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Date : 19990309


Dossier : T-1674-96

ENTRE


LAROSA FOOD IMPORTING LTD.,


demanderesse,


et


LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE " CIELO DI LIVORNO ",

LE NAVIRE " CIELO DI LIVORNO ", KG m.s. " SANTA MARGHERITA "

OFFEN REEDEREI GmbH & CO., LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE " CALIFORNIA ",

LE NAVIRE " CALIFORNIA ", ITALIA DI NAVIGAZIONE S.P.A.,

et D'AMICO SOCIETA DI NAVIGAZIONE S.P.A.

et FRASER SURREY DOCKS LTD.,


défendeurs.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE

JOHN A. HARGRAVE

[1]      Ces motifs traitent de la nature d"un interrogatoire préalable effectué par écrit dans une action simplifiée. Dans une action simplifiée, il ne devrait pas en général y avoir de requêtes tant que la conférence préparatoire à l"instruction n"a pas eu lieu : article 298 des Règles . Toutefois, dans ce cas-ci, la requête se rapportait à la forme des questions posées dans le cadre d"un interrogatoire préalable effectué par écrit et à la question de savoir si les réponses étaient adéquates. Si ces questions n"étaient pas maintenant tranchées, il se pourrait bien que les parties ne retirent aucun avantage réel de l"action, si ce n"est une instruction incertaine en l"absence de renseignements complets, et qu"en fait, elles renoncent à l"action simplifiée. En l"espèce, les circonstances particulières de l"affaire me permettent d"appliquer l"article 55 des Règles et de statuer maintenant sur cette requête.

[2]      En ce qui concerne la nature générale de l"interrogatoire préalable effectué par écrit, il faut faire preuve de prudence lorsqu"on se fonde sur la jurisprudence anglaise en matière d"interrogatoires, car au fil des ans, cette jurisprudence semble avoir restreint la portée de la procédure d"interrogatoire. Par contre, cette cour a rejeté l"idée selon laquelle l"interrogatoire préalable effectué par écrit est plus restreint que l"interrogatoire oral : voir Bande indienne Wewayakum c. Canada et al. (1991), 42 F.T.R. 40, pages 48 et suivantes. Dans cette décision, Monsieur le juge Addy assimile l"interrogatoire préalable écrit et l"interrogatoire préalable oral.

FORME DES RÉPONSES

[3]      La question la plus fondamentale se rapporte à la forme des réponses. L"article 296 des Règles prévoit simplement ceci :

         296. Interrogatoire préalable " maximum de 50 questions " Dans une action simplifiée, l"interrogatoire préalable d"une personne se fait entièrement par écrit et ne peut comprendre plus de 5 questions.         

Cette disposition n"énonce aucune procédure, mais étant donné qu"il y est fait mention de l"interrogatoire préalable écrit, il est raisonnable de consulter les paragraphes 99(3) et (4) des Règles, qui traitent de la vérification des réponses données par affidavit dans le cadre d"un interrogatoire préalable écrit dans les actions habituelles. L"affidavit a une forme générique (voir la formule 99B) et n"est qu"une vérification de la véracité des réponses qui doivent être données. Cette exigence, appliquée à une action simplifiée, n"est ni déraisonnable ni astreignante. En outre, l"affidavit n"oblige pas la partie qui effectue l"interrogatoire à gaspiller les 50 questions qui sont autorisées pour établir simplement l"identité du témoin. Il serait utile, même si cela n"est peut-être pas nécessaire, que les réponses qui doivent être données soient dans chaque cas précédées de la question.

QU"EST-CE QU"UNE QUESTION?

[4]      Il s"agit ensuite de savoir si une question complexe, composée d"un certain nombre de parties ayant un rapport les unes avec les autres, ou encore composée de détails complexes, constitue plus d"une question sur les 50 questions autorisées. En l"espèce, les défendeurs ont posé 25 questions, réservant les 25 autres questions aux fins d"un contrôle. Toutefois, la demanderesse dit qu"il n"y a pas 25 questions, mais peut-être trois fois plus. Je ne tire aucune conclusion au sujet du nombre réel de questions. Les questions n"ont aucunement été posées à l"aveuglette et il ne s"agissait pas de méandres plus ou moins utiles; ces questions visaient plutôt à permettre l"examen d"éléments fondamentaux nécessaires pour bien comprendre l"affaire et pour vérifier la preuve de la demanderesse. En l"espèce, la preuve de la demanderesse, dans une demande d"indemnité pour perte de marchandises, n"est pas plus compliquée que d"habitude. La demande se rapporte à un conteneur dans lequel il y avait des bouteilles d"eau qui étaient transportées de Livorno, en Italie, à Los Angeles, et qui ont été transbordées à bord d"un autre navire pour être réacheminées vers Vancouver. La demanderesse soutient qu"à un moment donné entre le moment où la cargaison a été mise dans un conteneur en Italie et le moment où elle lui a été livrée à Vancouver, dans un conteneur apparemment intact, le conteneur doit avoir été échappé suffisamment fort pour que les bouteilles d"eau se brisent.

[5]      Dans Rogers Hughes on the Federal Court Act and Rules 1998/99 (Butterworths), on dit que le maximum de 50 questions qui s"applique à l"interrogatoire préalable écrit représente un compromis entre l"absence d"interrogatoire préalable et un interrogatoire préalable oral restreint. Toutefois, l"interrogatoire préalable est probablement la partie la plus importante de la procédure préparatoire à l"instruction, tant parce qu"il vise à éviter les pièges en permettant de comprendre pleinement la preuve et en permettant aux parties d"évaluer les forces et les faiblesses relatives de leur preuve que parce qu"il sert d"outil de règlement. Par conséquent, pour que l"action simplifiée soit réellement efficace, la règle relative à l"interrogatoire préalable écrit doit être interprétée de façon à permettre l"interrogatoire préalable le plus étendu qui soit raisonnablement compatible avec les besoins légitimes des parties et à répondre au but de l"action simplifiée, soit une procédure proportionnée à la faible valeur de la demande.

[6]      Je ne crois pas qu"il faille donner à la mention d"une question, à l"article 296 des Règles , l"interprétation que la demanderesse voudrait donner, à savoir qu"il s"agit d"une simple question portant sur un point précis. De fait, l"Oxford English Dictionary donne la définition primaire suivante du mot " question " : [TRADUCTION] " Interrogatoire d"une personne en vue d"obtenir des renseignements; [...]. "

[7]      Cette définition ne limite pas la question à une demande faite sous une forme simple. En outre, il est bien établi que des questions qui exigent une réponse sous une forme narrative peuvent être posées dans le cadre d"un interrogatoire préalable. Cela n"encourage pas pour autant des phrases formulées l"une à la suite de l"autre renfermant des demandes n"ayant rien à voir les unes avec les autres et se terminant par un point d"interrogation. Toutefois, les phrases peuvent être structurées d"une façon complexe et être composées d"un certain nom de propositions. En outre, une question visant à l"obtention de renseignements sur un point peut être posée à l"aide de plusieurs phrases, dans un paragraphe, comme les défendeurs l"ont fait dans ce cas-ci, par exemple à la question 3, qui se rapporte à la relation existant entre la demanderesse et l"expéditeur de l"eau minérale, tel qu"il est désigné dans le connaissement, lequel ne semble avoir été ni un producteur ni un fournisseur, mais simplement un transitaire :

         [TRADUCTION]         
         3.      Veuillez nous informer des rapports que vous aviez le cas échéant avec l"expéditeur, Globe Transport Freight Forwarders, notamment :         
              a)      si vous avez retenu les services de Globe Transport Freight Forwarders à certaines fins et, dans l"affirmative, à quelques fins;         
              b)      si vous avez payé Globe Transport Freight Forwarders et, dans l"affirmative, combien d"argent vous lui avez versé et à quel moment;         
              c)      si vous aviez conclu une entente avec Globe Transport Freight Forwarders et, dans l"affirmative, quelles étaient les conditions de l"entente.         

Il s"agit d"une question générale tout à fait légitime dans laquelle on demande à la demanderesse de fournir certains renseignements dans sa réponse. Par contre, la question 21 traite de deux concepts distincts : en premier lieu, la façon dont la demanderesse enlève normalement la cargaison d"un conteneur dans ses locaux et, en second lieu, la capacité de la demanderesse d"emballer de nouveau et de récupérer les marchandises. La question 21 se rapporte au genre de demande qui devrait faire l"objet de deux questions.

RENSEIGNEMENTS DEMANDÉS À D"AUTRES PERSONNES

[8]      En l"espèce, une question incidente, qui n"a pas encore été pleinement débattue, se rapporte à la mesure dans laquelle la partie qui répond à des questions dans le cadre d"un interrogatoire préalable écrit doit demander des renseignements à des tiers. Compte tenu du jugement Wewayakum (supra) , les règles ordinaires de l"interrogatoire préalable sembleraient s"appliquer. Si c"est bien le cas, une partie qui répond à des questions dans le cadre d"un interrogatoire préalable écrit doit fournir tous les renseignements qui sont en sa possession au moment pertinent et devrait se renseigner auprès d"autres employés et dirigeants, mais elle ne serait pas obligée de s"adresser à des tiers pour obtenir des renseignements à moins qu"il ne s"agisse de préposés ou d"agents; dans ce dernier cas, elle devrait uniquement se renseigner au sujet de faits dont ils ont eu connaissance dans l"exercice de leurs fonctions auprès de la partie en question. Comme je l"ai dit, ce point doit être débattu pleinement plus tard, mais le jugement Wewayakum peut être un point de départ utile.

QUESTIONS SUPPLÉMENTAIRES

[9]      En l"espèce, l"avocat des défendeurs reconnaît qu"il a réservé la moitié des 50 questions aux fins d"un contrôle ou de questions supplémentaires. Je devrais donc parler de la décision Satellite Earth Station Technology Inc. c. Canada , [1994] 2 C.T.C. 61, rendue par le protonotaire adjoint Giles. Cette décision, qui est fondée sur les anciennes règles, étaye la thèse selon laquelle il est impossible de poser des questions de contrôle dans le cadre d"un interrogatoire préalable écrit parce que l"article 466.1 des Règles alors en vigueur permettait une liste de questions. En vertu de la disposition équivalente des nouvelles règles, le paragraphe 99(1), cette liste a été omise. En outre, en vertu de l"article 296 des Règles , l"interrogatoire préalable restreint qui est autorisé dans une action simplifiée ne doit être composé au maximum que de 50 questions. Je ne vois pas pourquoi des questions supplémentaires ne peuvent pas être incluses et, pour que l"interrogatoire préalable écrit soit un outil utile, il y a lieu de permettre maintenant des questions supplémentaires ou des questions de contrôle, dans la mesure où il n"y a pas plus de 50 questions en tout. Bien sûr, une partie à cet interrogatoire préalable écrit restreint ne devrait pas réserver certaines questions de façon à diviser l"interrogatoire préalable.

CONCLUSION

[10]      Il se peut bien que les réponses données dans le cadre d"un interrogatoire préalable écrit ne soient pas aussi précises que celles qui sont données dans le cadre d"un interrogatoire préalable oral. Cependant, l"avocat qui prépare les questions dans le cadre d"un interrogatoire préalable écrit n"a pas, bien sûr, l"avantage d"observer et d"écouter le témoin et de pouvoir ensuite formuler des questions adaptées à la situation, de façon à obtenir une réponse utile et peut-être bien une réponse correspondant à ses besoins. Par contre, la personne qui donne une réponse écrite a le temps d"y réfléchir. Dans ce cas-ci, je félicite l"avocate de la demanderesse d"avoir transmis les réponses telles quelles. Toutefois, il se peut que l"avocat doivent attirer l"attention du témoin sur la question qui est réellement posée. Ceci dit, l"avocat qui pose ses questions par écrit peut avoir à accepter des réponses écrites qui sont moins précises et moins utiles que celles qu"il aurait obtenues dans le cadre d"un interrogatoire préalable oral, mais telle est la nature de la procédure.

[11]      L"application de ces principes aux questions ici en cause n"est pas d"intérêt général. Il en est donc fait part dans une directive distincte adressée aux avocats.

                                        " John A. Hargrave "

                                 Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique),

le 9 mars 1999

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DATE DE L'AUDIENCE :      le 8 mars 1999

No DU GREFFE :      T-1674-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Larosa Food Importing Ltd.
     c.
     Le navire " Cielo Di Livorno " et autres
LIEU DE L'AUDIENCE :      Vancouver (Colombie-Britannique)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE EN DATE DU 9 MARS 1998

ONT COMPARU :

Shelley Chapelski      pour la demanderesse
Peter Swanson      pour Italia Di Navigazione S.P.A. et D"Amico Societa Di Navigazione, défenderesses

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shelley Chapelski      pour la demanderesse

Bromley, Chapelski

Peter Swanson      pour Italia Di Navigazione S.P.A. et
Campney & Murphy      D"Amico Societa Di Navigazione, défenderesses

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