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                                                                                                                                  Date: 20010119

                                                                                                                            Dossier: T-1978-99

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2001

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

TERRY J. WOOD

                                                                                                                                          demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

ORDONNANCE

Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) en date du 8 septembre 1999 concernant la question de savoir si le demandeur avait droit à une pension en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6.

CETTE COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.                   La demande est accueillie et la décision contestée est infirmée.


2.                   L'affaire est renvoyée au Tribunal pour réexamen par une formation différente.

             « W. Andrew MacKay »               

JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                                                                                                                                  Date: 20010119

                                                                                                                            Dossier: T-1978-99

ENTRE :

TERRY J. WOOD

                                                                                                                                          demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]         Il s'agit d'une demande en vue d'un contrôle judiciaire et de l'obtention d'une ordonnance infirmant la décision que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) a prise le 8 septembre 1999 au sujet de la question de savoir si le demandeur avait droit à une pension en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6, laquelle a été communiquée au demandeur par une lettre en date du 14 octobre 1999.


[2]         La demande est présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans sa forme modifiée, et vise à l'obtention d'une ordonnance renvoyant l'affaire à une formation différente du Tribunal pour qu'elle rende une décision conformément au jugement rendu par cette cour. Ces motifs se rapportent à la décision par laquelle la Cour a accueilli la demande.

Les faits

[3]         Le demandeur a servi dans les forces armées régulières du 1er août 1975 au 24 août 1998. Au moment de sa libération, il était lieutenant-colonel.

[4]         Au cours de ses 24 années de service, le demandeur s'est livré à de nombreuses activités intenses dans le cadre desquelles il risquait d'être blessé. Entre 1981 et 1987, il a participé à 28 sauts en parachute dans le cadre de son service régulier dans le militaire. Il signale que ces sauts ont causé du stress au bas du dos et que certains atterrissages étaient particulièrement difficiles.

[5]         En 1982, le demandeur s'est blessé à l'aine pendant qu'il transportait un homme en haut d'une côte au cours d'un exercice d'entraînement organisé par l'armée britannique. M. Wood n'a consulté le médecin que lorsqu'il s'est de nouveau blessé au même endroit, au cours d'une partie de hockey, en 1984-1985. On a diagnostiqué une hernie; on a conseillé à M. Wood de faire attention et on l'a informé qu'il devrait peut-être subir une intervention chirurgicale dans l'avenir.


[6]         Au mois de janvier 1995 ou vers le mois de janvier 1995, M. Wood a éprouvé une douleur au bas du dos pendant qu'il s'entraînait aux fins d'un test EXPRESS des Forces canadiennes. Il déclare avoir continué à ressentir de la douleur et un malaise pendant le reste de l'année ainsi qu'en 1996; il a finalement consulté un médecin après qu'on l'eut envoyé au quartier général de la Défense nationale.

[7]         La douleur au dos qu'éprouvait M. Wood s'est aggravée au mois d'octobre 1996 lorsque celui-ci est tombé sur le bas de la colonne après avoir été frappé pendant une partie de hockey organisée lors d'un événement sportif, au Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes. La douleur s'est atténuée grâce à des soins médicaux et à des séances de physiothérapie. Selon un rapport du physiothérapeute en date du 12 novembre 1996, l'état de M. Wood s'était quelque peu amélioré.

[8]         Dans sa demande de prestations, M. Wood a déclaré avoir consulté un médecin lorsqu'il était arrivé au QGDN en 1996 et avoir suivi des traitements de physiothérapie, qui se sont avérés efficaces, après que le médecin lui eut dit qu'il ressentirait toujours de la douleur. Il a en outre déclaré éprouver encore de la douleur, mais qu'il réussit à la maîtriser en faisant des exercices d'étirement et en utilisant un coussin sur le dossier de sa chaise.


[9]         Au cours de l'examen médical que M. Wood a subi aux fins de sa libération, le 10 février 1998, sous le titre [TRADUCTION] « Maladies et blessures existantes » , le médecin examinateur a noté que M. Wood éprouvait de la douleur au bas du dos. Dans son rapport, le médecin examinateur a indiqué que M. Wood s'était blessé à Toronto au printemps 1995. Quant à la cause de la blessure, il a noté que M. Wood s'était blessé au dos lors d'un accident de sport (FC), en jouant au hockey et en faisant des exercices. Dans la partie 5 de son rapport, le médecin examinateur note que M. Wood ressent des douleurs au bas du dos, qu'il arrive à maîtriser au moyen d'exercices réguliers recommandés par un physiothérapeute.

[10]       Le 17 février 1998, M. Wood a présenté au ministère des Anciens combattants une demande en vue d'obtenir des prestations de pension en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. La demande se rapportait à trois blessures : une hernie inguinale au côté droit, une chondromalacie de la rotule (genou droit) et une douleur mécanique au bas du dos.

[11]       Par une lettre en date du 10 septembre 1998, le ministère des Anciens combattants a rejeté la demande de pension à l'égard des trois blessures alléguées.

[12]       Le demandeur ayant demandé l'examen de cette décision, le comité d'examen a rejeté la demande de pension que M. Wood avait présentée à l'égard de la douleur au bas du dos dans une décision en date du 6 avril 1999. Dans sa décision, le comité a conclu que l'invalidité alléguée n'était pas consécutive ou rattachée directement au service ou à des facteurs liés au service et n'était pas aggravée d'une façon permanente par ce service ou par des facteurs liés au service.


[13]       M. Wood en a appelé de cette décision en se fondant sur le fait que le comité d'examen avait commis une erreur de fait et de droit en concluant que la preuve ne montrait pas que la blessure se rattachait au service et en concluant qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve montrant que la blessure s'était aggravée d'une façon permanente. De plus, selon le demandeur, la preuve démontrait que les troubles qu'il éprouvait au bas du dos étaient non seulement attribuables au service, mais aussi à des activités liées au service, et que l'invalidité avait persisté et s'était aggravée d'une façon permanente à cause de pareilles activités.

[14]       À la suite d'une audience qui a eu lieu le 8 septembre 1999, le Tribunal a rejeté l'appel de M. Wood en disant notamment ce qui suit (page 3 de la décision) :

[TRADUCTION]

Le Tribunal a examiné le dossier de l'appelant; il a noté que les dossiers médicaux ne révélaient pas que la blessure que l'appelant avait subi au dos se rattachait au service. Les douleurs au bas du dos ont été notées au mois d'août 1996; elles duraient depuis sept ou huit mois. L'appelant avait suivi des traitements de physiothérapie et, selon la dernière inscription, en date du 12 novembre 1996, il y avait une amélioration. Il n'existe aucun dossier médical depuis le mois de novembre 1996. Au moment de l'examen médical en vue de la libération, le 10 février 1998, le médecin examinateur a simplement déclaré que l'appelant avait éprouvé de la douleur au bas du dos.

Le Tribunal sait qu'une douleur mécanique au dos est une douleur des muscles et du squelette ayant son origine dans les tissus mous de la région sacrée lombaire. Étant donné qu'il n'existe pas suffisamment d'éléments de preuve indiquant une aggravation permanente de l'invalidité alléguée et que l'existence d'une blessure se rattachant au service n'est pas documentée, le Tribunal confirme la décision que le comité d'examen a prise le 6 avril 1999.

La décision du Tribunal a été communiquée au demandeur par une lettre en date du 14 octobre 1999. Le Tribunal avait décidé que la demande relative à la [TRADUCTION] « la douleur mécanique au bas du dos n'était pas consécutive ou ne se rattachait pas directement au service en temps de paix conformément au paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions » . Le demandeur sollicite ici l'examen de cette décision.


[15]       Les parties s'entendent pour dire que la norme de contrôle à appliquer en l'espèce est celle de la décision manifestement déraisonnable, conformément à la décision McTague c. Canada (P.G.), [1999] A.C.F. no 1559 (C.F. 1re inst.). Comme je le ferai remarquer ci-dessous, il convient d'appliquer cette norme à moins que la décision du Tribunal ne se rapporte à l'exercice de sa compétence.

[16]       Le demandeur soutient que le Tribunal n'a pas expressément conclu que la preuve qu'il avait soumise n'était pas vraisemblable; pourtant, compte tenu de la preuve, le Tribunal a omis de régler l'affaire en faveur du demandeur comme il doit le faire, est-il soutenu, en vertu de l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. (1995), ch. 18, dans tous les cas où il existe de l'incertitude quant au bien-fondé de la demande. L'avocate soutient que toute la preuve, médicale et autre, établit un lien entre la douleur que le demandeur éprouve au bas au dos et des activités rattachées au service. La preuve que le demandeur a présentée au sujet de son entraînement aux fins du test d'évaluation de la condition physique EXPRESS, des 28 sauts en parachute qu'il avait faits et de la blessure qu'il avait subie en jouant au hockey lors d'un événement qui avait lieu au Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes montrait, selon l'avocate, que ces activités étaient suffisamment intenses et se rattachaient suffisamment au service pour justifier l'octroi d'une pension d'invalidité.


[17]       De plus, il est soutenu que le Tribunal a commis une erreur en ne tenant pas compte du contenu d'une lettre en date du 15 février 1990 du major Zaporzan, qui était un ami du demandeur, corroborant la prétention selon laquelle le demandeur a mal au dos depuis qu'il s'est blessé lors d'un événement qui a eu lieu au Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes. Sans contester la preuve et sans examiner le contenu de la lettre dans ses motifs et dans ses conclusions, par lesquels il avait conclu que l'invalidité alléguée n'était pas consécutive et ne se rattachait pas directement au service en temps de paix, le Tribunal a omis d' « invoque[r] directement les preuves et témoignages dont il aurait pu tirer une déduction favorable [au demandeur] » (voir Weare c. Canada, [1998] A.C.F. no 1145, par. 18 (C.F. 1re inst.), où il est fait mention de la décision Chénier c. Canada (1991) 136 N.R. 377 (C.A.F.)).

[18]       L'avocate soutient que le Tribunal a en outre commis une erreur en concluant qu'[TRADUCTION] « il n'exist[ait] aucun dossier médical depuis le mois de novembre 1996 » , de sorte qu'il n'a pas tenu compte du rapport médical de 1998 qui avait été rédigé aux fins de la libération, dans lequel il était noté que le demandeur avait mal au dos depuis le printemps 1995. En outre, le Tribunal n'a pas posé de questions au sujet des sauts en parachute dont le demandeur avait fait mention dans l'appel. Dans cette demande, la question des sauts est mentionnée dans l'affidavit que M. Wood a déposé à l'appui de la demande de contrôle judiciaire. Il est soutenu que le Tribunal ne s'est pas acquitté de l'obligation qui lui incombait d'examiner ou de rejeter la preuve compte tenu de sa vraisemblance (voir MacDonald c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 346 (C.F. 1re inst.)).


[19]       Le défendeur affirme que le Tribunal n'a pas commis d'erreur dans la décision qu'il a prise le 8 septembre 1999 et qu'il n'était pas manifestement déraisonnable de conclure que le demandeur n'était pas atteint d'une invalidité ouvrant droit à pension. Il est soutenu que le Tribunal a tenu compte de tous les éléments de preuve dont il disposait, et notamment de la lettre du major Zaporzan, d'une façon favorable au demandeur et qu'il a conclu avec raison à l'absence de preuve d'une invalidité ouvrant droit à pension. L'avocat convient que M. Wood s'est peut-être blessé au bas du dos, mais il déclare que le Tribunal disposait de certains éléments de preuve, à savoir le dossier médical de 1996, indiquant que l'état du demandeur s'était amélioré et que ses dossiers ne renfermaient aucune mention subséquente, annuelle ou autre, du fait qu'il avait continué à se plaindre d'une douleur. Le Tribunal ne disposait donc d'aucun élément de preuve lui permettant de conclure que le demandeur était atteint d'une invalidité.


[20]       Le défendeur affirme en outre qu'il était loisible au Tribunal, compte tenu de la preuve dont il disposait, de conclure à l'absence d'un lien de causalité entre la douleur que le demandeur éprouvait au bas du dos et son service militaire. L'avocat fait remarquer que 80 p. 100 de la population a mal au dos et que le demandeur n'a pas établi que son état se rattache expressément à des activités liées au service par opposition à une activité à laquelle se livrent également les civils qui ont mal au bas du dos. Le défendeur souligne en outre que l'examen médical que le demandeur a subi en 1998 aux fins de sa libération n'indique pas ce qui a causé la douleur au bas du dos, si ce n'est ce dont se souvient le demandeur. Quant à la prétention du demandeur selon laquelle le Tribunal n'a pas tenu compte de la preuve présentée par le major Zaporzan, l'avocat déclare que le Tribunal a mentionné la lettre du major Zaporzan dans ses motifs, mais qu'il ne lui a pas accordé d'importance parce que le major Zaporzan n'était pas un médecin et qu'il n'avait donc pas les compétences voulues pour diagnostiquer la blessure du demandeur.

[21]       Le défendeur affirme en outre que les journaux du demandeur, en ce qui concerne son entraînement et les sauts en parachute, que ce dernier a produits dans la présente demande de contrôle judiciaire, n'ont jamais fait partie du dossier sur lequel le Tribunal s'est fondé en rendant sa décision. La Cour n'est donc pas saisie de cet élément de preuve et elle ne devrait pas l'admettre.

Analyse

[22]       Les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (la Loi) établissent des lignes directrices larges et fondées sur l'objet visé à l'égard des demandes de pension présentées par les anciens combattants compte tenu de la grande dette morale que la nation a envers ceux qui ont servi le pays (voir Mackay c. Canada (Procureur général), [1997] A.C.F. no 495 (C.F. 1re inst.). Ces dispositions se lisent comme suit :



3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve_:

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.



[23]       En vertu de l'article 39 de la Loi, lorsqu'un élément de preuve vraisemblable est présenté au cours d'une instance, le Tribunal est tenu d'examiner et de soupeser les éléments de preuve vraisemblables au mieux des intérêts du demandeur (voir Brychka c. Canada (Procureur général), [1996] A.C.F. no 124 (C.F. 1re inst.); Metcalfe c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 22 (C.F. 1re inst.)). La décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Chénier c. Canada (Ministre des Anciens combattants), supra, dans laquelle il est question de l'article 108 de la Loi sur les pensions, qui était presque identique quant aux éléments importants à l'article 39 de la Loi actuelle, fait autorité en ce qui concerne la thèse selon laquelle le Tribunal doit tirer les conclusions les plus favorables possible au demandeur. Le Tribunal n'exerce pas sa compétence d'une façon appropriée lorsqu'il conclut sommairement que le membre en cause ne se livrait pas à une activité ouvrant droit à pension sans « invoque[r] directement les preuves et témoignages dont il aurait pu tirer une déduction favorable [au demandeur] » .

[24]       Toutefois, les articles 3 et 39 de la Loi ne libèrent pas le demandeur de l'obligation d'établir que la douleur qu'il éprouve au bas du dos est consécutive ou se rattache au service militaire (Cundell c. Canada (Procureur général) [2000] A.C.F. no 38 (C.F. 1re inst.)). Le demandeur doit néanmoins établir selon la prépondérance des probabilités, la preuve étant examinée sous l'angle le plus favorable possible, que son invalidité se rattache au service. Cette norme civile doit être interprétée avec la disposition habilitante figurant à l'alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-7, qui se lit comme suit :


21(2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;

(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l'armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix_:

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie -- ou son aggravation -- consécutive ou rattachée directement au service militaire;



[25]       En l'espèce, le demandeur s'est fondé sur des dossiers médicaux et sur une lettre dans laquelle le major Zaporzan attestait être au courant de la blessure au bas du dos. Si ces éléments sont considérés ensemble, il existe une preuve montrant que le demandeur s'est blessé au dos en 1995-1996 en s'entraînant pour un test d'évaluation de la condition physique EXPRESS et qu'il est par la suite tombé sur le bas de la colonne après avoir été frappé pendant une partie de hockey organisée, lors d'un événement qui avait lieu au Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes. Cette preuve n'est pas contredite.

[26]       La Cour doit déterminer si le Tribunal a commis une erreur dans son examen de la preuve en concluant que la douleur mécanique que le demandeur éprouvait au bas du dos n'était pas consécutive et ne se rattachait pas directement au service en temps de paix.

[27]       Le défendeur affirme que cette cour ne devrait pas modifier la décision du Tribunal parce qu'il n'existe aucun élément de preuve qui aurait permis au Tribunal de conclure à l'existence d'une invalidité ouvrant droit à pension. Je tiens à faire remarquer que, selon la norme relative à la décision manifestement déraisonnable, la Cour doit faire preuve d'énormément de retenue à l'égard de la décision du Tribunal en ce qui concerne une conclusion de fait essentielle. Dans la décision McTague c. Canada (P.G.), supra, le juge Evans (tel était alors son titre) a dit ce qui suit :

L'importance des facteurs examinés précédemment dans le cadre de l'analyse pragmatique ou fonctionnelle indique qu'en l'espèce, on devrait considérer que le législateur a prescrit une norme de contrôle fondée sur la retenue judiciaire. Toutefois, ces facteurs ne montrent pas que la norme fondée sur la plus grande retenue judiciaire devrait être appliquée. La norme de contrôle de la décision « manifestement déraisonnable » semble de plus en plus réservée aux décisions des organismes administratifs qui sont protégés par des clauses limitatives rigides et qui ont beaucoup plus de responsabilités de réglementation que le Tribunal qui n'exerce que des fonctions juridictionnelles. Il s'agit également de la norme appropriée, [...] quand la question litigieuse concerne des conclusions quant à des faits essentiels, y compris des conclusions tirées des éléments de preuve.


[28]       Le Tribunal peut rejeter la preuve soumise par le demandeur lorsqu'il dispose d'une preuve médicale contradictoire. Toutefois, même s'il n'existe peut-être pas de preuve sous la forme de documents médicaux précis au sujet de la blessure en cause, le Tribunal commet une erreur qui touche la compétence (voir Moar c. Canada (Procureur général) (1995), 103 F.T.R. 314) lorsqu'il n'existe pas de preuve contradictoire et que le Tribunal n'accepte pas la preuve présentée par le demandeur, et ce, sans donner d'explications à ce sujet. Une décision dans laquelle le Tribunal commet une erreur dans l'exercice de sa compétence est déraisonnable et justifie l'intervention de la Cour. À mon avis, la norme relative à la décision manifestement déraisonnable ne s'applique pas si l'erreur se rapporte à l'exercice par le Tribunal de sa compétence.

[29]       En l'espèce, le défendeur soutient que le Tribunal a examiné tous les éléments de preuve dont il disposait d'une façon équitable et qu'il a eu raison de conclure qu'il n'existait aucun élément de preuve montrant que le demandeur était atteint d'une invalidité qui découlait d'une blessure se rattachant au service. À mon avis, les prétentions du défendeur ne sont pas convaincantes.


[30]       Dans ses motifs, le Tribunal a dit ce qui suit : [TRADUCTION] « Il n'existe aucun dossier médical [concernant le demandeur] depuis le mois de novembre 1996. » Juste après cette remarque, il ajoute ce qui suit : [TRADUCTION] « Au moment de l'examen médical en vue de la libération, le 10 février 1998, le médecin examinateur a simplement déclaré que l'appelant « avait éprouvé de la douleur au bas du dos » . » De toute évidence, il existait un dossier médical depuis 1996 sous la forme du rapport relatif à l'examen médical effectué en 1998 aux fins de la libération. Je remarque que ce rapport ne dit pas simplement que le demandeur a éprouvé des douleurs au bas du dos. Il dit plutôt que le demandeur a éprouvé des douleurs au bas du dos depuis le printemps 1995 et que ces douleurs étaient liées à son entraînement et à une blessure subie lors d'une partie de hockey, dans le cadre d'une activité qui, selon le demandeur, se rattachait au service. Le rapport dit également que le demandeur arrive à maîtriser sa douleur au moyen d'exercices d'étirement et de traitements de physiothérapie.

[31]       Quant à la lettre du major Zaporzan, les arguments du défendeur ne me convainquent pas que le Tribunal a clairement accordé peu d'importance à son contenu parce que le major Zaporzan n'est pas un médecin et qu'il ne peut pas faire de diagnostic. Le simple fait que le major Zaporzan n'est pas un médecin n'empêche pas de ne pas tenir compte des observations générales que celui-ci a faites au sujet de la blessure subie par le demandeur au point de vue de ses conséquences. Quoi qu'il en soit, le Tribunal n'a pas précisé dans ses motifs la raison pour laquelle il n'accordait pas d'importance à la preuve soumise par le major Zaporzan.


[32]       Dans ses motifs, le Tribunal dit également que [TRADUCTION] « l'existence d'une blessure se rattachant au service n'est pas documentée » . Malgré tout le respect que j'ai pour le Tribunal, qui accomplit une tâche difficile, je conclus qu'en l'espèce, le Tribunal a tiré sa conclusion sur ce point sans tenir compte de la preuve dont il disposait. Les dossiers médicaux du demandeur et la lettre du major Zaporzan attestent l'existence d'une blessure au bas du dos attribuable aux exercices d'entraînement que le demandeur avait faits pour un test d'évaluation de la condition physique EXPRESS de l'armée ainsi qu'à une blessure subie pendant une partie de hockey, lors d'un événement qui avait lieu au Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes. Cette preuve n'est pas contredite.

[33]       Dans la décision MacDonald c. Canada (Procureur général), supra, le juge Cullen a statué que le Tribunal avait commis une erreur en omettant de rejeter certains éléments de preuve sans fournir de motifs au sujet de leur vraisemblance; voici ce qu'il a dit à ce sujet :

Il est mentionné dans la jurisprudence que le Tribunal doit accepter les éléments de preuve médicaux non contredits qui lui semblent vraisemblables dans les circonstances; toutefois, il peut rejeter ces éléments de preuve s'il est saisi d'une preuve contraire ou s'il fournit des motifs touchant la vraisemblance : Re Hornby (1993), 63 F.T.R. 188 (1re inst.); King c. Canada (Tribunal des anciens combattants (révision et appel)) (1997), 138 F.T.R. 15 (1re inst.) [...].

Le Tribunal a commis une erreur en omettant soit d'accepter la nouvelle preuve dont il a été saisi, soit de rejeter cette preuve en fournissant des motifs au sujet de sa vraisemblance.


[34]       J'examinerai brièvement la question de l'admissibilité des journaux d'entraînement et de sauts en parachute du demandeur que l'avocate a abordée. Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, une cour peut uniquement tenir compte de la preuve mise à la disposition du décideur administratif dont la décision est examinée; elle ne peut pas tenir compte de nouveaux éléments de preuve (voir Brychka c. Canada (Procureur général), supra; Franz c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 80 F.T.R. 79; Via Rail Canada Inc. c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne (re Mills) (19 août 1997), dossier du greffe T-1399-96, [1997] A.C.F. no 1089; Lemiecha c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 72 F.T.R. 49, 24 Imm. L.R. (2d) 95; Ismaili c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1995) 100 F.T.R. 139, 29 Imm. L.R. (2d) 1). En l'espèce, le demandeur a cherché à produire des documents au sujet des 28 sauts de parachute qu'il avait faits et du fait qu'il s'adonnait à la course; il a donc fourni des éléments de preuve additionnels à l'appui de sa cause. Le Tribunal et le comité d'examen qui a initialement examiné l'appel interjeté par le demandeur ne disposaient pas de ces documents. Cette cour ne prend pas connaissance des éléments de preuve additionnels qui sont ici fournis aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire. Le demandeur voudra peut-être consulter le Tribunal au sujet de la production de ces documents pour examen ou encore dans le cadre d'une nouvelle demande visant à l'obtention de prestations de pension devant être d'abord examinée par un comité d'examen.

Conclusion


[35]       Le Tribunal a commis une erreur dans l'exercice de sa compétence en tirant une conclusion sans examiner expressément les éléments de preuve qui auraient permis de tirer une conclusion favorable au demandeur. La Cour rend une ordonnance annulant la décision du Tribunal et renvoyant l'affaire pour réexamen par une formation différente conformément à ces motifs.

             « W. Andrew MacKay »               

JUGE

Ottawa (Ontario),

le 19 janvier 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 T-1978-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                Terry J. Wood c. Le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 27 novembre 2000

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MOTIFS DE L'ORDONNANCE

DU JUGE MacKAY

EN DATE DU 19 JANVIER 2001

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ONT COMPARU :

Pascale-Sonia Roy                                                                    pour le demandeur

Greg Moore                                                                              pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan & Power

Ottawa (Ontario)                                                                       pour le demandeur

Morris Rosenberg                                                                      pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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