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Date : 20040302

Dossier : IMM-2649-02

Référence : 2004 CF 305

Ottawa (Ontario), le 2 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                                                  JUDE ALIBEY

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision (la décision) d'un agent des visas (l'agent des visas) datée du 12 avril 2002, par laquelle la demande de résidence permanente de Jude Alibey (le demandeur) était rejetée.

LE CONTEXTE


[2]                L'épouse du demandeur, Hazel Winston (Mme Winston), est devenue tétraplégique par suite d'un tragique accident de voiture survenu le 6 février 2000. Il n'est pas prévu que son état puisse s'améliorer. Le Dr Theriault a préparé un Avis médical (page 30 du Dossier médical certifié du tribunal (DMCT)), dans lequel il décrit les problèmes de santé de Mme Winston. Le Dr Theriault était d'avis que l'admission de cette dernière au Canada entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé canadiens.

[3]                Le Dre Cooper a examiné le dossier de Mme Winston et s'est rangée à l'avis du Dr Theriault voulant que celle-ci créerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé du Canada. Le Dre Cooper a donc apposé sa signature à l'Avis médical.

[4]                Le point de vue du Dre Cooper se fondait sur le fait que Mme Winston était complètement dépendante pour ses soins personnels ainsi que pour toutes les activités de la vie quotidienne, situation qui durerait toute sa vie. Le Dre Cooper était d'avis que les soins dont elle avait besoin devraient être fournis par des personnes soignantes ou des préposés aux soins personnels 24 heures sur 24, sept jours sur sept, à son domicile ou dans un centre de soins de longue durée. De plus, étant donné la gravité du handicap de Mme Winston, elle a besoin de physiothérapie en permanence pour éviter les contractures articulaires. Mme Winston aurait aussi besoin de moyens de transport adaptés à son état pour circuler hors de son domicile.


[5]                Mme Winston a reçu la cote M7 pour son évaluation médicale globale, ce qui veut dire que son état entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé, et que la situation n'est pas appelée à s'améliorer. Une cote M7 peut rendre une personne non admissible en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration. Lors d'un examen plus approfondi, le Dre Cooper a découvert qu'elle avait commis une erreur en ne corrigeant pas l'évaluation proposée D4/5 du Dr Theriault (Demande excessive prévue en services sociaux ou médicaux). Selon le Dre Cooper, l'état de Mme Winston correspondait plutôt à D2/6 ou D3/6, puisque D2 indique qu'une personne « exige ou pourrait exiger des soins médicaux suivis » , alors que D3 indique qu'une personne « exige ou exigera au moins une période d'hospitalisation importante dans cinq ans au plus » . Une cote D6 indique qu'une personne « exige ou exigera probablement des soins ou une surveillance d'une durée indéfinie en milieu familial ou institutionnel » .

[6]                L'avocat du défendeur a informé le Dre Cooper qu'un agent d'immigration désigné avait, le 28 septembre 2001, informé le demandeur du fait que Mme Winston pouvait être une personne non admissible au Canada pour des raisons d'ordre médical, en vertu de la Loi sur l'immigration. Le demandeur s'est vu accorder l'occasion de réagir à la description de l'état médical de son épouse et de fournir une nouvelle preuve médicale. Suite à la lettre du 28 septembre 2001, le demandeur a déposé d'autres documents.

[7]                Le Dre Cooper a examiné l'ensemble de la nouvelle documentation déposée par le demandeur et déterminé qu'il ne s'y trouvait rien qui pouvait modifier son avis. Deux lettres seulement provenaient d'un médecin, et elles confirmaient que Mme Winston était tétraplégique, que son état n'était pas susceptible de s'améliorer et qu'il lui faudrait un suivi médical à long terme. Rien dans les nouveaux documents ne venait changer le point de vue du Dre Cooper.


[8]                Le Dre Cooper a tenu compte de renseignements en provenance du Spinal Cord Injury Information Network, voulant que le coût moyen annuel des soins pour une personne souffrant de tétraplégie modérée (un handicap comparable à celui de Mme Winston) se chiffre à 41 983 $US. Le Dre Cooper a aussi tenu compte du fait que Mme Winston aurait le droit d'être admise dans un établissement de soins de longue durée, ce qui représenterait en Ontario un coût de 36 000 $ par an, dont 20 000 $ seraient à la charge du gouvernement provincial.

[9]                Le Dre Cooper a examiné les circonstances particulières du cas de Mme Winston, ainsi que l'appui familial qu'elle recevait. Elle a aussi tenu compte du fait que même si la famille de Mme Winston décidait d'en prendre soin à la maison, elle ne pourrait probablement pas le faire 24 heures sur 24. Mme Winston aurait probablement droit au niveau le plus élevé d'aide aux soins personnels disponibles en Ontario. Le Dre Cooper estimait le coût de ces soins approximativement à 24 000 $ par an à Ottawa, et au moins à 25 000 $ par an à Toronto.

[10]            Le Dre Cooper a tenu compte du fait que Mme Winston aurait aussi droit à une physiothérapie en permanence, ainsi qu'à des appareils médicaux de pointe, comme des appareils de positionnement dynamique et des fauteuils roulants motorisés. Ces appareils sont fournis en vertu de programmes qui sont en partie financés par des fonds publics.


[11]            La documentation additionnelle présentée par le demandeur comprenait aussi des renseignements sur les services de transport adapté, comme le Wheel Trans Service, et décrivait les critères d'admissibilité et le processus d'appel en cas de refus du service. Bien qu'on ait déclaré que Mme Winston n'avait pas l'intention d'utiliser ces services, le Dre Cooper a tenu compte du fait qu'elle y aurait droit et qu'elle pourrait en avoir besoin à l'avenir. Le Dre Cooper a constaté que ces services étaient fortement subventionnés, le coût estimé d'un seul aller-retour par semaine se chiffrant à près de 2 000 $ par an.

[12]            Comme le Dr Theriault était absent de son bureau d'Ottawa au moment où la documentation additionnelle du demandeur devait être examinée, le Dr Paradis a revu tout le dossier, y compris la nouvelle documentation. Le Dr Paradis a dit partager l'avis du Dre Cooper que la nouvelle documentation ne changeait rien au profil médical de l'intéressée, non plus qu'à la décision se trouvant dans l'Avis médical du 20 juin 2001, qui porte que Mme Winston constituerait un fardeau excessif pour les services sociaux et de santé. Le Dre Cooper a transmis cet avis au Bureau de l'immigration le 11 avril 2002.

[13]            Dans une lettre datée du 12 avril 2002, l'agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur, au motif que ce dernier ne répondait pas aux exigences prévues pour l'admission au Canada. L'agent d'immigration a conclu que la conjointe du demandeur (Mme Winston) était non admissible pour raisons médicales en vertu de l'alinéa 19(1)a) de la Loi sur l'immigration.


LE CADRE LÉGISLATIF

[14]            C'est la personne qui demande l'admission au Canada qui a le fardeau de prouver que cette admission n'est pas contraire à la Loi sur l'immigration ou au Règlement sur l'immigration.

[15]            Le sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration est rédigé comme suit :


Personnes non admissibles

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

Inadmissible persons

19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

a)              celles qui souffrent d'une maladie ou d'une invalidité dont la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un médecin agréé, dont l'avis est confirmé par au moins un autre médecin agréé, conclut :

...

(a)            persons, who are suffering from any disease, disorder, disability or other health impairment as a result of the nature, severity or probable duration of which, in the opinion of a medical officer concurred in by at least one other medical officer,

...

ii)              soit que leur admission entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé;

(ii)            their admission would cause or might reasonably be expected to cause excessive demands on health or social services;


[16]            Toute personne qui demande la résidence permanente au Canada en qualité d'immigrant doit subir un examen médical administré par un médecin agréé. Un examen médical peut comprendre un examen physique et un examen mental, ainsi qu'une évaluation des dossiers médicaux pertinents. L'expression « médecin agréé » s'entend d'un membre qualifié du corps médical qui est reconnu comme tel aux fins de la Loi sur l'immigration et du Règlement sur l'immigration.


[17]            En examinant le candidat à l'immigration, le médecin agréé doit décider si, par suite de l'état de santé et de la condition médicale du candidat, de sa nature, gravité ou durée probable, son admission au Canada entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé canadiens.

[18]            Si le médecin agréé (dont l'avis doit être confirmé par au moins un autre médecin agréé) considère que le candidat à l'immigration est une personne dont l'admission entraînerait ou risquerait d'entraîner un « fardeau excessif » pour les services sociaux ou de santé canadiens, énoncé que notre Cour a défini comme voulant dire « [...] en sus de ce qui est normal ou nécessaire [...] » (Jim et autre c. Canada (Solliciteur général) et autre (1993), 69 F.T.R. 252 (1re inst.), à la page 258), cette personne ne sera pas admise parce qu'elle est membre d'une catégorie de personnes non admissibles et qu'elle ne répond pas aux exigences de la Loi sur l'immigration ou du Règlement sur l'immigration.

[19]            Le Guide du médecin agréé définit de la façon suivante les évaluations dans la catégorie D (relative à la demande prévue en services sociaux ou médicaux) :



CRITÈRE D

D1            Aucune demande prévue en services sociaux ou médicaux suivis.

(i) Santé

D2            Exige ou pourrait exiger des soins médicaux suivis.

D3            Souffre d'une maladie qui exige ou exigera au moins une période d'hospitalisation importante dans cinq ans au plus.

D4            Exige ou exigera probablement des soins médicaux poussés ou l'hospitalisation à intervalles réguliers, ou les deux.

(ii) Services sociaux

D5            Exige ou exigera probablement une surveillance régulière de la part des services sociaux ainsi qu'une formation spéciale, mais pourrait en arriver à subvenir à ses besoins.

D6            Exige ou exigera probablement des soins ou une surveillance d'une durée indéfinie en milieu familial ou institutionnel.

D7            Exige ou exigera probablement des soins continus en institution.

COMMENTAIRES

De légers problèmes d'arthrite et les autres maladies courantes exigeant à l'occasion une visite chez le médecin devraient relever de cette catégorie.

Sont ici visés les patients souffrant d'une maladie stabilisée ou suivant une thérapie d'entretien. Exemples : certains cas de diabète, d'hypertension, d'hypothyroïdie ou de tuberculose inactive exigeant une surveillance.

Exemples : hernie inguinale exigeant une chirurgie, mais offrant de bonnes perspectives de guérison; calculs biliaires avec antécédents de coliques.

Exemples : sclérose en plaques grave, bronchopneumopathie chronique obstructive, maladie métastatique, dialyse rénale, transplantation d'organe, soins hospitaliers chroniques et services de réadaptation.

Exemple : une personne souffrant d'une déficience mentale mais capable de recevoir une formation et d'en arriver à subvenir à ses besoins.

L'aide ici visée pourrait prendre la forme de prestations d'aide sociale ou de cours de formation.

Exemples : Déficience mentale ou niveau d'éducation empêchant le patient de se trouver un emploi ou d'exercer des activités de la vie quotidienne et nécessitant conséquemment des soins à domicile. Un autre exemple serait le cas d'une personne atteinte d'hémiparésie avec séquelles et pouvant être soignée à domicile. Des cas plus graves relèveront également de cette catégorie.

Exemples : certains cas d'arriération mentale grave, de psychose chronique grave et de nombreux cas d'hémiplégie ou de paraplégie.


LES QUESTIONS EN LITIGE

[20]            Le demandeur soulève les questions suivantes :

Le médecin agréé a-t-elle commis une erreur en se posant la mauvaise question?

Le médecin agréé a-t-elle commis une erreur en n'évaluant pas le contexte spécifique au demandeur?


Le médecin agréé a-t-elle commis une erreur en procédant à une analyse déficiente du fardeau excessif?

Le médecin agréé a-t-elle omis de tenir compte de la preuve?

Le médecin agréé a-t-elle enfreint son obligation d'équité en se fondant sur le Guide du médecin agréé et en renvoyant à des documents additionnels sans les divulguer au demandeur, savoir : The Spinalcord Injury Information Network, Facts and Figures at a Glance, mai 2001, publié par l'Université de l'Alabama à Birmingham et Medical Services - Long-Term Care Costs in Ontario?

LES ARGUMENTS

Le point de vue du demandeur

Le médecin agréé a-t-elle commis une erreur en se posant la mauvaise question?

[21]            Selon le demandeur, lorsqu'un médecin agréé examine la question de savoir si l'état de santé d'un demandeur entraînera un fardeau excessif pour les services sociaux et de santé canadiens, la législation exige que la réponse fasse état de probabilités. Voir Badwal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 64 D.L.R. (4th) 561 (C.A.F.), à la page 564.


[22]            Le demandeur soutient qu'en l'espèce, les rapports d'un médecin spécialiste datés des 18 décembre 2001 et 29 janvier 2002, préparés par le Dr Peter Poon-King, viennent confirmer que l'état de Mme Winston était stabilisé et que sa capacité fonctionnelle ne s'améliorerait pas. Tous les rapports médicaux confirment que son état ne s'est pas détérioré et qu'il n'est pas probable qu'il le fasse dans l'avenir. De plus, le demandeur soutient que les services dont Mme Winston a besoin seront fournis par les membres de sa famille, par exemple un programme d'exercice à domicile. Elle devra aussi voir un spécialiste en réadaptation deux fois par an, et consulter son médecin en cas d'infection des voies urinaires.

[23]            Le demandeur soutient que nonobstant ce qui vient d'être décrit, le Dre Cooper a conclu qu'il était raisonnable de s'attendre à ce que Mme Winston doive être placée dans un centre de soins, ou recevoir des soins à l'hôpital (comme de l'ergothérapie et de la physiothérapie) ainsi que l'aide de travailleurs sociaux), en plus de disposer d'un transport adapté et de soins à domicile. Le demandeur soutient que cette évaluation ne tient pas compte des faits en l'espèce. De plus, le demandeur soutient que le médecin agréé n'a pas énoncé quelle était la probabilité que Mme Winston ait besoin de ces services, ou qu'elle s'en prévale, facteur imposé par la décision Redding c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 C.F. 496 (1re inst.).


[24]            Le demandeur soutient que le médecin agréé admet dans son affidavit avoir [traduction] « commis une erreur en ne corrigeant pas l'évaluation proposée D4/5 du Dr Theriault » . Le demandeur soutient que par suite de cette déclaration le médecin agréé a conclu après que l'affaire ait été entendue qu'elle a commis une erreur dans son évaluation. L'agent des visas ou le demandeur ne pouvaient prendre cette erreur en compte, puisqu'ils n'étaient pas au courant de son existence. Le demandeur soutient qu'il s'agit là d'une erreur de droit.

[25]            Le demandeur soutient de plus que la législation exige qu'on fasse une évaluation spécifique de chaque demandeur. En l'espèce, le médecin agréé a lancé des hypothèses générales au sujet de l'impact de la tétraplégie de Mme Winston. Nonobstant la preuve et l'historique de Mme Winston, ainsi que les déclarations de sa famille et de ses médecins, le Dre Cooper a décidé que Mme Winston pourrait utiliser des services sociaux et médicaux qu'elle n'utilise pas présentement, alors que rien d'objectif ne vient indiquer pourquoi Mme Winston exigerait de tels services dans l'avenir.

[26]            Le demandeur soutient qu'en plus de citer et d'interpréter des extraits des rapports médicaux hors contexte, et sans avoir rempli toute la déclaration requise au rapport médical, le médecin agréé n'a pas tenu compte de l'évaluation du spécialiste en réadaptation, ou elle l'a mal interprétée. De plus, le demandeur soutient que nonobstant les déclarations du Dre Cooper à l'effet contraire dans son affidavit, rien n'indique que Mme Winston aurait besoin d'être placée dans un établissement de soins de longue durée ou de services de physiothérapie lorsqu'elle sera au Canada. Le demandeur fait remarquer que Mme Winston n'utilise pas ces services en ce moment et qu'il n'y a aucune raison de croire qu'elle les utilisera au Canada.


[27]            Le demandeur soutient que le Dre Cooper a plusieurs fois fait mention des services auxquels Mme Winston pourrait avoir droit et il fait remarquer que l'accès à ces services est lié au besoin financier. Étant donné que le demandeur et Mme Winston ont leurs propres ressources financières, ils ne présenteraient pas de demande aux services sociaux ou de santé. Le demandeur soutient que l'information pertinente sur cette question ne lui a pas été transmise et qu'il n'a jamais eu l'occasion de réagir aux préoccupations du médecin agréé à ce sujet.

[28]            Le demandeur appuie son point de vue sur la décision Lau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 485 (1re inst.).

[29]            Le demandeur soutient que le médecin agréé a enfreint son obligation et qu'elle a commis une erreur ouvrant droit à révision en l'espèce en ne tenant pas compte des circonstances particulières du cas de Mme Winston.

Le médecin agréé a-t-elle commis une erreur en procédant à une analyse déficiente du fardeau excessif?

[30]            Le demandeur soutient que le médecin agréé a confirmé avoir fait quelques recherches au sujet de certains services, alors qu'elle ne s'est pas enquis de la disponibilité d'autres services dont le demandeur pourrait avoir besoin. Le demandeur fait remarquer que la juge Sharlow a déclaré, dans Rabang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1934 (1re inst.), que :


14.       La preuve que contient le dossier médical étaye l'avis du médecin agréé dans la mesure où elle porte sur l'état de santé de Patrick et sur le fait qu'à l'avenir, il aura probablement besoin de soins médicaux, de soins thérapeutiques, et d'enseignement spécial. Cependant, sauf une exception de peu d'importance (dont il sera question au paragraphe suivant), il n'y a pas de preuve sur ce que j'appelle les aspects non médicaux de l'avis, soit la disponibilité, la rareté ou les coûts de services sociaux ou de santé financés à même les deniers publics, établissant ce que Patrick exigera probablement. Comme on n'a pas tenté de pallier ce manque de preuve par un affidavit, il est impossible d'apprécier le caractère raisonnable de l'avis du médecin agréé selon lequel on peut raisonnablement s'attendre à ce que les besoins de Patrick entraînent un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé au Canada.

[...]

20.       Dans un certain nombre d'affaires dont notre Cour a été saisie, des éléments de preuve établissant le coût social ont été produits pour justifier l'avis d'un médecin agréé sur le fardeau excessif. Je renvoie, à titre d'exemple, à l'affaire Ma, précitée, à la décision Mendoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-288-99 (29 octobre 1999) (C.F. 1re inst.), et à l'instance qui s'est déroulée devant la Section de première instance dans l'affaire Thangarajan, précitée (décision publiée à (1998) 152 F.T.R. 91), et dans l'affaire connexe Yogeswaran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 129 F.T.R. 151 (deux décisions confirmées par la Cour d'appel fédérale le 24 juin 1999).

21.       On a également soutenu, pour le compte du ministre, qu'il incombait aux demandeurs de convaincre le médecin agréé que le fardeau que Patrick entraînerait sur les services sociaux et de santé financés à même les deniers publics ne serait pas excessif, et que ces derniers n'ont produit aucun élément de preuve à cet égard. Cet argument ne traite pas du problème fondamental que soulève la présente affaire. Le problème est que le dossier ne contient aucun élément de preuve sur la question cruciale du fardeau excessif.

[31]            En l'espèce, le demandeur soutient que le dossier médical et la preuve par affidavit portent essentiellement sur les coûts, plutôt que sur la disponibilité ou sur d'autres considérations, comme la priorité par rapport aux citoyens canadiens pour l'accès aux services médicaux.


[32]            Le demandeur soutient que le Dre Cooper s'est aussi appuyée sur des renseignements non pertinents au sujet des coûts. Le Dre Cooper mentionne le « Spinal Cord Injury Information Network, fixant le coût moyen annuel des soins pour une personne souffrant de tétraplégie modérée, un handicap comparable à celui de Mme Winston, à 41 983 $US » . Le demandeur soutient que ces renseignements sont fondés sur des services américains et qu'ils sont publiés par l'Université de l'Alabama. Ils n'auraient donc aucune signification ou pertinence dans le cadre des évaluations de santé au Canada. Se fondant sur cette déclaration, le demandeur soutient qu'il est clair que le Dre Cooper s'est posé la mauvaise question et qu'elle a procédé à une analyse déficiente du fardeau excessif. Le demandeur soutient que le fait que le Dre Cooper se soit appuyée sur une évaluation faite par une université américaine et qui porte sur les coûts moyens pour les Américains constitue une démarche non pertinente par rapport aux coûts qui pourraient être pertinents au Canada. De plus, ces renseignements n'ont jamais été divulgués au demandeur et il n'a pas eu l'occasion d'y réagir.

Le médecin agréé a-t-elle omis de tenir compte de la preuve?

[33]            Le demandeur soutient que le Dre Cooper n'a tenu aucun compte des rapports des spécialistes, non plus que de la preuve présentée par l'avocat du demandeur au sujet de la disponibilité des services médicaux en Ontario, et de la déclaration du demandeur au sujet de ses ressources financières et de l'amour et de l'affection qu'il porte à son épouse et du fait qu'il a l'intention de continuer à s'en occuper. Le demandeur soutient que l'analyse du Dre Cooper est fondée sur des généralisations applicables à la population en général, mais qu'il n'y a aucune évaluation spécifique de la situation de Mme Winston.


Le médecin agréé a-t-elle enfreint son obligation d'équité en se fondant sur le Guide du médecin agréé et en renvoyant à des documents additionnels sans les divulguer au demandeur, savoir : The Spinalcord Injury Information Network, Facts and Figures at a Glance, mai 2001, publié par l'Université de l'Alabama à Birmingham et Medical Services - Long-Term Care Costs in Ontario?

[34]            Le demandeur s'appuie sur les indications données par le juge Lemieux dans Redding c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 C.F. 496 (1re inst.), au sujet des renseignements qui doivent être divulgués en fonction de l'obligation d'équité.

[35]            Le demandeur soutient que les circonstances en l'espèce vont encore plus dans le sens de son point de vue, étant donné que le Dre Cooper s'est appuyée sur des rapports additionnels et une autre preuve sans divulguer ce fait au demandeur.

Le point de vue du demandeur

Le médecin agréé a-t-elle commis une erreur en se posant la mauvaise question?


[36]            Le défendeur soutient que le médecin agréé a fait une évaluation appropriée du dossier du demandeur et qu'elle a tenu compte de la preuve qu'il a présentée. Bien que le rapport du Dr Peter Poon-King déclare que l'état de Mme Winston était stabilisé et que sa capacité fonctionnelle ne s'améliorerait pas, le médecin agréé a conclu que Mme Winston aurait besoin d'un suivi médical additionnel étant donné qu'elle est sujette à certains problèmes médicaux par suite de sa tétraplégie. Ces problèmes comprennent les infections des voies urinaires et des poumons. Elle a aussi besoin de physiothérapie en permanence pour éviter les contractures articulaires, et elle devra être suivie par des préposés aux soins personnels 24 heures sur 24 pour des raisons de santé et de sécurité.

[37]            Le défendeur fait remarquer que le demandeur soutient que dans Redding, précité, le médecin agréé a commis une erreur en examinant les diabétiques en général plutôt qu'en faisant une évaluation du contexte particulier au demandeur dans cette affaire. Le défendeur soutient qu'en l'espèce, le médecin agréé a fait remarquer que Mme Winston est tétraplégique et que rien n'indique que sa condition va s'améliorer. Le défendeur soutient qu'au vu de sa condition, Mme Winston est sujette à des problèmes médicaux particuliers et, par conséquent, que le médecin agréé a fait une évaluation appropriée des coûts liés à ces problèmes.

[38]            Le défendeur soutient que Redding, précité, n'appuie pas le point de vue du demandeur, puisque le diabète traité à l'insuline est une condition qui peut évoluer. En l'espèce, le défendeur soutient qu'il n'y a aucune doute que la condition de Mme Winston ne changera pas. Ceci ressort clairement du rapport du médecin personnel de Mme Winston.

[39]            Le défendeur soutient que nonobstant l'erreur dans le rapport au sujet de la catégorie D appropriée, le médecin agréé aurait quand même conclu que le demandeur entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé au Canada.


[40]            Le défendeur fait remarquer que le médecin agréé a traité spécifiquement des motifs pour lesquels Mme Winston aurait besoin d'une aide médicale et sociale, et qu'elle a tenu compte de l'historique de Mme Winston ainsi que de la preuve présentée par sa famille et ses médecins :

[traduction]

J'ai examiné le contexte spécifique à Mme Winston et l'appui qu'elle reçoit de son environnement familial. J'ai toutefois aussi tenu compte de la réalité, savoir que même si sa famille s'occupe d'elle à la maison, il est peu probable qu'ils puissent le faire 24 heures sur 24. Ceci ressort du fait qu'ils ont déjà besoin d'aide extérieure pendant au moins huit heures par jour à Trinidad.

Affidavit du Dre Cooper, au paragraphe 13.

[41]            Mme Winston est tétraplégique et elle a besoin d'aide pour se nourrir. En conséquence, le défendeur soutient qu'il est logique et nécessaire d'évaluer les besoins de Mme Winston en adoptant une approche réaliste aux activités de la vie quotidienne.

[42]            Le défendeur fait remarquer que le spécialiste en réadaptation n'a pas dit que Mme Winston n'aurait besoin que de deux visites par an. La lettre du Dr Poon-King porte que Mme Winston devrait voir un spécialiste en réadaptation deux fois par an. Le demandeur déclare que ceci veut dire que des visites médicales pourraient être requises plus fréquemment. Le défendeur soutient que le médecin agréé pouvait, en se fondant sur l'état de santé de Mme Winston et les services auxquels elle aurait droit, évaluer le nombre probable de visites qu'elle devrait faire chaque année.


[43]            Nonobstant le fait que la famille soit disposée à s'occuper de Mme Winston, le médecin agréé a fait remarquer qu'elle utilise déjà les services de soins disponibles à Trinidad huit heures par jour. En conséquence, le défendeur soutient que le médecin agréé pouvait évaluer la possibilité d'une admission dans un service de soins de longue durée si Mme Winston recevait le droit d'établissement en Ontario, car elle aurait droit au plus haut niveau de soins personnels. Au vu de ces circonstances, ainsi que de l'importance du handicap, le nombre de membres de la famille à Trinidad et les pressions additionnelles liées à l'immigration dans un nouveau pays, il était raisonnable pour le médecin agréé de penser que la famille peut avoir besoin des services de soins au Canada plus de huit heures par jour.

[44]            Le défendeur soutient que le médecin agréé a la responsabilité d'évaluer la situation de Mme Winston pour déterminer de quels services elle pourrait avoir besoin (ou auxquels elle pourrait avoir droit), en se fondant sur son handicap particulier. Le défendeur soutient que même si Mme Winston décide de ne pas utiliser les services médicaux, on ne peut utiliser ce facteur pour décider quelles seraient les exigences raisonnables placées sur les services de santé par suite de l'admission d'une personne donnée (Deol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 19 Imm. L.R. (3d) 26 (1re inst.) et Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Khan (2001), 283 N.R. 173) (C.A.F.)).


[45]            Le défendeur fait aussi remarquer que dans l'arrêt Deol, précité, la Cour d'appel fédérale a rejeté un argument semblable à celui qu'avance le demandeur et qui porte que le médecin agréé a commis une erreur en ne tenant pas compte des ressources financières ou du soutien que la famille pouvait apporter à Mme Winston. Ceci est lié au fait que, comme il a été jugé dans plusieurs décisions, il n'est pas possible de faire respecter un engagement personnel de payer les services de santé qui peuvent être nécessaires après qu'une personne a été admise au Canada en tant que résident permanent si les services peuvent être obtenus gratuitement.

[46]            S'agissant de l'argument du demandeur que le défendeur avait l'obligation de lui divulguer les renseignements sur lesquels le médecin agréé s'est appuyé (comme les services du ministère ontarien de la Santé et des Soins de longue durée et d'autres services auxquels le demandeur pourrait avoir droit), le défendeur soutient que le demandeur n'a pas cité de jurisprudence à l'appui de son point de vue voulant que l'obligation d'équité exige la divulgation des renseignements sur lesquels une évaluation de fardeau excessif vient s'appuyer. Le défendeur soutient que la seule exigence porte que le demandeur doit recevoir l'occasion de présenter des renseignements additionnels au médecin agréé sur l'état de santé et le diagnostic ou l'Avis médical en cause. C'est ce qui s'est produit en l'espèce.

Le médecin agréé a-t-elle commis une erreur en procédant à une analyse déficiente du fardeau excessif?

[47]            Sur cette question, le défendeur soutient que toutes les personnes qui demandent des visas d'immigrant et qui pourraient voir cette demande rejetée pour des motifs d'ordre médical doivent avoir l'occasion de présenter une preuve médicale additionnelle et de réagir à la conclusion de « fardeau excessif » à laquelle les médecins agréés canadiens sont arrivés.


[48]            Le défendeur soutient qu'en l'espèce, le demandeur a eu droit à ces deux occasions et qu'il s'en est prévalu. Le défendeur soutient que la lettre de l'agent des visas informait le demandeur de la conclusion de « fardeau excessif » des médecins, et qu'elle déclarait ce qui suit :

[traduction]

Avant que j'arrive à ma décision finale, vous pouvez présenter des renseignements ou des documents additionnels au sujet de l'état de santé et du diagnostic ou avis médical. Vous pouvez aussi présenter d'autres renseignements au sujet de la question du fardeau excessif en ce qu'elle s'applique à votre cas.

[49]            Le défendeur soutient qu'on ne peut raisonnablement interpréter cette formulation comme limitant le demandeur uniquement à une nouvelle preuve médicale. Le défendeur renvoie au jugement du juge Wetson dans Ma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 140 F.T.R. 311 (1re inst.), à la page 315 :

16.       En l'espèce, bien que dans sa lettre, l'agent des visas n'ait pas explicitement demandé de renseignements supplémentaires au sujet de la question du fardeau excessif, et que l'avis médical communiqué au requérant ne mentionnât pas expressément le Rapport sur l'état des troubles du développement sur lequel les médecins se sont fondés pour former leur opinion, on ne saurait dire que le requérant n'a pas eu l'occasion de traiter de la question du fardeau excessif, ainsi que de celle du diagnostic et du pronostic de l'enfant, ou qu'il ne s'est pas pleinement prévalu de cette possibilité.

[50]            Le défendeur soutient que la réponse du demandeur suite à l'invitation de l'agent des visas fait ressortir clairement qu'il avait bien compris qu'il disposait d'une occasion de traiter de la question centrale du fardeau excessif en utilisant des moyens autres que de simples avis médicaux.


[51]            Le défendeur soutient que le demandeur affirme sans ambages que le médecin agréé n'a fait que quelques recherches au sujet de certains services et aucune au sujet de la disponibilité d'autres. Toutefois, le demandeur ne présente aucune allégation spécifique à laquelle le défendeur pourrait réagir. Le défendeur soutient que la seule référence porte sur la priorité par rapport aux citoyens canadiens. Toutefois, comme le demandeur n'avait pas besoin de services médicaux tels qu'une chirurgie, ce qui viendrait retarder le traitement de Canadiens, cette question n'avait pas à être abordée par le médecin agréé. Son évaluation se fondait sur les services dont le demandeur aurait besoin par suite de la tétraplégie de Mme Winston.

[52]            S'agissant du renvoi au Spinal Cord Injury Information Network, le défendeur soutient que son utilisation par le médecin agréé ne démontre pas qu'elle n'a pas abordé la bonne question. Le médecin agréé renvoyait à cette source uniquement pour estimer quel serait le coût des soins pour une personne se trouvant dans la situation du demandeur. Le fait qu'il s'agisse d'un document américain et qu'on parle de dollars US ne le transforme pas en document non pertinent. Il est facile de convertir les devises étrangères en dollars canadiens.

Le médecin agréé a-t-elle omis de tenir compte de la preuve?


[53]            Sur cette question, le défendeur soutient que l'obligation d'équité dans un contexte d'immigration n'exige pas que le décideur administratif divulgue au candidat à l'immigration le détail des méthodes d'évaluation du médecin agréé, la preuve spécifique qu'il a examinée, ou la façon particulière de procéder pour respecter les objectifs de la Loi sur l'immigration. En fait, l'obligation d'équité exige que l'agent des visas donne à un demandeur une occasion réelle de réagir à une évaluation médicale négative avant de procéder en conséquence. Le sort de la demande de visa dépend de cette évaluation médicale (Gao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1993), 61 F.T.R. 65 (1re inst.)).

Le médecin agréé a-t-elle enfreint son obligation d'équité en se fondant sur le Guide du médecin agréé et en renvoyant à des documents additionnels sans les divulguer au demandeur, savoir : The Spinalcord Injury Information Network, Facts and Figures at a Glance, mai 2001, publié par l'Université de l'Alabama à Birmingham et Medical Services - Long-Term Care Costs in Ontario?

[54]            Le défendeur soutient que le médecin agréé a procédé de façon appropriée en s'appuyant sur le Guide du médecin agréé pour évaluer le dossier du demandeur. Le médecin agréé n'avait aucune obligation juridique de faire état du Guide du médecin agréé avant d'arriver à sa décision.

ANALYSE

[55]            Les avocats des parties adverses ont exprimé un net désaccord à l'audience au sujet de l'impact des diverses dispositions législatives et de la jurisprudence. Par conséquent, je crois que l'analyse serait plus facile si j'énonçais ma compréhension des règles pertinentes avant d'examiner le fond de l'affaire.


[56]            En l'espèce, l'argument principal du demandeur porte qu'on n'a pas appliqué correctement le sous-alinéa 19(1)a)(ii), du fait que le médecin agréé n'a pas examiné les circonstances particulières à la situation du demandeur et qu'elle n'a pas envisagé la question de savoir si, au vu de l'état actuel de Mme Winston et de sa situation familiale, on pouvait s'attendre à un fardeau excessif. À cet égard, le demandeur s'appuie fortement sur l'arrêt Badwal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 64 D.L.R. (4th) 561 (C.A.F.) et sur la décision Lau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 485 (1re inst.).

[57]            L'importance de cette jurisprudence pour fonder la position du demandeur justifie qu'on examine de plus près les textes. Dans l'arrêt Badwal, précité, le juge MacGuigan déclare ceci, à la page 564 :

[...] Comme l'a déclaré le juge Prate dans l'arrêt Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Pattar, A-710-87, rendu le 28 octobre 1988 :

En l'absence d'une preuve médicale, un profane ne peut tirer de déduction quant aux conséquences probables d'un trouble physique dont la cause est inconnue. Un médecin ne se trouve cependant pas dans la même situation; à cause de ses connaissances spécialisées et de son expérience il peut, dans de nombreux cas, évaluer s'il est probable qu'un trouble physique d'origine inconnue soit très grave et dangereux et qu'il nécessite une longue hospitalisation.

La Commission ne peut pas reconsidérer une expertise médicale de ce genre.

Néanmoins, nous reconnaissons tous que la décision de la majorité ne peut pas être maintenue. Même s'il n'est pas obligatoire que le pronostic soit certain, la Cour a déclaré dans l'arrêt Hiramen c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, (1986), 65 N.R. 67, comme motif indépendant de sa décision, que la Loi exige une expression de la probabilité que des mots comme pourrait ( « could » ) et peut ( « may » ) ne suffisent pas à exprimer. Voir l'arrêt Hiramen à la page 68 : « Cette inscription, outre qu'elle ne constitue pas l'avis requis, exprime une possibilité plutôt qu'une probabilité. »

Ce n'est pas que le simple usage du mot peut dans l'exposé narratif du profil médical peut amener « d'une manière décisive à une conclusion d'insuffisance, » point de vue qui a été rejeté par le juge Marceau pour la majorité dans l'arrêt Pattar. C'est plutôt que l'exposé narratif fait dépendre le fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé de la détérioration de l'état de santé actuel du requérant, éventualité dont on a dit qu'elle était tout simplement possible. En d'autres mots, on déduit la probabilité d'un traitement de la simple possibilité que l'état de santé se détériore.


Il faut conclure qu'en l'absence de détérioration, ce qui d'après l'exposé narratif du profil médical ne constitue qu'une possibilité, il n'y aura pas de fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé. Le profil médical est donc contradictoire, amenant à conclure que le médecin n'a pas examiné les points pertinents.

La médecine n'est pas une science exacte, mais le Parlement exige un jugement sur les probabilités fondé sur une évaluation de l'état de santé actuel du requérant.

[58]            Dans Lau, précité, le juge Pinard accorde une très grande importance au besoin d'une « évaluation individualisée quand on évalue un cas de non-admissibilité pour raisons d'ordre médical » . Voici ce qu'il dit, aux paragraphes 10 et 11 :

10.       À mon avis, les médecins agréés ont omis de respecter l'obligation de procéder à une évaluation individualisée quand on évalue un cas de non-admissibilité pour raisons d'ordre médical. Il ressort clairement de la jurisprudence qu'une conclusion de non-admissibilité pour raisons d'ordre médical ne peut reposer uniquement sur l'état de santé qui est évalué; il faut plutôt examiner soigneusement les circonstances personnelles de l'intéressé. Le juge Cullen a exprimé cette obligation en termes concis dans l'arrêt Poste c. Canada (M.C.I.) (22 décembre 1997), IMM-4601-96, aux pages 20 et 21 :

Les médecins agréés sont tenus d'évaluer la situation de chaque personne qui se présente devant eux en fonction de son caractère unique. Les médecins agréés sont maintenant tenus de par la loi de donner une opinion sur le fardeau susceptible d'être imposé aux services sociaux. Il ne suffit pas qu'un médecin agréé donne une opinion sur ce fardeau en général; l'opinion doit être ancrée fermement sur la situation personnelle de la personne en cause et l'ensemble des circonstances de l'espèce. Celles-ci inclueraient le degré de soutien de la famille et son engagement envers la personne, ainsi que les ressources particulières de la collectivité. Lorsqu'une personne risque d'entraîner un fardeau excessif dans un cas, dans un cadre différent, il se peut que la même personne n'entraîne qu'un léger fardeau, voire aucun. Les médecins agréés doivent examiner la situation particulière de la personne en cause. Autrement, il est fait abstraction d'une preuve convaincante, et les opinions concernant le fardeau imposé aux services sociaux ne sont plus fondées et ne peuvent être confirmées par la présente Cour.

11.       Ainsi qu'on peut le voir dans ce passage, le juge Cullen a accordé beaucoup d'importance à l'effet de l'appui de la famille sur le fardeau que l'état de santé d'une personne peut imposer aux services sociaux et de santé du Canada.


[59]            Jusqu'ici, il semble ne pas y avoir de divergence entre les parties quant au principe. Toutefois, leurs chemins se séparent lorsqu'il s'agit de l'interprétation à donner aux arrêts Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2003 CAF 420 et Deol, précité. Ces deux affaires sont particulièrement pertinentes en l'espèce, puisqu'elles traitent notamment d'une évaluation faite en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) alors qu'il existait une preuve que les familles étaient disposées et capables d'apporter leur aide pour réduire le fardeau imposé aux services sociaux et de santé. De prime abord, il semblerait évident que le principe qui veut qu'une évaluation du fardeau excessif se fonde sur les circonstances particulières d'une personne donnée, comme le prescrit Lau, précité, exigerait du médecin agréé qu'il tienne compte du fait que la famille et le demandeur sont disposés et capables de subvenir à leurs propres besoins. En fait, la décision Poste qui est citée dans Lau, précité, est directement citée et discutée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Hilewitz, précité, où l'on trouve un examen approfondi de la jurisprudence contradictoire, ainsi qu'une interprétation du sous-alinéa 19(1)a)(ii) à ce sujet. Voici comment le juge Evans aborde cette question en rédigeant les motifs de la Cour dans l'arrêt Hilewitz, précité :

68. Comme je l'ai déjà indiqué, malgré la jurisprudence prépondérante de la Cour fédérale à l'effet contraire, le fait que les parents de la personne concernée disposent de ressources suffisantes pour assumer le coût des services sociaux n'est pas un élément que le médecin agréé doit prendre en considération lorsqu'il évalue la probabilité que l'admission d'une personne au Canada entraîne un fardeau excessif pour les services sociaux, même si ces services sont offerts avec récupération, totale ou partielle, des coûts ou peuvent être achetés auprès d'organismes privés. Voici quels sont mes motifs.

a) le texte législatif

69. Le texte du sous-alinéa 19(1)a)(ii) énumère les éléments dont le médecin agréé doit tenir compte pour préparer un avis sur la question du fardeau excessif, à savoir, la nature, la gravité ou la durée probable de la maladie dont souffre la personne concernée. J'estime que la Cour ne devrait ajouter à cette liste des éléments implicites que si ces derniers renforcent l'efficacité du régime législatif.


70. Ainsi, le juge Binnie a reconnu, dans l'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, au paragraphe 176, un critère implicite applicable aux personnes que le ministre peut nommer pour présider un conseil d'arbitrage, à savoir qu'elles devaient avoir une expérience dans le domaine des relations du travail et être acceptées par l'ensemble de la communauté des relations de travail, étant donné que ces caractéristiques « touchant directement le coeur du « régime législatif » de la LACHT » . Pour les motifs exposés plus loin, il n'est pas possible de tenir le même raisonnement au sujet de l'importance des ressources financières du demandeur de visa pour la question de la non-admissibilité pour des raisons médicales à cause de l'imposition d'un fardeau excessif pour les services sociaux, en particulier puisque le législateur a expressément mentionné les autres éléments à prendre en considération.

71. L'argument selon lequel le législateur n'avait pas, en adoptant le sous-alinéa 19(1)a)(ii), l'intention d'obliger les médecins agréés à tenir compte de la capacité et de la volonté d'assumer certains frais est également conforté par le fait que le règlement traitant du fardeau excessif n'a jamais mentionné le soutien familial ou les ressources financières. Ainsi, l'article 22 du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 énumère les facteurs dont le médecin agréé doit tenir compte pour évaluer la nature, la gravité ou la durée probable d'une maladie. Ces facteurs comprennent non seulement les rapports concernant les diagnostics et le pronostic mais aussi la disponibilité des services sociaux ou de santé dont la personne en cause pourrait avoir besoin pour cette raison. Ces facteurs ne comprennent toutefois pas des facteurs personnels de nature non médicale comme l'existence d'un soutien familial susceptible de réduire la nécessité d'utiliser des services sociaux financés par l'État.

72. L'article 22 a été jugé invalide lorsqu'il a été appliqué à des avis sur la question du fardeau excessif qui n'étaient pas reliés à des préoccupations de santé publique (voir, par exemple, Ismaili c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 100 F.T.R. 139) et cette disposition a, de toute façon, été abrogée.

73. L'article 22 a été remplacé par l'article 34 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, pris aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. L'article 34 énonce que, pour décider s'il y a fardeau excessif, le médecin agréé tient compte des rapports établis par un spécialiste de la santé ou par un laboratoire médical concernant l'étranger et de tout rapport et de toute maladie détectés lors de la visite médicale. Le nouveau règlement n'exige donc pas que l'agent tienne compte de facteurs non médicaux concernant l'individu en cause.

b) aspects pratiques


74. Il existe une présomption selon laquelle la loi qui crée un programme public doit s'interpréter de façon à faciliter l'administration du régime législatif ainsi créé. Par conséquent, en l'absence d'indications claires contraires, il ne faut pas imposer aux fonctionnaires des tâches complexes qui ne sont pas expressément prévues par la loi. Imposer aux médecins agréés l'obligation d'effectuer le genre d'enquête qu'exigerait l'appréciation des ressources familiales et de la volonté des membres de la famille d'assumer le coût des services sociaux avant de pouvoir former un avis sur la question du fardeau excessif serait leur imposer une tâche très lourde. En outre, ce n'est pas une tâche à laquelle préparent vraiment les études médicales. En outre, pour exécuter cette tâche correctement, il faudrait mettre sur pied un mécanisme décisionnel beaucoup plus complet que celui que prévoit la Loi.

75. Par exemple, pour obtenir des preuves permettant au médecin agréé de formuler un avis indiquant que l'admission de Gavin entraînerait un fardeau excessif, celui-ci devrait vérifier si l'école privée à laquelle M. Hilewitz a déclaré avoir l'intention d'envoyer Gavin l'accepterait et si cet établissement est viable. Le médecin agréé serait également peut-être appelé à examiner la mesure dans laquelle le projet qu'a formé M. Hilewitz d'acheter une entreprise à laquelle travaillerait Gavin aurait pour effet de supprimer la nécessité d'une formation professionnelle et si l'intention des parents de Gavin de continuer à en prendre soin et de le garder avec eux veut dire que celui-ci n'aurait pas besoin de suivre les programmes d'autonomie qu'offre la province de l'Ontario.

76. Dans l'hypothèse où Gavin risquerait d'utiliser des services sociaux publics, il faudrait que le médecin détermine si ces services sont gratuits ou payants et, dans ce dernier cas, si la contribution financière qu'aurait à verser M. Hilewitz représenterait un recouvrement partiel ou intégral de leur coût. Et même dans le cas où ces services seraient fournis sur la base du recouvrement intégral des coûts de la part des personnes ayant le moyen de les assumer, le médecin agréé devra décider si le fait que Gavin utilise ces services retarderait l'accès à ces mêmes services pour d'autres personnes dans les cas où la demande est supérieure à l'offre.

77. Sans parler de la crédibilité du demandeur, il pourrait s'avérer très difficile d'obtenir des réponses à ces questions, en particulier, compte tenu du fait que l'enquête devrait porter sur une province en particulier et même, si possible, sur la ville où la famille en cause a l'intention de résider. Ces questions sont très différentes de celles qu'examinent habituellement les médecins agréés : l'évaluation des rapports de diagnostic et de pronostic au sujet de l'état de santé de la personne concernée fournis par les médecins et les psychologues, la nature des services sociaux et de santé que cette personne risque d'avoir besoin compte tenu de la nature, de la gravité et de la durée probable de sa maladie et la question de savoir si ce recours entraînerait un fardeau excessif, à cause du coût des services ou de leur rareté.

78. En outre, par rapport aux objectifs recherchés par l'étude de la question de savoir si l'admission d'une personne risque d'entraîner un fardeau excessif, il faut reconnaître que les avantages susceptibles d'être obtenus grâce à ces enquêtes plus approfondies pourraient être très faibles. Ainsi, par exemple, une fois admis au Canada, les demandeurs de visa et leur famille peuvent fort bien s'établir dans une région où les services sociaux financés par l'État sont offerts sans récupération des coûts ou sur paiement d'une contribution minime, ou dans laquelle les services nécessaires ne sont pas offerts par des organismes privés.


79. Enfin, prévoir les choix de vie que pourrait faire la personne atteinte d'une incapacité n'est pas une tâche facile, même si l'enquête du médecin pouvait se limiter à une période de cinq, voire de dix ans. Par exemple, Gavin pourrait fort bien décider d'ici quelques années d'essayer de vivre de façon indépendante en quittant la maison de ses parents et en se soustrayant à leur influence immédiate. Cela pourrait fort bien l'amener à utiliser des programmes d'apprentissage de l'autonomie et à demander une formation professionnelle financés par l'État. Un revers de fortune ou des changements imprévus dans sa situation financière pourrait également fort bien empêcher la famille d'accorder le soutien financier qu'elle entendait lui fournir.

80. Bref, il faudrait que ce régime législatif repose sur des dispositions beaucoup plus solides pour que je puisse interpréter cette loi comme si elle obligeait implicitement les médecins agréés à procéder à ce genre d'enquête complexe, difficile et par sa nature même quelque peu spéculative, comme celle que j'ai décrite, et à laquelle les mécanismes décisionnels actuels ou les compétences professionnelles des décideurs ne sont particulièrement pas adaptés.

[60]            L'avocat du demandeur présente une argumentation importante visant à distinguer l'arrêt Hilewitz, précité, de la présente affaire. À ce sujet, il attire l'attention de la Cour sur le paragraphe 11 de l'arrêt Hilewitz :

11. M. Hilewitz n'a pas non plus nié que Gavin aurait besoin de divers services sociaux dont d'autres adolescents n'auraient pas besoin. Il a toutefois mentionné que cela ne causerait pas un fardeau pour les services sociaux financés par l'État parce qu'il avait la capacité financière et l'intention d'envoyer Gavin dans une école privée et qu'en fait, il avait déjà trouvé à Toronto une école qui conviendrait à son fils. Pour ce qui est de la formation professionnelle dont aurait besoin Gavin, M. Hilewitz a déclaré qu'il avait l'intention d'acheter une entreprise, comme une franchise de jeux vidéo ou autres, pour laquelle travaillerait Gavin, qui manifestait beaucoup d'intérêt et d'aptitude pour utiliser un ordinateur et voyager sur Internet.


[61]            Contrairement à la situation abordée dans l'arrêt Hilewitz, précité, l'avocat soutient que Mme Winston n'aura pas besoin de services sociaux. Elle est dans la quarantaine et il n'existe aucune exigence législative qu'elle soit scolarisée, comme c'était le cas de Gavin Hilewitz, ou qu'elle fasse quoi que ce soit d'autre. En d'autres mots, il ne s'agit pas seulement du fait que Mme Winston et sa famille peuvent subvenir à ses besoins, car elle n'aura besoin d'aucun service autre que de la physiothérapie et des antibiotiques à l'occasion, ce qu'on peut difficilement décrire comme un fardeau excessif.

[62]            S'agissant de l'argument bien structuré de l'avocat du demandeur à ce sujet, je ne considère pas qu'on puisse trouver dans les dicta du juge Evans, dans l'arrêt Hilewitz, précité, quelque chose qui donnerait un sens à une telle distinction. L'arrêt Hilewitz, précité, nous donne une interprétation du sous-alinéa 19(1)a)(ii) portant que le législateur n'avait pas l'intention d'obliger les médecins agréés à se lancer dans une enquête approfondie, difficile et certainement spéculative lorsqu'ils appliquent ce texte. L'examen de « la capacité et l'intention [...] d'assumer le coût » doit être replacé dans le contexte de l'examen de la question de savoir si le sous-alinéa 19(1)a)(ii) exige « qu'il faut évaluer la capacité et la volonté actuelles et futures des parents, ou d'autres membres de la famille, de fournir ou d'assumer le coût des services nécessaires, pour ainsi éviter toute ponction sur les fonds publics » . Le raisonnement du juge Evans pour exclure la considération des aspects non médicaux s'applique également dans une situation où les membres de la famille fournissent les services plutôt que de les obtenir contre rémunération.


[63]            Le demandeur soutient qu'en l'espèce, Mme Winston n'a simplement pas besoin d'un service dont le coût devra être absorbé par les fonds publics. En fait, si l'état de santé de Mme Winston était tel qu'elle n'avait pas besoin des services publics ou de ceux de sa famille, je me rangerais à l'avis que l'arrêt Hilewitz, précité, n'est pas pertinent. Mais la propre preuve du demandeur établit à tout le moins que Mme Winston exige une attention constante de sa famille, ainsi que d'autres personnes. Par conséquent, je suis d'avis que l'affaire en l'espèce se situe dans le cadre des principes énoncés dans l'arrêt Hilewitz, précité, et que le médecin agréé, le Dre Cooper en l'espèce, n'avait pas à tenir compte d'aspects non médicaux dans son évaluation du fardeau excessif, comme le soutien de la famille et le fait qu'elle était disposée et capable de payer comme l'indique le demandeur. L'obligation du Dre Cooper en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) était d'examiner la nature, la sévérité et la durée probable de l'état de santé de Mme Winston ainsi que tous les « éléments implicites [...] [qui] renforcent l'efficacité du régime législatif » , comme le déclare le juge Evans, au paragraphe 69 de l'arrêt Hilewitz.

[64]            Je ne considère pas non plus que l'arrêt Deol, précité, vient appuyer le point de vue du demandeur à ce sujet. Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale a conclu au vu des faits que l'omission de tenir compte de la capacité de payer du demandeur ou des membres de sa famille pour une chirurgie recommandée ne constituait pas une erreur. La question soulevée par le demandeur en l'espèce (savoir, qu'en est-il de quelqu'un dont la famille fournit les services requis ou qui n'a pas besoin de services?) se situe tout à fait, selon moi, dans le cadre de l'arrêt Hilewitz, précité.

[65]            En conséquence, mes conclusions à ce sujet sont que les décisions Poste, précitée, et Lau, précitée, (le principe des circonstances particulières à chaque cas), continuent à s'appliquer mais qu'on doit maintenant les interpréter à la lumière de l'arrêt Hilewitz, précité, et du champ plus restreint de l'examen du médecin agréé tel que circonscrit par l'interprétation donnée par la Cour d'appel fédérale au sous-alinéa 19(1)a)(ii) dans l'arrêt Hilewitz, précité.


[66]            Toutefois, je partage l'avis du demandeur que la formulation d'une évaluation de fardeau excessif exige que le médecin agréé décide si la maladie, le trouble, le handicap ou toute autre déficience médicale « entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé » , ce qui exige du médecin agréé, en application de l'arrêt Badwal, précité, qu'il porte « un jugement sur les probabilités fondé sur une évaluation de l'état de santé actuel du requérant » . Dans l'arrêt Hilewitz, précité, la Cour d'appel fédérale traite de cette question aux paragraphes 65 et 66, et elle semble approuver l'arrêt Badwal, précité :

65. Les demandeurs de visa ont le fardeau d'établir qu'ils respectent les critères fixés par la loi pour la délivrance d'un visa dans la catégorie d'immigrants qu'ils ont choisie. Néanmoins, lorsque l'avis relatif à la question du fardeau excessif préparé par un médecin agréé est contesté, celui-ci doit fournir les éléments sur lesquels il s'est fondé : Rabang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 176 F.T.R. 314. Si l'avis médical est fondé sur des preuves, les tribunaux doivent faire preuve d'une grande retenue à l'égard des conclusions de fait sur lesquelles est fondé l'avis et sur la façon dont le médecin agréé a appliqué aux faits les dispositions législatives.

66. Pour ce qui est de la norme de preuve, le sous-alinéa 19(1)a)(ii) précise les deux critères alternatifs sur lesquels le médecin agréé peut s'appuyer : l'admission « entraînerait ou risquerait d'entraîner » un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé. Le mot « entraînerait » fait référence à une norme de preuve qui serait la prépondérance des probabilités. L'expression « risquerait d'entraîner » fait référence à une norme légèrement moins exigeante qui serait respectée lorsqu'une personne raisonnable pourrait penser que l'admission entraînerait un fardeau excessif. La personne raisonnable en question ne doit toutefois pas s'attendre à ce que quelque chose se produise pour la simple raison qu'il est possible qu'elle se produise : Badwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1989), 64 D.L.R. (4th) 561, à la page 564 (C.A.F.).


[67]            Le Dre Cooper a fourni la deuxième signature requise à l'Avis médical et, comme il ressort clairement de son affidavit, elle a signé parce qu'elle partageait l'évaluation du Dr Theriault que Mme Winston [traduction] « entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé canadiens » . Je ne vois rien d'ambigu dans cette déclaration. L'avis porte que Mme Winston « entraînerait » un fardeau excessif.

[68]            S'agissant de la norme de contrôle applicable en l'espèce, l'arrêt Hilewitz, précité, nous aide quelque peu sans apporter une réponse définitive, étant donné que la Cour d'appel fédérale a considéré que cet aspect ne jouait aucun rôle dans l'affaire dont elle était saisie et qu'elle était disposée à tenir pour acquis que la norme appropriée était celle de la décision correcte :

62. Aucune des décisions qui ont été citées dans la présente espèce n'examine la norme de contrôle que doit appliquer la Cour à la décision d'un médecin agréé de ne pas prendre en considération le soutien familial lorsqu'il prépare un avis sur la question du fardeau excessif. Ces arrêts sont basés sur le principe qu'il appartient à la Cour de décider si le médecin agréé en question est tenu de prendre en considération la situation financière des parents lorsque l'admission d'une personne risque d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux. Ainsi, à toutes fins pratiques, la Cour a appliqué la norme de la décision correcte à la position adoptée par les médecins agréés et par Immigration Canada, selon laquelle il n'y a pas lieu de tenir compte du soutien des parents dans la préparation d'un avis sur la question du fardeau excessif.

63. La question de la norme de contrôle a été soulevée de façon incidente par l'avocat du ministre qui soutient que l'avis d'un médecin agréé sur la question du fardeau excessif peut être annulé parce qu'il ne respecte pas le critère de la décision raisonnable mais que le tribunal peut intervenir si l'avis se fonde sur des considérations étrangères et, peut-on penser, s'il ne tient pas compte des éléments dont le médecin est tenu de prendre en compte, en vertu des dispositions applicables.

64. L'avocat semble donc avoir reconnu que le choix des facteurs dont le médecin agréé doit tenir compte pour formuler un avis sur la question du fardeau excessif peut être examiné selon la norme de la décision correcte. Par conséquent, et puisque cet aspect ne joue pas un rôle en l'espèce, je tiens pour acquis aux fins du présent appel que la norme de la décision correcte est la norme appropriée ici.


[69]            En l'espèce, si j'utilise la norme de la décision correcte pour examiner les trois premières questions soulevées par le demandeur (savoir la mauvaise question, l'analyse déficiente et l'omission de tenir compte de la preuve), je suis d'avis que le médecin agréé et l'agent des visas n'ont commis aucune erreur susceptible de révision. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que je me livre à une analyse pragmatique et fonctionnelle détaillée, étant donné que, comme dans l'arrêt Hilewitz, précité, elle ne jouerait aucun rôle en l'espèce.

[70]            J'ai examiné la décision de l'agent des visas et les évaluations du Dre Cooper qui la fondent, l'examen qu'a fait le Dre Cooper du point de vue du demandeur, ainsi que son affidavit du 16 août 2002. J'ai fait de même avec les documents au dossier sur lesquels le demandeur a attiré mon attention. Bien que certains éléments de la preuve du Dre Cooper me semblent confus, je considère que le demandeur n'a pas soulevé de justification suffisante pour établir l'existence d'un vice dans les évaluations médicales ou dans la décision de l'agent des visas.

[71]            Compte tenu des principes mentionnés plus tôt, je considère qu'il y avait un fondement suffisant dans la preuve pour étayer la conclusion que Mme Winston entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé et la conclusion que le Dre Cooper s'est posée la bonne question, a procédé à une analyse suffisante et a tenu compte de la preuve suffisante. En fait, le Dre Cooper a même tenu compte de la situation familiale de Mme Winston et elle a énoncé des hypothèses raisonnables au sujet des services médicaux dont elle aurait besoin.

[72]            Au coeur de l'avis du Dre Cooper, on trouve les constatations suivantes au sujet de Mme Winston :


a)          elle est complètement dépendante pour ses soins personnels ainsi que pour toutes les activités de la vie quotidienne, situation qui durera toute sa vie. Les soins dont elle a besoin devront être fournis par des personnes soignantes ou des préposés aux soins personnels 24 heures sur 24, sept jours sur sept;

b)          étant donné la gravité du handicap de Mme Winston, elle a besoin de physiothérapie en permanence pour éviter les contractures articulaires;

c)          elle a aussi besoin de moyens de transport adaptés à son état pour circuler hors de son domicile;

d)          elle a besoin d'un suivi médical additionnel étant donné qu'elle est sujette à certains problèmes médicaux par suite de sa tétraplégie, notamment les infections des voies urinaires et des poumons.

[73]            La conclusion du Dre Cooper est que [traduction] « le niveau de soins [nécessaire] est exigeant tant sur le plan physique que financier » . Cette conclusion vient appuyer son évaluation que Mme Winston « entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé » .

[74]            Le demandeur avance plusieurs raisons pour dire que cette conclusion est incorrecte. Toutefois, l'argument du demandeur se fonde essentiellement sur le fait que pour l'essentiel les besoins physiques et financiers anticipés n'existent pas dans le cas de Mme Winston, puisque sa famille s'occupe des services requis, paie pour ses besoins en transport et a suffisamment de moyens pour que Mme Winston ne puisse jamais satisfaire au critère du besoin financier essentiel pour obtenir les divers services publics mentionnés par le Dre Cooper.


[75]            Le Dre Cooper déclare spécifiquement qu'elle a [traduction] « examiné les circonstances particulières du cas de Mme Winston, ainsi que l'appui familial qu'elle recevait » . Elle ne tient pas compte du soutien familial parce qu'elle considère que Mme Winston serait éligible pour divers services offerts par l'Ontario. Elle déclare que [traduction] « lorsque j'ai pris ma décision finale, j'ai tenu compte du fait que Mme Winston pouvait avoir droit à ces services et que ces derniers étaient coûteux » . Je comprends que le demandeur conteste le fait que Mme Winston pourrait avoir droit à plusieurs des services mentionnés, mais l'arrêt Hilewitz, précité, nous indique au paragraphe 65 que « [s]i l'avis médical est fondé sur des preuves, les tribunaux doivent faire preuve d'une grande retenue à l'égard des conclusions de fait sur lesquelles est fondé l'avis et sur la façon dont le médecin agréé a appliqué aux faits les dispositions législatives » . L'admissibilité ramène la question à celle de savoir si l'on est disposé ou capable de payer, question que selon moi l'arrêt Hilewitz, précité, a réglée en disant que le Parlement n'avait pas l'intention d'obliger les médecins agréés à l'examiner. Il y a aussi la question de l'avenir et de ce que le Dre Cooper a décrit, en parlant de Wheel Trans Services, [traduction] « des raisons dans l'avenir qu'on peut difficilement anticiper dans l'abstrait » .


[76]            Si j'examine l'évaluation du Dre Cooper au vu des dicta de l'arrêt Hilewitz, précité, je ne peux arriver à la conclusion que son point de vue au sujet du fardeau excessif est incorrect. J'ai quelques préoccupations fondées sur certaines de ses références (notamment la pertinence dans le contexte canadien des coûts en dollars US obtenus du Spinal Cord Injury Information Network) et sur l'impact de l'erreur qu'elle admet avoir commise quant à la catégorie appropriée pour Mme Winston (savoir que celle-ci aurait dû être « D2/6 ou D3/6 » plutôt que « D4/5 » ), mais selon moi ces questions ne viennent pas invalider son évaluation générale voulant que le niveau de soins requis par Mme Winston est exigeant sur les plans physique, émotif et financier, que le fait que sa famille l'appuie (même s'il y a lieu d'en tenir compte au vu de l'arrêt Hilewitz, précité) n'a pas d'impact sur cette évaluation, et que Mme Winston entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux et de santé.

[77]            Le dernier argument du demandeur est que le médecin agréé a enfreint son obligation d'équité. Le point de vue du demandeur à ce sujet semble avoir deux volets : premièrement, le demandeur n'aurait pas reçu un avis adéquat de ce qu'il devait examiner pour contester l'Avis médical et, deuxièmement, que le médecin agréé s'est appuyée sur des sources particulières de renseignements (savoir, le Guide du médecin agréé, The Spinalcord Injury Information Network, Facts and Figures at a Glance et Medical Services - Long-Term Care Costs in Ontario) sans les divulguer au demandeur.

[78]            Le demandeur fait remarquer que dans Redding, précité, le juge Lemieux déclare ceci :

40. En règle générale, l'obligation d'agir avec équité à laquelle sont soumis les organismes administratifs exige que l'auteur de la décision divulgue suffisamment de renseignements à l'intéressé pour lui permettre de véritablement participer au processus. Dans l'arrêt Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l'énergie), [1994] 1 R.C.S. 159, la Cour suprême a déclaré ce qui suit [aux pages 181 et 182] :

En général, les exigences en matière d'équité procédurale comportent le droit de l'intéressé à la divulgation par le décideur administratif de suffisamment de renseignements pour lui permettre de véritablement participer au processus d'audition: voir In re le Conseil de la Radio-Télévision canadienne et in re la London Cable TV Ltd., [1976] 2 C.F. 621 (C.A.), aux pp. 624 et 625. L'étendue de la divulgation requise pour satisfaire aux règles de justice naturelle variera en fonction des faits, plus particulièrement du type de décision à prendre et de la nature de l'audition à laquelle ont droit les parties concernées.


41.       En ce qui concerne la divulgation d'une déclaration médicale, voici ce que le juge Dawson a déclaré dans le jugement Hersi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 2136 (1re inst.) (QL) [aux paragraphes 15 à 17] :

Le décideur est tenu de fournir des renseignements plus complets lorsqu'il est démontré qu'il s'est fondé sur des éléments d'information nouveaux ou sur des politiques internes qui ne sont pas mentionnés dans la lettre d'équité. Voir, par exemple, Maschio c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 138 F.T.R. 210 (C.F. 1re inst.).

IDans des contextes ne concernant pas les lettres d'équité ni l'alinéa 19(1)a) de la Loi, les tribunaux ont jugé que le devoir d'agir équitablement exigeait que soit communiquée une évaluation des risques négative pour une demande visant à obtenir l'autorisation de rester au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire (Haghighi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 189 D.L.R. (4th) 268 (C.A.F.)) ainsi que des rapports sommaires dans le contexte des avis de danger émis aux termes du paragraphe 70(5) de la Loi (Bhagwandass c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et l'Immigration), [2000] 1 C.F. 619 (C.F. 1re inst.)).

Il convient toutefois de rappeler que l'étendue de l'obligation d'agir équitablement peut varier selon le contexte. Les éléments dont il y a lieu de tenir compte, comme l'a noté la Cour suprême dans Baker, précité, comprennent notamment la nature de la décision prise, le processus suivi pour la prendre, le contexte législatif plus large dans lequel est prise la décision, l'importance de celle-ci pour la personne concernée et les attentes légitimes de celle-ci.

42.       Le juge ajoute ce qui suit [au paragraphe 20] :

Pour pouvoir participer utilement à un processus décisionnel, il faut être clairement informé de la situation, avoir l'occasion de présenter des éléments de preuve et des observations se rapportant à la décision à prendre et que le dossier soit examiné de façon approfondie par un décideur impartial.

43.       Je suis d'accord avec le défendeur pour dire qu'on ne saurait prétendre qu'en se fondant sur le Guide du médecin, l'auteur de la décision s'est appuyé en l'espèce sur des renseignements qui n'ont pas été communiqués à la demanderesse. Le Guide est un recueil de connaissances médicales et constitue à ce titre un traité ou une revue médicale. (Voir le jugement Ludwig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 111 F.T.R. 271 (C.F._1re inst.).)

44.       Je suis toutefois aussi d'avis que le défaut de communiquer les documents de l'Association canadienne du diabète et le rapport de Santé Canada constitue une erreur justifiant le contrôle judiciaire de la décision, étant donné que cette omission a eu pour effet d'empêcher la demanderesse de participer véritablement au processus décisionnel. Ainsi que je l'ai déjà signalé, ces documents portaient sur la question des frais.


[79]            S'agissant de la situation à laquelle le demandeur devait faire face par suite de l'Avis médical, mon examen de la correspondance entre les parties et des avis transmis au demandeur m'amène à penser que dans le contexte de l'espèce le demandeur avait suffisamment de renseignements et de connaissances pour pouvoir véritablement participer au processus. En d'autres mots, le demandeur savait de façon générale quelle était la situation à laquelle il faisait face.

[80]            S'agissant toutefois de questions spécifiques portant sur les coûts et l'admissibilité, la situation est différente. L'affidavit du Dre Cooper indique clairement qu'elle a examiné la documentation fournie par le demandeur et qu'elle est allée plus loin. Au sujet des coûts, elle s'est appuyée sur les sources suivantes :

a)          Le Spinal Cord Injury Information Network - pour le coût moyen annuel des soins pour une personne souffrant de tétraplégie modérée, un handicap comparable à celui de Mme Winston;

b)          Des renseignements en provenance du ministère ontarien de la Santé et des Soins de longue durée, ainsi que du Community Care Access Centre de l'Ontario, portant sur les coûts des soins de longue durée et d'une physiothérapie en permanence;

c)          Des renseignements sur le coût des fauteurs roulants, tirés du Assistive Devices Program.

[81]            La question est donc de savoir si le fait de ne pas avoir divulgué ces renseignements précis a empêché le demandeur d'être pleinement au courant de la situation et de véritablement participer au processus.


[82]            L'objectif de l'évaluation du Dre Cooper était de trancher la question de savoir si Mme Winston entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux et de santé. Le demandeur savait pertinemment que les coûts seraient en cause, étant donné qu'il avait l'occasion de réagir à l'opinion négative et qu'il l'a fait en fournissant une documentation tendant à démontrer que le fardeau financier ne serait pas important dans le cas de Mme Winston, parce qu'elle avait l'appui de sa famille. Le fait que le demandeur n'avait pas une connaissance précise des recherches du Dre Cooper ne l'a pas empêché de véritablement participer au processus visant cette question centrale. En fait, selon moi il y a eu participation véritable et l'obligation d'équité a été respectée, dans le contexte et au vu des faits.

[83]            Les avocats peuvent déposer et faire signifier toute demande de certification d'une question de portée générale dans les sept jours de la réception des présents motifs. Chaque partie aura alors trois jours pour déposer et faire signifier toute réponse aux prétentions de la partie adverse. Ensuite, je délivrerai une ordonnance.

                                                                                 _ James Russell _             

                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                            IMM-2649-02

INTITULÉ :                                                                            JUDE ALIBEY

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    LE 26 NOVEMBRE 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 2 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Robin L. Seligman                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Marcel Larouche                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robin L. Seligman                                                                     POUR LE DEMANDEUR

30 ouest, avenue St. Clair

10e étage

Toronto (Ontario)

M4V 3A1

Marcel Larouche                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

2, First Canadian Place

130 ouest, rue King, pièce 3400, Boîte 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6

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