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     Date : 19980126

     T-2587-97

ENTRE :

     458093 B.C. LTD.,

     demanderesse,

     - et -

     ROGER HILLS et les propriétaires et

     toute personne ayant un droit sur le navire " ZOMBY WOOF "

     et le navire " ZOMBY WOOF ",

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE

[1]      La demanderesse a présenté une requête ex parte, sollicitant une ordonnance de signification substitutive au défendeur Roger Hills, requête qui n'est pas inhabituelle et qui peut facilement être obtenue sur le fondement des documents déposés. Toutefois, la demanderesse va plus loin et sollicite une ordonnance de signification substitutive, à la fois de la déclaration et du mandat de saisie du navire du défendeur, car le Zomby Woof se trouve apparemment en la possession d'un animal puissant et de stature imposante, au pelage dru et court, à la tête large et aux oreilles pendantes, c'est-à-dire, un rottweiler.

ANALYSE

[2]      L'approche traditionnelle veut que la signification substitutive soit inappropriée dans le cas d'une procédure in rem. Deux raisons principales sont à l'origine de cette sage tradition. Premièrement, si le navire ne se trouve pas dans le ressort ou ne peut recevoir signification du bref, de la déclaration ou du mandat, selon le cas, le bien ne peut être saisi, et la procédure in rem devient impossible. Deuxièmement, et je songe ici à la fois à l'ancienne Règle 67 de la Cour de l'Échiquier et à l'ordonnance anglaise 65\4, les dispositions concernant la signification substitutive s'appliquent uniquement aux documents qui doivent être signifiés à personne et ne s'appliquent pas aux documents in rem. Ce raisonnement est exposé dans The Good Herald, [1987] 1 Lloyd's 236 (Q.B.), à la page 238. Cette approche traditionnelle est expliquée de façon plus approfondie dans The Banco, [1991] 1 Lloyd's 49, à la page 53, un arrêt rendu par la Cour d'appel, bien que dans un contexte différent, celui de la saisie d'un navire jumeau et du choix du navire à saisir. Lord Denning explique comment s'enclenche la juridiction in rem :

         [Traduction] Lorsqu'un demandeur intente une action in rem, la juridiction s'enclenche, non pas lorsque le bref est délivré, mais lorsqu'il est signifié au navire et que le mandat de saisie est exécuté. Il en est ainsi parce qu'il s'agit d'une action in rem contre la chose même : elle ne prend effet que lorsque la chose est saisie.                 

Toutefois, cette jurisprudence émanant d'Angleterre ne s'applique pas dans le contexte des Règles de la Cour fédérale actuelles qui comprennent, notamment, une disposition selon laquelle une saisie est censée avoir lieu.

[3]      Les Règles de la Cour fédérale en vigueur aujourd'hui permettent une plus grande latitude que les règles qu'elles ont remplacées et, comme je le dis, elles prévoient qu'une saisie est censée avoir lieu lorsque certaines conditions sont remplies. Le paragraphe 1003(6) des Règles, qui régit la signification du mandat de saisie, se lit comme suit :

         Le mandat doit être signifié par le prévôt ou toute personne légalement autorisée à agir à sa place, de la façon prescrite par les présentes Règles pour la signification d'un statement of claim ou déclaration dans une action in rem, et, dès la signification, les biens sont censés saisis. [non souligné dans l'original]                 

[4]      Le mode de signification d'une déclaration dans une action in rem est établi par la Règle 1002. La disposition pertinente se trouve dans la première partie du paragraphe 5 de la Règle 1002 :

         (5) Dans une action in rem, la déclaration est signifiée                 
             a) à un navire, à la cargaison, au fret ou autres biens, si la cargaison ou les autres biens se trouvent à bord d'un navire, par fixation d'une copie certifiée de la déclaration au mât, ou s'il y a plusieurs mâts, au grand mât, ou en quelque autre endroit bien en vue du navire, et en l'y laissant fixée; ... [non souligné dans l'original]                 

Lorsque le shérif ou le prévôt de la Cour ne peut obtenir l'accès au navire, le paragraphe 1002(6) entre en jeu :

         Lorsqu'on ne peut obtenir l'accès aux biens qui doivent faire l'objet d'une signification de déclaration en vertu de l'alinéa (5), au lieu de signifier la déclaration de la façon prévue par l'alinéa (5), on peut, par voie de signification à personne, la signifier à la personne qui paraît avoir le contrôle des biens.                 

Cette règle permet l'enclenchement d'une procédure in rem, sans signification au navire, par simple signification à la personne qui en a le contrôle. Or, en l'espèce, la personne qui a le contrôle du Zomby Woof se cache derrière un chien intimidant et qui peut très bien s'avérer dangereux. La possibilité de procéder par voie de signification substitutive nous vient alors à l'esprit.

[5]      Notre règle régissant la signification substitutive est très différente de l'ordonnance anglaise correspondante et de l'ancienne règle de la Cour de l'Échiquier, dont la portée se limite à la signification substitutive des documents in personam. Le paragraphe 310(1) des Règles de la Cour fédérale a une portée très large :

         Si l'on fait valoir à la Cour que, pour une raison quelconque, la signification d'un document ne peut être effectuée rapidement, la Cour pourra rendre une ordonnance permettant la signification substitutive ou un autre mode de signification qui semble juste.                 

Cette règle n'exclut pas la possibilité de la signification substitutive d'un document in rem. Toutefois, j'en limiterais l'usage pour la signification de documents in rem aux cas où les circonstances particulières de l'espèce l'exigent. Je limite l'usage de la signification substitutive de documents in rem à des circonstances particulières parce que la fixation, par exemple, d'un mandat de saisie, sur le bien en cause, sert plusieurs fins d'ordre pratique. Premièrement, elle avise le propriétaire, soit directement, soit par l'intermédiaire du capitaine, de l'action et de la saisie. Deuxièmement, dans le cas des navires de haute mer, elle aide le fournisseur d'approvisionnements nécessaires, qui monte à bord à plusieurs occasions et qui vérifie le crédit du navire, à décider s'il doit ou non lui faire crédit. Troisièmement, il met en garde les parties à une opération touchant un droit sur le navire, par exemple, un acheteur ou un créancier hypothécaire éventuel. En l'espèce, la signification substitutive avisera le propriétaire, soit M. Hills. Une partie à une opération touchant un droit sur un navire local serait avertie directement de la saisie en faisant une recherche de routine au greffe de la Cour relativement aux procédures in rem. Le fournisseur d'approvisionnements nécessaires au Zomby Woof pourrait ne pas avoir connaissance de la saisie. Toutefois, bien qu'il ne faille pas négliger totalement cette possibilité, le risque qu'un fournisseur d'approvisionnements nécessaires se rende à bord du Zomby Woof, dans la cour arrière de M. Hills, avec l'intention de vérifier le crédit d'un petit bateau de pêche, et de s'y fier, est minime. Tout compte fait, la signification substitutive constituerait un avis approprié dans les circonstances.

[6]      Le Zomby Woof est un petit bateau de pêche, de 35 pieds de longueur hors tout. Si on se reporte au document, il semble que le navire soit transporté sur une remorque, comme c'est souvent le cas des petits bateaux de pêche modernes qui servent à la pêche du saumon et du hareng au filet maillant. Monsieur Michael Rekis, un administrateur de la demanderesse, a déclaré dans son témoignage avoir pris directement connaissance du fait que le Zomby Woof se trouve (bien à l'intérieur des terres) chez le défendeur Roger Hills, au 5597, chemin Lost Lake, Nanaimo (C.-B).

[7]      Monsieur Gordon Neilson affirme, dans un affidavit, avoir tenté de signifier le document à Roger Hills, mais que la personne de sexe masculin qui réside au 5597, chemin Lost Lake, l'a menacé, en termes non équivoques, de détacher son rottweiler qui avait un comportement extrêmement agressif. Monsieur Neilson, convaincu que la menace de l'attaque du rottweiler était sérieuse, n'a pas insisté pour procéder à la signification et a laissé le rottweiler en possession des lieux.

[8]      Le shérif, en la personne du huissier d'un tribunal civil, aurait les mêmes difficultés à signifier les documents en les fixant au Zomby Woof. Compte tenu du danger réel que courrait le shérif et que le mandat doit être signifié de la même manière qu'une déclaration in rem, qu'une déclaration in rem peut être signifiée, plutôt que par fixation sur un navire, par signification à personne à quiconque semble avoir le contrôle du navire et que le paragraphe 310(1) des Règles permet la signification substitutive de tout document, il s'agit d'une situation dans laquelle il est raisonnable d'envisager la signification substitutive.

CONCLUSION

[9]      Comme je l'ai indiqué, je suis très conscient des motifs traditionnels pour lesquels la signification substitutive d'un mandat de saisie n'est pas permise, c'est-à-dire que, premièrement, le navire doit se trouver dans le ressort en cause et que, deuxièmement, les dispositions des règles des tribunaux touchant la signification substitutive sont souvent limitées à la signification à personne. En l'espèce, le navire ne se trouve pas à l'extérieur du ressort de la Cour, mais le shérif de la Cour ne peut tout simplement pas y avoir accès en toute sécurité. Il s'agit d'une situation dans laquelle il convient de permettre la signification substitutive de la déclaration et du mandat, non seulement à la demanderesse in personam, mais également au navire.

[10]      Le shérif de la Cour peut signifier la déclaration et l'affidavit portant demande de mandat à Roger Hills et procéder à la signification au Zomby Woof et à sa saisie en laissant des copies certifiées de la déclaration, de l'affidavit portant demande de mandat et de l'ordonnance découlant de la présente requête, avec le mandat, dans la boîte aux lettres de Roger Hills, au 5597, chemin Lost Lake, Nanaimo (C.-B.), et dès cette signification, pour paraphraser le paragraphe 1003(6) " ...le Zomby Woof sera censé saisi. " De cette façon, Roger Hills sera avisé de façon appropriée, et en outre, le shérif aura la chance de demeurer à l'écart des mâchoires du rottweiler de M. Hills.

                                         (Signé) " John A. Hargrave "

                                         Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

26 janvier 1998

Traduction certifiée conforme :

François Blais, LL.L.

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DATE :                      26 janvier 1998
NUMÉRO DU GREFFE :              T-2587-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          458093 B.C. Ltd.
                         c.
                         Roger Hills et les propriétaires et toute personne ayant un droit sur le navire " ZOMBY WOOF " et le navire " ZOMBY WOOF "
LIEU DE L'AUDITION :              Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS

PAR LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE

en date du 26 janvier 1998

ONT COMPARU :

     Me Robert Doran          pour la demanderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Me Robert Doran
     Avocat
     Vancouver (C.-B.)          pour la demanderesse
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