convaincantes et me confortent dans mon opinion que l'interprétation qu'il fait de l'alinéa 65(8)g) est exacte. Si on avait utilisé la préposition « de » au lieu de la préposition « dans » , alors on pourrait concevoir que les mots « 100 % de l'ensemble » puissent être interprétés comme renvoyant à tous les biens amortissables pris globalement.

[37]            Dans le Volume IV de la deuxième édition du Oxford English Dictionary, la préposition « in » ( « dans » ) est définie comme [traduction] « qui se rapporte à quelque chose ou qui a un lien avec quelque chose » . De même, le dictionnaire ITP Nelson Canadian Dictionary of the English Language définit la préposition « in » ( « dans » ) comme [traduction] « qui se rapporte à » . Par contre, ce dernier dictionnaire définit la préposition « of » ( « de » ) comme [traduction] « partie d'un total ou d'un ensemble » . Le dictionnaire Oxford English Dictionary, précité, mentionne qu'[traduction] « après un terme collectif, un mot quantitatif ou un mot désignant une chose qui a des parties composantes, « of » introduit la substance ou les éléments dont cette chose est constituée » .

[38]            J'applique ces définitions à la présente cause. Si on avait voulu que les mots [traduction] « 15 % par année, et 100 % » renvoient au montant de la valeur de tous les biens amortissables additionnés ensemble, il aurait fallu placer la préposition « of » ( « de » ) devant les mots « the aggregate [...] » ( « l'ensemble » ). L'utilisation de la préposition « of » ( « de » ) aurait indiqué que les mots 15 % par année et 100 % renvoyaient aux éléments qui suivaient, à savoir, dans le présent cas, « l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine » . Si on avait voulu adopter la position de la demanderesse, on aurait rédigé l'alinéa 65(8)g) de la manière suivante :

g) l'allocation d'amortissement déterminée par l'exploitant ne dépassant pas 15 % par année, et 100 % de l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine;

[39]            Toutefois, comme la préposition « of » ( « de » ) n'a pas été utilisée, je crois que les mots 15 % par année et 100 % ne renvoient pas à « l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine » . À mon avis, la préposition « in » ( « dans » ) qui précède les mots « l'ensemble [...] » et l'article « des » qui précède les mots « biens amortissables » divisent l'alinéa 65(8)g) en concepts différents. La préposition « in » ( « dans » ) précise que les mots 15 % par année et 100 % renvoient au coût pour l'exploitant (de chaque bien individuel). Toutefois, la préposition « of » (l'article « des » ) introduit un autre concept, à savoir que ce ne sont que les biens amortissables utilisés à la production de la mine qui peuvent faire l'objet de l'allocation d'amortissement.

[40]            Pour ces motifs, je suis d'avis que le ministre a correctement interprété la disposition en litige. L'alinéa 65(8)g) permet à un exploitant de déduire jusqu'à concurrence de 15 % du coût d'origine d'un bien amortissable au cours de chaque année financière jusqu'à ce que 100 % du coût d'origine ait été réclamé en allocation d'amortissement.

[41]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

     

                                                                     « Danièle Tremblay-Lamer »    

Juge

  

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :                 T-570-01

INTITULÉ :              ECHO BAY MINES LTD. c. LE MINISTRE DES

AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 12 septembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE TREMLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                                     Le 27 septembre 2002

   

COMPARUTIONS :

M. Carman McNary                                             POUR LA DEMANDERESSE

M. Kevin Kimmis                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fraser Milner Casgrain                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Edmonton (Alberta)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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