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Date : 19980618


Dossier : IMM-2264-97

Ottawa (Ontario), le 18 juin 1998.

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE WETSTON

ENTRE :


RABIU MOHAMMED ISIAKU,

alias BAYO ISOLA OLASUPO,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     La question suivante est certifiée :

                 Quand, suivant la fin d'une audience, la Commission a décidé qu'un revendicateur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, et prononce oralement les motifs de sa décision, motifs qui sont par la suite mis par écrit et envoyés au revendicateur avec la notification écrite de la décision, est-ce que la Commission s'est conformée au paragraphe 69.1(9) et à l'alinéa 69.1(11)a) de la Loi sur l'immigration?                 

     Howard I. Wetston

     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


Date : 19980618


Dossier : IMM-2264-97

ENTRE :


RABIU MOHAMMED ISIAKU,

alias BAYO ISOLA OLASUPO,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE WETSTON :

[1]      Le demandeur cherche à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision, datée du 13 novembre 1996, par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      La Commission a entendu l'affaire du demandeur le 13 novembre 1996. À la fin de l'audience, la Commission a prononcé oralement les motifs de la décision, en précisant que des motifs écrits suivraient, sous réserve de révisions destinées à corriger les erreurs de syntaxe et de style.

[3]      Le matériel d'enregistrement normalement utilisé aux fins d'une transcription de l'audience ne fonctionnait pas quand la Commission a prononcé ses motifs oraux. Par conséquent, la Commission ne disposait pas d'une transcription de ses motifs oraux pour préparer les motifs écrits de la décision.

[4]      Le 13 mai 1997, la Commission a notifié par écrit la décision au demandeur. Dans un des paragraphes, elle informait le demandeur de son droit de chercher à obtenir le contrôle judiciaire de la décision en vertu du paragraphe 82.1(1) de la Loi. La notification écrite de la décision était signée par le greffier, comme l'exige l'article 30 des Règles de la section du statut de réfugié (DORS/93-45). Les motifs écrits, datés du 4 avril 1997, étaient joints à la notification écrite de la décision. Le mot [TRADUCTION] " MODIFIÉ " figurait au début de la page couverture accompagnant les motifs écrits. De plus, la page couverture indiquait que, même si les motifs écrits étaient datés du 4 avril 1997, la date de la décision était le 13 novembre 1996.

[5]      Dans ses motifs écrits, la Commission a mentionné qu'elle s'était fondée sur ce dont elle se souvenait de ce qui avait été dit dans les motifs oraux. Bien que le demandeur soutienne que les motifs oraux et écrits sont très différents, compte tenu de la preuve dont je dispose je ne vois aucune raison de choisir ce dont il se souvient des motifs oraux plutôt que ce dont la Commission se souvient.

[6]      La question en litige est de savoir si la Commission a commis une erreur en prononçant oralement les motifs de sa décision avant de fournir les motifs écrits au demandeur, en contravention de l'alinéa 69.1(11)a) de la Loi sur l'immigration.

[7]      Actuellement, les paragraphes 69.1(9) et 69.1(11) prévoient :

                 (9) La section du statut rend sa décision sur la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention le plus tôt possible après l'audience et la notifie à l'intéressé et au ministre par écrit.                 
                 (11) La section du statut n'est tenue de motiver par écrit sa décision que dans les cas suivants_:                 
                      a) la décision est défavorable à l'intéressé, auquel cas la transmission des motifs se fait avec sa notification [...]                 
                 Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2                 
                 [Non souligné dans l'original.]                 

[8]      Avant 1992, le paragraphe 69.1(11) prévoyait :

                 La section du statut n'est tenue de motiver par écrit sa décision que si soit celle-ci est défavorable à l'intéressé [...].                 

[9]      Le demandeur allègue que la décision de la Cour d'appel dans l'arrêt Hussain c. M.E.I. (1994) 174 N.R. 76, est déterminante en ce qui a trait à l'affaire dont la Cour est saisie. Dans l'arrêt Hussain, la Commission a prononcé oralement les motifs, en précisant que ceux-ci pourraient être révisés quant à la grammaire et au contenu. Ultérieurement, la Commission a fourni au demandeur, Hussain, un rapport de décision officiel, daté du jour de la remise des motifs oraux, en même temps que des motifs écrits pratiquement identiques à ceux qui avaient été prononcés oralement.

[10]      Le demandeur soutient que dans l'arrêt Hussain, précité, la Cour d'appel a conclu que l'alinéa 69.1(11)a) de la Loi exige que la transmission des motifs se fasse avec la notification écrite de la décision, si celle-ci est défavorable à l'intéressé. Il soutient que la Cour d'appel a décidé que, étant donné que les motifs écrits de la Commission ont été transmis à une date ultérieure à la remise de la décision défavorable et des motifs oraux, le paragraphe 69.1(11) a été enfreint. Le demandeur soutient également que la Cour d'appel a conclu que la Commission ne peut transmettre de motifs oraux dans la majorité, si ce n'est la totalité, des cas.

[11]      Le demandeur soutient qu'en l'espèce, en dépit d'une modification récente apportée au paragraphe 69.1(11), la Commission a enfreint le paragraphe 69(11) en ne transmettant pas les motifs écrits avec la notification de la décision défavorable, et en transmettant les motifs oraux avant les motifs écrits.

[12]      Le défendeur prétend que l'article 69.1 n'a pas été enfreint. Il soutient que la modification apportée à l'alinéa 69.1(11)a) remédie à l'irrégularité procédurale dont la Cour d'appel traite dans l'arrêt Hussain, précité, du fait que la Commission n'est plus tenue de transmettre ses motifs au moment où elle prononce oralement ses décisions. Il allègue que la modification a eu pour effet de permettre dorénavant à la Commission de rendre des décisions défavorables et d'en prononcer oralement les motifs, à condition que les motifs écrits, qui doivent nécessairement suivre, ne soient pas très différents des motifs oraux : Vaszilyova c. M.E.I. (IMM-3321-93, 4 juillet 1994, C.F. 1re inst.).

[13]      De la façon dont il est rédigé à présent, qu'est-ce que l'alinéa 69.1(11)a) exige? À mon avis, le litige porte sur une question d'interprétation des lois. Autrement dit, l'alinéa (11)a) doit recevoir une interprétation fondée sur l'objet compte tenu du reste de l'article 69.1.

[14]      À la lecture de l'alinéa (11)a) il appert que la modification, de l'ancienne à la nouvelle version, consiste essentiellement en l'insertion de la clause : " avec sa notification ". L'effet à donner à cette modification doit être conforme à l'objet de l'article 69.1.

[15]      Le but de l'ancien article 69.1, comme la Cour d'appel l'a précisé dans l'arrêt Hussain, précité, à la page 77, était de permettre à un demandeur du statut " [...] de connaître en temps opportun les raisons précises pour lesquelles sa demande est rejetée, de telle sorte qu'il puisse évaluer ses chances avant de décider s'il vaut la peine d'engager de nouvelles procédures ". Rien dans les modifications ne laisse entendre que ce but a changé.

[16]      En ce qui a trait à l'objet de l'alinéa (11)a), l'examen de la doctrine et de la jurisprudence semble indiquer qu'il voit à ce que les décisions portant sur des revendications du statut de réfugié au sens de la Convention soient rendues de manière à permettre aux revendicateurs non reconnus de planifier leurs affaires d'une manière efficace et en temps utile. La disposition veille à ce que la planification du demandeur soit facilitée à deux égards.

[17]      Premièrement, l'alinéa 11a), en exigeant des motifs écrits, garantit qu'un demandeur puisse connaître les raisons ayant entraîné l'échec de sa revendication afin qu'il puisse correctement évaluer le bien-fondé d'une demande de contrôle judiciaire. Deuxièmement, il fournit au demandeur un avis de décision officiel, ce qui facilite la planification étant donné que le demandeur peut savoir à quel moment chercher à obtenir le contrôle judiciaire.

[18]      L'alinéa (11)a) mentionne à présent la notification dont il est question au paragraphe (9) et, par conséquent, il doit s'interpréter de manière conforme à ce paragraphe. Il est manifeste, compte tenu du libellé du paragraphe (9), que deux actes distincts sont envisagés comme faisant partie du processus décisionnel de la Commission : (i) le prononcé d'une décision, devant être suivi " le plus tôt possible " de (ii) la notification écrite de la décision.

[19]      À mon avis, en modifiant l'alinéa (11)a), le Parlement n'avait pas pour intention que la transmission des motifs écrits se fasse avec la notification écrite de la décision et avec la décision, parce que, comme le prévoit le paragraphe (9), la décision est notifiée par écrit après que la Commission l'a rendue.

[20]      Par conséquent, afin de donner effet à l'intention claire du Parlement d'instituer un processus efficace et prévisible quant au déroulement de la procédure devant la Commission, la préposition " avec " figurant au paragraphe 69.1(11) ne peut s'interpréter que comme signifiant que la Commission doit, avec la notification écrite de la décision mentionnée au paragraphe (9), transmettre les motifs de cette décision par écrit.

[21]      Cette interprétation est également inférée du fait que la notification écrite de la décision, plutôt que le prononcé de la décision lui-même, déclenche l'écoulement du délai imparti au revendicateur pour décider s'il présente une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission. À cet égard, le paragraphe 82.1(3) de la Loi prévoit :

                 La demande d'autorisation doit être déposée devant la Section de première instance de la Cour fédérale et signifiée à l'autre partie dans les quinze jours suivant soit la date où le demandeur est avisé de la décision, de l'ordonnance ou de la mesure en cause [...].                 

[22]      La notification écrite de la décision et les motifs écrits servent, par conséquent, à établir quand le délai pour le dépôt d'une demande d'autorisation d'interjeter appel commence à courir. Le paragraphe 69.1(11) est important parce qu'il prévoit que, dans les causes où les motifs écrits ne sont pas transmis au moment de la décision mais le sont plus tard, le délai pour le dépôt d'une demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire ne commencera pas à courir avant que la décision ne soit notifiée au demandeur conformément à la Loi et au Règlement.

[23]      Par conséquent, je suis d'accord avec le défendeur sur le fait que la modification apportée au paragraphe 69.1(11) a eu pour effet de remédier à l'irrégularité qui existait auparavant, de façon telle que la Commission n'est plus tenue de transmettre des motifs écrits en même temps qu'elle prononce oralement des décisions. La Commission peut transmettre les motifs écrits après qu'une décision a été rendue, en les transmettant avec la notification écrite de la décision. Bien que la pratique de donner des motifs oraux puisse entraîner certaines difficultés quand des différences surviennent entre les motifs oraux et les motifs écrits, ces problèmes peuvent être abordés de façon ponctuelle, comme dans la décision : Vaszilyova, précitée.

[24]      Je remarque que le demandeur a également invoqué l'arrêt récent de la Cour suprême du Canada Pushpanathan c. M.C.I., [1998] A.C.S. no 46, paragraphe 47 (Q.L.), ainsi que l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Weerasinge c. Canada (1993) 22 Imm. L.R. (2d), page 6, pour étayer son point de vue selon lequel le paragraphe 69.1(11) exige que la Commission fasse plus que de donner oralement des motifs et d'en fournir par la suite une transcription. Je ne crois pas que ces décisions procurent un plus grand fondement à l'interprétation que propose le demandeur de l'article 69.1. Ainsi qu'il est mentionné précédemment, le litige porte essentiellement sur une question d'interprétation des lois.

[25]      J'aborde maintenant la question de savoir si, en l'espèce, la Commission a enfreint l'alinéa 69.1(11)a). Le 13 novembre 1996, la Commission a rendu sa décision à la fin de l'audience en donnant des motifs oraux au demandeur. Le demandeur a reçu une notification écrite de la décision de la Commission, datée du 13 mai 1997, avec les motifs écrits. Ainsi, le demandeur a immédiatement été avisé de la décision de la Commission et a par la suite eu l'occasion d'envisager la possibilité de présenter une demande de contrôle judiciaire, dès qu'il a reçu la notification écrite et les motifs écrits de la décision de la Commission. De plus, étant donné que je n'ai pas constaté que des différences importantes avaient été démontrées entre les motifs oraux et écrits, je ne crois pas qu'il y ait eu un manquement à l'équité procédurale dans cette affaire.

[26]      Les règles de l'équité procédurale n'exigent pas que la Commission sursoie au prononcé de toutes ses décisions, afin de garantir que des motifs écrits appropriés soient transmis à chaque revendicateur. Des motifs appropriés sont certainement exigés, c'est-à-dire des motifs qui sont suffisamment clairs, précis et intelligibles qu'ils permettent à un revendicateur de savoir pourquoi sa revendication a échoué : Mehterian c. M.E.I. (A-717-90, 17 juin 1992, C.A.F.). Cependant, si la Commission prononce oralement des motifs et les fait suivre de motifs écrits et de la notification écrite de la décision, elle se conforme également à l'exigence prévue au paragraphe 69.1(9) selon laquelle elle doit rendre sa décision " le plus tôt possible ".

[27]      À l'audience, le demandeur a proposé une question à des fins de certification, à laquelle le défendeur s'est opposé. Le défendeur a par la suite suggéré la certification d'une autre question. J'ai étudié le point de vue de chacune des parties et je certifie la question suivante :

                 Quand, suivant la fin d'une audience, la Commission a décidé qu'un revendicateur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, et prononce oralement les motifs de sa décision, motifs qui sont par la suite mis par écrit et envoyés au revendicateur avec la notification écrite de la décision, est-ce que la Commission s'est conformée au paragraphe 69.1(9) et à l'alinéa 69.1(11)a) de la Loi sur l'immigration?                 

[28]      Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et la question énoncée ci-dessus est certifiée.

                                 Howard I. Wetston

                                                    

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 18 juin 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                      IMM-2264-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Rabiu Mohammed Isiaku alias Bayo Isola Olasupo c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              le 29 mai 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Wetston

EN DATE DU :                      18 juin 1998

ONT COMPARU :

M. Micheal Crane et

Mme Wendy Lack                              pour le demandeur

Mme Susan Nucci                          pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Micheal Crane

Toronto (Ontario)                          pour le demandeur

M. George Thomson

Sous-procureur général du Canada              pour le défendeur

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