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Date : 20021022

Dossier : T-1007-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1106

(Ottawa) Ontario, le 22 octobre 2002

En présence de : L'honorable juge Danièle Tremblay-Lamer

ENTRE :

GILBERT LAROSE, FRANCINE LAPOINTE, MARTINE LANNEVILLE,

DORIS MATHIEU, SOPHIE HOULE, LUCILLE LAMBERT,

FRANÇOISE SILLS, RAYNALD ROUETTE, LOUISE FRENETTE,

CAROLLE HAMELIN, MARTIN LEFEBVRE, DENISE BEAULIEU,

JEAN MIREAULT, GERMAINE NORMANDIN, CLAIRE BRUNELLE,

HÉLÈNE LORD, MANON PLANTE, MONA MARTEL, REINE ÉMOND,

JEAN MONTMINY, GUY VEILLETTE, JOHANNE GÉLINAS,

ROBERT LABBÉ, JEAN-GUY VINCENT, LINE PATRY,

ROBERT DURAND, DORIS GUILBERT, GINETTE SAMSON,

SERGE TOUPIN

                                                               Demandeurs

                                    et

                   LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

                  JANINE COZIOL et FRANÇOIS CATELLIER

                                    

                                                               Défendeurs

ET ENTRE:

GEMMA LAHAIE, LUCIE GAGNON, FRANCINE DIONNE, LISE FAUCHER,

JEAN MAURICE BOUCHER, FRANCINE BREAULT, RÉGEAN CONNOLLY,

GINETTE BOUCHER, MARYSE BIRON, JEAN-MARIE PAQUETTE,


ANDRÉBÉLIVEAU, ALINE POIRIER, MARIE PAQUIN,

CHRISTIANE JUNEAU, MONIQUE BERNIER, LIETTE FLEURY,

JEAN-GUY LIZOTTE, DIANE DESGAGNÉ, CLAUDE SIMOND,

MONIQUE BROUSSEAU, LUCIE CARON, SUSIE ROBERGE,

CLAUDE LACHARITÉ, JOHANNE MICHEL, NICOLE DARVEAU,

RENÉVERRIER, GINETTE LAUZON, MARCEL LORD,

LYNE BLANCHETTE, KAREEN McKENZIE, DIANE LAMOTHE,

DIANE HURTEAU, JULIE ARPIN, GERMAINE MARTEL,

FRANCINE FORTIER, CHANTAL RHÉAULT, NICOLE DUMONT,

HÉLÈNE LEBLANC, K. CHANDLER et JEANL. BLANCHETTE

Demandeurs

                                    et

                   LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

                     FRANCE HOULD et MICHEL RICHARD

                                                               Défendeurs

                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision interlocutoire rendue le 30 avril 2001 par Pierre Baillie, président du comité d'appel constitué par la Commission de la fonction publique du Canada en vertu du paragraphe 21(1.1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, c. P-33 (LEFP) où il concluait que le ministère-employeur n'avait pas créé de nouveaux postes. Cette décision avait pour conséquence de permettre une sélection des candidats au mérite en vertu du paragraphe 10(2) de la LEFP.

  

FAITS

[2]                 Les demandeurs sont employés à la fonction publique fédérale. Ils sont des candidats potentiels à une sélection en vertu du mérite comparatif puisqu'ils sont dans la zone de sélection pour les postes en question.

[3]                 Les autorités du ministère de la région du Québec ont décidé, pour des raisons organisationnelles, de modifier la structure administrative des postes de direction au sein de tous les Centres de ressources humaines du Canada (CRHC) au Québec, en abolissant un niveau de gestion. Chaque direction de CRHC était auparavant composée d'un Directeur de groupe EX-06 ou PM-06 pour les petits bureaux, d'un Directeur associé de groupe et niveaux PM-05, et de quatre ou cinq Directeurs de services de groupe et niveau PM-04.

[4]                 Avec la réorganisation, le poste de Directeur associé (PM-05) fut aboli. Les tâches afférentes au poste de Directeur associé (PM-05) furent transférées aux Directeurs de service (PM-04).

[5]                 L'employeur a procédé à la reclassification des employés de PM-04 dans des postes de PM-05, en vertu du paragraphe 10(2) de la LEFP, après une évaluation de leur mérite individuel selon les normes de compétences établies.

[6]                 Avant de trancher la question portant sur la validité de la sélection des candidats, le comité d'appel fut saisi de questions préliminaires.

[7]                 D'une part, devant le comité d'appel les appelants et appelantes ont soulevé la question à savoir si les nominations sont effectivement issues d'une reclassification du même poste, ou s'il s'agit d'un nouveau poste assujetti aux dispositions du paragraphe 10(1) de la LEFP.

[8]                 D'autre part, le ministère a fait une objection préliminaire alléguant que le comité d'appel n'avait pas la compétence pour décider du bien-fondé d'une décision de classification.

[9]                 Dans sa décision interlocutoire, le président du comité d'appel a rejeté l'objection du ministère quant à la compétence du comité d'appel. Il a soutenu que la question de savoir s'il s'agit de postes nouveaux ou de postes existants est une question qui peut et doit être tranchée par un comité d'appel.

[10]            À cet égard, le comité d'appel s'est exprimé ainsi à p. 13 de sa décision:


J'ai dit que j'avais compétence pour trancher la proposition des appelant(e)s et je m'explique. Contrairement à la position du ministère, je crois qu'en tenant compte de tous les changements plus ou moins récents à la Loi et au Règlement, le comité d'appel a encore compétence en pareille matière. Il est vrai qu'une définition du mot « reclassification » a été rajoutée assez récemment au Règlement et qu'il était probablement dans l'intention de la Commission de clarifier la situation en regard de ce constituait une reclassification. Il est maintenant clairement mentionné que c'est une décision de classification. À mon humble avis, cela apporte peu au débat car une reclassification a toujours été une décision de classification qui tombe sous la responsabilité du Conseil du Trésor et non une décision de dotation en tant que telle qui pourrait découler de l'application de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Je n'ai nullement l'intention de remettre en cause la reclassification elle-même des postes en jeu du niveau PM-04 au niveau PM-05 car je n'ai aucune expertise en matière de classification. Les agents de classification du ministère ont déterminé, après analyse des fonctions et responsabilités décrites par la gestion et en appliquant les normes appropriées, semble-t-il, qu'il s'agissait de postes qui devaient maintenant être classés aux groupe et niveau PM-05. Cette décision n'est nullement en cause par mon intervention. La question de savoir s'il s'agit de postes nouveaux ou des mêmes postes qui ont fait l'objet de cette reclassification est une question qui, selon la Cour, peut et doit être tranchée par un comité d'appel.

[11]            De plus, le président du comité d'appel a rejeté l'argument des demandeurs que la reclassification a créé de nouveaux postes qui méritent la sélection de candidats par procédure de concours en vertu du paragraphe 10(1) de la LEFP. Il a conclu que les postes en jeu n'ont pas changé substantiellement puisque la grande majorité des fonctions principales des postes en question sont demeurées essentiellement les mêmes.

Le contexte législatif


[12]            L'article 10 de la LEFP prévoit deux méthodes de sélection au mérite afin de procéder à la nomination de candidats dans un poste. La première est la nomination par concours, fondée sur un examen comparatif des compétences des candidats en vertu du paragraphe 10(1) (le « mérite relatif » ). La seconde est la nomination autrement que par concours, fondée sur une évaluation du mérite individuel de chaque candidat, possible dans certaines circonstances déterminées par le règlement de la Commission (le « mérite individuel » ).    Les paragraphes 10(1) et (2) de la LEFP prévoient:


10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats.

10. (1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.

(2) For the purposes of subsection (1), selection according to merit may, in the circumstances prescribed by the regulations of the Commission, be based on the competence of a person being considered for appointment as measured by such standard of competence as the Commission may establish, rather than as measured against the competence of other persons.


[13]            Le paragraphe 5(2) du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, DORS/2000-80, décrit les circonstances dans lesquelles la sélection selon le principe du mérite individuel est possible au lieu de la sélection en vertu du principe du mérite relatif:



5(2) La sélection au mérite visée au paragraphe 10(2) de la Loi peut se faire dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes :

       a) la promotion d'un fonctionnaire dans le cadre d'un programme d'apprentissage ou de formation professionnelle;

       b) la nomination d'un fonctionnaire à son poste après reclassification, si l'une des situations suivantes existe:

             (i) la reclassification résulte d'une vérification ou d'un grief en matière de classification,

             (ii) le poste fait partie d'un groupe de postes semblables, qui sont pourvus, qui sont des mêmes groupe et niveau professionnels au sein du même secteur de l'organisation et qui ont tous été reclassifiés aux mêmes groupe et niveau professionnels,

             (iii) il n'y a aucun autre poste semblable qui est pourvu et qui est des mêmes groupe et niveau professionnels au sein du même secteur de l'organisation;

5(2)    A selection referred to in subsection 10(2) of the Act may be made in any of the following circumstances:

        (a) when an employee is to be promoted within an apprenticeship or professional training program;

        (b) when an employee is to be appointed to their reclassified position and

                (i) the position has been reclassified as a result of a classification audit or grievance,

                (ii) the position is one of a group of similar occupied positions in the same occupational group and level within the same part of an organization that have all been reclassified to the same occupational group and level, or

                (iii) there are no other similar occupied positions in the same occupational group and level within the same part of the organization;


[14]            Finalement, l'article 21 de la LEFP permet à toute personne, qui satisfait à certains critères, d'appeler d'une nomination effective ou imminente à la fonction publique. La nomination effectuée par suite d'un concours peut être portée en appel par tout « candidat non reçu » (paragraphe 21(1)). Par contre, la nomination effectuée en vertu du paragraphe 10(2) peut être portée en appel aux termes du paragraphe 21(1.1), qui prévoit:



21(1.1)    Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

21(1.1)    Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.


Le comitéd'appel a-t-il erré en droit en concluant qu'il avait la compétence nécessaire pour déterminer si les postes en litige étaient des postes reclassifiés ou des nouveaux postes?

Positions des parties

[15]            Le défendeur soutient qu'il n'y a rien dans la LEFP qui suggère que le comité d'appel possède la compétence nécessaire pour se prononcer sur d'autres questions que celle de savoir si une sélection a été faite selon le principe du mérite qui est enchâssé à l'article 10 de la LEFP. Les décisions prises par un ministère-employeur dans l'exercice d'une fonction de gestion ne relèvent aucunement du comité d'appel.

[16]            C'est l'alinéa 11(2)(c) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, c. F-11, qui confère au Conseil du Trésor le pouvoir de classifier les postes dans la fonction publique:



(2) Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

[...]

c) assurer la classification des postes et des employés au sein de la fonction publique.

(2) Subject to the provisions of any enactment respecting the powers and functions of a separate employer but notwithstanding any other provision contained in any enactment, the Treasury Board may, in the exercise of its responsibilities in relation to personnel management including its responsibilities in relation to employer and employee relations in the public service, and without limiting the generality of sections 7 to 10,

[...]

(c) provide for the classification of positions and employees in the public service;


[17]            Par ailleurs, le Conseil du Trésor peut déléguer ses pouvoirs aux administrateurs généraux des ministères qui peuvent à leur tour subdéléguer leurs pouvoirs à des membres de leur personnel aux termes des paragraphes 12(1) et (3) de la Loi sur la gestion des finances publiques:


12. (1) Le Conseil du Trésor peut, aux conditions et selon les modalités qu'il fixe, déléguer tel de ses pouvoirs en matière de gestion du personnel de la fonction publique à l'administrateur général d'un ministère ou au premier dirigeant d'un secteur de la fonction publique; cette délégation peut être annulée, modifiée ou rétablie à discrétion.

[...]

(3) Les délégataires visés aux paragraphes (1) ou (2) peuvent, compte tenu des conditions et modalités de la délégation, subdéléguer les pouvoirs qu'ils ont reçus à leurs subordonnés ou à toute autre personne.

12. (1) The Treasury Board may authorize the deputy head of a department or the chief executive officer of any portion of the public service to exercise and perform, in such manner and subject to such terms and conditions as the Treasury Board directs, any of the powers and functions of the Treasury Board in relation to personnel management in the public service and may, from time to time as it sees fit, revise or rescind and reinstate the authority so granted.

[...]

(3) Any person authorized pursuant to subsection (1) or (2) to exercise and perform any of the powers and functions of the Governor in Council or the Treasury Board may, subject to and in accordance with the authorization, authorize one or more persons under their jurisdiction or any other person to exercise or perform any such power or function.


[18]            Aux termes de cette disposition, des agents de classification ministériels accrédités par le Conseil du Trésor peuvent classifier les postes au sein de leur propre ministère.


[19]            Selon le défendeur, lorsque les agents de classification du ministère du Développement des ressources humaines ont décidé de reclassifier les postes en cause, le comité d'appel n'a pas la compétence de déterminer si les postes constituaient une reclassification ou de nouveaux postes. (Beaudry c. Canada (Procureur général) (2000), 180 F.T.R. 279, décision confirmée par la Cour d'appel fédérale, [2000] A.C.F. no 1876 (Q.L.)).

[20]            La décision de classifier des postes et de les reclassifier, n'est pas une décision qui est prise par un comité de sélection dans le cadre d'une évaluation au mérite, mais constitue plutôt une décision de gestion qui est prise par un ministère-employeur aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques.

[21]            Le défendeur souligne que c'est la Cour fédérale du Canada, première instance, qui doit se prononcer en contrôle judiciaire sur la légalité des décisions de gestion prises par un ministère-employeur et non le comité d'appel (Canada (Procureur général) c. Viola, [1991] 1 C.F. 373).


[22]            Quant aux demandeurs, ils soutiennent que le comité d'appel a correctement décidé qu'il avait compétence pour déterminer si un poste était nouveau ou non. C'est afin de déterminer si le principe du mérite fut correctement appliqué tant au niveau du principe du mérite individuel qu'au niveau du principe du mérite relatif qu'un comité d'appel se doit d'intervenir.

[23]            Pour les demandeurs, il ressort clairement de la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Laidlaw, [1998] A.C.F. no 615 (Q.L.), que le comité d'appel a cette compétence.

ANALYSE

[24]            En premier lieu, il est bon de rappeler que la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale a indiqué à maintes reprises que le seul rôle du comité d'appel est de déterminer si une nomination proposée par un jury de sélection a été faite selon le principe du mérite. (Ratelle c. Canada (Commission de la Fonction publique, Direction des appels), [1975] A.C.F. no 910 (Q.L.); Canada c. Ricketts (C.A.F.), [1983] A.C.F. no 944 (Q.L.); Canada c. Henri (C.A.F.), [1986] A.C.F. no 153 (Q.L.). À mon avis, toute compétence ancillaire qu'il pourrait détenir doit se greffer à ce rôle unique qui est le sien.


[25]            Ainsi, en toute logique, s'il est appelé à se prononcer sur le bien-fondé des méthodes de sélection prévues aux paragraphes 10(1) et 10(2), il doit à tout le moins en arriver à la conclusion que le principe du mérite serait mieux servi si les nominations étaient faites sur la base du mérite relatif prévu au paragraphe 10(1) de la LEFP plutôt que sur la base du mérite individuel prévu au paragraphe 10(2) de la LEFP.

[26]            Pour qu'il en soit ainsi, encore faudrait-il que l'une des méthodes de sélection soit supérieure à l'autre. Dans un tel cas, la préoccupation du comité d'appel sur le choix d'une méthode de sélection ou d'une autre s'expliquerait.

[27]            Or, la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Laidlaw, précitée, a décidé qu'il n'y a pas de hiérarchie dans les méthodes de sélection.

[28]            Elle s'exprimait ainsi:

Le paragraphe 10(2) n'est pas, à proprement parler, une exception, étant donné que d'après les mots liminaires, il a été adopté « pour l'application du paragraphe (1) » , qui établit le principe selon lequel la sélection doit être faite au mérite. Le paragraphe 10(2) prévoit d'autres moyens de parvenir au résultat prescrit par le paragraphe 10(1) et le fait que ces moyens aient été choisis comme solutions de remplacement au mode prévu au paragraphe 10(1) ne signifie pas qu'ils lui sont inférieurs.

Laidlaw, ibid. au para. 12.

[29]            Il devient donc impossible pour le comité d'appel d'accueillir un appel au motif que le principe du mérite individuel viole le principe du mérite puisque cette méthode de sélection n'est pas inférieure à l'autre.


[30]            En conséquence, je ne vois pas comment il est possible de rattacher l'analyse que fait le comité d'appel à sa seule compétence en vertu de l'article 21 de la LEFP. J'en conclus que le comité d'appel n'avait pas la compétence nécessaire pour décider si les postes étaient reclassifiés ou des nouveaux postes.

[31]            C'est d'ailleurs la conclusion à laquelle était venue la juge Sharlow dans l'arrêt Beaudry, précité.

[32]            Dans cette affaire, les appelantes contestaient la validité de nominations faites aux termes du paragraphe 10(2) de la LEFP au motif que le poste en question ne relevait pas d'un processus de reclassification mais constituait entièrement un nouveau poste. Cette question était importante puisque la zone de sélection et la zone d'appel auraient été différentes si le poste n'avait pas été reclassifié.

[33]            La juge Sharlow a clairement décidé que la question de savoir si le poste constituait une reclassification ou s'il s'agissait d'un nouveau poste ne relevait pas de la compétence du comité d'appel.

[34]            Je rappelle le passage pertinent de sa décision, laquelle a été confirmée par la Cour d'appel fédérale:


[...]    Le comité d'appel aurait fort bien pu être l'instance privilégiée pour chercher à déterminer si le poste était en fait un nouveau poste ou s'il constituait une reclassification, ou si la zone de sélection prévue aux fins de la nomination faite en vertu du paragraphe 10(2) avait validement été établie. Cependant, il ressort, à la lecture du paragraphe 21(1.1), que le législateur a choisi de ne pas permettre que ces questions soient soumises au comité d'appel sous le régime des nominations effectuées aux termes du paragraphe 10(2).

Beaudry, ibid. au para. 24.

[35]            Cette décision, je le reconnais, semble aller à l'encontre de la décision de la Cour d'appel fédérale dans Laidlaw, précitée. Je note cependant que dans Laidlaw, la Cour d'appel fédérale n'a pas élaboré sur la source de compétence pour le comité d'appel de décider s'il s'agissait d'une reclassification ou d'un poste nouveau mais a simplement constaté que le comité d'appel avait décidé que les postes étaient nouveaux.

[36]            Quoiqu'il en soit, l'affaire Beaudry, précitée, est plus récente et la Cour d'appel fédérale a répondu directement à la question.

[37]            D'ailleurs, il est intéressant d'examiner l'exercice auquel a dû se livrer le comité d'appel pour déterminer s'il s'agissait de nouveaux postes.

[38]            Son analyse repose essentiellement sur la recherche d'une modification substantielle de la nature des fonctions; le comité d'appel s'est donc employé à comparer les responsabilités des titulaires des postes de niveau PM-04 au regard des nouvelles responsabilités, tâche qui, à mon avis, relève essentiellement d'un agent de classification accrédité.

[39]            Suite à cette analyse le comité d'appel conclut ce qui suit:

Les postes en jeu, selon la preuve, n'ont cependant pas changé substantiellement puisque la très grande majorité des fonctions principales demeurent essentiellement les mêmes. Le témoignage de Madame Aumond a apporté un point de vue très intéressant sur les nouvelles responsabilités dévolues maintenant aux Directeurs/Directrices de la prestation de service et ses explications sont très crédibles car le témoin a su faire la part entre la majorité des tâches que devaient continuer d'assumer ces personnes et les nouvelles responsabilités qui enrichissaient, en quelque sorte, les responsabilités déjà existantes. Ce qui m'a frappé dans ce cas, c'est que la décision de la gestion ferait en sorte que certaines tâches réservées auparavant au Directeur adjoint, PM-05, seraient maintenant exercées par un bien plus grand nombre de personnes qui conserveraient, toutefois, leurs responsabilités propres. Par exemple, au lieu qu'une personne seulement fasse des ententes de partenariat avec les organismes externes, il y en aurait maintenant cinq ou six, selon la région, puisqu'auparavant, il y avait un Directeur adjoint et quatre ou cinq Directeurs/Directrices de service. De plus, au niveau de la preuve testimoniale, je dois tenir compte de l'opinion de l'agent de classification qui est venu témoigner et qui a affirmé qu'il s'agissait des mêmes postes et non de postes nouveaux après avoir fait l'analyse comparative de plusieurs documents importants relatifs aux présentes actions de personnel. Il a su démontrer, à mon sens, que des changements avaient été apportés aux postes à combler mais que ces changements ne modifiaient pas la nature de ces postes. Pour leur part, les appelants ne m'ont pas convaincu du contraire. [Je souligne.]

Décision du comité d'appel à la p. 16.

[40]            Je constate que le comité d'appel a tenu compte de l'opinion de l'agent de classification qui est venu témoigner qu'il s'agissait des mêmes postes et non de postes nouveaux. Il serait étonnant à mon avis qu'il puisse substituer son opinion à celle de l'agent de classification puisque le comité d'appel n'a pas ce droit lorsqu'il s'agit du jury de sélection (Ratelle, précitée).


[41]            De sorte qu'à défaut de remettre en question la légalité de la décision prise par l'agent de classification (question qui relève uniquement de la Section de première instance de la Cour fédérale en révision judiciaire, Viola, précité), le comité d'appel n'a d'autre choix que de confirmer la décision de l'agent de classification, ce qu'il a fait en l'espèce.

[42]            Les demandeurs invoquent l'affaire Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489, dans laquelle la Cour suprême du Canada a décidé que tout changement dans les responsabilités d'un poste qui exige des qualifications nouvelles empêcherait toute reclassification du poste puisque ce changement entraîne plutôt la création d'un nouveau poste qui doit être faite selon une sélection au mérite effectuée aux termes de la LEFP.

[43]            Il importe de noter que cette décision a été rendue avant l'entrée en vigueur du paragraphe 10(2) de la LEFP. Dans l'affaire Buttar c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 437, la Cour d'appel fédérale a mis en garde les tribunaux sur l'utilisation de la jurisprudence qui a été établie avant l'entrée en vigueur de ce paragraphe:

[...] La jurisprudence relative aux nominations antérieures à 1993 énonce surtout des principes généraux relatifs aux nominations effectuées à la suite d'un concours. Vu le changement de contexte, la prudence est de mise à l'égard de l'application de ces décisions aux nominations effectuées en vertu du paragraphe 10(2).

Buttar, ibid. au para. 4.


[44]            Dans l'affaire Brault, précitée, le ministère-employeur n'avait fait aucune nomination selon une sélection au mérite prétendant que l'affectation d'un douanier dans la fonction de maître-chien ne constituait pas une « nomination » au sens de la LEFP. La Cour suprême a décidé que lorsque les fonctions d'un poste changent de façon substantielle, une sélection au mérite doit être effectuée.

[45]            Or, dans le présent dossier, qu'il s'agisse d'un poste reclassifié ou d'un poste nouveau, la sélection sera faite selon une sélection au mérite. Dans ce contexte, il m'apparaît que l'affaire Brault, précitée, ne peut appuyer les prétentions des demandeurs.

[46]            Je rejette aussi l'argument des demandeurs à l'effet que la sélection individuelle en vertu du paragraphe 10(2) doit être utilisée avec très grande prudence puisqu'elle constitue une exception à la règle générale.

[47]            À cet égard, il suffit de rappeler que la Cour d'appel fédérale a tranché cette question dans Buttar, précitée, en rappelant que la nomination effectuée en vertu du paragraphe 10(2) constitue l'application subsidiaire du principe du mérite, non pas l'exception à celui-ci.

[48]            Pour ces motifs, j'en conclus que le comité d'appel n'avait pas la compétence nécessaire pour se pencher sur la validité de la décision prise par un agent de classification de reclassifier, aux termes de l'alinéa 11(2)(c) de la Loi sur la gestion des finances publiques, précitée, les postes en litige.

[49]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur du défendeur, le Procureur général du Canada.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE:

La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur du défendeur, le Procureur général du Canada.

     

                                                                      « Danièle Tremblay-Lamer »

J.C.F.C.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 T-1007-01

INTITULÉ :             

GILBERT LAROSE, FRANCINE LAPOINTE, MARTINE LANNEVILLE, DORIS MATHIEU, SOPHIE HOULE, LUCILLE LAMBERT, FRANÇOISE SILLS, RAYNALD ROUETTE, LOUISE FRENETTE, CAROLLE HAMELIN, MARTIN LEFEBVRE, DENISE BEAULIEU, JEAN MIREAULT, GERMAINE NORMANDIN, CLAIRE BRUNELLE, HÉLÈNE LORD, MANON PLANTE, MONA MARTEL, REINE ÉMOND, JEAN MONTMINY, GUY VEILLETTE, JOHANNE GÉLINAS, ROBERT LABBÉ, JEAN-GUY VINCENT, LINE PATRY, ROBERT DURAND, DORIS GUILBERT, GINETTE SAMSON, SERGE TOUPIN

                                                                                              Demandeurs

                                                         et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et JANINE COZIOL et FRANÇOIS CATELLIER

                                                                                                Défendeurs

ET ENTRE:


GEMMA LAHAIE, LUCIE GAGNON, FRANCINE DIONNE, LISE FAUCHER, JEAN MAURICE BOUCHER, FRANCINE BREAULT, RÉGEAN CONNOLLY, GINETTE BOUCHER, MARYSE BIRON, JEAN-MARIE PAQUETTE, ANDRÉ BÉLIVEAU, ALINE POIRIER, MARIE PAQUIN, CHRISTIANE JUNEAU, MONIQUE BERNIER, LIETTE FLEURY, JEAN-GUY LIZOTTE, DIANE DESGAGNÉ, CLAUDE SIMOND, MONIQUE BROUSSEAU, LUCIE CARON, SUSIE ROBERGE, CLAUDE LACHARITÉ, JOHANNE MICHEL, NICOLE DARVEAU, RENÉ VERRIER, GINETTE LAUZON, MARCEL LORD, LYNE BLANCHETTE, KAREEN McKENZIE, DIANE LAMOTHE, DIANE HURTEAU, JULIE ARPIN, GERMAINE MARTEL, FRANCINE FORTIER, CHANTAL RHÉAULT, NICOLE DUMONT, HÉLÈNE LEBLANC, K. CHANDLER et JEAN L. BLANCHETTE

                                                                                              Demandeurs

                                                         et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et FRANCE HOULD et MICHEL RICHARD

                                                                                                Défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 23 septembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE DE                                 L'honorable juge Danièle Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS :                                     Le 23 octobre 2002

  

COMPARUTIONS :

Me James G. Cameron                                        pour la partie demanderesse

Me Raymond Piché      pour la partie défenderesse

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne

220, avenue Laurier ouest

Bureau 1600

Ottawa (Ontario)         pour la partie demanderesse


Ministère de la justice

Bureau régional du Québec

Complexe Guy-Favreau

200, boulevard René-Lévesque ouest

Tour est, 9e étage

Montréal (Québec)      pour la partie défenderesse

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