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                                                      T-844-96

Ottawa (Ontario), le 13 mai 1997

En présence du juge Marc Nadon

ENTRE :

              CLAY CHAPPELL, ANN ELIZABETH MROUÉ,

            MICHAEL VIZINTIN et STEPHEN ZIMMERMAN,

                                                   requérants,

                              et

                 PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                       intimé.

                          ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                              MARC NADON              

                                           JUGE

Traduction certifiée conforme                                                  

                                      François Blais, LL.L.


                                                      T-844-96

ENTRE :

              CLAY CHAPPELL, ANN ELIZABETH MROUÉ,

            MICHAEL VIZINTIN et STEPHEN ZIMMERMAN,

                                                   requérants,

                              et

                 PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                       intimé.

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

     Clay Chappell, Ann Mroué, Michael Vizintin et Stephen Zimmerman (les « requérants » ) demandent tous à la Cour d'infirmer une décision rendue le 6 mars 1996 par M. J. Ojalammi, président du Comité d'appel, qui a été saisi de l'affaire par suite d'un appel interjeté à l'encontre de trois[1] nominations intérimaires faites par M. Sheridan, le seul membre du jury de sélection. Les faits donnant lieu à la présente demande sont les suivants.

     Environ dix mois avant les nominations visées par le présent appel, un concours a été lancé pour le poste de surintendant à Douanes et Accise. Un test appelé exercice « in-basket » pour la supervision de la Direction de l'impôt a été administré pour ce poste, mais la démarche relative à ce premier concours n'a jamais été terminée. Pendant le concours relatif au poste de surintendant des Douanes à Revenu Canada, le concours faisant l'objet du présent litige[2], les résultats de l'exercice « in-basket » fait antérieurement ont été utilisés. Les candidats qui n'avaient pas obtenu une note de passage lors de l'exercice en question ont été éliminés de ce deuxième concours.

     Le seul membre du jury de sélection, M. Sheridan, a examiné les dossiers des requérants et conclu qu'aucun élément de leurs dossiers respectifs n'indiquait qu'au cours des dix mois écoulés depuis l'exercice, les requérants avaient reçu une formation ou acquis une expérience pouvant avoir des répercussions sur leurs notes respectives. Par conséquent, l'exercice « in-basket » n'a pas été repris pour l'un ou l'autre des candidats et les notes du test déjà administré ont été utilisées pour le concours. Les requérants qui ont comparu devant moi ont été éliminés du concours, parce qu'ils n'avaient pas réussi l'exercice « in-basket » .

     Les requérants soutiennent que la méthode utilisée pour le concours n'était pas conforme au principe du mérite. Selon eux, lors de la révision de la décision prise par le jury de sélection, le Comité d'appel n'a pas appliqué le principe du mérite, parce qu'il a refusé de modifier la décision en question.

     À ce moment-ci, il convient d'examiner brièvement la fonction du Comité et du jury dont il est question en l'espèce ainsi que le rôle de la Cour dans une demande de contrôle judiciaire relative à une décision du Comité d'appel. Voici le texte de l'article 10 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33 (la « Loi » ) :

10.(1)       Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

(2)            Pour l'application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats.

            Dans l'arrêt Laberge c. Canada (procureur général), [1988] 2 C.F. 137, p. 142, le juge Pratte a décrit en ces termes la fonction du jury de sélection :

Le comité de sélection n'est qu'un outil utilisé par la Commission de la Fonction publique pour remplir la tâche que lui impose l'article 10 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Le ministère n'a pas le pouvoir de modifier les obligations que l'article 10 de la Loi impose à la Commission.

            Ainsi, le jury de sélection est tenu de choisir le candidat le plus méritant à l'égard du poste et l'identité de cette personne peut être déterminée au moyen d'un test.

            Le rôle du Comité d'appel consiste à entendre les appels relatifs aux nominations faites par un jury de sélection et à déterminer si celui-ci a respecté le principe du mérite. Dans l'arrêt Scarizzi c. Marinaki, [1994] A.C.F. no 1881, le juge Rothstein s'est exprimé comme suit à la page 14 :

Le rôle du Comité d'appel n'est pas de s'assurer que les examens sont bien notés. Il consiste à s'assurer que, dans le cadre de la procédure suivie, le jury de sélection a respecté le principe du mérite... [U]n Comité d'appel ne devrait modifier la décision d'un jury de sélection que lorsque la décision de ce dernier est manifestement déraisonnable.

            Ainsi, le Comité d'appel doit déterminer si les mesures et les décisions prises par le jury de sélection étaient raisonnables.

            L'article 21 de la Loi dispose que :

21.(1)       Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants ont l'occasion de se faire entendre.

                                                                                                ...

(3)            La Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

            La présente demande de contrôle judiciaire est fondée sur les articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7. L'article 18.1 prévoit ce qui suit :

18.1(1)     Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.

(3)            Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

(4)            Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

            Les motifs pour lesquels les requérants présentent la demande de contrôle judiciaire en l'espèce sont les suivants. D'abord, ils soutiennent que cet exercice « in-basket » ne convenait pas, parce qu'il ne permettait pas d'évaluer les qualités pertinentes. Cet argument découle du fait que l'exercice a été conçu par des spécialistes de la Direction de l'impôt, alors que le concours en litige concernait un poste de surintendant aux Douanes. Le superviseur des Douanes est chargé de superviser les agents de la paix de premier niveau, ce qui est très différent de la tâche de superviser des employés dans un bureau. Ainsi, l'exercice n'a permis que d'évaluer de façon partielle la compétence requise des requérants et n'a pas permis d'évaluer certaines aptitudes qui pourraient être encore plus importantes que l'aptitude de supervision générale.

            En deuxième lieu, les requérants font valoir que l'exercice « in-basket » ne convenait pas comme instrument de présélection des candidats. Dans la brochure d'information fournie par Revenu Canada au sujet de l'exercice, il est mentionné que l'utilisation de celui-ci n'est pas recommandée pour l'évaluation préalable des qualités. Les requérants en viennent donc à la conclusion que le jury de sélection a commis une erreur lorsqu'il a utilisé l'exercice « in-basket » pour la présélection, car cet exercice doit être considéré comme un élément seulement de l'évaluation.

            En troisième lieu, les requérants allèguent qu'en raison de l'âge des résultats de l'exercice, ils auraient dû avoir la possibilité de passer à nouveau l'examen conformément à la politique ministérielle qui énonce qu'un test peut être repris après 180 jours. De plus, les requérants font valoir que le Comité d'appel ne s'est pas posé la bonne question. Au lieu de se demander « en quoi consiste un délai trop long » , c'est-à-dire entre les deux dates de l'exercice, le jury a présumé que les notes initiales étaient valables et s'est ensuite demandé si un événement survenu entre-temps aurait pu avoir une influence sur les notes.

            Enfin, les requérants allèguent que la méthode de correction de l'exercice allait à l'encontre du principe du mérite, car toute « réponse inhabituelle » était notée comme s'il s'agissait d'une mauvaise réponse. De plus, étant donné que les réponses jugées correctes étaient celles qui étaient fournies par des spécialistes de l'impôt et non par des spécialistes en matière de douanes, la méthode de correction employée lors du test était viciée.

Analyse

            En ce qui a trait au premier motif de contrôle, si j'ai bien compris la position des requérants, ils soutiennent que l'exercice n'a permis d'évaluer qu'une petite partie des aptitudes requises. De plus, les fonctions du surintendant des Douanes sont bien différentes de celles du superviseur oeuvrant dans un bureau. Par conséquent, l'exercice « in-basket » n'aurait pas dû être utilisé, étant donné qu'il porte sur des qualités non pertinentes.

            Le Comité d'appel a conclu que l'exercice « in-basket » permettait d'évaluer les aptitudes générales et non les aptitudes spécifiques du poste. Il est impossible de dire que cette conclusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve. M. Majid, un des concepteurs de l'exercice, a témoigné en ce sens. Il a également dit devant le Comité d'appel que le recours à des spécialistes de l'impôt pour l'élaboration de l'exercice n'avait pas d'importance, parce que les aptitudes vérifiées lors de l'exercice n'étaient pas spécifiques à l'emploi. Enfin, il appert de la preuve que M. Sheridan, le seul membre du jury de sélection, a consulté M. Majid et conclu que l'exercice a été fait en bonne et due forme dans le contexte de ce concours.

            Même si je conviens avec les requérants qu'il y a une différence de taille entre le fait de superviser des employés dans un bureau et celui de superviser des agents de la paix à l'aéroport, je me range de plein gré à l'avis du Comité d'appel et du jury de sélection selon lequel des aptitudes de supervision générale sont requises d'un surintendant des Douanes. Cela ne signifie pas que les aptitudes supplémentaires sont moins importantes. Cependant, les aptitudes qui sont évaluées au moyen de l'exercice « in-basket » et qui sont requises pour tous les types de superviseurs constituent un strict minimum et le point de départ de l'évaluation de la compétence générale en matière de supervision. Il se peut que le superviseur des Douanes doive posséder plus d'aptitudes que le superviseur de l'Impôt travaillant dans un bureau. Cependant, il n'en demeure pas moins que chaque superviseur doit posséder la compétence de base en matière de supervision et non celle qui est spécifique à l'emploi. L'ensemble de la preuve indique que c'est cette compétence qui a été évaluée au moyen de l'exercice « in-basket » . La décision du Comité d'appel selon laquelle l'utilisation de cet exercice était conforme au principe du mérite ne constitue pas une erreur de droit ou de fait ou une autre erreur mentionnée au paragraphe 18.1(4).

            Le deuxième motif invoqué au soutien de la demande de contrôle est lié de près au premier. Les requérants soutiennent que, même si l'exercice « in-basket » a été utilisé de façon légitime pour le présent concours, il ne constituait pas un test valable sur la foi duquel ils pouvaient être éliminés du concours. Dans la brochure rédigée par les concepteurs de l'exercice, il est recommandé que celui-ci ne soit pas utilisé pour l'évaluation préalable des qualités. Plus précisément, les requérants font valoir que leur élimination sur la foi des résultats de cet exercice signifiait que leurs aptitudes dans d'autres domaines n'ont pas été évaluées. De plus, ils ajoutent qu'il est possible qu'un candidat ne réussisse pas l'exercice « in-basket » , mais affiche tellement un bon rendement dans d'autres domaines que, malgré l'échec, il sera le candidat le plus compétent pour le poste. Les requérants résument leur position en ces termes dans leurs observations écrites :

[TRADUCTION] 27. L'utilisation de l'exercice « in-basket » pour éliminer automatiquement des candidats va également à l'encontre du principe du mérite au motif que cet exercice ne permet pas d'évaluer toutes les aptitudes requises du candidat qui sera choisi pour le poste de superviseur à Douanes et Accise. Le Comité d'appel doit déterminer si l'omission d'évaluer les candidats en ce qui a trait à toutes les exigences du poste va à l'encontre du principe du mérite.

29. L'exercice « in-basket » n'était pas le seul instrument qui permettait d'évaluer les candidats. Dans le présent cas, l'omission d'évaluer les candidats en ce qui a trait aux autres exigences du poste par suite de leur élimination automatique va à l'encontre du principe du mérite.

            L'article 7 de la brochure d'information relative à l'exercice est intitulé [TRADUCTION] « Utilisation de l'exercice dans le processus de sélection » et, au deuxième paragraphe, il est mentionné ce qui suit :

Il ne doit pas être utilisé pour l'évaluation préalable des qualités. On peut utiliser l'Exercice « in-basket » pour la supervision pour effectuer une sélection; on peut s'en servir pour coter et évaluer les capacités de supervision du candidat. Il peut être utilisé conjointement avec une autre source d'information comme l'entrevue de sélection, la vérification des références, etc. pour évaluer les mêmes ou d'autres qualités. En ce qui a trait à la cotation et au classement, en plus du pointage qu'aurait obtenu le candidat au cours de l'exercice, le jury de sélection peut utiliser le résultat de n'importe laquelle des six capacités évaluées pendant l'exercice. Le jury de sélection détermine le pointage relatif pour chaque capacité et toute autre source d'information utilisée dans le processus de sélection.

            L'avocate de l'intimé soutient que ces commentaires ne constituent qu'une simple recommandation et ne lient nullement le jury de sélection.

            Les parties ne semblent pas s'entendre sur le sens à donner aux remarques suivantes que la Cour d'appel fédérale a formulées dans l'arrêt Laberge, précité, p. 143 :

Le principe de la sélection au mérite exige que l'on choisisse celui qui, au moment du concours, est le plus apte à remplir toutes les fonctions prévues à l'avis de concours.

            Contrairement à ce que les requérants soutiennent, je ne puis reconnaître que ces commentaires signifient que tous les candidats doivent être évalués à l'égard de toutes les aptitudes. Le bon sens exige que le jury de sélection puisse éliminer les candidats qui ne possèdent pas les aptitudes requises pour le poste en question. À cette fin, rien n'empêche le jury de sélection de déterminer les aptitudes les plus importantes et d'éliminer ensuite les candidats qui ne possèdent pas, à tout le moins, les plus élémentaires de ces aptitudes. Obliger un jury de sélection à évaluer toutes les qualités de tous les candidats, même une fois qu'il est déterminé qu'ils ne possèdent pas les aptitudes de base nécessaires, représente une tâche trop lourde pour le jury et n'appuie pas le principe du mérite. Effectivement, le principe du mérite est appliqué lorsque sont éliminés les candidats ne possédant pas les aptitudes qui, même si elles ne constituent pas les seules aptitudes nécessaires pour occuper le poste en question, représentent un minimum. Ainsi, voici comment M. Ojalammi s'est exprimé à la page 10 de sa décision :

[TRADUCTION] Dans le contexte de la présente mesure de dotation, l'exercice « in-basket » n'a pas été le seul instrument d'évaluation utilisé. Il est donc impossible de dire que les aptitudes qu'il a permis d'évaluer étaient les seules qui ont été évaluées dans le cadre de la présente mesure de dotation. Dans le présent cas, le jury de sélection a conclu que l'obtention de la note de passage minimale à l'exercice constituait une condition sine qua non en vue d'un examen ultérieur, c'est-à-dire une évaluation des aptitudes non visées par l'exercice. Compte tenu des responsabilités de supervision inhérentes au poste, cette décision n'est pas déraisonnable. Bien entendu, les personnes qui ne respectent pas la norme minimale ne sont pas évaluées plus à fond. Cependant, il ne suffit pas de se porter candidat à un poste pour avoir le droit d'être évalué à l'égard de chacune des exigences fixées pour le poste. Le candidat en question a simplement le droit d'exiger que le jury de sélection évalue ses qualités dans la mesure nécessaire pour savoir s'il a les compétences voulues ou non et, dans l'affirmative, pour déterminer le mérite relatif des personnes jugées parfaitement compétentes.

            M. Sheridan s'est demandé s'il convenait d'utiliser l'exercice « in-basket » pour combler ce poste, car il s'est entretenu avec M. Majid pour savoir si l'exercice permettrait d'évaluer les aptitudes requises d'un superviseur aux Douanes. Les personnes qui ont été choisies pour remplir ce poste relevaient de M. Sheridan. Il savait quelles étaient les aptitudes requises d'une personne appelée à remplir ce poste. M. Majid savait quelles étaient les aptitudes évaluées par l'exercice. Ces deux personnes ont conclu ensemble que l'exercice « in-basket » convenait dans les circonstances. Comme M. Ojalammi l'a souligné, il n'était pas déraisonnable que l'exercice « in-basket » soit utilisé de cette façon.

            Le troisième argument invoqué est le fait que, même si l'exercice a été utilisé à bon droit pour le concours et qu'il convenait pour sélectionner les candidats en l'espèce, les résultats du test administré en l'espèce remontaient à dix mois et l'exercice aurait donc dû être repris.

            Au soutien de cet argument, l'avocat des requérants a cité à la Cour la politique ministérielle qui permet une reprise du test après 180 jours. Cependant, la politique énonce également qu'aucune personne ne devrait être autorisée à reprendre le test après moins de 180 jours, par souci de diminuer les risques inhérents à des résultats erronés, parce que le candidat pouvait se rappeler les questions posées lors de l'exercice antérieur. Ainsi, même si aucune personne ne devrait être autorisée à reprendre l'examen après moins de 180 jours, la politique ne prévoit nullement que les candidats ont le droit de reprendre l'examen après l'expiration de 180 jours. Comme les deux avocats le mentionnent, la vraie question à trancher est celle de savoir si les résultats de l'examen, dans ce contexte, étaient désuets au point de n'avoir aucune valeur objective.

            Il appert clairement de la preuve que M. Sheridan a examiné les dossiers de tous les candidats pour vérifier s'ils avaient suivi une formation théorique ou pratique depuis l'exercice antérieur, laquelle formation pourrait avoir des répercussions sur leurs notes respectives. À ce moment-ci, il convient de souligner que M. Majid a mentionné en toutes lettres que le test permet d'évaluer les aptitudes et non les connaissances. Ainsi, seule une formation ou une expérience réelle pourrait permettre à une personne d'obtenir un rendement sensiblement supérieur lors de l'exercice « in-basket » .

            Cependant, au paragraphe 20 des observations écrites, l'avocat des requérants s'exprime comme suit :

[TRADUCTION] Le jury de sélection n'a pas tenu compte de la possibilité que les candidats les plus méritants aient été malades ou incapables de donner un bon rendement pour plusieurs raisons valables... Il se peut fort bien que les résultats indiquent tout simplement que c'était un mauvais jour pour le candidat le plus méritant...

            Je dois convenir avec l'avocat que ce scénario est possible. Cependant, il en serait de même pour tout test ou examen, quel que soit le moment où il est administré. Nous connaissons tous de mauvais jours et certaines personnes ne donnent pas un bon rendement lors de tests en raison de la survenance d'événements particuliers dans leurs vies. Est-ce à dire qu'il faut administrer chaque test indéfiniment simplement pour obtenir les résultats les plus exacts qui soient? L'évaluation n'en finirait plus. Le fait que les résultats du test remontent à dix mois n'a rien à voir avec la possibilité que le candidat le plus méritant ait connu une mauvaise journée. Enfin, le jury de sélection n'est nullement tenu de créer un système à toute épreuve pour assurer la sélection du candidat le plus méritant en tout temps. La seule exigence est celle qui découle de l'article 10, selon lequel la sélection doit être fondée sur le mérite. La perfection n'est pas requise ni de la part du jury de sélection, ni chez le candidat retenu.

            La dernière question soulevée par les requérants est le fait que des réponses « inhabituelles » ont été notées comme s'il s'agissait de réponses erronées. L'avocat des requérants a fait valoir que les réponses « correctes » qui ont été fournies provenaient de spécialistes d'un service différent, de sorte que les réponses inhabituelles étaient fausses dans un service, mais pas nécessairement dans l'autre. Selon l'avocat, ce ne sont pas les bons spécialistes qui ont été utilisés.

            La réponse à cet argument est très simple. Même s'il est vrai que les mauvais spécialistes ont été utilisés et que, par conséquent, certaines des réponses que les candidats ont données auraient peut-être été exactes dans le contexte des Douanes, mais erronées selon le spécialiste fiscal, il appert de la preuve que M. Majid a examiné les réponses « inhabituelles » données par les candidats qui ont participé à l'exercice « in-basket » en l'espèce et a conclu qu'il s'agissait effectivement de réponses erronées. À la page 13 de la décision du Comité d'appel, M. Ojalammi s'exprime en ces termes :

[TRADUCTION] Il [M. Majid] a également mentionné qu'à son avis, la majeure partie des « mesures inhabituelles » qu'il avait vues étaient manifestement des réponses inexactes. Ainsi, dans les réponses données par les candidats qui ont participé à la mesure de dotation et considérées comme des « mesures inhabituelles » , il y avait une réponse « TR » et dans d'autres cas, la réponse donnée a été « aucune mesure requise » alors que les réponses acceptables renfermaient toutes une mesure quelconque. Cependant, il a mentionné qu'au fil des années, il avait vu deux ou trois « mesures inhabituelles » proposées qui auraient pu être considérées comme des réponses acceptables; cela ne s'est pas produit dans le cas des réponses des candidats concernés par la présente mesure de dotation.

            Par conséquent, il est impossible de dire que l'exercice « in-basket » administré de cette façon n'a pas permis d'évaluer le mérite relatif des candidats aux postes visés par le présent litige. L'exercice visait à évaluer les aptitudes de supervision générales acquises lors de la formation et de l'expérience. Même si les aptitudes évaluées lors de l'exercice n'étaient pas les seules aptitudes que les candidats retenus devaient posséder, elles étaient importantes au point où les candidats qui ne démontraient pas qu'ils avaient ces aptitudes de base n'allaient pas plus loin dans la démarche. Les candidats retenus devaient démontrer qu'ils possédaient, à tout le moins, les aptitudes de base. Les tests ont tous été corrigés de la même façon, c'est-à-dire en fonction des réponses indiquées dans le manuel, et M. Majid a examiné toutes les réponses « inhabituelles » pour déterminer s'il y avait des anomalies. Il n'y en avait pas. Les résultats remontaient à dix mois, mais il a été jugé que ce délai n'était pas trop long, car l'exercice « in-basket » visait à évaluer les aptitudes et non les connaissances. De plus, il n'était pas nécessaire que l'exercice soit repris après 180 jours.

            Par tous ces motifs, la demande sera rejetée.

                                                                                                MARC NADON              

                                                                                                            JUGE

Ottawa (Ontario)

Le 13 mai 1997

Traduction certifiée conforme                                                                 

                                                                                                François Blais, LL.L.


                                                      COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                  SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


                                     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                    T-844-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :         Clay Chappell et al

                                                                        c.

                                                            Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                        12 mars 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE NADON

EN DATE DU :                           13 mai 1997

ONT COMPARU :

Me James G. Cameron               pour les requérants

Me Yvonne E. Milosevic             pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Jewitt & Allen                  pour les requérants

Ottawa (Ontario)

Me George Thomson                              pour l'intimé

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)



     [1]Une des nominations intérimaires a pris fin avant l'audition de l'appel; il y a donc eu désistement de l'appel s'y rapportant, lequel ne fait pas partie de la présente demande de contrôle judiciaire.

     [2]La distinction pertinente entre ces deux postes, malgré la désignation similaire utilisée, a été expliquée comme suit : le premier concours concerne la supervision dans un bureau, tandis que le poste en litige dans le présent appel concerne la surveillance d'agents de la paix de premier niveau.

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