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Date : 19981218


T-366-98


OTTAWA (ONTARIO) LE 18 DÉCEMBRE 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER


E n t r e :

     AB HASSLE, ASTRA AB et ASTRA PHARMA INC.,

     demanderesses,


     - et -


     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     RHOXALPHARMA INC. et TAKEDO CHEMICAL

     INDUSTRIES LIMITED,

     défendeurs.



     ORDONNANCE


     L'appel est accueilli avec dépens.



     " Danièle Tremblay-Lamer "

                                     JUGE




Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.




Date : 19981218


T-366-98



E n t r e :

     AB HASSLE, ASTRA AB et ASTRA PHARMA INC.

     demanderesses,


     - et -


     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     RHOXALPHARMA INC. et TAKEDO CHEMICAL

     INDUSTRIES LIMITED,

     défendeurs.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE TREMBLAY-LAMER


[1]      Il s'agit d'un appel d'une ordonnance en date du 3 novembre 1998 par laquelle le protonotaire Morneau a statué que certains documents déposés au nom de la défenderesse RhoxalPharma Inc. n'étaient pas confidentiels et que, par conséquent, ils n'étaient pas assujettis à l'ordonnance de non-divulgation qui a été rendue dans la présente instance le 29 avril 19981 et qui est jointe à titre d'annexe A.

GENÈSE DE L'INSTANCE

[2]      Les demanderesses, Ab Hasle, Astra AB et Astra Pharma Inc. (Astra), sont titulaires d'un brevet portant sur des comprimés d'oméprazole, un médicament de réduction gastrique vendu sous le nom commercial de LosecTM.

[3]      La défenderesse RhoxalPharma est un fabricant de médicaments génériques et un distributeur de médicaments. Elle se propose de commercialiser une version de l'oméprazole qui ne contreferait pas le brevet d'Astra.

[4]      Andrx Pharmaceuticals (Andrx), qui n'est pas partie à la présente action, est le fabricant de médicaments génériques qui a mis au point [TRADUCTION] " une formulation nouvelle et innovatrice " de comprimés d'oméprazole qui ne contrefait pas les brevets d'Astra. Andrx a accepté de vendre à RhoxalPharma sa formulation qui ne constitue pas une contrefaçon. Ainsi que le protonotaire Morneau l'a fait remarquer, le fait qu'Andrx était le fournisseur de RhoxalPharma a été consigné en preuve au dossier public; il s'ensuit que ce fait n'est plus confidentiel.

[5]      Astra a obtenu un avis de conformité du ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (le ministre) relativement aux comprimés brevetés d'oméprazole. Astra est considérée comme la " première personne " au sens du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) .

[6]      Lorsque RhoxalPharma, la " seconde personne ", désire commercialiser un médicament qui, selon ce qu'elle affirme, ne contrefait pas le brevet de la première personne, elle doit signifier à celle-ci un avis d'allégation indiquant les raisons pour lesquelles un avis de conformité devrait être délivré malgré l'existence du brevet.

[7]      Le 19 février 1998, RhoxalPharma a envoyé à Astra un avis de conformité portant sur les comprimés d'oméprazole. En réponse, Astra a introduit la présente instance en interdiction contre RhoxalPharma.

[8]      Dans le cadre de l'instance en interdiction, RhoxalPharma a demandé et obtenu une ordonnance de non-divulgation, qui a été prononcée le 29 avril 1998 par le juge Teitelbaum.

[9]      RhoxalPharma a ensuite produit les affidavits souscrits par MM. David Gardner et Louis Cartilier et a désignés les affidavits en question en tant que renseignements confidentiels (les renseignements contestés). Astra a contesté cette désignation, ainsi que l'ordonnance de non-divulgation lui permettait de le faire.

[10]      Dans son ordonnance du 3 novembre 1998, le protonotaire Morneau a statué que la défenderesse n'avait pas démontré que les renseignements devaient demeurer confidentiels. Il a ensuite sursis à l'exécution de l'ordonnance pour une période de dix jours, pour permettre aux parties d'interjeter appel. Saisie de l'appel qui a été interjeté le 12 novembre 1998, le juge McGillis a ordonné que le sursis soit prolongé tant que la Cour n'aurait pas tranché l'appel.

QUESTION EN LITIGE

     Le protonotaire Morneau a-t-il commis une erreur de droit dans son interprétation et son application de l'ordonnance de non-divulgation ?

THÈSE DES PARTIES

[11]      RhoxalPharma soutient que, bien que le protonotaire Morneau ait posé le bon critère, il a commis une erreur en l'appliquant. À son avis, le critère applicable en matière de non-divulgation, tout comme en matière d'ordonnances de non-divulgation, doit reposer sur la conviction de la partie qui formule l'assertion. Imposer une norme plus élevée une fois que les renseignements ont été communiqués à la Cour sous le sceau du secret serait injuste pour la partie qui revendique la non-divulgation. Qui plus est, on ajouterait tout simplement ainsi une autre étape à une processus qui est déjà long, permettant ainsi au titulaire du brevet de prolonger davantage la durée de son monopole.

[12]      RhoxalPharma soutient en outre que le protonotaire Morneau a commis une erreur dans son application du critère. Lorsqu'il a évalué les risques de préjudice, il a limités ceux-ci à la capacité des concurrents de RhoxalPharma de reproduire le comprimé. RhoxalPharma fait valoir que d'autres types de préjudices que la reproduction du comprimé pourraient découler de la divulgation. À cette fin, il a soutenu que les experts qui ont été produits pour démontrer le caractère confidentiel des renseignements contestés étaient des experts commerciaux, et non des experts scientifiques. Par conséquent, même s'ils ne connaissaient pas bien le procédé pharmaceutique en question, ils possédaient les qualités requises pour témoigner au sujet des renseignements et du préjudice que la divulgation pouvait causer aux droits exclusifs ou commerciaux.

[13]      La demanderesse Astra affirme que le protonotaire Morneau a correctement énoncé et appliqué le critère applicable. Elle fait remarquer que les renseignements contestés sont constitués d'une liste d'ingrédients et qu'ils ne sont pas suffisants pour permettre à une personne versée dans la technique en cause de reproduire les comprimés.

[14]      Astra affirme également que l'ordonnance de non-divulgation implique l'application d'un critère à deux volets : (i) un volet subjectif, qui porte sur la conviction de la partie qui formule l'assertion; (ii) en cas de contestation, un volet objectif, dans lequel on détermine si la divulgation causerait un grave préjudice. Astra souligne en outre que la partie défenderesse doit démontrer que la divulgation causerait un préjudice, et non simplement qu'elle pourrait causer un préjudice. Elle affirme donc, vu la preuve soumise au protonotaire Morneau, que la défenderesse n'a pas réussi à démontrer que les droits exclusifs, commerciaux et scientifiques de la défenderesse seraient gravement compromis.

ANALYSE

[15]      Je suis d'accord avec l'argument d'Astra suivant lequel toute ordonnance de non-divulgation comporte deux volets : un volet subjectif et un volet objectif. Tout d'abord, suivant le raisonnement que le juge MacKay a formulé dans le jugement Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd.2, une ordonnance de non-divulgation sera prononcée en ce qui concerne les renseignements réclamés " si le requérant pense que ces droits exclusifs, commerciaux et scientifiques seraient gravement compromis par la production des renseignements sur lesquels sont fondés ces droits3 ".

[16]      En l'espèce, le juge Teitelbaum a jugé que la preuve était suffisante pour satisfaire à ce critère et il a rendu une ordonnance de non-divulgation le 29 avril 1998.

[17]      Il s'agit là du volet subjectif, parce qu'il repose sur la conviction du requérant que la divulgation des renseignements compromettrait ses droits.

[18]      Deuxièmement, lorsqu'une ordonnance de non-divulgation est prononcée, une partie a le droit de contester le caractère confidentiel des " renseignements contestés ".

[19]      Le paragraphe 17 de l'ordonnance de non-divulgation du 29 avril 1998 prévoit expressément qu'en cas de contestation, la partie qui revendique la confidentialité a la charge de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les renseignements sont effectivement confidentiels. Voilà, à mon avis, un critère objectif.

[20]      Je ne puis accepter l'argument de RhoxalPharma suivant lequel, à cette deuxième étape, la partie qui revendique la confidentialité n'a qu'à démontrer qu'elle croit que les renseignements sont confidentiels et que les renseignements confidentiels n'entrent pas dans la catégorie de ceux qui sont exclus par les paragraphes 14 et 18 de l'ordonnance de non-divulgation.

[21]      Lorsqu'une ordonnance de non-divulgation est rendue sur la base de la conviction de la partie qui revendique la confidentialité, le droit de contester la qualification de certains renseignements comme renseignements confidentiels serait rendu futile si le critère auquel il fallait répondre pour démontrer le caractère confidentiel reposait lui aussi sur les convictions de la partie qui revendique la confidentialité.

[22]      Je conclus donc que le protonotaire Morneau a commis une erreur lorsqu'il a accepté que le critère subjectif (celui de la conviction de la partie qui revendique le caractère confidentiel des renseignements) était, comme le juge MacKay l'a affirmé dans le jugement Apotex, précité, le bon critère à appliquer pour se prononcer sur le caractère confidentiel des renseignements visés par l'ordonnance de non-divulgation.

[23]      Qui plus est, je ne crois pas que le critère applicable exige uniquement du requérant qu'il démontre que les renseignements ne sont pas du type de ceux qui sont visés par le paragraphe 18.

[24]      Les paragraphes 17 et 18 sont ainsi libellés :

[TRADUCTION]
17. En cas de contestation du caractère confidentiel des renseignements confidentiels désignés, la partie qui en revendique le caractère confidentiel a la charge de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les renseignements sont effectivement confidentiels.
18. En cas de contestation du caractère confidentiel des renseignements confidentiels désignés, sont exclus des renseignements confidentiels les renseignements qui, selon le cas :
a) font ou faisaient partie du domaine public ou d'archives publiques par des moyens qui ne violent pas les dispositions de la présente ordonnance ou de la loi;
b) sont ou ont été légalement obtenus d'une personne qui n'est pas partie à la présente action dans des circonstances qui ne donnent pas lieu à l'application de l'obligation de conserver le secret;
c) sont ou étaient déjà connus du destinataire, de ses affiliés, de son avocat ou de ses experts;
d) sont ou ont été mis au point indépendamment par le destinataire, son avocat ou ses experts.

[25]      Le paragraphe 18 est une large disposition qui précise simplement le type de renseignements qui devraient en règle générale être exclus. Si le paragraphe 18 visait à définir ce qui est confidentiel, cette intention aurait été expressément déclarée, ou le paragraphe 17 aurait obligé la partie qui revendique le privilège à démontrer que les renseignements ne sont pas visés par les exclusions prévues. Or, tel n'est pas le cas.

[26]      L'ordonnance de non-divulgation autorise expressément une partie à soumettre les renseignements contestés à une évaluation objective, comme en fait foi le libellé des paragraphes 4, 15 et 17 et de l'alinéa 14d), qui prévoient dans les termes les plus nets qu'une partie peut demander au tribunal de se prononcer sur le caractère confidentiel des renseignements.

[27]      En permettant une démonstration objective ou une décision juridictionnelle, le mécanisme prévu par l'ordonnance de non-divulgation accorde des garanties appropriées et souligne l'équilibre à atteindre entre la transparence de la procédure et les intérêts légitimes des parties. À mon avis, c'est la conclusion qui se dégage de l'approche retenue par le juge MacKay dans le jugement Apotex, précité, dans lequel le juge MacKay parle de l'importance de trouver le juste milieu entre ces valeurs opposées :

Le principe général de la publicité de la justice et des procédures judiciaires, qui s'entend aussi de l'accès public aux documents judiciaires, est un principe fondamental de notre système de justice. La recherche d'un juste équilibre entre ce principe et les intérêts judiciaires des parties, dont leurs droits commerciaux et leurs droits exclusifs légitimes, a abouti à la pratique, observée par cette Cour et par d'autres juridictions, des ordonnance de protection ou de non-divulgation afin que des documents obtenus en vue de la préparation au procès soient gardés confidentiels, non accessibles au public, dans les procédures devant la Cour4.

[28]      En l'espèce, l'évaluation objective est effectuée en vertu du paragraphe 17. La difficulté réside dans l'établissement du critère approprié pour déterminer si les renseignements contestés sont confidentiels.

[29]      À mon avis, le critère applicable à cette étape-ci comporte lui aussi deux volets. Premièrement, il exige que les renseignements aient été en tout temps considérés comme confidentiels par l'intéressé. Il serait illogique de soutenir que des renseignements sont confidentiels lorsque l'intéressé ne les a pas considérés comme tels.

[30]      En second lieu, il exige que la partie qui revendique la confidentialité démontre, selon la prépondérance des probabilités, que la divulgation des renseignements risquerait de compromettre ses droits exclusifs, commerciaux et scientifiques.

[31]      À mon avis, la partie qui n'arrive pas à convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle satisfait à ces exigences, n'a pas démontré la nécessité d'apporter une telle restriction au principe général de la publicité des débats judiciaires.

[32]      Astra affirme que RhoxalPharma doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la divulgation des renseignements contestés lui causerait un grave préjudice. On imposerait ainsi, selon moi, un fardeau trop lourd à la partie qui revendique la confidentialité lorsque, comme en l'espèce, le préjudice est à venir.

[33]      On trouve une analogie utile à l'alinéa 20.1c) de la Loi sur l'accès à l'information5. Cette loi porte sur la divulgation de renseignements et précise que la divulgation doit être refusée lorsqu'elle risquerait vraisemblablement de causer un certain préjudice.


20. (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

     ...
     (c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party;

20. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant_ :

     ...
     c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

    

[34]      RhoxalPharma a-t-elle démontré que les renseignements sont, selon la prépondérance des probabilités, confidentiels ?

[35]      Tout d'abord, le protonotaire Morneau a constaté qu'à l'époque en cause, exception faite du nom de son fournisseur, RhoxalPharma a considéré les renseignements contestés comme confidentiels. Il s'agit là d'une conclusion raisonnable qui reposait sur la preuve. Elle ne devrait donc pas être modifiée.

[36]      En second lieu, je suis convaincu que la preuve permettait de conclure que la divulgation des renseignements contestés risquait vraisemblablement de causer un préjudice à RhoxalPharma.

[37]      Les affidavits souscrits par Gardner et Cartilier, qui constituent les renseignements contestés, contiennent une liste par catégories des ingrédients entrant dans la fabrication des comprimés non contrefaits de RhoxalPharma, de même que leur concentrations et poids relatifs. Certains des ingrédients indiqués dans la formulation ne se retrouvent pas dans le comprimé d'Astra. RhoxalPharma affirme donc que, selon la prépondérance des probabilités, la divulgation des renseignements en question risquerait de compromettre sérieusement ses droits exclusifs, commerciaux et scientifiques.

[38]      À l'appui de cet argument, RhoxalPharma a soumis les affidavits souscrits par MM. Lodin et Lachovsky, deux hommes d'affaires qui ont traité avec RhoxalPharma et qui ne sont ni l'un ni l'autre versés dans les formulations pharmaceutiques.

[39]      Vu le contre-interrogatoire de MM. Lodin et Lachovsky, qui a révélé que leurs connaissance du procédé pharmaceutique étaient extrêmement limitées, le protonotaire Morneau a accordé peu de poids à leur témoignage.

[40]      Le docteur Rhodes, qui est professeur en sciences pharmaceutiques appliquées, a témoigné, pour le compte d'Astra, qu'à défaut de renseignements précis sur la façon de traiter les ingrédients, il serait fort improbable qu'une personne versée en la matière soit en mesure de reproduire le comprimé en se fondant exclusivement sur les renseignements contestés.

[41]      En conséquence, le protonotaire Morneau a conclu que les affidavits soumis par RhoxalPharma ne démontraient pas, suivant la prépondérance des probabilités, que les renseignements contestés étaient confidentiels. Toutefois, le protonotaire Morneau a présumé que le fait de permettre à quelqu'un de reproduire les comprimés d'oméprazole était le seul préjudice grave que la divulgation des renseignements contestés risquait de causer.

[42]      Ainsi que je l'ai déjà dit, le critère applicable est celui de savoir si, selon la prépondérance des probabilités, la divulgation des renseignements risquerait vraisemblablement de compromettre les droits exclusifs, commerciaux et scientifiques de la partie qui revendique la confidentialité. En se concentrant uniquement sur la reproduction du comprimé, le protonotaire Morneau a omis de se demander si les droits exclusifs, commerciaux et scientifiques de RhoxalPharma en général risquaient d'être sérieusement compromis. L'existence d'une liste par catégories, indépendamment de la question de savoir si elle permettrait ou non à une personne versée dans les préparations pharmaceutiques de reproduire effectivement le comprimé en cause, donnerait une " longueur d'avance " pour ce qui est de la mise au point d'un comprimé non contrefait. Une telle longueur d'avance risquerait de compromettre les droits exclusifs et commerciaux de RhoxalPharma.

[43]      Je reconnais que les personnes qui ont souscrit des affidavits pour le compte de RhoxalPharma ne sont pas des experts en matière de formulations pharmaceutiques et qu'en tant que telles, les connaissances du docteur Rhodes ont plus de valeur lorsqu'il s'agit de décider si une personne versée dans la technique en cause pourrait reproduire le comprimé à partir des renseignements contestés. Toutefois, il ne s'agit pas du seul préjudice grave qui risquerait vraisemblablement d'être causé.

[44]      Il ressort de la preuve que le marché de l'oméprazole est très lucratif et qu'une formule non contrefaite constituerait un précieux atout6.

[45]      Le docteur Rhodes a concédé que, bien qu'elle ne puisse peut-être pas permettre d'expliquer comment fabriquer effectivement le comprimé, la liste d'ingrédients, dont certains se retrouvent dans le comprimé d'Astra, serait assurément [TRADUCTION] " d'une certaine utilité " pour la personne versée dans la technique en cause qui essaierait de mettre au point un comprimé d'oméprazole non contrefait7.

[46]      Il a également admis que la divulgation publique d'une formulation risquerait également de nuire à la brevetabilité de l'invention8.

            

[47]      Compte tenu du témoignage du docteur Rhodes, je conclus que le protonotaire disposait de suffisamment d'éléments de preuve pour conclure que la divulgation des renseignements contestés risquerait vraisemblablement de compromettre les droits exclusifs, commerciaux et scientifiques de PhoxalPharma.

[48]      Cette conclusion est confirmée par l'affidavit souscrit par M. Lodin9, qui, malgré le fait qu'il ne soit pas un expert en matière de compositions pharmaceutiques, est, en sa qualité de vice-président et avocat général d'Andrx, un expert en ce qui concerne les droits exclusifs et commerciaux entourant les renseignements en cause. M. Lodin a affirmé que la divulgation des renseignements contestés [TRADUCTION] " à des personnes qui ne sont pas liées par l'ordonnance de non-divulgation prononcée dans le présent dossier pourrait nuire à la situation concurrentielle d'Andrz Pharmaceuticals Inc. sur le marché et causer un préjudice grave à Andrx Pharmaceuticals Inc., notamment sur le plan financier ".

DISPOSITIF

[49]      Par ces motifs, l'appel est accueilli avec dépens.


     " Danièle Tremblay-Lamer "

                                     JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 18 décembre 1998.


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.


     ANNEXE A

     ORDONNANCE


LA COUR :


1.      DÉCLARE que, dans la présente ordonnance, chacune des demanderesses et chacun des défendeurs sont désignés au singulier sous le nom de " partie ";

2.      DÉCLARE que tout document ou chose qui se rapporte à l'identité du fournisseur d'oméprazole de RhoxalPharma, de même qu'au procédé, aux composantes ou aux formules par lesquels les comprimés d'oméprazole de RhosxalPharma sont fabriqués, et qui est présenté par toute partie, de même que toute réponse faite par toute partie au cours de la présente instance, y compris tout interrogatoire et toute pièce dûment cotée dans la présente instance (les renseignements), peut être assujetti à la présente ordonnance;

3.      DÉCLARE, sous réserve du paragraphe 4, que toute partie qui croit raisonnablement que des renseignements sont confidentiels, a le droit, par l'intermédiaire de son avocat, de désigner ces renseignements comme " confidentiels " (les renseignements confidentiels), auquel cas les renseignements en question sont par la suite assujettis aux modalités de la présente ordonnance, sous réserve du droit de toute autre partie de diverger d'opinion à ce sujet et, au besoin, de contester le caractère confidentiel des renseignements en question (les renseignements contestés);

4.      ORDONNE que les renseignements confidentiels soient, sous réserve de toute décision sur le caractère confidentiel de tout renseignement contesté, séparés des autres renseignements soumis à la Cour et qu'ils soient présentés au greffe, ou à tout autre endroit convenu par les avocats ou fixé par ordonnance de la Cour, dans une enveloppe scellée identifiant les renseignements et portant bien en vue et en gros caractères la mention suivante :

             RENSEIGNEMENTS CONFIDENTIELS
             Conformément à l'ordonnance rendue par la Cour dans le présent dossier, la présente enveloppe demeurera scellée et sera versée au dossier de la Cour et ne sera ouverte que sur ordre de la Cour.

Les enveloppes scellées en question ne peuvent être décachetées que par les personnes désignées au paragraphe 9 ou que sur ordonnance de la Cour;

5.      ORDONNE qu'une copie de la présente ordonnance soit transmise au sténographe présent à tout interrogatoire, contre-interrogatoire ou autre procédure devant se dérouler devant un sténographe judiciaire dans la présente instance, avant ou lorsqu'est formulée toute question qui, selon ce qu'affirme une partie, comporte des renseignements confidentiels et ORDONNE au sténographe de retrancher ces questions et réponses de la transcription et de les transmettre séparément dans une " transcription confidentielle " que le sténographe place dans une enveloppe scellée portant la mention prévue au paragraphe 4; ORDONNE au sténographe, sauf disposition contraire, d'envoyer une copie de la transcription confidentielle aux avocats de toutes les parties à la présente instance ET DÉCLARE que les copies en question seront par la suite considérées comme des renseignements confidentiels assujettis à la présente ordonnance;

6.      DÉCLARE que tous les documents, pièces et choses désignés comme étant des renseignements confidentiels et devant être produits par une partie sous réserve des modalités de la présente ordonnance devront porter la mention suivante :


             CONFIDENTIEL
     ASSUJETTI À L'ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION PRONONCÉE LE

7.      Tous les renseignements confidentiels produits ou communiqués par une partie relativement à la présente instance devront être gardés secrets sous la garde de l'avocat de la partie mentionnée au paragraphe 9, et ne devront être divulgués à qui que ce soit par l'avocat de la partie sauf en conformité avec le paragraphe 10 ou sauf dans la mesure où ils peuvent être divulgués conformément aux paragraphes suivants ou à toute décision rendue au sujet du caractère confidentiel des renseignements contestés.

8.      Les avocats et toutes les personnes ayant accès aux renseignements confidentiels devront prendre toutes les précautions utiles pour entreposer, conserver et utiliser les renseignements confidentiels de manière à empêcher que les renseignements confidentiels ne soient divulgués sans autorisation ou par inadvertance.

9.      À défaut de l'autorisation écrite de la partie intéressée en ce qui concerne la divulgation de tout renseignement confidentiel, le destinataire des renseignements confidentiels ne doit divulguer ceux-ci à personne, sauf au personnel de la Cour et aux personnes, personnes morales, personnes physiques, employés et préposés des organisations suivantes :

     (1)      Les demanderesses à l'instance et leurs compagnies liées ou affiliées, ainsi que leurs avocats et, au sein de ces compagnies, seuls les employés qui ont besoin d'être au courant des renseignements;
     (2)      Les défendeurs à l'instance et leurs compagnies liées ou affiliées, ainsi que leurs avocats et, au sein de ces compagnies, seuls les employés qui ont besoin d'être au courant des renseignements;
     (3)      Jusqu'à trois experts externes que chaque partie peut engager pour l'aider à préparer et à faire instruire la présente instance;
     (4)      Les cabinets Martineau Walker et Goudreau Gage Dubuc & Martineau Walker;
     (5)      Le cabinet Smart & Biggar;
     (6)      le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social;
     (7)      le procureur général du Canada;
     (8)      le Ministère de la Justice;

À condition que chacune des personnes nommément désignées aux paragraphes 1, 2 et 3 qui reçoit des " renseignements confidentiels " reconnaisse par écrit :

     a)      qu'elle a reçu et examiné une copie de la présente ordonnance et qu'elle en comprend les modalités;
     b)      qu'elle accepte d'être liée par les modalités de la présente ordonnance.

Cette reconnaissance doit être reçue par l'avocat inscrit au dossier de la partie en cause ou par les avocats ayant engagé l'expert, selon le cas.

10.      Si la partie qui produit des renseignements confidentiels accepte par écrit que soient divulgués tout renseignement confidentiel à toute autre personne que celles qui sont énumérées au paragraphe 9, la divulgation n'est effectuée à cette personne qu'aux conditions prévues par la présente ordonnance et qu'en conformité avec les obligations qui en découlent et les renseignements sont considérés comme y étant assujettis.

11.      Il est interdit aux personnes à qui des renseignements confidentiels sont communiqués conformément aux modalités de la présente ordonnance :

     a)      de divulguer les renseignements confidentiels en question à qui que ce soit, sauf à celles qui ont le droit d'en prendre connaissance en vertu de la présente ordonnance;
     b)      d'utiliser les renseignements confidentiels en question à toute autre fin que celles du présent procès.

Le tout, sous réserve de toute décision rendue au sujet du caractère confidentiel de tout renseignement contesté.

12.      L'extinction de la présente instance ne libère aucune des personnes à qui des renseignements confidentiels ont été communiqués conformément avec la présente ordonnance de son obligation de protéger le caractère confidentiel des renseignements en question en conformité avec les dispositions de la présente ordonnance.

13.      Lors de l'extinction de la présente instance (notamment à l'issue de tout appel), chacune des parties à l'instance devra détruire dans un délai de soixante (60) jours tous les renseignements confidentiels produits en conformité avec la présente ordonnance, y compris toutes les copies qui ont été faites, à l'exception toutefois de la copie conservée aux archives.

14.      La présente ordonnance ne doit pas être interprétée de manière à :

     a)      empêcher toute personne ou partie ou son avocat de se servir des renseignements qui se trouvaient légalement et sans restriction légale en sa possession avant la date de la présente ordonnance;
     b)      s'appliquer aux renseignements obtenus indépendamment de la divulgation visée aux présentes;
     c)      s'appliquer aux renseignements que toute personne ou partie ou son avocat a obtenu légalement et sans restriction légale d'une personne ayant le droit de les communiquer;
     d)      d'empêcher toute personne ou partie ou son avocat d'obtenir une décision au sujet du caractère confidentiel de tout renseignement contesté.
15.      Aucune des dispositions de la présente ordonnance n'empêche ou ne limite le droit de toute partie :
     a)      d'affirmer que tout renseignement désigné comme " confidentiel " en vertu de la présente ordonnance n'est, en fait, pas confidentiel;
     b)      de s'opposer à la production de tout renseignement ou à la réponse à toute question pour toute raison légitime que ce soit (notamment en invoquant la pertinence ou un privilège);
     c)      de révéler ou d'utiliser comme elle le juge bon ses propres renseignements qu'elle a désignés comme étant des " renseignements confidentiels ".

16.      Toute partie peut renoncer par écrit en tout ou en partie à tout droit que lui confère la présente ordonnance et a le droit de demander à la Cour de modifier les restrictions imposées à la divulgation aux termes de la présente ordonnance pour ce qui est de tout renseignement confidentiel désigné ou pour obtenir une décision au sujet du caractère confidentiel de tout renseignement contesté.

17.      En cas de contestation du caractère confidentiel de renseignements confidentiels désignés, la partie qui revendique la confidentialité a la charge de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les renseignements sont effectivement confidentiels.

18.      En cas de contestation du caractère confidentiel de renseignements confidentiels désignés, sont exclus des renseignements confidentiels les renseignements qui, selon le cas :

     a) font ou faisaient partie du domaine public ou d'archives publiques par des moyens qui ne violent pas les dispositions de la présente ordonnance ou de la loi;
     b) sont ou ont été légalement obtenus d'une personne qui n'est pas partie à la présente action dans des circonstances qui ne donnent pas lieu à l'application d'une obligation de conserver le secret;
     c) sont ou étaient déjà connus du destinataire, de ses affiliés, de son avocat ou de ses experts;
     d) sont ou ont été mis au point indépendamment par le destinataire, son avocat ou ses experts.

19.      Les conditions d'utilisation des renseignements confidentiels et la protection de leur caractère confidentiel lors de toute audience tenue dans le cadre de la présente instance sont des questions qui relèvent du pouvoir discrétionnaire de la Cour.



     Max M. Teitelbaum

                                         Juge


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              T-366-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ab Hassle, Astra Ab et Stra Pharma Inc. et Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, Rhoxalpharma Inc. et Takedo Chemical Industries Limited

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      9 décembre 1998

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par Mme le juge Tremblay-Lamer en date du 18 décembre 1998


ONT COMPARU :

Me Gunars Gaikis                      pour la demanderesse

Toronto (Ontario)

Me Martin Sheehan                      pour les défendeurs

Toronto (Ontario)     


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar                      pour la demanderesse

Avocats et procureurs

Toronto (Ontario)

Martineau Walker                      pour les défendeurs

Montréal (Québec)

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1      Ab Hassle, Astra AB et Astra Pharma Inc. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, RhoxalPharma Inc. et Takeda Chemical Industries, Ltd. (3 novembre 1998), T-366-98 (C.F. 1re inst.).

2      (1993), 51 C.P.R. (3d) 305 (C.F. 1re inst.).

3      Idem, à la page 311.

4      Apotex, supra, note 2, aux pages 309 et 310.

5      S.C. 1980-81-82-83, ch. 111, annexe I " 1 "

6      Contre-interrogatoire du docteur Rhodes, Dossier supplémentaire de requête de la demanderesse, onglet 17, aux pages 316 et 317.

7      Idem, à la page 323.

8      Ibid., à la page 311.

9      Affidavit de M. Lodin (27 août 1998), Dossier supplémentaire de requête de la demanderesse, onglet 7, à la page 43.

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