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Date : 19980616


Dossier : T-2408-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT une révocation de la citoyenneté, conformément aux articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, dans sa forme modifiée, et à l"article 19 de la Loi sur la citoyenneté canadienne , S.R.C. 1952, ch. 33, dans sa forme modifiée;         
     ET une demande de renvoi à la Cour fédérale conformément à l"article 18 de la Loi sur la citoyenneté , L.R.C. (1985), ch. C-29, dans sa forme modifiée;         
     ET un renvoi à la Cour conformément à l"article 920 des Règles de la Cour fédérale ;         
     ET une demande en vue d"obtenir l"autorisation d"intervenir dans l"instance, à l"égard d"une requête en suspension d"instance         

ENTRE


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


demandeur,


ET


VLADIMIR KATRIUK,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]      M. Kenneth Narvey (le demandeur) a présenté une demande visant à obtenir l"autorisation d"intervenir dans l"audition d"une requête en suspension de l"instance principale. La question qui se pose dans l"instance principale est celle de savoir si le défendeur, M. Katriuk, est entré au Canada et a obtenu la citoyenneté sous de faux prétextes. L"autorisation d"intervenir a été refusée pour les motifs suivants.

[2]      Afin d"établir l"existence d"un fondement à l"égard de l"intervention, M. Narvey était tenu de démontrer à la Cour qu"il avait un intérêt dans l"instance et qu"il avait des connaissances suffisantes ou des connaissances spéciales telles qu"il serait en mesure d"aider la Cour à trancher les questions en litige dans la requête en suspension d"instance. (Voir, d"une façon générale, République fédérale d"Allemagne c. Rauca, [1983] 1 C.F. 525). M. Narvey effectue de la recherche juridique et est chef de l"exploitation de la Coalition of Concerned Congregations on the Law Relating to War Crimes and Crimes Against Humanity Including Those of the Holocaust , qui est une association non constituée en personne morale (la Coalition). M. Narvey a demandé l"autorisation d"intervenir pour son propre compte ainsi que pour le compte de la Coalition. Dans les observations qu"il a présentées par écrit à la Cour, le demandeur déclare que le mandat de la Coalition consiste à s"assurer que les procédures soient menées d"une façon équitable contre les personnes qui auraient censément participé à des crimes de guerre, et qu"à cette fin, la Coalition est chargée d"effectuer de la recherche sur des questions de droit et de fait. Le demandeur, pour son propre compte et pour le compte de la Coalition, s"est vu accorder l"autorisation d"intervenir dans plusieurs autres affaires où il était question de crimes contre l"humanité.

[3]      Il est certain que le demandeur, tant en sa qualité personnelle qu"en sa qualité de représentant, a un intérêt en ce qui concerne les crimes de guerre. Il a un intérêt dans la mesure où la décision relative à la requête en suspension d"instance aura un effet sur ce qui arrive à M. Katriuk, qui aurait censément participé à des crimes de guerre. Toutefois, je ne suis pas convaincu que cet intérêt, qui est dans une certaine mesure indirect, soit suffisant pour permettre au demandeur d"intervenir. Cette demande est fondée sur les paragraphes 21 à 23 de l"avis de requête du demandeur, qui se lit comme suit :

     [TRADUCTION]         
     21.      [...] M. Narvey [...] a effectué une recherche sommaire [...] et est arrivé à un certain nombre de conclusions au sujet des arguments figurant dans ledit exposé de l"avocat de M. Katriuk.         
     22.      Le lundi 8 juin 1998, M. Narvey a fait part de certaines de ces conclusions par télécopieur et par téléphone à l"avocat du ministre, Me Lucas; voici ce qu"il lui a dit :         
         a) il se proposait de présenter la demande en vue d"obtenir l"autorisation d"intervenir dans la requête en suspension d"instance;                 
         b) s"il recevait en temps opportun les observations écrites que Me Lucas se proposait de faire à l"égard de la requête en suspension d"instance, il supprimerait des observations écrites qu"il se proposait de faire, et de celles de la Coalition, tous les arguments et arrêts qu"il avait mentionnés à Me Lucas et que Me Lucas aurait adoptés;                 
         c) il s"engagerait devant la Cour, comme le font habituellement les intervenants, à ne pas reprendre oralement les arguments présentés oralement par une autre personne devant la Cour.                 
     23.      M. Narvey a étudié les documents susmentionnés au mieux de sa connaissance ainsi que ce qui lui semblait être des documents pertinents connexes, et il a présenté les observations écrites qu"il faisait ou qu"il prévoyait faire en tant qu"intervenant éventuel à l"égard de la requête en suspension d"instance, pour son propre compte et pour le compte de toutes les autres personnes associées à la Coalition ou de la Coalition en tant que telle, en vue de tenter d"aider la Cour, si cette dernière le permet.         

[4]      J"ai minutieusement examiné les arguments du demandeur, tant écrits qu"oraux, ainsi que les arrêts qui m"ont été soumis. Le demandeur soutient essentiellement qu"il ne conçoit pas l"affaire et n"interprète pas les arrêts de la même façon que l"avocat de la Couronne, Me Lucas. Il croit que c"est son interprétation qui est la bonne. Permettre l"intervention sur cette base perturberait dans une mesure injustifiée le déroulement de la demande de suspension d"instance.

[5]      Cela ne veut pas pour autant dire que si, le demandeur avait présenté une demande à la Cour au début de l"instance afin de présenter des éléments de preuve supplémentaires à l"égard, par exemple, de la conduite du bataillon 118 pendant la guerre, la requête qu"il a présentée en vue d"agir comme intervenant aurait été rejetée. Le demandeur possède apparemment des connaissances spéciales en matière de recherche historique et il s"y connaît très bien dans le domaine de l"histoire et des crimes de guerre. Je ne doute pas qu"il a un intérêt légitime dans la façon dont l"État canadien traite les présumés criminels de guerre. Toutefois, la requête en suspension d"instance soulève strictement une question de droit et de procédure et elle n"est pas expressément liée à des allégations de crimes de guerre. Le demandeur dit qu"il peut aider la Cour en raison de ses compétences, de son expérience et des connaissances spéciales qu"il possède en sa qualité de chercheur juridique. Je ne doute pas que ses compétences dans le domaine de la recherche juridique sont excellentes et qu"il fait preuve de persistance à cet égard. Cependant, tous les avocats sont compétents en matière de recherche juridique et c"est à eux qu"il incombe de présenter à la Cour tous les arrêts pertinents. Le rôle des avocats consiste alors à utiliser pareils arrêts dans leurs observations et dans leurs arguments en vue d"étayer leurs positions respectives. Enfin, il incombe à la Cour d"interpréter et d"appliquer les arrêts comme bon lui semble. Ainsi, le simple fait que le demandeur signalerait des passages différents dans une affaire particulière et interpréterait de nouveau cette affaire selon son propre point de vue ne permet pas pour autant de lui accorder le statut d"intervenant. Si cela suffisait, il y aurait des intervenants dans presque tous les cas où quelqu"un ne souscrit pas à la thèse de l"avocat ou à une stratégie particulière de l"avocat.

[6]      Bref, le point de vue du demandeur est différent de celui des avocats des deux parties, mais le demandeur ne possède pas de connaissances spéciales pertinentes, en ce qui concerne les points qu"il a l"intention de soulever devant la Cour. Le demandeur aimerait simplement présenter des arguments comme s"il était une tierce partie au débat, ce qui n"est pas le rôle de l"intervenant.

                         " Marc Nadon "

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE


SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


Date : 19980616


Dossier : A-2408-96

AFFAIRE INTÉRESSANT une révocation de la citoyenneté, conformément aux articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, dans sa forme modifiée, et à l"article 19 de la Loi sur la citoyenneté canadienne , S.R.C. 1952, ch. 33, dans sa forme modifiée;

ET une demande de renvoi à la Cour fédérale conformément à l"article 18 de la Loi sur la citoyenneté , L.R.C. (1985), ch. C-29, dans sa forme modifiée;

ET un renvoi à la Cour conformément à l"article 920 des Règles de la Cour fédérale ;

ET une demande en vue d"obtenir l"autorisation d"intervenir dans l"instance, à l"égard d"une requête en suspension d"instance

ENTRE


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


demandeur,


ET


VLADIMIR KATRIUK,


défendeur.



MOTIFS DE L"ORDONNANCE



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                      T-2408-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

demandeur,

                             ET
                             VLADIMIR KATRIUK,

défendeur.

LIEU DE L"AUDIENCE :                  Montréal (Québec)
DATE DE L"AUDIENCE :                  les 15 et 16 juin 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON EN DATE DU 16 JUIN 1998

ONT COMPARU :

     David Lucas                      pour le demandeur
     Martine Valois
     Orest H.T. Rudzik                  pour le défendeur
     Nestor Woychyshyn
     Kenneth M. Narvey                  pour les intervenants éventuels

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     George Thomson                  pour le demandeur
     Sous -procureur général du Canada
     Orest H.T. Rudzik                  pour le défendeur
     Nestor Woychyshyn
     Toronto (Ontario)
     Kenneth M. Narvey                  pour les intervenants éventuels
     Montréal (Québec)
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