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     T-2285-95

MONTRÉAL (QUÉBEC), CE 7e JOUR DE FÉVRIER 1997

EN PRÉSENCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

ENTRE:

     GAÉTAN DELISLE

     Requérant

     ET

     D.R.A. SUGRUE

     -et-

PHILIP H. MURRAY

-et-

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimés

     ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     La présente ordonnance vise à donner suite à la demande du Procureur général du Canada en date du 3 février 1997 de consigner par écrit l'ordonnance verbale que j'ai rendue en séance publique le 13 janvier 1997 par laquelle j'ai alors rejeté une demande verbale formulée en fin de séance par les procureurs du Procureur général du Canada (l'intimé).

     Plus précisément, le 13 janvier 1997, j'ai rejeté une demande verbale de l'intimé par laquelle on me demandait d'ordonner que le dossier de la Cour dans la présente affaire soit de façon intérimaire gardé sous pli confidentiel.

     C'est de cette ordonnance que l'intimé cherche maintenant à en appeler, d'où sa demande du 3 février 1997.

     La demande pour une telle ordonnance intérimaire s'est logée au terme d'une audition de près de deux heures et demie qui porta justement sur une requête au mérite de l'intimé pour qu'il soit ordonné que le dossier de cette Cour soit gardé confidentiel. Cette même requête au mérite fut précédée d'une autre requête de l'intimé afin que l'audition au mérite se déroule à huis clos.

     Comme il devint évident que l'étude de la requête en huis clos devait précéder celle de la requête au mérite pour confidentialité - et que les parties désiraient s'échanger d'autres affidavits et procéder à des interrogatoires sur affidavits - j'ai, le 13 janvier 1997 en fin de séance, et ce, de consentement général, ajourné sine die la requête pour huis clos et celle au mérite pour confidentialité. Le 14 janvier 1997, j'ai édicté par écrit l'ordonnance suivante:

                  Requête de la part du procureur général du Canada afin:         
         -          D'ORDONNER au greffe de la section de première instance de la Cour de garder le présent dossier confidentiel compte tenu de la présence de renseignement et documents confidentiels au sens du paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve;         
         -          DE REFUSER au public l'accès au présent dossier.         
              [Règle 5 des Règles de la Cour fédérale du Canada]         
              O R D O N N A N C E         
              Cette requête est ajournée sine die puisqu'elle fut précédée d'une requête du P. G. du Canada pour huis clos et que cette dernière requête fut également ajournée sine die.         

     Quant à la requête de l'intimé pour une ordonnance intérimaire de confidentialité, les motifs qui m'ont amené à la rejeter tenaient à mon analyse de l'historique du dossier et à mon appréciation des représentations des parties.

     Malgré que la requête au mérite de l'intimé n'était pas épuisée et se voyait remise sine die, je ne considérais pas que je pouvais et que je devais (pour préserver le mérite de la requête de l'intimé pour confidentialité) ordonner de manière intérimaire que le dossier soit frappé d'une mesure de confidentialité.

     Je ne pouvais en effet concevoir que sur la base d'un certificat du greffier du Conseil privé, l'intimé cherchait le 13 janvier 1997 à soustraire à la revue possible du public un dossier complet de cette Cour qui était accessible au public depuis plus d'une année.

     Somme toute, si l'on devait tirer une analogie avec le test à appliquer à toute demande provisoire qu'une partie peut vouloir formuler avant qu'une décision finale soit prise dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire (et ici, l'on n'était pas situé dans le temps avant qu'une décision soit rendue dans le cadre d'une demande de contrôle, la décision finale au mérite ayant été rendue depuis le 4 novembre 1996), l'on devrait conclure que je n'étais pas convaincu que la requête au mérite en confidentialité de l'intimé présentait un aspect sérieux à débattre, que l'intimé subirait dans l'intérim un préjudice irréparable (s'il en était un, il avait déjà été subi dans l'année auparavant) et qu'à tout hasard, l'équilibrage des préjudices favorisait certes le droit du public à avoir accès au dossier.

     On devait en effet réaliser que même si l'on acceptait que depuis la date initiale de dépôt de la requête de l'intimé, soit le 12 décembre 1996, le dossier de la Cour n'était pas réellement accessible au public vu que le greffe de cette Cour, suivant en cela une certaine pratique, traitait ledit dossier de manière confidentielle, il n'en demeurait que du 27 octobre 1995 au 12 décembre 1996, le dossier de cette Cour était accessible à quiconque voulait le consulter et ce, au même titre que tout autre dossier ne faisant pas l'objet d'une ordonnance de confidentialité.

     Il m'apparaissait que l'intimé demandait à cette Cour de faire preuve de beaucoup d'irréalisme en lui demandant sur la base du certificat déposé le 4 novembre 1996 d'effacer de manière temporaire cette disponibilité publique antérieure. Je croyais alors que l'intimé plaçait cette Cour devant un irréalisme similaire à celui dénoncé dans les termes suivants par le juge Mahoney au nom de la majorité de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Best Cleaners and Contractors Ltd. c. La Reine du chef du Canada, [1985] 2 C.F. 293, à la page 311:

              C'est faire preuve de beaucoup d'irréalisme que de prétendre que le dépôt d'un certificat a pour effet d'effacer la production de renseignements déjà légalement divulgués à la partie adverse dans une procédure judiciaire. Tous ceux qui possèdent un intérêt légitime dans ces renseignements les ont en mains sauf la Cour. Le fait de préserver la confidentialité de ces renseignements uniquement vis-à-vis de la Cour, dans un tel cas, sous-entend l'intention du Parlement d'autoriser le dépôt d'un certificat en vue de faire obstruction à l'administration de la justice et ce, sans aucun motif légitime apparent. Le Parlement n'a pas exprimé une telle intention et la lui prêter est tout simplement choquant.         
         (mes soulignés)         

     On devait également réaliser que sans par ailleurs contester la légalité de ce certificat, ce dernier n'opérait que dans le cadre de l'article 39 (anciennement l'article 36.3) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C.-5. Autrement dit, ce certificat une fois déposé interdisait à la Cour de contraindre quiconque à produire un renseignement visé par le certificat. Tel que l'a rappelé le juge Mahoney dans l'affaire Best Cleaners, supra, en page 311:

         Une lecture objective de cet article révèle qu'il protège de la contrainte de divulguer ces renseignements et non de leur admission en preuve si ils sont obtenus autrement que par l'exercice, par le tribunal, de son pouvoir de contraindre à leur production.         
         (mes soulignés)         

(Le juge Mackay de cette Cour, dans l'arrêt Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1996] 2 C.F. 483, en page 522, appuie et fait référence à ce passage de l'affaire Best Cleaners, supra.)

     Ici, en aucun temps pertinent, le requérant, ou quiconque d'autre, a demandé par requête à cette Cour la divulgation des renseignements visés par le certificat. À mon avis, le certificat à la base de la requête de l'intimé ne lui était d'aucun secours pour les fins de sa demande verbale.

     Si tant est qu'il est opportun de souligner la disponibilité publique antérieure des renseignements en litige, on constatera que le certificat du greffier du Conseil privé vise ici des renseignements qui se retrouvent tous dans l'avis introductif d'instance déposé par le requérant le 27 octobre 1995. Il n'a pas été établi devant moi que le requérant avait obtenu la possession de ces renseignements de manière irrégulière ou illégale.

     Ce même 27 octobre 1995, les parties ont comparu devant cette Cour, par voie d'appel téléphonique, dans le cadre d'une requête du requérant pour injonction intérimaire et interlocutoire. Cette requête fut rejetée ce même jour. Toutefois, l'intimé n'a pas alors profité de l'occasion pour demander à la Cour une ordonnance de confidentialité.

     Le 22 décembre 1995, le requérant produisait son dossier du requérant. Aucune réaction alors de l'intimé. Le 19 janvier 1996, l'intimé a produit son dossier sans rien soulever sur le caractère confidentiel des renseignements. Pourtant le dossier est alors toujours public.

     Le 4 novembre 1996, la Cour tient en séance publique l'audition au mérite sur la demande de contrôle du requérant. L'intimé dépose alors le certificat mentionné plus avant sans toutefois demander à cette Cour, par requête, quelque mesure de confidentialité. La Cour rejeta ce 4 novembre 1996 la demande de contrôle du requérant.

     Dans une note du greffe au dossier de la Cour en date du 12 novembre 1996, on retrouve les indications qui suivent:

         OBJET:      T-2285-95         
                  GAÉTAN DELISLE c. D.R.A. SUGRUE ET AL         
                  T-419-96         
                  GAÉTAN DELISLE c. J.O.O. EMOND         
              Lors de l'audition au fond des affaires mentionnées en rubrique tenue le 4 novembre dernier, l'affidavit de Guylaine Roy (doc. No 11) fut déposé par Me Raymond Piché (partie intimée) et ce, dans le dossier T-2285-95 seulement. Cet affidavit introduit un "Certificat" du greffier du Conseil privé de la Reine pour le Canada et Secrétaire du Cabinet. À la page 2 dudit "Certificat" il est fait mention de documents contenant des renseignements confidentiels et d'une opposition de la part du greffier à la divulgation de ces renseignements.         
              Après l'audition, la Cour (l'Hon. juge Tremblay-Lamer) a indiqué au soussigné qu'en l'absence d'une requête en ce sens, aucune directive ne sera émise quant au traitement à accorder au(x) dossier(s) suite au dépôt du "Certificat" en question. Cette information fut inscrite au résumé d'audition du 4 novembre 1996 dans le T-2285-95 puis communiquée à Me Piché.         
         (mes soulignés)         

     Ce n'est que le 12 décembre 1996 que l'intimé formula en vertu de la règle 324 une requête afin qu'il soit ordonné que le dossier de la Cour soit gardé confidentiel.

     Quant à l'arrêt Nation et Bande des Indiens mentionné plus avant, il m'est apparu en parcourant cet arrêt avec l'un des procureurs de l'intimé que la ratio de cet arrêt était inapplicable en l'espèce puisque la dynamique tout à fait spéciale à laquelle faisait face le juge Mackay dans cette affaire n'était tout simplement pas présente dans l'affaire qui nous occupe.

     Richard Morneau

     Protonotaire

             T-2285-95

GAÉTAN DELISLE

             Requérant

D.R.A. SUGRUE

-et-

PHILIP H. MURRAY

-et-

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

             Intimés

ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-2285-95

GAÉTAN DELISLE

     Requérant

ET

D.R.A. SUGRUE

-et-

PHILIP H. MURRAY

-et-

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimés

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 13 janvier 1997

ORDONNANCE ET MOTIFS

DE L'ORDONNANCE PAR:Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DE L'ORDONNANCE ET

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 7 février 1997

COMPARUTIONS:

Me James R. K. Duggan et Me Julius Grey pour le requérant

Me Raymond Piché et Me Nadine Perron pour les intimés

Me Mark Bantey pour l'intervenante Southam Inc.

Me Luc Charbonneau pour l'intervenant, sergent André Girard

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Me James R. K. Duggan et Me Julius Grey pour le requérant

Montréal (Québec)

Me George Thomson pour les intimés

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Lafleur Brown pour l'intervenante Southam Inc.

Me Mark Bantey

Montréal (Québec)

Me Luc Charbonneau pour l'intervenant, sergent André Girard

Montréal (Québec)

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