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Date : 20020703

Dossier : T-462-02

OTTAWA (ONTARIO), le mercredi 3 juillet 2002

En présence de monsieur le juge Lemieux

ENTRE :

                                   NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC.

                                                                 et NOVARTIS AG

                                                                                                                                        demanderesses

                                                                                  et

                                                            RHOXALPHARMA INC.

                                                   ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                               défendeurs

                                                                    ORDONNANCE

Pour les motifs indiqués, la demande de Rhoxal est rejetée avec dépens.

                                                                                                                                « François Lemieux »     

                                                                                                                                                                                                                                     

                                                                                                                                                          J U G E             

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.


Date : 20020703

Dossier : T-462-02

Référence neutre : 2002 CFPI 742

ENTRE :

                                   NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC.

                                                                 et NOVARTIS AG

                                                                                                                                        demanderesses

                                                                                  et

                                                            RHOXALPHARMA INC.

                                                   ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                               défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX


[1]                 RhoxalPharma Inc. (Rhoxal) demande à la Cour, en vertu du paragraphe 6(5) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), d'ordonner le rejet de la demande de Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. et de Novartis AG (Novartis), déposée le 18 mars 2002, en réponse à l'avis d'allégation signifié par Rhoxal relativement aux capsules molles de cyclosporine de 25 mg et de 50 mg destinées à être administrées par voie orale. La cyclosporine est un médicament immunosuppresseur, vendu au Canada et destiné aux receveurs de greffe. Dans son avis d'allégation, Rhoxal allègue, entre autres, la non-contrefaçon des lettres patentes canadiennes numéros 1,308,656 (le brevet 656), 1,322,150 (le brevet 150) et 2,072,509 (le brevet 509) ainsi que l'invalidité de la première revendication des brevets 150 et 509.

[2]                 Les demanderesses Novartis demandent à la présente Cour de rendre une ordonnance interdisant au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer à Rhoxal des avis de conformité (AC) relatifs à l'administration par voie orale de ses capsules de 25 mg et de 50 mg.

[3]                 Le paragraphe 6(5) du Règlement est rédigé comme suit :

6.(5) Lors de l'instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter la demande si, selon le cas :

a) il estime que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l'inscription au registre ou ne sont pas pertinents quant à la forme phonologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue pour laquelle la seconde personne a déposé une demande d'avis de conformité;

b) il conclut qu'elle est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement un abus de procédure. [Non souligné dans l'original.]

6.(5) In a proceeding in respect of an application under subsection (1), the court may, on the motion of a second person, dismiss the application

(a) if the court is satisfied that the patents at issue are not eligible for inclusion on the register or are irrelevant to the dosage form, strength and route of administration of the drug for which the second person has filed a submission for a notice of compliance; or

(b) on the ground that the application is redundant, scandalous, frivolous or vexatious or is otherwise an abuse of process.

[4]                 Rhoxal prétend essentiellement que Novartis tente de rouvrir des questions déjà tranchées par la Cour, soulignant que Novartis n'a pas contesté ses allégations de non-contrefaçon à l'égard des brevets 150 ou 509.

[5]                 Pendant l'audience, l'avocat de Rhoxal s'est engagé à retirer les allégations d'invalidité de la première revendication des deux brevets 150 et 509 si la présente requête était accueillie.

CONTEXTE

[6]                 La prétention de Rhoxal portant que Novartis tente de rouvrir des questions déjà tranchées par la Cour repose sur la décision du juge Tremblay-Lamer, en date du 1er mars 2001, qui a rejeté une demande d'interdiction de Novartis à l'égard de capsules de cyclosporine de 100 mg destinées à être administrées par voie orale avant l'expiration du brevet 656 intitulé « Hydrosol of Pharmacologically Active Agents and their Pharmaceutical Compositions Comprising Them » , accordé le 13 octobre 1992.

[7]                 La deuxième revendication du brevet 656 renvoie aux préparations pharmaceutiques :


[Traduction]

2. Une préparation pharmaceutique dont l'agent actif contient une cyclosporine, ladite préparation renfermant soit :

a) un hydrosol, dont les particules contiennent ledit agent actif sous forme solide, ont un diamètre de 1 à 10 000 nanomètres, et sont stabilisées de telle façon que leur distribution granulométrique demeure constante; ou b) la phase particulaire stabilisée de l'hydrosol ci-dessus sous forme sèche ou isolée.

[8]                 Dans l'instance devant le juge Tremblay-Lamer, l'avis d'allégation de Rhoxal indiquait que la fabrication, l'utilisation ou la vente de ses capsules de cyclosporine ne contreferait pas le brevet 656 parce que :

[Traduction] Nous avons à notre disposition des comprimés de cyclosporine sous forme de gel mou qui ne renferment pas d'hydrosol et, plus précisément, qui ne renferment pas l'hydrosol tel qu'il est décrit et revendiqué dans le brevet. Par conséquent, étant donné qu'au moins un élément essentiel de chaque revendication ne se trouve pas dans notre produit, le brevet n'est pas contrefait.

[9]                 Devant le juge Tremblay-Lamer, Novartis a admis que les capsules de Rhoxal ne contenaient pas d'hydrosol.

[10]            Malgré cette admission, Novartis a allégué que son brevet 656 serait contrefait directement ou indirectement par la vente des comprimés de Rhoxal parce que la deuxième revendication de brevet renvoie aux préparations pharmaceutiques indépendamment de la voie d'administration.

[11]            Le juge Tremblay-Lamer a résumé ainsi les arguments qui lui ont été présentés :


11 Les demanderesses déclarent qu'une « préparation pharmaceutique » peut exister sous plusieurs formes obtenues avant ou après l'ingestion. Pour que le brevet soit contrefait, le comprimé de la défenderesse en soi n'a pas à renfermer un hydrosol. Il y aura contrefaçon dans la mesure où un hydrosol est formé dans un milieu aqueux, à savoir l'ajout d'eau ou d'un fluide gastro-intestinal, en suivant les instructions du fabricant, par exemple, au moyen de l'ingestion.

12 Les demanderesses allèguent également que la défenderesse contrefait le brevet en incitant les patients et d'autres personnes à contrefaire celui-ci du fait qu'ils suivent les instructions qui sont jointes à ses comprimés.

13 La défenderesse soutient qu'il n'y a pas de contrefaçon du brevet, parce que, au moment où les comprimés sont vendus, il n'y a pas d'hydrosol.

14 La défenderesse affirme que la « préparation pharmaceutique » mentionnée dans la deuxième revendication de brevet ne s'applique pas à un hydrosol formé in situ. Il n'est nulle part fait mention d'un hydrosol formé in situ dans la divulgation ou dans les revendications de brevet.

15 La défenderesse allègue également qu'il ne peut pas y avoir incitation à la contrefaçon parce que ses comprimés ne contrefont pas le brevet. La défenderesse soutient que de toute façon les demanderesses n'ont pas établi qu'il en serait ainsi. [Non souligné dans l'original.]

[12]            Le juge saisi de la demande a dit qu'en l'espèce il s'agissait uniquement de savoir si la formation d'un hydrosol après ingestion d'une capsule constitue une contrefaçon du brevet.

[13]            Comme je l'ai déjà indiqué, elle a conclu que les capsules de Rhoxal ne constituaient pas une contrefaçon du brevet 656. C'est en interprétant la seconde revendication du brevet 656 qu'elle est arrivée à cette conclusion.

[14]            Le juge Tremblay-Lamer s'est exprimée ainsi :


34 Il n'est fait mention nulle part dans la divulgation ou dans les revendications de brevet d'un hydrosol se formant in situ. L'absence de pareille mention dans ce qui constitue par ailleurs une description complète de l'hydrosol, de ses avantages, de ses emplois et du procédé par lequel il est fabriqué permet de conclure que le brevet ne s'applique pas à une préparation pharmaceutique ingérée qui forme un hydrosol in situ.

35 La deuxième revendication ne dit rien au sujet des modalités d'administration et elle ne peut donc pas être limitée aux préparations pharmaceutiques destinées à être administrées par voie intraveineuse, mais je suis convaincue qu'un examen contextuel du brevet peut uniquement nous amener à conclure qu'il s'applique aux solutions avant l'ingestion.

[15]            Ni la divulgation ni les revendications du brevet ne renvoient à un hydrosol formé in situ. L'absence de pareille mention dans ce qui constitue par ailleurs une description complète de l'hydrosol, de ses avantages, de ses utilisations et de son procédé de fabrication permet de conclure que le brevet ne s'applique pas à une préparation pharmaceutique ingérée qui forme un hydrosol in situ.

[35] La deuxième revendication ne dit rien au sujet des modalités d'administration et elle ne peut donc pas être limitée aux préparations pharmaceutiques destinées à être administrées par voie intraveineuse, mais je suis convaincue qu'un examen contextuel du brevet peut uniquement nous amener à conclure qu'il s'applique aux solutions avant l'ingestion.

[16]            Novartis a interjeté appel de la décision du juge saisi de la demande à la Cour d'appel fédérale, mais avant que l'appel ne soit entendu Rhoxal a obtenu, le 24 avril 2001, la délivrance d'un avis de conformité pour les capsules de 100 mg. Rhoxal a par la suite saisi la Cour d'appel fédérale d'une requête visant à faire rejeter l'appel de Novartis au motif qu'il était maintenant sans objet vu la délivrance de l'avis de conformité.


[17]            Novartis a contesté cette requête. Elle a allégué entre autres que l'appel n'était pas sans objet puisque la délivrance d'autres avis de conformité pour des dosages différents pourrait être interdite si l'appel était accueilli ou, subsidiairement, que Rhoxal invoquerait la décision du juge Tremblay-Lamer à l'appui de futurs avis d'allégation pour des dosages différents de cyclosporine.

[18]            Dans le mémoire écrit qu'elle a déposé devant la Cour d'appel fédérale sur la question de l'absence d'objet, Rhoxal a abordé la question des futurs avis d'allégation et du type de preuves requis à l'appui de tels avis. Rhoxal a écrit :

[Traduction]       

7 ...chacune de ces questions serait obligatoirement soumise à l'examen minutieux d'une cour de justice qui recevrait de nouvelles preuves pertinentes. Ainsi, il ne convient pas que le tribunal anticipe sur ces affaires.

15.Quoi qu'il en soit, advenant le dépôt d'autres procédures relatives à des avis de conformité, celles-ci seront tranchées selon la preuve présentée devant le tribunal au moment du dépôt. Que Novartis obtienne ou non gain de cause, un appel dans la présente affaire n'empêcherait pas Rhoxalpharma d'envoyer d'autres avis d'allégation ou Novartis d'y répondre par des procédures prévues pour les avis de conformité. [Non souligné dans l'original.]

[19]            Je répète que la Cour d'appel fédérale a, le 28 novembre 2001, rejeté l'appel de Novartis au motif qu'il était sans objet. Le juge en chef de la Cour fédérale a ainsi brièvement motivé sa décision :


[1] Compte tenu de l'arrêt rendu par notre Cour dans l'affaire Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., (2001) 11 C.P.R. (4th) 245 (C.A.F.) (requête en autorisation de pourvoi rejetée, Bulletin des procédures devant la Cour suprême du Canada, 28 septembre 2001), nous sommes d'avis que la requête visant à faire rejeter l'appel au motif que l'appel est sans objet devrait être accueillie. L'appel sera par conséquent accueilli et les dépens seront adjugés à Rhoxalpharma Inc.

[20]            Le 31 janvier 2002, Rhoxal a signifié à Novartis un avis d'allégation à l'égard des capsules molles de 25 mg et de 50 mg de cyclosporine destinées à être administrées par voie orale. Rhoxal a écrit :

(TRADUCTION) Nous confirmons que le contenu de la capsule et sa tunique sont essentiellement identiques au contenu et à la tunique des capsules de 100 mg. Les machines servant à leur fabrication sont les mêmes, ainsi que les conditions dans lesquelles elles sont fabriquées. En effet, pour les capsules de 25 mg et de 50 mg, la solution contenue dans la capsule est la même que pour les capsules de 100 mg. Les capsules de 25 mg et de 50 mg sont toutefois plus petites que celles de 100 mg. Plus précisément, les capsules de 25 mg contiennent le quart du poids de la solution contenue dans les capsules de 100 mg. De même, les capsules de 50 mg contiennent la moitié du poids de la solution contenue dans les capsules de 100 mg. Vu qu'il y a moins de solution, les tuniques des capsules de 25 mg et de 50 mg sont plus petites que celles des capsules de 100 mg, les capsules de 25 mg étant les plus petites.

Compte tenu des faits ci-dessus et de la décision de la Cour d'appel fédérale dans le dossier no. T-936-99 [¼] il est évident qu'il n'y a pas de contrefaçon. Toutefois, pour plus de certitude, nous sommes prêts à divulguer les instructions de fabrication des capsules de 25 mg et de 50 mg après entente habituelle de confidentialité.

[21]            En réponse à l'avis d'allégation de Rhoxal de janvier 2002, Novartis a présenté, le 18 mars 2002, la demande que Rhoxal cherche maintenant à faire rejeter.

[22]            Le paragraphe 11 de la demande de Novartis est rédigé comme suit :


[Traduction] La capsule de Rhoxalpharma contenant de la cyclosporine forme bel et bien un hydrosol quand elle est ajoutée à un milieu aqueux tel que l'estomac. Ainsi, lorsque le produit de Rhoxalpharma est ingéré par le patient, il y a formation d'un hydrosol selon la portée de la deuxième revendication du brevet 656.

ANALYSE

[23]            Dans sa plaidoirie écrite à la Cour, Rhoxal a déclaré qu'il n'y avait qu'une seule question en litige :

La demande de Novartis est-elle inutile, frivole ou vexatoire ou constitue-t-elle autrement un abus de procédure ?

[24]            Rhoxal a répondu à la question en affirmant que la demande de Novartis était sans mérite parce qu'il n'y avait plus rien à débattre étant donné que la question de la contrefaçon du brevet 656 avait déjà été tranchée par la présente Cour.

[25]            À l'appui de son affirmation que Novartis tentait de rouvrir une question déjà tranchée, Rhoxal s'est fondée sur la doctrine de la chose jugée et de l'irrecevabilité.

[26]            Toutefois, dans la plaidoirie qu'il a présentée devant moi, l'avocat de Rhoxal a renoncé à invoquer ces deux doctrines à l'appui de sa requête.

[27]            Si j'ai bien compris, le point central de la plaidoirie de l'avocat de Rhoxal est la tentative de Novartis de rouvrir une question que le juge Tremblay-Lamer a rejetée. Il a fait valoir que cette Cour ne devrait pas approuver la démarche de Novartis et qu'il importait peu que cette nouvelle instance soit considérée comme une demande inutile, frivole ou vexatoire ou comme constituant autrement un abus de procédure aux termes du paragraphe 6(5) du Règlement.

[28]            Pour l'essentiel, à mon avis, l'avocat de Rhoxal allègue que la demande de Novartis constitue un abus de procédure ayant pour seul but d'obtenir une suspension en vertu du Règlement. Novartis, dit-il, tente simplement de rouvrir une question déjà tranchée en présentant une nouvelle preuve.

[29]            L'argument de Rhoxal portant que Novartis tente d'étayer avec une meilleure preuve une question que le juge Tremblay-Lamer a déjà rejetée, à savoir que le brevet ne protégeait pas un hydrosol formé dans l'estomac d'une personne, et que cette Cour ne devrait pas approuver une telle démarche, est très convaincant.

[30]            Le juge Hansen de la Cour était de cet avis dans Glaxo Group Limited et al. c. Le ministre de la Santé et Apotex Inc., [2001] F.C.T. 16. Après avoir cité la décision du juge Rothstein dans Hoffman-La Roche Ltd. c. Canada (1998), 85 C.P.R. (3d) 50, elle a dit ceci :

16 Dans l'affaire Hofffman-LaRoche, précitée, les facteurs qui ont conduit le juge Rothstein à conclure qu'il y avait un abus de procédure sont analogues aux faits qui ont été portés à ma connaissance en l'espèce. Les demanderesses et les brevets sont les mêmes dans les deux instances, les avis d'allégation sont pratiquement identiques et les questions en litige ont été débattues et tranchées dans le cadre de la première instance. [La seule différence entre la première demande et la demande en l'espèce est que Glaxo estime qu'elle dispose d'une meilleure preuve à l'appui de ses prétentions.] Les plaideurs qui ont déjà plaidé et perdu un procès ne devraient pas être autorisés à introduire un nouveau procès sur la même question parce qu'ils ont obtenu de nouveaux éléments de preuve. Il s'agit là, à mon sens, d'un abus de procédure.

[31]            Lord Diplock, dans Hunter c. Chief Constable of West Midlands et al., [1981] 3 All.E.R. 727, a parlé d'abus des procédures de la High Court en ces termes à la page 729 :


[Traduction] Elle concerne le pouvoir inhérent dont tout tribunal de droit doit être investi de manière à empêcher une utilisation abusive de ses procédures d'une manière qui, bien qu'elle ne soit pas incohérente avec l'application littérale de ses règles de procédure, néanmoins serait manifestement injuste envers une partie dans le cadre d'un litige qui lui est soumis ou, autrement, aurait pour effet de jeter le discrédit sur l'administration de la justice parmi les gens bien-pensants. Les circonstances dans lesquelles un abus du droit au recours judiciaire peut émaner varient considérablement; celles qui peuvent donner lieu à un appel immédiat doivent sûrement être uniques. À mon avis, il serait plutôt mal avisé si la présente Chambre profitait de cette occasion pour dire quoi que ce soit qui pourrait être perçu comme un moyen de limiter à l'égard de catégories établies les genres de circonstances en vertu desquelles la Cour doit assumer une responsabilité (je nie l'emploi du mot « discrétion » ) en vue d'exercer ce pouvoir salutaire.

[32]            Dans Canam Enterprises Inc. c. Coles (2000), 51 O.R. (3e) 481 (C.A.O.), le juge Finlayson de la Cour d'appel de l'Ontario, s'exprimant pour la majorité, a dit ceci au sujet de l'abus de procédure, au paragraphe 31 :

[Traduction]

[31] Toutefois, nous ne sommes pas limités dans la présente instance à l'application du principe de l'irrecevabilité. La Cour peut encore utiliser la doctrine plus large de l'abus de procédure. L'abus de procédure est un principe discrétionnaire qui ne se restreint à aucune catégorie déterminée. C'est un principe intangible qui est utilisé en vue de faire obstacle à des procédures qui sont incompatibles avec les objectifs de l'intérêt public.   

[33]            Dans la même affaire, le juge Goudge a invoqué la notion d'abus de procédure aux paragraphes 55 et 56 :

[Traduction]

[55] La doctrine de l'abus de procédure engage le pouvoir inhérent du tribunal d'empêcher que ses procédures soient utilisées abusivement, d'une manière qui serait manifestement injuste envers une partie au litige, ou qui aurait autrement pour effet de discréditer l'administration de la justice. C'est une doctrine souple qui ne s'encombre pas d' exigences particulières telles que la notion d'irrecevabilité¼

[56] Un cas d'application de l'abus de procédure est lorsque le tribunal est convaincu que le litige a essentiellement pour but de rouvrir une question qu'il a déjà tranchée. Voir Solomon c. Smith, précité. C'est en se fondant sur l'abus de procédure que le juge Nordheimer a décidé de mettre un terme à la prétention d'une tierce partie.

[34]            À mon avis, la jurisprudence a établi les paramètres suivants en ce qui concerne la doctrine de l'abus de procédure :


(1) c'est une doctrine souple, qui ne se restreint à aucune catégorie;

(2) son objet est l'intérêt public, et elle doit être utilisée pour faire obstacle à des procédures qui sont incompatibles avec cet objet;

(3) son application dépend des circonstances et est gouvernée par les faits et le contexte;

(4) son but est de protéger les parties au litige contre des procédures abusives, vexatoires ou frivoles ou d'autrement prévenir une erreur judiciaire.

[35]            Je suis d'avis que la demande de Novartis déposée le 18 mars 2002 n'est pas un abus de procédure et qu'elle ne doit donc pas être rejetée en vertu du paragraphe 6(5) du Règlement.

[36]            Les circonstances entourant la demande déposée par Novartis sont uniques et ont pris naissance lorsque Rhoxal a réussi à faire rejeter, pour absence d'objet, l'appel interjeté par Novartis contre la décision du juge Tremblay-Lamer.

[37]            Je rappelle que, dans cette instance devant la Cour d'appel fédérale, Rhoxal a dit que si elle déposait de nouveaux avis d'allégations pour différents dosages de ses capsules de cyclosporine, Novartis pourrait répondre au moyen de nouvelles preuves dans une instance relative à un avis de conformité.


[38]            La demande de Novartis que Rhoxal cherche à faire radier est une réponse aux nouveaux avis d'allégation de Rhoxal à l'égard des capsules de cyclosporine de 25 mg et de 50 mg. Dans les circonstances, la demande de Novartis ne peut être vexatoire pour Rhoxal, injuste à son égard et elle ne peut discréditer l'administration de la justice.

[39]            Pour tous les motifs susmentionnés, la demande de Rhoxal est rejetée avec dépens.

                                                                                                                         « François Lemieux »     

                                                                                                                                                                                                                        

                                                                                                                                              J U G E             

OTTAWA (ONTARIO)

3 JUILLET 2002

   

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.


                                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                     T-462-02

INTITULÉ DE LA CAUSE :                      NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC. ET AL c. RHOXALPHARMA INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                          MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                        27 MAI 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE LEMIEUX en date du 3 juillet 2002

ONT COMPARU :

ANTHONY CREBER et

JENNIFER WILKIE                                   POUR LES DEMANDERESSES

MARTIN SHEENAN et

KARINE JEIZIL                            POUR LA DÉFENDERESSE RHOXALPHARMA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING LAFLEUR HENDERSON

OTTAWA (ONTARIO)                                POUR LES DEMANDERESSES

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN

MONTRÉAL (QUÉBEC)                          POUR LA DÉFENDERESSE RHOXALPHARMA

MINISTÈRE DE LA JUSTICE POUR LE MINISTRE DÉFENDEUR

SECTION DU LITIGE CIVIL

OTTAWA (ONTARIO)

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