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Date : 19991103


Dossier : T-1559-98


ENTRE :


KABUSHIKI KAISHA HATTORI SEIKO FAISANT AFFAIRE SOUS LA RAISON SOCIALE DE SEIKO CORPORATION,

     demanderesse,

                                            

     - et -



     IMPENCO LTD.,

     défenderesse.


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]      La demanderesse vend des montres en liaison avec la marque de commerce SEIKO par l"intermédiaire d"un réseau mondial de grossistes autorisés. Les grossistes vendent les montres à des détaillants qui, à leur tour, les revendent à des consommateurs. Les montres sont vendues dans des écrins fabriqués par divers fournisseurs suivant les spécifications de la demanderesse ou celles de ses grossistes autorisés. Les écrins portent la marque de commerce SEIKO de la demanderesse1.

[2]      La question essentielle à laquelle il faut répondre dans le présent appel est celle de savoir si la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission) agissant au nom du registraire des marques de commerce a commis une erreur en évaluant la preuve relative à la demande présentée par la demanderesse pour obtenir que l"état déclaratif des marchandises dans l"enregistrement de sa marque de commerce no 122,687 pour la marque de commerce SEIKO vise également les " écrins de montre ".

[3]      Vu l"opposition de la défenderesse à la demande présentée à la Commission, pour pouvoir faire droit à la demande, la Commission devait conclure à l"emploi continu de la marque de commerce SEIKO en liaison avec les écrins de montre dans la pratique normale du commerce depuis la date revendiquée2.

[4]      Pour que cette conclusion puisse être tirée, il fallait que la demanderesse prouve, à titre de question mixte de fait et de droit, qu"un écrin de montre est une marchandise indépendante de la montre qu"il contient. La Commission a refusé de tirer cette conclusion et, ce faisant, elle a dit ce qui suit :

[TRADUCTION] La demanderesse affirme qu"elle vend depuis les années 1970 non seulement des montres SEIKO, mais aussi des écrins de montre SEIKO puisque l"écrin est une partie du produit vendu. Elle prétend que la montre SEIKO et l"écrin SEIKO sont deux marchandises distinctes vendues comme une unité simple. Je ne suis pas d"accord. À la page 77 de la transcription de ses déclarations, M.Herzog [le président de la défenderesse] donne une description plus précise de la nature de l"opération en cause :
     ... les consommateurs n"achètent pas des écrins. Ils achètent une montre, et la montre est une montre SEIKO, et elle est présentée dans un écrin. Mes écrins ne sont pas à vendre. En d"autres termes, si vous placez des écrins dans un présentoir, personne ne les achètera.
La demanderesse vend des montres et l"écrin est simplement l"emballage de la montre. Comme l"a dit M. Cutler [premier vice-président de Seiko Canada] au paragraphe 32 de son affidavit :
Les coûts engagés soit pour que les écrins des montres SEIKO soient fabriqués au Canada, soit pour les importer au Canada, ont toujours été pris en compte dans le coût global de la montre SEIKO et son prix final.
L"énoncé qui précède est une admission implicite que le produit vendu sous la marque de commerce SEIKO est une montre et que l"écrin de montre est simplement l"emballage du produit. Comme l"a fait valoir le représentant de l"opposante à l"audience, l"écrin de la demanderesse portant la marque de commerce SEIKO sert à distinguer les montres de la demanderesse de celles d"autres compagnies.
Une bonne partie de la preuve produite par la demanderesse avait pour but de montrer que les consommateurs accordent de l"importance à l"écrin dans lequel les montres SEIKO de la demanderesse sont vendus. Ce fait ne permet toutefois pas de conclure que la marque a été employée pour des écrins de montres. Le fait que les consommateurs puissent aimer un certain emballage ne change rien à sa nature essentielle. Par exemple, le whisky CROWN ROYAL peut être vendu dans une bouteille distinctive, de fantaisie, que les consommateurs trouvent attrayante. Il se peut même que les consommateurs gardent les bouteilles une fois qu"elles sont vides. Mais le produit qu"ils achètent est du whisky , non des bouteilles. [Italique ajouté.]

[5]      L"extrait précédent, qui est tiré de la décision de la Commission, montre qu"outre l"énoncé direct par la demanderesse de son intention commerciale, deux opinions étaient en jeu dans la conclusion tirée par la Commission : celle de la défenderesse et celle de la Commission.

[6]      Je considère que l"énoncé par la demanderesse de son intention de vendre deux marchandises distinctes à un seul prix n"est pas assimilable à une " admission implicite " de quoi que ce soit. J"estime aussi que l"opinion de M. Herzog n"a guère de poids puisque l"on peut assez justement affirmer qu"elle est simplement celle d"une partie intéressée qui fabrique des écrins de montre, mais ne les vend pas au détail. Aucun de ces éléments de preuve ne constitue une preuve indépendante de ce qui importe réellement : que pense acheter le consommateur; une montre dans un écrin qui constitue simplement un emballage ou une montre dans un écrin qui constitue une marchandise distincte?

[7]      En refusant de tirer la conclusion requise, la Commission a accordé de l"importance à sa propre opinion. À mon avis, l"opinion de la Commission suivant laquelle les consommateurs achètent en réalité " du whisky, et non pas des bouteilles " lorsqu"ils achètent des montres et non pas des écrins de montre, est une hypothèse à moins qu"il ne puisse être démontré qu"elle est largement répandue sur le marché. En fait, suivant les nouveaux éléments de preuve qui ont été présentés lors du présent appel, je conclus que c"est là que la Commission s"est trompée3.

[8]      Le nouvel élément de preuve produit dans le présent appel est un avis professionnel indépendant qui établit à ma satisfaction que les consommateurs achètent bel et bien un écrin de montre comme une marchandise distincte. Dans ce que la demanderesse décrit comme une [TRADUCTION] " méthode technique " d"évaluation du marché, Mme Ruth Corbin, que je considère comme un expert du marché au détail au Canada et des perceptions des consommateurs à l"égard des produits vendus sur ce marché4, conclut ce qui suit :

     [TRADUCTION] ...Dans de nombreux secteurs, des marchandises au détail, notamment des montres, peuvent être vendues dans des contenants durables. La valeur accordée par un acheteur à un produit de base est vraisemblablement accrue par le contenant dans lequel il est vendu. Le contenant n"est pas nécessairement destiné par le vendeur à faire partie de l"emballage et il n"est pas obligatoirement perçu comme tel par l"acheteur. En fait, il peut en lui-même être considéré comme une marchandise. Les caractéristiques de certains écrins de montres SEIKO que j"ai vus correspondent à celles de contenants d"autres produits vendus au détail, les contenants étant alors considérés comme des marchandises ayant leur valeur propre. [Affidavit de Mme Corbin, paragraphe 16]

[9]      J"estime que l"avis de Mme Corbin, qui est étayé par une analyse détaillée, est convaincant et cohérent, et, par conséquent, qu"il faut lui accorder beaucoup de poids.

     ORDONNANCE

[10]      Par conséquent, compte tenu de l"avis de Mme Corbin, je fais droit au présent appel.

[11]      Étant donné que la défenderesse a déposé un acte de comparution à l"appel interjeté par la demanderesse et même si la défenderesse n"a pas déposé de dossier ni comparu en personne lors de l"audience sur le présent appel, je conclus que la demanderesse a droit aux dépens de l"appel à l"encontre de la défenderesse. Je conclus en outre que la taxation des dépens de la demanderesse, qui ne comprend pas les coûts engagés pour obtenir le témoignage d"expert de Mme Corbin, est tout à fait raisonnable et, en conséquence, j"accorde à la demanderesse des dépens s"élevant à 5 000 $.

     " Douglas R. Campbell "

     Juge

Toronto (Ontario)

3 novembre 1999


Traduction certifiée conforme


Suzanne Bolduc, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                  T-1559-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :          KABUSHIKI KAISHA HATTORI SEIKO FAISANT AFFAIRE SOUS LA RAISON SOCIALE DE SEIKO CORPORATION,

     demanderesse,

                                        

                         - et -
                         IMPENCO LTD.,

     défenderesse.

DATE DE L"AUDIENCE :              LE LUNDI 1ER NOVEMBRE 1999
LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE du juge Campbell en date du mardi 2 novembre 1999


ONT COMPARU :                  David A. Aylen
                             pour la demanderesse
                         Personne n"a comparu pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

                         Gowling, Strathy & Henderson
                         Avocats
                         4900 Commerce Court West
                         P.O. Box 438, Stn. Commerce Crt.
                         M5L 1J3
                             pour la demanderesse
                         Léger Robic Richard
                         Avocats
                         55, rue St-Jacques
                         Montréal (Québec)
                         H2Y 3X2
                             pour la défenderesse

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA


                                 Date : 19991103

                        

         Dossier : T-1559-98


                             Entre :

                             KABUSHIKI KAISHA HATTORI SEIKO FAISANT AFFAIRE SOUS LA RAISON SOCIALE DE SEIKO CORPORATION,

     demanderesse,

                                            

                             - et -



                             IMPENCO LTD.,

     défenderesse.


                    

                            

            

                                                             MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                            

                            

__________________

1      Décision de la Commission des oppositions des marques de commerce, page 3.

2      Cette exigence découle de la combinaison de l"al. 30b) et du par. 4(1) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, dont voici le texte :
         art. 30      Quiconque sollicite l"enregistrement d"une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant : ...
             b) dans le cas d"une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande;
         par. 4(1)      Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu"avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.         

3      La question à trancher est celle de savoir si, compte tenu des nouveaux éléments de preuve présentés lors de l"appel, le registraire a tiré la mauvaise conclusion. Il est bien établi par les décisions Benson & Hedges (Canada) Ltd. v. St. Regis Tobacco Corp. (1968), 57 C.P.R.1 (C.S.C.), et Kellogg Salada Canada Inc. v. Maximum Nutrition Ltd. 43 C.P.R. (3d) 349, à la p. 353 (C.A.F.), comme je l"ai déjà conclu dans l"affaire GSW Inc. c. Registraire des marques de commerce et Sta-Rite Industries, Inc. (29 juin 1999, T-1652-98, C.F. 1re inst.) qu"une grande latitude est donnée au juge qui entend l"appel. Il est évident qu"une erreur de droit ou de fait dans une décision de la Commission justifiera l"accueil d"un appel. De plus, il est fort possible que la preuve admise en appel en plus de celle produite devant la Commission entraînera un résultat différent.

4      Le mémoire des faits et du droit de la demanderesse contient à la page 12 les détails suivants au sujet des compétences de Mme Corbin :
     [TRADUCTION]      Ruth Corbin est présidente et directrice générale de Decision Resources Inc., une compagnie de commercialisation. Elle possède un baccalauréat en mathématique ainsi qu"une maîtrise et un doctorat en psychologie. Sa thèse de doctorat portait sur la prise de décision par les consommateurs, à partir de modèles mathématiques expliquant comment les gens accordent une certaine valeur aux différentes options qui s"offrent à eux. Elle est professeur de marketing à l"université de Toronto, depuis 1982. Elle a été auparavant directrice de l"exploitation du Groupe Angus Reid, l"une des plus importantes entreprises de recherche par sondages au pays. Elle a notamment participé à une vaste étude des perceptions des consommateurs à l"égard des produits au détail et des éventails de prix, étude qui a été soumise à divers organismes réglementaires fédéraux, dont le Bureau de la concurrence du Canada. De plus, elle a travaillé directement pour son père, le président de Mondaine Watch Company of Canada, le propriétaire de certaines marques de commerce pour des montres et des écrins de montre au Canada. En cette qualité, elle a acquis de l"expérience dans le commerce des bijoux, en particulier les montres au Canada.

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