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Date : 20040325

Dossier : IMM-370-03

Référence : 2004 CF 445

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

ENTRE :

                                                            RICHARD BORCSOK

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 17 décembre 2002 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) rejetant la demande d'asile de M. Richard Borcsok (le demandeur).


HISTORIQUE

[2]                Le demandeur est citoyen de la Hongrie. Sa demande de protection était basée sur une allégation de crainte d'être persécuté en raison de son appartenance à un groupe social criminel particulier.

[3]                La Commission n'a pas été convaincue que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger.

[4]                Le demandeur fait valoir que sa revendication a été entendue par un seul commissaire conformément aux dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Le Formulaire sur les renseignements personnels (FRP) du demandeur et son récit des faits ont été déposés auprès du greffe de la Commission de l'immigration du statut de réfugié le 15 mars 2002.

[5]                La LIPR est entrée en vigueur le 28 juin 2002.

[6]                Le 21 août 2002, conformément à l'article 44 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, le demandeur a déposé une demande afin que l'affaire soit entendue conformément aux dispositions de laLoi sur l'immigration, L.R.C. 1985 ch. I-2, et plus particulièrement, en conformité avec le paragraphe 69.1(7) de la Loi sur l'immigration selon lequel le quorum doit être constitué de deux membres. Cette demande a été rejetée.


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[7]                Les dispositions transitoires de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 7, édictent ce qui suit à l'article 191 :


191. Les demandes et procédures présentées ou introduites, à l'entrée en vigueur du présent article, devant la Section du statut de réfugié sont, dès lors que des éléments de preuve de fond ont été présentés, mais pour lesquelles aucune décision n'a été prise, continuées sous le régime de l'ancienne loi, par la Section de la protection des réfugiés de la Commission.

191. Every application, proceeding or matter before the Convention Refugee Determination Division under the former Act that is pending or in progress immediately before the coming into force of this section, in respect of which substantive evidence has been adduced but no decision has been made, shall be continued under the former Act by the Refugee Protection Division of the Board.


[8]                Le paragraphe 69.1(7) de la Loi sur l'immigration stipule que deux membres doivent entendre une demande à moins que, conformément au paragraphe 69.1(8), le demandeur y consente :


(7) Le quorum de la section du statut lors d'une audience tenue dans le cadre du présent article est constitué de deux membres.

...

(7) Subject to subsection (8), two members constitute a quorum of the Refugee Division for the purposes of a hearing under this section.

...

(8) Si l'intéressé y consent, son cas peut être jugé par un seul membre de la section du statut; le cas échéant, les dispositions de la présente partie relatives à la section s'appliquent à ce membre et la décision de celui-ci vaut décision de la section.

(8) One member of the Refugee Division may hear and determine a claim under this section if the person making the claim consents thereto, and the provisions of this Part apply in respect of a member so acting as they apply in respect of the Refugee Division, and the disposition of the claim by the member shall be deemed to be the disposition of the Refugee Division.


[9]                L'article 163 de la LIPR stipule que les revendications peuvent être entendues par un seul commissaire :


163. Les affaires sont tenues devant un seul commissaire sauf si, exception faite de la Section de l'immigration, le président estime nécessaire de constituer un tribunal de trois commissaires.

163. Matters before a Division shall be conducted before a single member unless, except for matters before the Immigration Division, the Chairperson is of the opinion that a panel of three members should be constituted.



LA QUESTION EN LITIGE

[10]            Le demandeur soulève la question suivante :

L'audience aurait-elle dû être menée en vertu des dispositions de la Loi sur l'immigration, plutôt qu'en vertu des dispositions de la LIPR?

ARGUMENTS

Le demandeur

[11]            Le demandeur a fait valoir qu'aux fins de l'article 191 de la LIPR, son FRP et son récit des faits constituent des _ éléments de preuve de fond _ et que l'article 191 dictait que l'affaire soit entendue en vertu des dispositions de la Loi sur l'immigration.

[12]            Le demandeur fait remarquer que le paragraphe 69.1(7) de la Loi sur l'immigration prévoit que deux membres doivent entendre une revendication à moins que, conformément au paragraphe 69.1(8), le demandeur consente à ce qu'il en soit autrement.

[13]            Le demandeur fait remarquer qu'il n'a pas consenti à ce que sa revendication soit entendue par un tribunal constitué d'un seul membre.

[14]            Le demandeur affirme que l'audience aurait dû avoir lieu devant un tribunal constitué de deux membres, conformément aux dispositions de la Loi sur l'immigration. Par conséquent, la Commission a commis une erreur en rendant sa décision en vertu des dispositions de la LIPR.

Le défendeur

[15]            Le défendeur fait valoir que la Commission a agi dans les limites de sa compétence en faisant instruire l'affaire par un seul commissaire, conformément à la LIPR.

[16]            L'argument du défendeur est que le demandeur n'a présenté aucun élément de preuve de fond avant le 10 septembre 2002, date de l'audience. Le simple fait de déposer un FRP ne constitue pas la présentation d'éléments de preuve de fond et il n'oblige nullement la Commission à agir en vertu de la Loi sur l'immigration. Un élément de preuve de fond est réputé avoir été présenté quand il a été présenté ou introduit comme tel à l'audience, ce qui, en l'espèce, ne s'est pas produit avant le 10 septembre 2002 (Hernandez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 162 N.R. 391 (C.A.F.) et Martin c. St. Lawrence Cement Co. et al., [1968] 1 O.R. 94 (C.A. Ont.)).


[17]            Le défendeur affirme que la décision Isufi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), 2003 C.F. 880 (1re inst.) rendue récemment par la juge Tremblay-Lamer cadre parfaitement avec la question dont la Cour est saisie et qu'elle a un effet déterminant sur cette question. En effet, dans la décision Isufi, précitée, la juge Tremblay-Lamer a conclu que le dépôt d'un FRP ne constitue pas une preuve de fond présentée dans le cadre de la procédure. Un élément de preuve n'est réputé avoir été présenté que s'il a été constaté au dossier et inscrit comme pièce lors de l'audience :

6.       Le demandeur affirme d'abord que la Commission a outrepassé sa compétence en introduisant l'affaire devant un commissaire unique.

7.      L'article 191 de la Loi est ainsi formulé :

191. Every application, proceeding or matter before the Convention Refugee Determination Division under the former Act that is pending or in progress immediately before the coming into force of this section, in respect of which substantive evidence has been adduced but no decision has been made, shall be continued under the former Act by the Refugee Protection Division of the Board.

* * *

191. Les demandes et procédures présentées ou introduites, à l'entrée en vigueur du présent article, devant la Section du statut de réfugié sont, dès lors que des éléments de preuve de fond ont été présentés, mais pour lesquelles aucune décision n'a été prise, continuées sous le régime de l'ancienne loi, par la Section de la protection des réfugiés de la Commission.

8.       Selon le demandeur, l'audience aurait dû se dérouler sous le régime de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi sur l'immigration), étant donné que des preuves de fond avaient été produites, notamment le FRP du demandeur et les documents du demandeur, avant l'entrée en vigueur de la Loi.

9.       Selon le demandeur, il était nécessaire qu'il consente expressément à une instruction de l'affaire devant un commissaire unique, en application des paragraphes 69.1(7) et (8) de la Loi sur l'immigration. La décision n'indique nulle part que le demandeur avait donné tel consentement. La Commission a donc outrepassé sa compétence en instruisant la revendication du demandeur sans son consentement devant un commissaire unique. Je ne suis pas de cet avis.

10.       Le dépôt d'un FRP ne constitue pas une preuve de fond. Dans l'arrêt Aquino c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1992), 144 N.R. 315, la Cour d'appel fédérale avait jugé qu'un FRP qui avait été déposé, mais qui n'était pas constaté dans le dossier ni n'avait été inscrit comme pièce lors de l'audience ne pouvait être considéré comme un élément de preuve produit durant l'instance. Je reconnais que ces observations avaient été faites dans le cadre du paragraphe 68(3) de la Loi sur l'immigration, mais je suis d'avis qu'elles sont tout aussi applicables à l'alinéa 170h) de la Loi, les deux dispositions étant formulées de la même façon.

11.       En conséquence, la revendication du demandeur n'avait pas commencé avant l'entrée en vigueur de la Loi, et la Commission était compétente pour instruire l'affaire selon la Loi par l'entremise d'un commissaire unique.


[18]            Le défendeur fait valoir qu'en l'espèce, le FRP du demandeur n'a pas été _ présenté _ devant un tribunal particulier de la Section du statut de réfugié. Il a plutôt été reçu le 15 mars 2002, comme en atteste le timbre-dateur, et ce conformément à l'alinéa 14(2)b) des anciennes Règles de la section du statut de réfugié (en vigueur au moment où le demandeur a déposé son FRP).

[19]            Selon l'avis de convocation du demandeur, la date d'audience était le 10 septembre 2002, et le dossier certifié du tribunal indique qu'il s'agissait de la seule et unique date d'audience. Donc aucune audience n'a eu lieu avant le 28 juin 2002. Le défendeur fait valoir que, de toute évidence, aucun élément de preuve de fond n'a été présenté avant le 28 juin 2002.

[20]            Le point que fait valoir le défendeur est que, pris dans son ensemble, l'article 191 vise les situations où l'audience devant la Section du statut de réfugié a commencé avant le 28 juin 2002, des éléments de preuve ont été présentés, mais l'audience a été ajournée à une date ultérieure au 28 juin 2002. Ce n'est évidemment pas le cas du demandeur.

[21]            Le défendeur admet que le 1er août 2002, un membre de la Section du statut de réfugié a examiné le dossier du demandeur, en présence de ce dernier, afin de déterminer la date de l'audience, les questions en litige et d'évaluer la durée et la complexité de l'audience. Mais cette simple formalité ne constituait absolument pas le début de l'audience du demandeur devant la Section du statut de réfugié. Le défendeur a également fait valoir qu'on ne peut affirmer que le FRP a été présenté à un membre de la Section le 1er août 2002, parce que cela aurait donné lieu à un constat au dossier et à l'inscription d'une pièce.


ANALYSE

[22]            La présente demande fait appel à une interprétation des dispositions transitoires prévues à l'article 191 de la LIPR.

[23]            Le demandeur souligne qu'il y a une certaine ambiguïté jurisprudentielle quant à la signification que le législateur a voulu donner aux mots _ demandes _ et _ procédures _. Cela peut être vrai, mais la disposition exige bel et bien que des _ éléments de preuve de fond _ soient _ présentés _ et qu'aucune _ décision _ ne soit prise. Vu les faits de l'espèce, les seuls éléments de preuve de fond ont été présentés à l'audience du 10 septembre 2002.

[24]            J'estime donc que la présente affaire cadre exactement avec les décisions Aquino c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 144 N.R. 315 (C.A.F.), et Isufi, précitée, comme le défendeur l'a mentionné. La Commission a eu raison. Je crois que la loi est claire sur ce point et qu'aucune question ne doit être certifiée.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que

1.          La présente demande soit rejetée.

2.          Aucune question ne soit certifiée.

                                                                                 _ James Russell _             

                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Trad.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                   IMM-370-03

INTITULÉ :                                  RICHARD BORCSOK

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 9 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE RUSSELL

DATE :                                          LE 25 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Wennie Lee

POUR LE DEMANDEUR

Neeta Logsetty

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wennie Lee

Avocate

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR


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