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Date : 19980414


Dossier : IMM-1617-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 14 AVRIL 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :


AMIR ALI,


requérant,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


intimé.


O R D O N N A N C E

     Pour les motifs exposés, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l"affaire est renvoyée pour nouvelle audition devant des représentants de l"intimé autres que Vonne Solis et Mark Eichhorst.

                         " Max M. Teitelbaum "

                                     J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.


Date : 19980414


Dossier : IMM-1617-97

ENTRE :


AMIR ALI,


requérant,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


intimé.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle l"agent des visas Mark Eichhorst a refusé, le 15 avril 1997, de délivrer au requérant un permis de travail de trois ans. La demande de contrôle judiciaire a été entendue avec deux autres demandes, en l"occurrence les affaires IMM-1607-97 et IMM-1616-97. Les trois affaires ont de nombreux points communs mais j"ai rédigé des motifs distincts pour chacune des trois demandes de contrôle judiciaire.


LES FAITS

[2]      Le 29 mars 1996, le requérant, citoyen et résident pakistanais, a déposé une demande de permis de travail en même temps que M. Mehboob Ali (le requérant dans le dossier IMM-1616-97) et M. Muhammad Merchant (le requérant dans le dossier IMM-1607-97). Selon une lettre de l"avocat des requérants, jointe à la demande de permis, ils étaient tous trois cadres d"une entreprise pakistanaise de matières plastiques dénommée Wazir Pakistan. Les permis de travail demandés devaient leur permettre à tous trois de travailler au Canada pour Wazir Canada, filiale en propriété exclusive de Wazir Pakistan.

[3]      Le requérant et M. Mehboob Ali ont été interviewés le 3 mars 1997 au Haut commissariat du Canada à Islamabad (Pakistan). L"entrevue a été menée par l"agente d"immigration Vonne Solis, qui s"est prononcée sur un certain nombre de points, y compris le fait que Wazir Canada avait une existence purement formelle, que son conseil d"administration comprenait trois Canadiens, mais que la compagnie n"existait pas, concrètement, qu"elle n"avait aucun employé, et que le requérant et M. Amir Ali n"avaient pas vraiment l"intention d"entrer au Canada à titre provisoire. Selon le requérant, son entrevue n"a duré que dix minutes et Mme Solis lui aurait dit qu"elle avait déjà fait la connaissance de son frère, Mehboob Ali, et qu"elle ne voulait donc pas lui poser les mêmes questions. Le requérant a également indiqué qu"il pourrait peut-être, à l"avenir, vouloir immigrer au Canada. L"agente Solis en a conclu que le requérant n"était pas admissible à recevoir un permis de travail.

[4]      Les demandes déposées par les trois requérants ont été transmises à l"agent des visas, M. Eichhorst, qui a examiné le dossier et décidé qu"aucun des trois requérants n"était admissible à recevoir un permis de travail. Le 15 avril 1997, le requérant se voit refuser le droit de venir travailler au Canada considérant qu"il n"était pas parvenu à établir qu"il ne sollicitait l"entrée au Canada qu"à titre temporaire, vu l"absence de liens suffisamment forts au Pakistan pour garantir qu"il y retournerait.

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

1. Les prétentions du requérant

[5]      Le requérant fait valoir qu"on ne lui a pas communiqué les craintes de l"agent des visas ni celles de Mme Solis. Il affirme avoir été en mesure de démontrer l"existence de liens importants avec le Pakistan. Le requérant ajoute que s"il voulait effectivement que sa famille l"accompagne au Canada, il n"avait nullement l"intention d'y immigrer. Il affirme être très attaché aux membres de sa famille immédiate et avoir tout simplement voulu les avoir près de lui pendant son séjour ici. Le requérant soutient par ailleurs que s"il est vrai qu"il a utilisé des expressions telles que [TRADUCTION] " Un visa qui serait davantage un visa permanent " ou " Un visa autorisant une résidence de nature plus permanente ", il n"avait nullement l"intention d"immigrer au Canada. Le requérant estime que le fait de ne pas lui avoir communiqué les craintes des agents d"immigration est contraire à l"équité procédurale. Le requérant fait également valoir que Mme Solis a fondé sa décision sur des renseignements obtenus auprès du frère du requérant, renseignements qu"elle n"a pas portés à son attention. Ces renseignements extrinsèques expliqueraient également, semble-t-il, la brièveté de l"entrevue et le fait qu"on n"ait pas donné au requérant la possibilité de connaître les arguments qu"on opposait à sa demande.

[6]      Le requérant cite à l"appui de sa thèse l"arrêt Pangli c. Canada (M.E.I.) (1987), 4 Imm L.R. (2d) 266 (C.A.F.), dans lequel la Cour a conclu à l"erreur lorsque la décision finale revient à un agent des visas autre que celui qui a interviewé le requérant. Pour le requérant, cette manière de procéder est effectivement contraire au principe voulant que la décision soit prise par celui qui a entendu l"intéressé. Le requérant fait subsidiairement valoir que si l"agent des visas a fondé sa décision sur les conclusions qui lui ont été transmises par Mme Solis, la décision est nulle et non avenue puisque Mme Solis n"était pas agent des visas et qu"elle n"était pas habilitée à prendre la décision en cause.

[7]      Le requérant soutient également que cette erreur est d"autant plus grave que l"agent des visas s"est fondé sur des notes d"entrevue qui seraient, semble-t-il, ambiguës, incomplètes ou contredites par la preuve documentaire, ou les trois. D"après le requérant, aucune preuve documentaire ne permet de conclure que son séjour au Canada serait autre que temporaire. Il ajoute que Mme Solis n"aurait pas dû lui attribuer certains des propos de M. Mehboob Ali, étant donné qu'ils ont été interviewés séparément et que rien n"indique qu"ils aient fait des déclarations conjointes.

[8]      Le requérant relève également que, dans sa déclaration solennelle, Mme Solis affirme que le requérant a peut-être l"intention de rester au Canada, alors que M. Eichhorst, dans sa propre déclaration solennelle, affirme qu"il est possible que le requérant et sa famille restent au Canada en permanence. Or, pour le requérant, cette affirmation n"est nullement confirmée par la preuve. Le requérant estime en outre que le fait de fonder une décision sur de simples possibilités constitue une erreur de droit étant donné que le critère applicable est celui de la prépondérance des probabilités (Koltes c. Canada (M.C.I.) (1995), 26 Imm. L.R. (2d) 305 (C.F. 1re inst.)).

[9]      De plus, le requérant fait valoir que bien que dans leurs déclarations solennelles respectives, Mme Solis et l"agent des visas affirment que le requérant ne saurait bénéficier d"un permis de travail étant donné que l"entreprise visée n'a aucune existence concrète au Canada, ce n"est pas le motif qui a été invoqué dans la lettre de refus. Le requérant fait valoir, de façon subsidiare, qu"aucune règle n"exige que l"entreprise ait une existence concrète au Canada. La seule condition est qu"elle ait une existence constante et effective. Le requérant soutient que, c"est à tort que l"on considère que l'expression " constante et effective " veut dire la même chose que " établie " et que " compagnie " veut dire la même chose que " entreprise ". Le requérant estime qu"une compagnie peut avoir une existence constante et effective sans être pour cela une entreprise établie. En l"occurrence, Wazir Canada a une existence légale et des avoirs de 100 000 $, mais elle n"est pas une entreprise établie. C"est pourquoi le requérant estime que l"agent des visas a entravé l'exercice de son propre pouvoir discrétionnaire en ajoutant ces exigences supplémentaires.

[10]      Enfin, le requérant reproche à Mme Solis et à l"agent des visas de ne pas avoir examiné la demande de permis de travail à la lumière du Code 99 de dispense de validation, conformément à l"article 20 du Règlement sur l"immigration de 1978 (le Règlement). Le requérant soutient que l"entreprise en cause procurerait au Canada des avantages considérables et qu'elle s'inscrit dans la ligne de la politique du Canada énoncée dans le cadre de l"Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et de l"Accord général sur le commerce des services (AGCS).

2. Les prétentions de l"intimé

[11]      L"intimé fait valoir que l"agent des visas ne s"est fondé sur aucune preuve extrinsèque qui n"aurait pas été communiquée au requérant. L"intimé cite l"arrêt Shah c. Canada (M.E.I.) (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.) dans lequel le juge Hugessen a estimé que l"agent n"est pas tenu de faire part au requérant de ses conclusions provisoires ni des contradictions qu"il aurait pu relever. Même si l'arrêt Shah , précité, portait sur le cas d"un agent d"immigration exerçant son pouvoir discrétionnaire d'apprécier des motifs d"ordre humanitaire en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur l"immigration (la Loi), l"intimé soutient que ce principe s"applique également aux décisions discrétionnaires prises par un agent des visas (voir Covrig c. Canada (M.C.I.) (1995), 104 F.T.R. 41).

[12]      L"intimé affirme en outre que l"agent des visas n"étant aucunement tenu d"entendre lui-même le demandeur, il peut nommer un enquêteur chargé de rencontrer les parties et entendre et consigner leurs dépositions. L"intimé cite également la décision rendue dans l"affaire Alvarez c. Canada (Solliciteur général) , [1994] F.C.J. no 1870 (C.F. 1re inst.), dans laquelle le juge Wetston a estimé que le gestionnaire dont relevait l"agent d"immigration avait le droit de ne pas être en accord avec la recommandation formulée par ce dernier même si ce n"était pas le gestionnaire qui avait mené l"entrevue.

[13]      L"intimé estime que, pour plusieurs raisons, il y a lieu de faire une distinction entre la présente affaire et l'arrêt Pangli , précité. Tout d'abord, l"affaire Pangli portait sur une demande parrainée de droit d"établissement, cas dans lequel la loi fixe divers critères donnant naissance à certains droits. La présente affaire porte sur une personne qui demande l"autorisation d'entrer au Canada en tant que visiteur et qui n"a aucun droit particulier à faire valoir. En second lieu, la décision rendue dans l'affaire Pangli était fondée sur le fait que ni l'un ni l'autre agent des visas n'a tenté de faire la lumière sur une incohérence que contenait la preuve. L'intimé soutient qu'il n'y a pas d'incohérence de ce type en l'espèce. L'intimé fait remarquer que l'on a demandé au requérant de fournir des renseignements supplémentaires pour clarifier certains aspects de sa demande. L'intimé estime que les notes de Mme Solis, ainsi que la déclaration solennelle qu"elle a faite, démontrent que le requérant a eu l"occasion d"exposer les motifs qui le portaient à se rendre au Canada.

[14]      Pour ce qui est des erreurs alléguées par le requérant, l"intimé répond que les conclusions auxquelles est parvenu l"agent des visas étaient étayées par les éléments de preuve dont il disposait. L"intimé relève que, selon les notes prises par Mme Solis, le requérant et son frère semblent [TRADUCTION] " tout à fait intéressés à s"installer en permanence " et qu"ils [TRADUCTION] " entendent lancer l"entreprise en déménageant au [Canada] grâce à leur permis de travail, amenant leurs familles avec eux, et qu"ils ont peut-être l"intention de demeurer au Canada. " L'intimé prétend que le requérant essaie simplement de substituer sa propre interprétation de la preuve à la sienne.

[15]      L"intimé estime en outre que le requérant subtilise à l"excès en voulant faire une distinction entre une entreprise établie et une compagnie ayant une existence constante et effective.

[16]      Enfin, l'intimé relève que le requérant n'a présenté aucun élément de preuve concernant les perspectives d"emploi pour des Canadiens. Il fait valoir que le requérant était tenu de fournir de tels éléments de preuve.

ANALYSE

[17]      Avant d"aborder le fond de cette affaire, il me faut régler deux questions préliminaires. D"abord, le requérant soutient que du cinquième paragraphe en retrait mais non numéroté jusqu"au neuvième paragraphe du même ordre, la déclaration solennelle de de M. Eichhorst n"est pas admissible en preuve étant donné que son auteur déclare faire état de choses dont il a personnellement eu connaissance. Il est clair que les paragraphes en question ne peuvent pas être fondés sur des choses dont M. Eichhorst avait une connaissance personnelle, étant donné que cette connaissance provient nécessairement de la lecture des notes préparées par Mme Solis. Il convient de suivre l"arrêt Ethier c. Canada (Gendarmerie royale du Canada (GRC), Commissaire) , [1993] 2 C.F. 659 (C.A.F.) qui a adopté, en matière de ouï-dire, la méthode fondée sur des principes exposée dans l"arrêt R. c. Khan , [1990] 2 R.C.S. 531, et R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915. Les principes applicables sont la fiabilité de la preuve et la question de savoir si elle est indispensable. Il est clair qu"il n"était pas indispensable en l"espèce de reprendre cette preuve par ouï-dire. La preuve en question a déjà été produite devant la Cour dans les déclarations de Mme Solis. Par conséquent, du cinquième paragraphe en retrait non numéroté jusqu"au neuvième paragraphe, la déclaration solennelle de M. Eichhorst doit être jugée non admissible devant la Cour.

[18]      La deuxième question préliminaire est de savoir si les notes d"entrevue de Mme Solis doivent être admises en preuve, vu qu'elles n'ont été ni authentifiées comme étant effectivement ses notes, ni certifiées complètes, exactes et fidèles. Dans l"affaire Qiu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), [1997] A.C.F. no 619 (QL) (C.F. 1re inst.), le juge Pinard a écrit :

     J"ai indiqué clairement que j"étais d"accord avec l"objection préliminaire du requérant au sujet de l"admissibilité des notes de l"agente des visas, compte tenu des circonstances. À mon avis, l"avocat du requérant a eu raison de souligner que la Cour d"appel a statué, dans l"arrêt Wang c. M.E.I. , que ces notes en soi ne font pas partie de la preuve, en l"absence de déclaration faite sous serment quant à leur authenticité et à leur véracité.         

[19]      Je conviens que les notes d"entrevue prises par Mme Solis ne sont pas admissibles en preuve vu l'absence d"une déclaration sous serment attestant leur exactitude et leur véracité.

[20]      En ce qui concerne le fond de l"affaire, le premier moyen invoqué à l"appui de la demande de contrôle judiciaire est que l"agent des visas n"a pas fait connaître au requérant les éléments du dossier qui lui semblaient problématiques. Selon l"arrêt Muliadi c. Canada (M.E.I.) , [1986] 2 C.F. 205 (C.A.)), un agent des visas est tenu, en vertu de l'obligation d"équité qui lui incombe, de porter à la connaissance du requérant les préoccupations que la demande lui inspire et d"offrir à ce dernier l"occasion d"y répondre. Cependant, dans l"affaire Yu c. Canada (M.E.I.) (1990), 11 Imm. L.R. (2d) 176 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay a estimé, à la page 187 :

     À mon avis, il n"y a pas lieu d"invoquer l"iniquité dans le traitement de la demande simplement parce que l"agent des visas, au moment de l"entrevue de la requérante, n"a pas fait état de toutes ses préoccupations qui découlent directement de la Loi et du Règlement sur l"immigration, qu"il doit suivre scrupuleusement dans l"évaluation d"une demande. Ces documents sont à la disposition des requérants, qui doivent prouver à l"agent des visas qu"ils satisfont aux critères qui y sont définis et que leur admission au Canada y serait conforme.         

Le juge MacKay a repris cette opinion dans l"affaire Parmar c. Canada (M.C.I.) , [1997] A.C.F. no 1532 (C.F. 1re inst.).

[21]      À cet égard, le juge Muldoon a relevé, dans l"affaire Asghar c. Canada (M.C.I.) , [1997] A.C.F. no 1091 (C.F. 1re inst.), que :

     On ne sait pas encore trop dans quelles circonstances l"équité procédurale exige que l"agent des visas informe le requérant de ses préoccupations. [...] Il est possible de conclure, compte tenu des arrêts précités, que cette obligation ne prend pas simplement naissance du fait qu"après avoir sous-pesé la preuve, l"agent des visas n"est toujours pas convaincu du bien-fondé de la demande.         

[22]      Je suis convaincu que l"obligation de l'agent des visas d'informer le requérant de ses préoccupations est limitée. Étant donné qu'il doit établir, pour être admis au Canada, qu"il répond à certains critères, le requérant peut supposer que les préoccupations de l"agent des visas découleront directement de la Loi ou du Règlement. Cela ne veut pas dire que l"agent des visas doit garder le silence pendant l"entrevue alors que le requérant présente sa demande. L"agent des visas doit diriger l"entrevue et tenter d"obtenir les renseignements pertinents en ce qui concerne la demande. Cela veut dire, par exemple, que si le demandeur de visa de visiteur a présenté une preuve non concluante au soutien de sa prétention selon laquelle il entretient avec son pays d"origine des liens suffisamment forts pour garantir qu"il y retournera, l"agent des visas n"a pas à s"en ouvrir à lui. Une telle préoccupation découle directement de la Loi et du Règlement. Il serait peut-être souhaitable que l"agent des visas en fasse part au requérant mais, en ne le faisant pas, il n"enfreint aucunement l"obligation d"équité qui lui incombe.

[23]      Par ailleurs, le meilleur exemple d"un cas où l"agent des visas doit informer le requérant de ses préoccupations est lorsque l"agent des visas dispose d'éléments de preuve extrinsèques. En pareille circonstance, le requérant devrait avoir la possibilité de désabuser l"agent des préoccupations que pourraient susciter chez lui de tels éléments de preuve.

[24]      Bref, lorsqu"il convient d"interviewer un requérant pour évaluer sa demande, l"équité exige que l"agent des visas interroge le requérant de manière exhaustive sur les facteurs pertinents de la demande, et qu"il donne au requérant l"occasion de répondre aux allégations ou aux hypothèses dont il ne saurait, raisonnablement, avoir connaissance.

[25]      Je suis convaincu que le requérant n"a pas eu l"occasion de plaider sa cause. Mme Solis paraît lui avoir accordé une entrevue très brève et avoir présumé que les propos de M. Mehboob Ali valaient pour le requérant. Or, il est curieux de constater que, à l"inverse de ce qu"il en a été avec M. Mehboob Ali, le requérant s"est vu refuser un permis de travail au simple motif qu"il n"entretenait pas avec le Pakistan des liens suffisamment forts. Pour lui refuser un permis de travail, on n"a pas invoqué le motif supplémentaire qu"il n"était pas parvenu à démontrer que Wazir Canada est une entreprise constante et effective au Canada.

[26]      J"estime qu"on ne saurait attribuer au requérant les propos de M. Mehboob Ali pour en tirer des conclusions concernant les liens que le requérant entretient avec le Pakistan. C"est cela cependant qui semble s"être produit, comme le dit le requérant, qui affirme que Mme Solis lui avait bien dit ne pas vouloir lui poser des questions qu"elle avait déjà posées à M. Mehboob Ali.

[27]      Je suis convaincu que l"agent des visas ne s"est pas acquitté de l"obligation d"équité qui lui incombe, n"ayant guère donné au requérant l"occasion de plaider sa cause. J'estime que l"agent des visas s"est longuement entretenu avec M. Mehboob mais non avec le requérant. J"en conclus donc que la présente affaire peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire.

[28]      En ce qui concerne les autres motifs de contrôle judiciaire invoqués en l"espèce, certains ne s'appliquent pas. Étant donné que le refus d"un permis de travail était uniquement motivé par l"insuffisance des liens avec le Pakistan, les arguments développés par les parties au sujet de Wazir Canada n"ont guère de pertinence.

[29]      Il convient en outre de se demander si l"agent des visas a manqué à l'obligation d'équité qui lui incombait en déléguant à Mme Solis le soin d"assurer l"entrevue. Cette délégation se justifiait en l"occurrence, mais seulement dans la mesure où la décision finale appartiendrait à l"agent des visas. Cependant, ayant conclu que l"entrevue avec Mme Solis n"a pas donné au requérant l"occasion suffisante de se défendre sur la question des liens qu"il entretenait avec son pays d"origine, j'estime que le problème de la délégation n"a pas à être traité.

[30]      Le troisième motif invoqué à l"appui de la demande de contrôle judiciaire est que l"agent des visas a commis une erreur de fait en concluant que le requérant n"avait pas l"intention de venir au Canada à titre temporaire. Il ressort de la déclaration solennelle de Mme Solis que le requérant avait dit que [TRADUCTION] " il était possible qu"il veuille rester au Canada. " Cependant, comme je ne pense pas que Mme Solis ait tenté d"approfondir la question, j'estime que sa décision est susceptible de faire l'objet d'un contrôle judiciaire en raison d"un manquement à l'obligation d'équité.

CONCLUSION

[31]      Par ces motifs, j"accueille la demande de contrôle judiciaire présentée par le requérant car je suis convaincu qu'il y a eu un manquement à l'obligation d'équité.

[32]      L"affaire est renvoyée pour nouvelle audition devant des représentants de l"intimé autres que Vonne Solis et Mark Eichhorst.

                         " Max M. Teitelbaum "

                                     J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-1617-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              AMIR ALI c. LE MINISTRE DE LA
                             CITOYENNETÉ ET DE
                             L"IMMIGRATION
LIEU DE L"AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :                  Le 20 mars 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU :                      14 avril 1998

ONT COMPARU :

M. Lawrence L. Band                  POUR LE REQUÉRANT
M. Stephen H. Gold                      POUR L"INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

White, Wong and Associates              POUR LE REQUÉRANT

Toronto (Ontario)

George Thomson                      POUR L"INTIMÉ

Sous-procureur général

du Canada

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