Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date: 19990204

     Dossier: T-1182-93

ENTRE :

     RENÉ CHAREST,

     Demandeur

ET :

     LA REINE,

     - et -

     LA COMMISSION DE L'EMPLOI

     ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA,

     Défenderesses

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PINARD :

[1]      Par son action, le demandeur désire obtenir un jugement déclaratoire à l'effet qu'aux termes de l'article 35 de la Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. 1985, c. U-1, (la "Loi") applicable en l'instance, sa dette envers la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (la "Commission") est prescrite et, en conséquence, demande l'annulation du certificat ITA-1327-94 établi en regard de celle-ci.

[2]      Au procès, les parties ont déposé un document intitulé Liste d'admissions quant aux faits, lequel se lit comme suit:

         Dans le but d'abréger la preuve lors de l'audition, les parties, par leurs procureurs soussignés, font les admissions suivantes quant aux faits dans le présent dossier et conviennent que les faits ainsi admis tiendront lieu de preuve à l'audition quant à ces faits. Il est toutefois entendu que les procureurs soussignés se réservent le droit de faire la preuve d'autres faits pertinents au litige lors de l'audition.                 
         1.      Le demandeur a déposé une demande initiale de prestations d'assurance-chômage le 24 décembre 1984 et une demande de prestations fut établie à son profit pour la période du 23 décembre 1984 au 21 décembre 1985;                 
         2.      Au soutien de sa demande de prestation, (sic) le demandeur a fourni un relevé d'emploi émanant de Studio céramique Gisèle Inc.;                 
         3.      Du 24 décembre 1984 au 21 décembre 1985, le demandeur a reçu un montant total de 9 600,00 $ à titre de prestations d'assurance-chômage;                 
         4.      En mars 1988, une enquête a été mené (sic) conjointement par la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (ci-après nommée "Commission") et la Gendarmerie Royale du Canada;                 
         5.      Le 8 novembre 1988, la Commission a réexaminé les demandes de prestations du demandeur et a annulé rétroactivement la période de prestations mentionnée au paragraphe 1 de la présente liste d'admissions;                 
         6.      Cette décision de la Commission a eu pour effet de créer un trop-payé au montant de 9 600,00 $, montant qui fut notifié au demandeur au cours de la semaine du 10 novembre 1988;                 
         7.      Vers le 16 novembre 1988, le demandeur a interjeté appel de cette décision devant un conseil arbitral;                 
         8.      Devant le conseil arbitral, le demandeur s'est limité à contester la décision rendue par la Commission sans contester le réexamen, tel qu'effectué par la Commission après la période de trente-six mois suivant le paiement des prestations par la Commission;                 
         9.      Par ailleurs, le 8 septembre 1988, M. Luc Charest, proche parent du demandeur et employeur de celui-ci chez Studio céramique Gisèle Inc., a plaidé coupable aux douze (12) chefs d'accusation portés contre lui. À cet égard les parties conviennent de déposer à la Cour un document intitulé "Rapport d'enquête spéciale" préparé par M. Robert Gagné enquêteur pour la Commission en 1990;                 
         10.      Luc Charest a plaidé coupable devant la Cour supérieure siégeant en matière criminelle d'avoir commis l'acte criminel prévu à l'article 338(1)a) du Code criminel et plus précisément: "d'avoir, par la supercherie, le mensonge et autres moyens dolosifs, constituant ou non un faux semblant, frustré Emploi et Immigration Canada d'une somme de plus de mille dollars lors d'une demande de prestations au nom de René Charest [...]";                 
         11.      Au début de 1989, le demandeur était accusé devant la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, d'avoir sciemment acquiescé à l'énonciation d'une déclaration fausse dans son relevé d'emploi en contravention avec l'article 121 (maintenant 103) de la Loi sur l'assurance-chômage (ci-après "L.A.C.") tel qu'en vigueur à l'époque;                 
         12.      Le 24 février 1989, le demandeur plaidait non coupable à l'accusation portée contre lui;                 
         13.      Parallèlement, le 28 février 1990, le conseil arbitral a rejeté l'appel du demandeur;                 
         14.      Le 12 avril 1990, le demandeur a interjeté appel devant un juge-arbitre de la décision rendue par le conseil arbitral conformément à l'article 80 de la L.A.C.;                 
         15.      Par ailleurs, le 3 juin 1991, devant la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, un arrêt des procédures a été ordonné à l'égard de l'accusation visant l'infraction pénale mentionnée au paragraphe 19 dont le demandeur faisait l'objet;                 
         16.      L'arrêt des procédures a été ordonné par la Cour sur la base de l'article 11(b) de la Charte canadienne des droits et libertés, aucun procès au fond n'a donc eu lieu;                 
         17.      Le 15 août 1991, l'honorable juge en chef Jerome, en sa qualité de juge-arbitre, rejetait l'appel du demandeur formé en vertu de la L.A.C.;                 
         18.      Le 19 septembre 1991, le demandeur logeait une demande de contrôle judiciaire devant la division d'Appel de cette Cour à l'encontre de la décision du juge-arbitre en chef Jerome, conformément à l'article 28 de la Loi sur la cour fédérale;                 
         19.      Le 22 juin 1992, le demandeur s'est désisté de sa demande devant la Cour d'appel fédérale;                 
         20.      Le 9 février 1994 un certificat portant le numéro ITA-1327-94 était émis par la Cour fédérale du Canada;                 
         21.      Le 10 février 1994, la Commission a expédié à la demanderesse (sic) une copie du certificat accompagné d'une lettre l'enjoignant de lui payer la somme de 9 611,00$;                 
         22.      Le dépôt du certificat a été effectué plus de 36 mois après l'établissement du trop-perçu;                 
         23.      Le 24 octobre 1994, une ordonnance provisoire de constitution de charge immobilière a été rendue par la Cour fédérale du Canada;                 
         24.      Le 28 avril 1995, une ordonnance provisoire de constitution de charge immobilière modifiée a été rendue par la Cour fédérale du Canada laquelle corrigeait la désignation cadastrale apparaissant dans l'ordonnance initiale;                 
         25.      Également, le 28 avril 1995, l'ordonnance suivante était rendue par l'Honorable Juge Nadon de la Cour fédérale: "Les parties consentent à ce que l'ordonnance provisoire modifiée rendue dans la présente instance soit maintenue et que l'audition de la requête pour l'obtention d'une ordonnance définitive de constitution de charge immobilière soit reportée sine die, jusqu'à ce que la Cour se prononce dans le dossier T-1182-93";                 
         26.      En septembre 1998, une transaction est intervenue entre les parties relativement à la mesure de recouvrement et une somme de 9 787$ a été déposée dans le compte en fidéicommis des procureurs de la demanderesse (sic) en attendant le sort du présent litige;                 
         27.      Suite à ladite transaction, soit le 25 septembre 1998, Sa Majesté la Reine donnait main levée de l'inscription de l'ordonnance provisoire de constitution de charge immobilière modifiée;                 

[3]      Outre ces admissions écrites, Ginette Brasseur, l'agente régionale des programmes de prestations de la Commission, chargée de réviser le droit aux prestations et, à l'époque pertinente, responsable du dossier du demandeur, a témoigné pour les défenderesses. Elle a expressément déclaré s'être fait l'opinion, sur la base des informations contenues au dossier du demandeur et de celles obtenues lors de l'enquête ci-dessus menée conjointement par la Commission et la Gendarmerie royale du Canada, que le demandeur avait commis une infraction au paragraphe 33(1) de la Loi. À cet égard, le témoin a déposé divers documents, dont le rapport d'enquête mentionné au paragraphe 9 des admissions écrites ci-dessus et diverses déclarations statutaires faites par des tierces personnes qui, à l'époque pertinente, ont travaillé pour l'employeur concerné. Ginette Brasseur a déclaré en être venue à cette conclusion, que le demandeur avait sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses, avant même de l'aviser que, suite à la révision de son dossier, sa période de prestations était annulée rétroactivement. Elle a précisé que sa connaissance des événements subséquents n'a contribué qu'à confirmer cette conclusion, ce qui a conduit à l'enregistrement du certificat en cause.

     * * * * * * * * * * * *

[4]      Le demandeur plaide strictement que le droit au recouvrement des montants qui lui ont été payés en trop par la Commission est prescrit, en raison de l'expiration du délai de 36 mois édicté au paragraphe 35(4) de la Loi.

     * * * * * * * * * * * *

[5]      Il est utile de reproduire ici les dispositions applicables suivantes de la Loi:

Penalty

33. (1) Where the Commission becomes aware of facts that in its opinion establish that a claimant or any person on his behalf has, in relation to a claim for benefit, made a statement or representation that he knew to be false or misleading or, being required under this Act or the regulations to furnish information, furnished any information or made any representation that he knew to be false or misleading, the Commission may impose a penalty on that claimant not greater than an amount equal to three times his weekly rate of benefit.

Pénalité

33. (1) Lorsque la Commission prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent qu'un prestataire ou une personne agissant pour le compte de celui-ci a, relativement à une demande de prestations ou à l'occasion de renseignements exigés par la présente loi ou par les règlements, sciemment fait une déclaration ou une représentation fausse ou trompeuse, elle peut infliger au prestataire une pénalité dont le montant ne dépasse pas le triple de son taux de prestations hebdomadaires.


Idem

(2) The penalty provided under subsection (1) shall not be imposed if a prosecution in respect of the false or misleading statement or representation has been initiated against that person.

Idem

(2) La pénalité prévue au paragraphe (1) ne peut être infligée si une poursuite a été intentée contre une personne pour la déclaration ou représentation fausse ou trompeuse.


Idem

(3) The penalty provided under subsection (1) shall not be imposed after thirty-six months from the date on which the false or misleading statement or representation was made.

Idem

(3) La pénalité prévue au paragraphe (1) ne peut être infligée plus de trente-six mois après la date à laquelle a été faite la déclaration ou représentation fausse ou trompeuse.

Liability for overpayments

35. (1) Where a person has received benefit under this Act for any period in respect of which he is disqualified or any benefit to which he is not entitled, he is liable to repay an amount equal to the amount paid by the Commission in respect thereof.

Obligation de rembourser le trop-perçu

35. (1) Lorsqu'une personne a touché des prestations en vertu de la présente loi au titre d'une période pour laquelle elle était exclue du bénéfice des prestations ou a touché des prestations auxquelles elle n'est pas admissible, elle est tenue de rembourser la somme versée par la Commission à cet égard.

Debts to Crown

(2) All amounts payable under this section or section 33, 37 or 38 are debts due to Her Majesty and are recoverable as such in the Federal Court or any other court of competent jurisdiction or in any other manner provided by this Act.

Créances de la Couronne

(2) Les sommes payables en vertu du présent article ou des articles 33, 37 ou 38 constituent des créances de Sa Majesté, dont le recouvrement peut être poursuivi à ce titre soit devant la Cour fédérale ou tout autre tribunal compétent, soit selon toute autre modalité prévue par la présente loi.


Recovery

(3) Where a benefit becomes payable to any claimant, the amount of any indebtedness described in subsection (1) or (2) may, in the manner prescribed, be deducted and retained out of the benefit payable to him.

Recouvrement par déduction

(3) Les sommes dues par un prestataire au titre des créances visées aux paragraphes (1) ou (2) peuvent, selon la manière prescrite, être déduites des prestations qui lui sont éventuellement dues.


Limitation

(4) No amount due as a debt to Her Majesty under this section may be recovered after thirty-six months from the date on which the liability arose unless in the opinion of the Commission an offence under subsection 33(1) has been committed in connection therewith in which case no such amount may be recovered after seventy-two months from the date on which the liability arose.

Prescription

(4) Le recouvrement des créances visées au présent article se prescrit par trente-six mois à compter de la date où elles ont pris naissance; toutefois, le délai de prescription pour ce recouvrement est porté à soixante-douze mois dans les cas où la Commission estime qu'il a été commis une infraction au paragraphe 33(1).


Reconsideration of claim

43. (1) Notwithstanding section 86 but subject to subsection (6), the Commission may at any time within thirty-six months after benefit has been paid or would have been payable reconsider any claim made in respect thereof and if the Commission decides that a person has received money by way of benefit thereunder for which he was not qualified or to which he was not entitled or has not received money for which he was qualified and to which he was entitled, the Commission shall calculate the amount that was so received or payable, as the case may be, and notify the claimant of its decision.

Nouvel examen de la demande

43. (1) Nonobstant l'article 86 mais sous réserve du paragraphe (6), la Commission peut, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations et, si elle décide qu'une personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n'était pas admissible ou n'a pas reçu la somme d'argent pour laquelle elle remplissait les conditions requises et au bénéfice de laquelle elle était admissible, la Commission calcule la somme payée ou payable, selon le cas, et notifie sa décision au prestataire.


Appeal

(2) Any decision made by the Commission pursuant to subsection (1) is subject to appeal under section 79.

Appel

(2) Toute décision rendue par la Commission en vertu du paragraphe (1) peut être portée en appel en application de l'article 79.


Amount repayable

(3) If the Commission decides that a person has received money by way of benefit for any period in respect of which he was not qualified or money by way of benefit to which he was not entitled, the amount therefor as calculated under subsection (1) is the amount repayable under section 35.

Somme remboursable

(3) Si la Commission décide qu'une personne a reçu une somme au titre de prestations auxquelles elle n'avait pas droit ou pour une période durant laquelle elle n'était pas admissible, la somme calculée en vertu du paragraphe (1) est celle qui est remboursable conformément à l'article 35.


(...)

(...)


Extended time for reconsideration of claim under subsection (1)

(6) Where, in the opinion of the Commission, a false or misleading statement or representation has been made in connection with a claim, the Commission has seventy-two months within which to reconsider the claim under subsection (1).

Prolongation du délai de réexamen de demande en vertu du par. (1)

(6) Lorsque la Commission estime qu'une déclaration ou représentation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d'un délai de soixante-douze mois pour réexaminer la demande en vertu du paragraphe (1).


Certificates

94. (1) An amount payable under Part I that has not been paid or such part of an amount payable under that Part as has not been paid may be certified by the Commission

     (a) forthwith, when in the opinion of the Commission the person liable to pay the amount is attempting to avoid payment; and
     (b) otherwise, on the expiration of thirty days after the default.

Certificats

94. (1) Une somme ou fraction de somme payable en vertu de la partie I et qui n'a pas été payée peut être certifiée par la Commission :

     a) immédiatement, lorsque la Commission est d'avis que la personne qui doit payer cette somme tente d'éluder le paiement de cotisations;
     b) sinon, trente jours francs après le défaut de paiement.

(...)

(...)


Offences and Punishment

Offence

103. (1) Every person is guilty of an offence punishable on summary conviction who

     (a) in relation to any claim for benefit, makes a statement or representation that he knows to be false or misleading;
     (b) being required under this Act or the regulations to furnish information, furnishes any information or makes any representation he knows to be false or misleading;
     (c) obtains any benefit by false pretences;
     (d) makes any claim or declaration that by reason of non-disclosure of facts he knows is false or misleading;
     (e) being the payee thereof knowingly negotiates or attempts to negotiate any special warrant for a benefit to which he is not entitled; or
     (f) knowingly fails to return any special warrant or the amount thereof or any excess amounts as required by section 36.

Infractions et peines

Infraction

103. (1) Commet une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, selon le cas :

     a) à l'occasion d'une demande de prestations, fait sciemment une déclaration ou représentation fausse ou trompeuse;
     b) étant requis en vertu de la présente loi ou des règlements de fournir des renseignements, fait une représentation ou fournit un renseignement qu'il sait être faux ou trompeur;
     c) obtient des prestations par de faux semblants;
     d) fait une demande ou une déclaration que, en raison de la dissimulation de certains faits, il sait être fausse ou trompeuse;
     e) sciemment, négocie ou tente de négocier un mandat spécial établi à son nom pour des prestations au bénéfice desquelles il n'est pas admissible;
     f) s'abstient sciemment de renvoyer un mandat spécial ou d'en restituer le montant ou le trop-perçu tel que requis par l'article 36.


Saving

(2) No prosecution for an offence under paragraph (1)(a) or (b) shall be instituted if a penalty in respect of that offence has been imposed under subsection 33(1).

Réserve

(2) Il ne peut être intenté de poursuite pour une infraction prévue aux alinéas (1)a) ou b) si une pénalité a été infligée pour cette infraction en vertu du paragraphe 33(1).

     * * * * * * * * * * * *

[6]      Dans une action semblable, le fardeau de la preuve applicable, soit le fardeau civil selon la prépondérance des probabilités, se déplace selon ce qui est établi par l'une ou l'autre des parties. Il incombe d'abord au prestataire demandeur de simplement prouver que la Commission défenderesse a entamé ses procédures de recouvrement du trop-perçu plus de 36 mois après la date où cette créance a pris naissance. Si cela est fait, il incombe alors à la Commission défenderesse (1) de prouver qu'elle a entamé ses procédures de recouvrement de la créance en question avant l'expiration du 72e mois suivant la date où celle-ci a pris naissance, (2) qu'elle a agi ainsi parce qu'elle était d'opinion que le prestataire demandeur avait commis une infraction au paragraphe 33(1) de la Loi et (3) que cette opinion, à la lumière d'une preuve de novo, est justifiée. Quant à cette dernière justification, la seule preuve de l'existence de déclarations fausses ou incorrectes peut parfois suffire à déplacer le fardeau de la preuve et obliger le prestataire demandeur à expliquer pourquoi il a fait ces déclarations incorrectes.1

[7]      Dans le présent cas, les faits admis démontrent clairement que la Commission a fait émettre le certificat en cause, entamant ainsi le recouvrement de sa créance contre le demandeur, entre le 36e mois et le 72e mois à compter de la date où cette créance a pris naissance. Il est tout aussi clair, des mêmes admissions, complétées par le témoignage non contredit et crédible de l'agente responsable de la révision du droit du prestataire demandeur aux prestations qui lui ont été payées, que la Commission estimait ou était d'opinion que celui-ci avait commis une infraction au paragraphe 33(1) de la Loi lorsqu'elle a fait émettre le certificat en cause.

[8]      Reste donc à déterminer si la Commission a réussi à établir que cette opinion, à la lumière tant des faits connus et prouvés lors du procès, que du droit en vigueur à l'époque pertinente, s'avère justifiée. À cet égard, la simple existence des déclarations fausses ou trompeuses du demandeur est solidement établie. Cela apparaît bien des faits admis par écrit, notamment de la décision de la Commission, maintenue par un conseil arbitral et un juge-arbitre, d'annuler rétroactivement la période de prestations en question, ce qui ne pouvait être alors fait, vu les termes du paragraphe 43(6) de la Loi, sans que ne soit considérée justifiée en faits et en droit une opinion de la Commission à l'effet que le prestataire avait fait une ou des déclarations fausses ou trompeuses. En effet, dans Procureur général du Canada c. Purcell, [1996] 1 C.F. 644, à la page 662, la Cour d'appel fédérale a exprimé ce qui suit:

         . . . Étant donné qu'un appel devant le Conseil constitue une procédure de novo, le Conseil est, mieux que la Commission elle-même, en mesure de rendre une décision basée sur les faits. . . . Sauf dans les cas où la loi confie à la Commission ou au ministre l'autorité ou le pouvoir discrétionnaire exclusif de rendre une décision, le Conseil est tenu de procéder à un contrôle de novo: voir Procureur général du Canada c. Findenigg [[1984] 1 C.F. 65], le juge en chef Thurlow, à la page 71; et Re La Reine et Harbour [(1986), 26 D.L.R. (4th) 96], le juge d'appel Marceau, aux pages 105 et 106. . . .                 

Qu'il suffise, en outre, de faire état de l'aveu de culpabilité criminelle de Luc Charest, proche parent et employeur du demandeur, relativement à la fabrication du relevé d'emploi frauduleux sur lequel le demandeur a basé sa demande de prestations à la Commission. Ce contexte factuel particulier, à mon avis, fait naître une présomption à l'effet que les fausses déclarations du demandeur ont été faites sciemment. Pour repousser cette présomption, le demandeur se devait donc d'expliquer pourquoi il a fait les fausses déclarations en question, ce qu'il s'est totalement abstenu de faire. Je dois donc conclure, dans les circonstances, que la Commission a dûment justifié son opinion que le demandeur avait sciemment fait les fausses déclarations en question, commettant ainsi une infraction au paragraphe 33(1) de la Loi, tel que prévu au paragraphe 35(4) de la même loi.

[9]      Par ailleurs, je suis d'avis que les arrêts Courty (11 mai 1987), T-713-87 (C.F., 1re inst.) et Martel (14 juillet 1989), T-2416-87 (C.F., 1re inst.), invoqués par le demandeur, ne supportent pas la proposition que le seul défaut par la Commission d'imposer à un prestataire une pénalité en vertu du paragraphe 33(1) de la Loi suffise à empêcher que le délai de prescription ne soit étendu à 72 mois en vertu du paragraphe 35(4). En effet, dans ces autres cas, contrairement à la présente situation, pas de preuve suffisante n'avait été offerte devant la Cour, par la Commission, pour justifier le bien-fondé en faits et en droit de son opinion à l'effet que des déclarations fausses ou trompeuses avaient été faites sciemment par des prestataires.

[10]      Enfin, la prétention du demandeur voulant que l'arrêt des procédures contre lui, ordonné par la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, rende inadmissible la preuve devant cette Cour tendant à démontrer qu'il a sciemment fait les fausses déclarations concernées, doit aussi être rejetée au motif que les jugements des cours criminelles ne constituent pas "res judicata" dans des procès civils subséquents. Dans Time Data Recorder International Ltd. c. The Minister of National Revenue (21 avril 1997), A-518-93, le juge Pratte, pour la Cour d'appel fédérale, a exprimé ce qui suit, à la page 7:

             It is also common ground that, as a rule, judgments of criminal courts are not "res judicata" in subsequent civil trials.7 There are many reasons for that: first, in most cases, the parties in the criminal and civil trials are not the same; second, very often, the questions to be resolved in both litigations are not identical; finally, the burden of proof is not the same in criminal and civil proceedings.                 
                         
         7      See: Fishman v. R.,(1970) Ex.C.R. 784 at 826; Hollington v. Hewthorne & Co. Ltd., (1943) K.B. 587 at 601, (1943) 2 All E.R. 35 (C.A.); Sopinka, Lederman, Bryant, The Law of Evidence in Canada, Butterworths, 1992, p. 1045; Cross on Evidence, 7th edition, Butterworths, 1990, p. 84.                 

[11]      Pour tous ces motifs, donc, l'action est rejetée avec dépens.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 4 février 1999

__________________

1      Voir Le Procureur général du Canada c. Katherine Gates (12 mai 1995), A-600-94 (C.F., Appel).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.