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Date : 20040414

Dossier : T-884-03

Référence : 2004 CF 567

ENTRE :

MERCK & CO., INC. et

MERCK FROSST CANADA & CO.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

APOTEX INC. et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HARRINGTON

[1]                Une des grandes caractéristiques de notre société est le principe de la publicité des débats judiciaires. Il faut non seulement que justice soit rendue, mais encore qu'elle soit ainsi perçue. Les audiences de nos tribunaux sont publiques et les simples citoyens ont normalement accès aux documents qui sont produits au cours d'un procès. J'emploie le mot « normalement » parce que nous ne vivons pas dans un monde d'absolus. Presque tout principe souffre d'exceptions.


[2]                L'article 151 des Règles de la Cour fédérale permet à la Cour, si elle le juge opportun, de considérer certains documents ou élément matériels comme confidentiels et d'en restreindre l'accès, par dérogation au principe du droit du public à la publicité des débats judiciaires. En vertu de cet article, la protonotaire Milczynski a prononcé en l'espèce une ordonnance protégeant la confidentialité de certains documents et renseignements que les demanderesses (Merck, au pluriel) entendaient produire en l'espèce. La défenderesse Apotex a interjeté appel de cette ordonnance. Elle soutient que cette mesure est inutile. À titre subsidiaire, elle affirme que l'ordonnance est trop restrictive. Plus particulièrement, Apotex affirme que la protonotaire a eu tort en droit de prononcer une ordonnance permettant seulement aux avocats de consulter les documents et renseignements en question et l'empêchant de consulter certains des documents de Merck. Apotex soutient que cette ordonnance nuit à ses rapports avec son avocat, portant ainsi atteinte à un autre des principes qui caractérisent notre État de droit. Apotex s'insurge par ailleurs contre les restrictions qui lui sont imposées en ce qui concerne le choix des experts consultants qu'elle peut engager. Essentiellement, Merck doit approuver le choix de l'expert d'Apotex avant que les documents et renseignements visés par l'ordonnance de confidentialité puissent être communiqués à cet expert. Si les parties n'arrivent pas à résoudre leurs différends, l'ordonnance, dans son libellé actuel, oblige Merck à convaincre la Cour des raisons pour lesquelles les documents et renseignements protégés ne devraient pas être communiqués à l'expert.


[3]                L'article 51 des Règles de la Cour fédérale prévoit que l'ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge. L'ordonnance en question était discrétionnaire. Or, il est de jurisprudence constante que cette sorte d'ordonnance ne peut être annulée que si elle soulève des questions ayant une influence déterminante sur la solution des questions en litige au principal ou si elle est entachée d'une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur un mauvais principe ou sur une fausse appréciation des faits (Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, Z.I. Pompey Industrie c. Ecu - Ligne N. V., [2003] 3 R.C.S. 450, (2003) 224 D.L.R. (4th) 577 (C.S.C.), Merck & Co. c. Apotex Inc., [2003] A.C.F. no 1925, 2003 CAF 488).

[4]                L'ordonnance de la protonotaire Milczynski ne porte pas sur des questions ayant une influence déterminante sur la solution des questions en litige au principal et il semble qu'elle n'a pas mal apprécié les faits. En conséquence, son ordonnance doit être maintenue, à moins que l'exercice de son pouvoir discrétionnaire n'ait été fondé sur un mauvais principe.

[5]                L'ordonnance de confidentialité s'inscrit dans le cadre d'un procès portant sur un brevet. Le procès s'est ouvert par l'envoi par Apotex à Merck, conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), d'un avis d'allégation dans lequel Apotex précisait qu'elle avait déposé auprès du ministre de la Santé une demande portant sur des comprimés à administrer par voie orale qui étaient destinés au traitement et à la prévention de l'ostéoporose et au traitement de la maladie de Paget. Dans cette demande, Apotex affirmait que la fabrication et la vente de ses comprimés ne contreferaient pas les brevets canadiens de Merck. Apotex ajoutait que le brevet de Merck était invalide. Merck a répondu en saisissant notre Cour d'un avis de demande visant à faire interdire au ministre de délivrer un avis de conformité tant que le brevet ne serait pas expiré et à obtenir une ordonnance déclarant invalide l'avis d'allégation d'Apotex.


[6]                La décision de principe sur l'opposition entre le droit du public à la publicité des débats judiciaires et l'article 151 des Règles de la Cour fédérale est l'arrêt Énergie atomique du Canada Ltée c. Sierra Club du Canada et autres, [2002] 2 R.C.S. 523. Le juge Iacobucci, qui s'exprimait au nom de la Cour, a pris acte du critère utilisé dans les procès en matière de brevets. Voici ce qu'il dit, au paragraphe 14 :

Pour obtenir l'ordonnance, le requérant doit démontrer qu'il croit subjectivement que les renseignements sont confidentiels et que leur divulgation nuirait à ses intérêts. De plus, si l'ordonnance est contestée, le requérant doit démontrer objectivement qu'elle est nécessaire. Cet élément objectif l'oblige à démontrer que les renseignements ont toujours été traités comme confidentiels et qu'il est raisonnable de croire que leur divulgation risque de compromettre ses droits exclusifs, commerciaux et scientifiques.

[7]                Je suis convaincu que la protonotaire Milczynski ne s'est pas fondée sur de mauvais principes lorsque, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, elle a prononcé l'ordonnance de confidentialité. Ce qui me préoccupe, c'est l'aspect « consultation restreinte aux avocats » de l'ordonnance, ainsi que l'obligation faite à Apotex de préciser l'identité de ses experts et d'obtenir l'approbation de Merck ou, si Merck l'exige, d'obtenir une ordonnance de la Cour avant de pouvoir leur divulguer les documents et renseignements confidentiels.


[8]                Les ordonnances de confidentialité qui accordent aux seuls avocats le droit de consulter certains documents ne sont pas inconnues, mais elles sont fort inusitées. Dans le jugement Apotex Inc. et autres c. Wellcome Foundation Ltd., (1993) 51 C.P.R. (3d) 305 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay a évoqué trois considérations qui militent en faveur du prononcé d'une ordonnance de confidentialité en pareil cas. En premier lieu, il y a lieu de se demander si l'ordonnance proposée va dans le même sens que les ordonnances de confidentialité rendues par consentement des parties dans les instances parallèles aux États-Unis auxquelles les parties sont directement ou indirectement parties. Dans les cas d'instances parallèles, il est justifié de rendre une ordonnance de confidentialité raisonnablement comparable. En l'espèce, il y a une instance parallèle en cours aux États-Unis et le tribunal y a rendu une ordonnance de confidentialité semblable à celle qu'a prononcée la protonotaire Milczynski en l'espèce. Il importe toutefois de noter qu'Apotex n'est pas partie à l'instance introduite aux États-Unis.

[9]                La deuxième considération mentionnée par le juge MacKay est le fait que l'ordonnance doit permettre à la partie adverse de s'opposer à la désignation de tel ou tel document comme confidentiel. C'est la Cour qui doit décider, en dernier ressort, de la « déclassification » des renseignements classés confidentiels. Or, la protonotaire Milczynski a traité comme il se doit de la question de la « déclassification » dans son ordonnance.

[10]            La troisième considération porte sur la possibilité, pour la partie qui réclame l'ordonnance de confidentialité, que ses intérêts commerciaux ou scientifiques liés aux secrets industriels soient gravement compromis par une divulgation publique. Le juge MacKay a fait une comparaison avec les documents qui sont produits lors de l'enquête préalable et qui demeurent privés à cette étape du procès. Apotex soutient qu'une grande partie des renseignements visés par l'ordonnance de confidentialité font déjà partie du domaine public sous une forme ou une autre, mais je n'en suis pas convaincu, car la pratique bien établie consiste à s'en remettre à la bonne foi de la personne qui réclame l'ordonnance, sous réserve du droit de la partie adverse - en l'occurrence Apotex - de saisir la Cour d'une requête en déclassification de documents spécifiques.

[11]            Ainsi que le juge Strayer, plus tard juge à la Cour d'appel, l'a déclaré, dans le jugement Deprenyl Research Ltd. c. CanGuard Health Technologies Inc., (1992) 41 C.P.R. (3d) 228, une ordonnance limitant aux avocats la consultation de certains documents ne devrait être accordée que dans des circonstances exceptionnelles. C'est au requérant qu'il incombe de démontrer qu'il est nécessaire de frapper d'une restriction semblable la divulgation normale des renseignements. Dans l'arrêt Novopharm Ltd. c. GlaxcoGroup Ltd. et autres, (1998), 81 C.P.R. (3d) 185, la Cour d'appel fédérale a, sous la plume du juge Stone, expressément approuvé le jugement Deprenyl, précité, et s'est dite d'avis que ce type d'ordonnance constitue une grave entorse au droit que possède habituellement la partie adverse de prendre connaissance de tous les documents pertinents dans un procès. La partie qui réclame une telle mesure ne saurait se contenter d'affirmer que cette ordonnance est nécessaire.

[12]            Dans l'affaire Sierra Club, précitée, la Cour suprême examinait une ordonnance de confidentialité dont la seule interdiction portait sur la distribution au public des documents en litige. Il n'était pas question de nier le droit des autres parties de consulter les documents en question ou de soumettre les experts à des restrictions excessives. Ainsi que le juge Iacobucci l'a signalé, au paragraphe 78 :

Toutefois, dans les mains des parties et de leurs experts respectifs, les documents peuvent être très utiles pour apprécier la conformité du processus d'évaluation environnementale chinois, ce qui devrait aussi aider le tribunal à tirer des conclusions de fait exactes.

Il en va de même en l'espèce.

[13]            Les éléments de preuve qui ont été produits à l'appui de la demande ont été fournis par M. Jeffrey Spencer, directeur de la planification commerciale chez Merck Frosst Canada & Co. Il a déclaré sous serment que le marché du traitement et de la prévention de l'ostéoporose est concurrentiel et il a ajouté qu'il craignait que les concurrents de Merck soient avantagés sur le plan concurrentiel s'ils avaient accès aux renseignements confidentiels. Ses avocats l'ont informé que les pièces font partie du domaine public dès qu'elles sont versées au dossier de la Cour, et l'avocat américain de Merck lui a fait savoir qu'une ordonnance de confidentialité semblable avait été prononcée aux États-Unis relativement au même type de documents.

[14]            Ces affirmations « lapidaires » peuvent fort bien démontrer la nécessité d'une ordonnance de confidentialité, mais elles ne justifient nullement de nuire aux rapports normaux qu'entretiennent l'avocat et son client ou de porter atteinte au droit d'une partie au procès de consulter des experts extérieurs. Force m'est donc de conclure que la protonotaire Milczynski a commis une erreur de droit, du moins à cet égard. Aucune explication n'a été avancée pour justifier la crainte de Merck que les employeurs d'Apotex ou les experts indépendants qu'elle pourrait engager mettraient les renseignements confidentiels à la disposition du public et, plus particulièrement, à la disposition des concurrents de Merck. Il m'apparaît justifié de rendre une ordonnance semblable à celle qui a été prononcée aux États-Unis et qui vise les mêmes brevets ou des brevets semblables dans une affaire opposant les mêmes parties. Cependant, Apotex n'est pas partie au procès américain et on ne peut l'accuser de se servir du procès canadien pour se soustraire à une ordonnance de confidentialité prononcée aux États-Unis.

[15]            Le rôle que jouent les experts dans un procès est assez complexe. Un plaideur peut consulter un expert sans avoir jamais l'intention de le faire témoigner au procès. Un plaideur peut retenir les services d'un expert en vue de le faire entendre comme témoin, puis décider de ne pas l'assigner parce que son avis n'appuie pas sa cause. Aux termes des Règles de la Cour fédérale actuelles, il n'est pas nécessaire d'informer la partie adverse qu'un expert a été consulté ou de lui faire savoir qu'on entend le citer comme témoin. La seule obligation est celle de divulguer peu de temps avant le procès la teneur du témoignage de l'expert qu'on entend citer au procès.


[16]            Il faut se rappeler que l'expert qui comparaît comme témoin n'est pas le « porte-parole » de celui qui le paie pour ses services professionnels. On trouve une excellente définition du rôle du témoin expert dans l'arrêt National Justice Compania Riviera S.A. c. Prudential Assurance Co. Ltd. ("the Ikarian Reefer"), [1993] 2 Lloyd's Rep. 68. Dans cette décision, le juge Cresswell explique, en se fondant sur une jurisprudence solide qui a traversé l'Atlantique sans encombres, que le témoignage que l'expert donne devant le tribunal devrait être le fruit d'un travail effectué par cette personne à l'abri de toute influence quant à la forme ou au contenu du procès et que ce témoignage devrait être perçu ainsi. Le rôle du témoin expert consiste à éclairer la Cour en donnant un avis objectif et impartial sur des questions qui relèvent de son champ de compétence (à la page 81). La Cour d'appel d'Angleterre a infirmé la décision du juge Cresswell sans toutefois remettre en question sa conception du rôle du témoin expert. En appel, le lord juge Stuart-Smith (dont le jugement est publié à [1995] 1 Lloyd's Rep. 455) a fait remarquer que, dans son jugement, le juge Cresswell avait mentionné à deux reprises qu'un des experts n'avait pas été cité comme témoin. Il a exprimé sa surprise et a tenu compte de ce fait à l'encontre des défendeurs. La Cour d'appel a estimé qu'il n'aurait pas dû en tenir compte. Le fait que l'expert n'avait pas été appelé à la barre était dépourvu de toute pertinence [TRADUCTION] « et une explication entièrement satisfaisante a été avancée pour justifier la décision de ne pas l'assigner » . Suivant nos Règles actuelles, il n'est pas nécessaire de préciser l'identité des experts qui ont été consultés sans être appelés à témoigner. Il va sans dire qu'il n'est donc pas nécessaire de fournir quelque explication que ce soit.

[17]            Normalement, Merck ne saurait pas qui Apotex a consulté et n'aurait aucun droit de le savoir. Elle n'a avancé aucune raison pour justifier sa proposition qu'un expert qui a été mis au courant de l'ordonnance de confidentialité et qui a pris un engagement approprié transmettrait malgré tout ces renseignements au public et, plus particulièrement, aux concurrents de Merck, se rendant ainsi coupable d'outrage au tribunal.

[18]            Pour ces motifs, l'appel est accueilli en partie et l'ordonnance de confidentialité est modifiée. Les dépens suivront l'issue de la cause.

                                                                                                            « Sean Harrington »

                                                                                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 14 avril 2004

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.                     


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                      T-884-03

INTITULÉ :                                                    MERCK & CO., INC. et

MERCK FROSST CANADA & CO.

et

APOTEX INC. et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 5 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                               LE 14 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Allyson Whyte Nowak                                                  POUR LES DEMANDERESSES

Andrew Brodkin                                                POUR LA DÉFENDERESSE APOTEX

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault                                                   POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Goodmans srl                                                    POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)                                              APOTEX

Morris Rosenberg                                              POUR LE MINISTRE

Sous-procureur général du Canada                                DÉFENDEUR


Date : 20040414

Dossier : T-884-03

Ottawa (Ontario), le 14 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

ENTRE :

MERCK & CO., et MERCK FROSST CANADA & CO.

                                                                                  demanderesses

                                                     et

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

ORDONNANCE DE CONFIDENTIALITÉ

LA COUR, STATUANT SUR UNE REQUÊTE, présentée le 26 mars 2004 pour le compte de la défenderesse Apotex Inc. (Apotex) en vue d'obtenir les mesures suivantes :

1.                                                         Une ordonnance annulant l'ordonnance prononcée par la protonotaire Milczynski le 16 mars 2004 (l' « ordonnance de confidentialité » );


2.                                                         À titre subsidiaire, si la Cour est disposée à prononcer une ordonnance de confidentialité, l'annulation de l'ordonnance de confidentialité de la protonotaire Milczynski et son remplacement par une ordonnance analogue à celle qui est jointe à la requête à titre d'annexe A;

3.                                                         Les dépens de la présente requête au tarif que la Cour jugera opportun de fixer;

4.                                                         Toute autre réparation que la Cour jugera bon d'accorder.

ORDONNE CE QUI SUIT :

La requête présentée par Apotex Inc. pour faire appel de l'ordonnance prononcée par la protonotaire Milczynski le 16 mars 2004 est accueillie en partie;

L'ordonnance de confidentialité réclamée par Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada & Co., en tant que demanderesses, sera désormais libellée comme suit :

LA COUR, STATUANT SUR UNE REQUÊTE présentée pour le compte des demanderesses, Merck & Co., Inc. (Merck U.S.) et Merck Frosst Canada & Co. (Merck Canada) (collectivement appelées Merck), en vue d'obtenir une ordonnance protégeant la confidentialité de certains documents et renseignements qu'elles entendent produire dans la présente instance;

ATTENDU QUE les documents et les renseignements et objets que les demanderesses entendent produire ou présenter concernent des renseignements commerciaux confidentiels exclusifs;


ATTENDU QUE, de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible et de protéger l'intérêt légitime des demanderesses à assurer la confidentialité des renseignements confidentiels exclusifs qu'elles entendent communiquer;

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.                                                         Une ordonnance de confidentialité assortie des modalités suivantes est prononcée :

Définitions

a)         L'expression « renseignements confidentiels » s'entend des documents et des renseignements dont les demanderesses estiment, de bonne foi, que leur divulgation risque de nuire à leur compétitivité. Sont compris dans ces renseignements les documents et éléments matériels suivants :

(i)         les documents relatifs aux prix, coûts, dépenses et profits des demanderesses se rapportant au FOSAMAX® ainsi que les renseignements recueillis par les demanderesses se rapportant aux prix, coûts, dépenses et profits de produits compétitifs et/ou traitements y afférents;

(ii)        les documents se rapportant aux ventes de FOSAMAX® des demanderesses et aux renseignements recueillis par les demanderesses se rapportant aux prix, coûts, dépenses et profits de produits compétitifs et/ou traitements y afférents;


(iii)       les analyses de marché, sondages, prévisions, projets d'entreprise et documents de marketing stratégique relatifs au FOSAMAX® et aux produits compétitifs des demanderesses et/ou aux traitements y afférents;

b)         L'expression « renseignements confidentiels » s'entend notamment des documents produits dans la présente instance, au cours des interrogatoires ou autrement, des renseignements produits par des tiers dont les demanderesses sont tenues de respecter la confidentialité, des procès-verbaux d'audiences, et des choses et objets tangibles qui sont désignés comme comprenant ou qui comprennent des renseignements confidentiels. Les renseignements qui s'y trouvent ainsi que toute copie, extrait, analyse ou autre écrit qui contient, reprend, évoque ou révèle de toute autre façon les renseignements en question sont également réputés constituer des renseignements confidentiels. Les renseignements initialement désignés comme des renseignements confidentiels perdent cet attribut dès le prononcé de toute décision par laquelle la Cour leur retire ce qualificatif.

c)         Le terme « destinataire » s'entend de la personne à qui des renseignements confidentiels sont communiqués.

d)         L'expression « renseignements confidentiels » s'entend de tous les renseignements ainsi désignés par les demanderesses en l'absence d'ordonnance de la Cour ou d'entente écrite ultérieure des demanderesses prévoyant le contraire.


Désignation des renseignements confidentiels

2.         Les demanderesses désignent comme renseignements confidentiels tout document ou élément matériel qu'elles produisent et qui, selon ce qu'elles estiment, renferme des renseignements confidentiels. Pour ce faire, les demanderesses doivent apposer la mention « CONFIDENTIEL » sur tout document contenant des renseignements confidentiels. Lorsqu'ils sont produits en vue d'un examen, les documents et les objets peuvent collectivement être désignés, par lettre ou par un autre moyen, comme contenant des renseignements confidentiels destinés à être examinés, sans qu'il soit nécessaire d'apposer la mention « CONFIDENTIEL » sur ces documents et objets, qui seront alors considérés comme des renseignements confidentiels au sens de la présente ordonnance.

3.         Dans le cas où elles découvriraient, après avoir produit les renseignements, qu'elles ont par inadvertance produit des renseignements confidentiels qui n'ont pas été correctement désignés, les demanderesses peuvent désigner à nouveau les renseignements au moyen d'un avis écrit ultérieur indiquant avec précision les renseignements faisant l'objet de cette nouvelle désignation, et dès lors les parties traitent ces renseignements en conformité avec la présente ordonnance de confidentialité et font le nécessaire pour rectifier toute divulgation de ces renseignements qui est contraire à cette nouvelle désignation.

Divulgation de renseignements confidentiels

4.         Les renseignements désignés comme des renseignements confidentiels ne peuvent être divulgués qu'aux personnes suivantes :


a)          Les avocats, les employés et le personnel affiliés à l'un ou l'autre des cabinets d'avocats représentant les parties dans la présente instance;

b)                   Les avocats, les employés et le personnel représentant le ministre de la Santé dans la présente instance;

c)          Les avocats, les employés et le personnel interne d'Apotex Inc. qui ont besoin de prendre connaissance des renseignements désignés comme confidentiels aux fins de la présente instance, à condition qu'ils signent un engagement en la forme prévue au paragraphe 5;

d)         Les consultants et experts indépendants (et leur personnel) engagés par les avocats des parties en qualité de conseillers techniques ou de témoins experts aux fins de la présente instance, à condition qu'ils se conforment aux exigences du paragraphe 5;

e)          Les personnes mentionnées au paragraphe 13;

f)           La Cour, le personnel de la Cour et les sténographes judiciaires, dans la mesure où des renseignements confidentiels sont divulgués dans le cadre d'un interrogatoire ou d'une séance de la Cour dont le sténographe est chargé de transcrire les débats.

La liste qui précède (paragraphe 4) peut être complétée sur accord mutuel écrit des avocats des parties.


Utilisation et contrôle des renseignements confidentiels

5.          Aucun expert ou consultant désigné conformément à l'alinéa 4d) qui précède ne peut prendre connaissance des renseignements confidentiels sans avoir d'abord signé l'engagement suivant :

Je, soussigné, reconnais que j'ai lu l'ordonnance de confidentialité prononcée dans la présente action le 14 avril 2004, que j'en comprends les modalités, que j'accepte d'être lié par ses modalités et que j'accepte d'être assujetti à la compétence de la Cour fédérale pour toute question se rapportant à cette ordonnance de confidentialité. Je m'engage à traiter tous les renseignements désignés comme « confidentiels » en stricte conformité avec les modalités de la présente ordonnance de confidentialité, et je suis conscient que toute utilisation non autorisée des renseignements dont je prends connaissance m'expose à une condamnation pour outrage au tribunal.

            Les avocats conserveront une copie de cet engagement écrit, mais ne seront pas tenus d'en fournir copie aux autres avocats qui ne font pas partie de leur cabinet, sauf ordonnance contraire de la Cour.

6.         Le destinataire de tous les renseignements qui sont désignés comme des renseignements confidentiels conformément à la présente ordonnance et qui sont divulgués au cours du présent procès doit les utiliser exclusivement aux fins du présent procès et non à des fins commerciales ou concurrentielles. Il incombe à chaque partie et à chaque personne qui reçoit avis de la présente ordonnance de confidentialité de se conformer à la présente ordonnance dès qu'elle en prend connaissance.


7.         Tous les renseignements qui sont déclarés confidentiels conformément à la présente ordonnance de confidentialité et qui sont versés aux débats, ainsi que tout acte de procédure, requête ou autre écrit qui est déposé auprès de la Cour et qui a pour effet de divulguer des renseignements confidentiels doivent être déposés sous pli scellé et être conservés scellés jusqu'à ce que la Cour rende une autre ordonnance. Tous les documents et éléments matériels ainsi déposés auprès de la Cour doivent être revêtus de la mention appropriée précisant qu'ils sont « confidentiels » . Le greffe de la Cour ne doit pas mettre ces documents et éléments matériels à la disposition du public.

Dispositions diverses

8.         La présente ordonnance de confidentialité se veut un mécanisme de gestion de la divulgation et de la production de renseignements confidentiels qui ne font l'objet d'aucune autre opposition que celle relative à leur confidentialité. Les demanderesses se réservent le droit de s'opposer à la divulgation de tout renseignement ou à la production de tout document qui, selon ce qu'elles estiment, renferment des renseignements confidentiels en invoquant tout autre motif qu'elles pourraient juger opportun, et toute partie peut saisir la Cour d'une requête en vue d'être soustraite à ce mécanisme ou de le faire modifier de façon générale ou particulière ou d'être soustraite à l'application de la présente ordonnance dans un cas donné.

9.         La Cour peut modifier la présente ordonnance de confidentialité en ce qui concerne des documents ou des éléments déterminés renfermant des renseignements confidentiels. La présente ordonnance de confidentialité demeure exécutoire indéfiniment jusqu'à ce la Cour la modifie, la remplace ou y mette fin par ordonnance.


10.       Une fois que la présente action aura été tranchée de façon définitive (notamment à la suite de tous les appels), le destinataire doit, au choix des demanderesses, dans les trente (30) jours de cette décision définitive, détruire tous les renseignements confidentiels en sa possession ou les rendre aux demanderesses. Dans un cas comme dans l'autre, le destinataire doit désigner expressément les renseignements et éléments rendus ou détruits et certifier leur remise ou leur destruction. Un avocat extérieur de chacune des parties peut toutefois conserver une copie de chacun des documents suivants : les actes de procédure ou autre écrits déposés auprès de la Cour ou signifiés au cours du procès, les interrogatoires, les pièces versées aux débats et le procès-verbal d'audience.

11.        Nul ne doit divulguer ou laisser divulguer à toute autre personne que celles qui, selon le paragraphe 4, ont le droit de les recevoir, les renseignements désignés comme renseignements confidentiels aux termes de la présente ordonnance de confidentialité sans avoir d'abord obtenu le consentement écrit des demanderesses ou une ordonnance de la Cour. S'il apprend que les renseignements confidentiels qui lui ont été communiqués sont divulgués à toute autre personne d'une façon non autorisée par la présente ordonnance, le destinataire doit mettre sans délai les demanderesses au courant de tous les faits pertinents entourant cette divulgation et doit s'efforcer d'empêcher la divulgation de ces renseignements par chacune des personnes non autorisées qui a reçu ces renseignements.

12.       La présente ordonnance n'a pas pour effet d'empêcher quiconque de réclamer à la Cour toute autre réparation non précisée dans la présente ordonnance.


13.       La présente ordonnance n'a pas pour effet d'empêcher : a) les demanderesses de divulguer leurs propres renseignements confidentiels de toute manière qu'elles jugent appropriée; b) les avocats de toute partie de montrer ou d'utiliser des renseignements confidentiels dans le cadre d'un interrogatoire; c) la divulgation de renseignements confidentiels à toute personne qui en est l'auteur, en tout ou en partie, ou qui les a reçus dans le cadre de son travail, à condition que cette personne signe un engagement avant de les divulguer.

14.       La présente ordonnance n'a pas pour effet d'empêcher le destinataire d'affirmer (en vue d'obtenir de la Cour une ordonnance à cet effet) que la totalité ou une partie des renseignements confidentiels n'est pas confidentielle ou n'a pas droit à cette protection. Tout destinataire peut en tout temps demander aux demanderesses d'annuler ou de modifier la désignation de renseignements confidentiels en ce qui concerne tout document, objet ou renseignement. Cette demande doit être formulée par écrit, être signifiée à l'avocat des demanderesses et préciser les renseignements confidentiels qui, selon le destinataire, ne sont pas confidentiels, ainsi que les motifs à l'appui de cette affirmation. Si les demanderesses ne sont pas d'accord pour supprimer ou modifier la désignation de renseignements confidentiels, la partie qui affirme que ces documents ou renseignements ne sont pas confidentiels présente une requête en vue d'être soustraite aux restrictions imposées par la présente ordonnance aux documents ou renseignements en question. La production de documents et d'objets en vue de leur examen et reproduction n'emporte pas renonciation à la confidentialité, à un privilège ou à une immunité en matière de communication préalable de ces documents ou de tout autre renseignement.


15.       Toute production faite par inadvertance par les demanderesses de documents ou de renseignements protégés par le secret professionnel de l'avocat ou par le privilège des communications liées à une instance (malgré les mesures raisonnables prises par les demanderesses pour passer au crible ces documents et renseignements avant leur production) n'emporte pas renonciation au privilège du secret professionnel de l'avocat ou au privilège des communications liées à une instance si les demanderesses réclament la remise des documents ou renseignements en question peu de temps après qu'elles se rendent compte qu'elles les ont produits par inadvertance.

16.        La présente ordonnance demeure exécutoire après la fin de la présente instance et continue à lier toutes les personnes à qui des renseignements confidentiels ont été divulgués selon ses modalités.

17.       Les dépens de la requête suivront le sort du principal, tant en première instance qu'en appel.

« Sean Harrington »

                                                                                                    Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.                       


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