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Date : 20000620


Dossier : T-221-99



ENTRE :

     JOY SHIPPING COMPANY INC.

     DEMANDERESSE

     - et -

     EMPRESSA CUBANA DES FLETES, de CUBA

     et ASOCIACION PESQUERA & PORTUARIA

     du MINISTERIO DE LA INDUSTRIA

     PESQUERA DE LA REPUBLICA DE CUBA, de CUBA

     DÉFENDEURS

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX :


[1]          Les présents motifs reprennent par écrit les motifs que j'ai prononcés oralement le 19 mai 2000 après une audience tenue par voie de téléconférence, à l'appui de mon refus de rendre l'ordonnance sollicitée par Pesquera Cuyagua S.A. (Pesquera), le propriétaire du navire « Rio Cuyaguateje » (le navire), en vertu des règles 398 et 399 des Règles de la Cour fédérale (les Règles) en vue de faire annuler un bref de saisie. J'ai accordé subsidiairement un sursis à la condition qu'un cautionnement soit fourni pour permettre que le navire soit utilisé pour la pêche commerciale.

LES FAITS

    

[2]          Le 5 mars 1999, madame le juge Reed a ordonné, en vertu des règles 326 à 328, l'inscription d'un jugement émanant de la Cour supérieure d'Angleterre et du pays de Galles, obtenu contre les défendeurs le 19 juin 1998 par Joy Shipping Company (Joy).

[3]          Le 9 mai 2000, Joy a demandé au greffe de la Cour fédérale à Halifax (le greffe), en vertu des règles 425 et 433, un bref de saisie-exécution visant à faire exécuter l'ordonnance de madame le juge Reed en affirmant que [Traduction] « le bref de saisie-exécution sera exécuté contre Empressa Cubana des Fletes (Empressa) et l'Asociacion Pesquera & Portuaria du Ministerio de la Industria Pesquera de la Republica de Cuba (l'Association), qui sont toutes deux des intermédiaires du gouvernement de la République de Cuba, au moyen de la saisie du navire "Rio Cuyaguateje" qui se trouve actuellement à St. John's (Terre-Neuve). »

[4]          Je constate que l'ordonnance de madame le juge Reed ordonnait sa signification aux défendeurs par signification à personne à l'ambassade de la République de Cuba, à Ottawa, et aux adresses prescrites pour chacun des défendeurs dans l'ordonnance de la Haute Cour de justice -- Section du Banc de la Reine -- Cour commerciale. Dans le cas de l'Association, la signification de l'ordonnance devait être effectuée à l'ambassade de la République de Cuba, à Londres, au Royaume-Uni.

[5]          Joy a joint à la demande qu'elle a présentée au greffe l'affidavit de deux avocats exerçant le droit à Miami, en Floride, pour décrire les rapports entre les défendeurs et le gouvernement de la République de Cuba.

[6]          Conformément à cette demande, le greffe a délivré un bref de saisie-exécution ordonnant au shérif de St. John's (Terre-Neuve) de saisir le navire, ce qu'il a fait. Le navire n'a pas encore été vendu.

MOYENS INVOQUÉS À L'APPUI DES ORDONNANCES DEMANDÉES

[7]          Tel qu'il l'a été mentionné, Pesquera Cuyagua S.A. (la requérante) a présenté une requête à la Cour en vertu de la règle 399, en vue d'obtenir une ordonnance annulant le bref ou, subsidiairement, d'obtenir un sursis en vertu de la règle 398.

[8]          Dans son dossier, la requérante a souligné que le bref a été demandé par Joy alors que Joy connaissait l'existence de [Traduction] « procédures en instance devant la Cour (T-123-00 et T-268-00) soulevant des questions quant au statut, à la propriété et au droit de saisie du navire et que Joy a demandé le bref de saisie-exécution sans en donner avis à la requérante.

[9]          La requérante a invoqué les moyens suivants à l'appui de l'ordonnance d'annulation du bref :

     (1)      Le bref a été délivré sans avis.
     (2)      Le bref est contraire à la règle 425 et à la formule 425A parce qu'il demande un bref ordonnant au shérif de saisir un bien déterminé, le navire, dont la requérante est propriétaire et qui n'appartient à aucun des débiteurs du jugement. La requérante ajoute que cette mesure ne pouvait s'appuyer que sur les conclusions suivantes : une créance en vertu d'un jugement rendu contre une partie constituait en fait une créance en vertu d'un jugement rendu contre une autre partie et, en outre, un bien déterminé enregistré comme appartenant à une partie appartenait en fait à une autre partie, conclusions que la règle 425 n'envisage et ne permet pas, le tout au détriment de la requérante qui n'en a pas été avisée.
     (3)      La règle 433 prévoit uniquement qu'une personne qui a droit à l'exécution peut obtenir un bref d'exécution en déposant une demande écrite pour le faire délivrer; aucune disposition, notamment de cette règle, ne permet la production d'une preuve par affidavit à l'appui d'une demande écrite lorsque le bref de saisie-exécution vise la saisie d'un bien déterminé qui n'est pas désigné dans l'ordonnance d'exécution et qui n'appartient pas à un débiteur du jugement expressément nommé.

LES RÈGLES APPLICABLES

[10]          L'audition et ma décision rendue oralement ont notamment porté sur l'examen des règles 398, 399, 425, 433, 448 et la définition de l'expression « bref d'exécution » énoncée dans la règle 2. En voici le libellé :

"writ of execution" includes a writ of seizure and sale, a writ of possession, a writ of delivery and a writ of sequestration, and any further writ in aid thereof. (bref d'exécution)

398. (1) On the motion of a person against whom an order has been made,

(a) where the order has not been appealed, the division of the Court that made the order may order that it be stayed; or

(b) where a notice of appeal of the order has been issued, a judge of the division of the Court that is to hear the appeal may order that it be stayed.

(2) As a condition to granting a stay under subsection (1), a judge may require that the appellant

(a) provide security for costs; and

(b) do anything required to ensure that the order will be complied with when the stay is lifted.

(3) A judge of the division of the Court that is to hear an appeal of an order that has been stayed pending appeal may set aside the stay if the judge is satisfied that the party who sought the stay is not expeditiously proceeding with the appeal or that for any other reason the order should no longer be stayed.



399. (1) On motion, the Court may set aside or vary an order that was made

(a) ex parte; or

(b) in the absence of a party who failed to appear by accident or mistake or by reason of insufficient notice of the proceeding,

if the party against whom the order is made discloses a prima facie case why the order should not have been made.

(2) On motion, the Court may set aside or vary an order     

(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; or

(b) where the order was obtained by fraud.

(3) Unless the Court orders otherwise, the setting aside or variance of an order under subsection (1) or (2) does not affect the validity or character of anything done or not done before the order was set aside or varied.



425. An order for the payment of money may be enforced by

(a) a writ of seizure and sale in Form 425A;

(b) garnishment proceedings;

(c) a charging order;

(d) the appointment of a receiver; and

(e) in respect of a person referred to in rule 429, a writ of sequestration in Form 425B.



433. (1) Subject to subsection (2) and rules 434 and 435, a person entitled to execution may obtain a writ of execution by filing a requisition for its issuance.

When writ may be issued

(2) A writ of execution shall be issued only if, at the time a requisition therefor is filed, any period specified in the order for the payment of money or for the doing of an act required under the order has expired.

(3) A writ of execution for the recovery of money shall be endorsed with a direction to the sheriff to levy

(a) the amount of money due and payable that is sought to be recovered;

(b) any interest thereon that is sought to be recovered, from the date of the order; and

(c) any sheriff's fees and costs of execution.

« _bref d'exécution_ » S'entend notamment d'un bref de saisie-exécution, d'un bref de mise en possession, d'un bref de délivrance, d'un bref de séquestration et de tout bref complémentaire. (writ of execution)


398. (1) Sur requête d'une personne contre laquelle une ordonnance a été rendue :

a) dans le cas où l'ordonnance n'a pas été portée en appel, la section de la Cour qui a rendu l'ordonnance peut surseoir à l'ordonnance;

b) dans le cas où un avis d'appel a été délivré, seul un juge de la section de

la Cour saisie de l'appel peut surseoir à l'ordonnance.

(2) Le juge qui sursoit à l'exécution d'une ordonnance aux termes du paragraphe (1) peut exiger que l'appelant :

a) fournisse un cautionnement pour les dépens;

b) accomplisse tout acte exigé pour garantir, en cas de confirmation de tout ou partie de l'ordonnance, le respect de l'ordonnance.

(3) Un juge de la section de la Cour saisie de l'appel d'une ordonnance qui fait l'objet d'un sursis peut annuler le sursis, s'il est convaincu qu'il n'y a pas lieu de le maintenir, notamment en raison de la lenteur à agir de la partie qui a demandé le sursis.

399. (1) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier l'une des ordonnances suivantes, si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n'aurait pas dû être rendue :

a) toute ordonnance rendue sur requête ex parte;

b) toute ordonnance rendue en l'absence d'une partie qui n'a pas comparu par suite d'un événement fortuit ou d'une erreur ou à cause d'un avis insuffisant de l'instance.

(2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l'ordonnance a été rendue;

b) l'ordonnance a été obtenue par fraude.

(3) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l'annulation ou la modification d'une ordonnance en vertu des paragraphes (1) ou (2) ne porte pas atteinte à la validité ou à la nature des actes ou omissions antérieurs à cette annulation ou modification.

425. L'exécution forcée de l'ordonnance exigeant le paiement d'une somme d'argent se fait par l'un des moyens suivants :

a) bref de saisie-exécution établi selon la formule 425A;

b) procédure de saisie-arrêt;

c) ordonnance constituant une charge;

d) nomination d'un séquestre judiciaire;

e) bref de séquestration établi selon la formule 425B, dans le cas visé à la règle 429.

433. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et des règles 434 et 435, la personne ayant droit à l'exécution peut obtenir un bref d'exécution en déposant une demande écrite pour le faire délivrer.

(2) Un bref d'exécution ne peut être délivré que si, au moment où il est demandé, le délai fixé dans l'ordonnance pour le paiement d'une somme d'argent ou l'accomplissement d'un acte est expiré.

(3) Le bref d'exécution visant le recouvrement d'une somme d'argent porte des directives prescrivant au shérif de prélever :

a) la somme exigible dont le recouvrement est poursuivi en vertu de l'ordonnance;

b) les intérêts y afférents dont le recouvrement est poursuivi, le cas échéant, calculés à partir de la date de l'ordonnance;

c) les honoraires du shérif et les frais d'exécution.

448. In seizing, advertising for sale or selling property, a sheriff shall, except as otherwise provided in the writ or in these Rules, follow the laws applicable to the execution of similar writs issued by a superior court of the province in which the property was seized.

     [non souligné dans l'original]

448. Sauf disposition contraire du bref ou des présentes règles, pour la saisie et la vente de biens ainsi que la publicité en vue de cette vente, le shérif se conforme aux règles de droit applicables à l'exécution de brefs analogues délivrés par une cour supérieure de la province où la saisie a eu lieu.

     [non souligné dans l'original]

CONCLUSIONS

     (a)      La demande d'annulation du bref

[11]          J'ai rejeté la demande d'annulation du bref présentée par la requérante pour trois motifs. Premièrement, j'estimais que la règle 399 ne m'autorisait pas à annuler le bref parce que le bref ne constituait pas une ordonnance de la Cour au sens de cette règle. Je le voyais plutôt comme découlant d'une ordonnance ou d'un jugement de la Cour et le créancier d'un jugement a droit à l'exécution de ce jugement sur présentation d'une demande écrite sollicitant la délivrance du bref. En d'autres termes, le greffe de la Cour à Halifax a exécuté une fonction purement mécanique en délivrant le bref de saisie à Joy sur présentation d'une demande écrite et n'a pas de ce fait décidé de l'identité du propriétaire du navire. De plus, aucun avis à la requérante n'est prévu. (Voir la formule 18 et la règle 18 qui prescrivent la forme de la demande écrite.)

[12]          Deuxièmement, j'étais d'avis que les règles permettent à la requérante d'avoir recours à un mécanisme particulier pour contester la saisie du navire parce que les débiteurs du jugement n'en sont pas propriétaires. Selon moi, la règle 448 régit le traitement d'une opposition à une saisie fondée sur ce motif et, à cet égard, les lois de Terre-Neuve s'appliqueraient parce que le navire a été saisi à l'intérieur de son territoire. La Cour fédérale conserve sa compétence tout au long de ce processus.

[13]          Troisièmement, dans le contexte de la règle 488, il ne conviendrait pas que j'examine à cette étape le fond de l'argumentation de la requérante sans disposer d'un dossier complet sur la question de savoir si, en fait, le navire constitue un bien des défendeurs auquel Joy peut s'attaquer.

     (b)      Le sursis

[14]          J'ai prononcé un sursis à la condition que la requérante dépose un cautionnement pour la totalité du montant du jugement non exécuté. Joy ne s'est pas opposée à ce sursis. La requérante s'est opposée à ce que la Cour impose une condition en soutenant que les règles ne le permettent pas. Je ne partage pas son avis.

     « François Lemieux »

    

     J U G E

OTTAWA (ONTARIO)

20 JUIN 2000

Traduction certifiée conforme



Martine Brunet, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          T-221-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      JOY SHIPPING COMPANY, INC. c. EMPRESSA CUBANA DES FLETES OF CUBA ET AUTRES
LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 19 MAI 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE LEMIEUX

EN DATE DU :              20 JUIN 2000

AVOCATS :

Me WYLIE SPICER              POUR LA DEMANDERESSE
Me CECILY STRICKLAND          POUR LE DÉFENDEUR
Me JAMES GOULD              POUR LES PARTIES INTÉRESSÉES


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McINNES COOPER

HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)          POUR LA DEMANDERESSE

STEWART McKELVEY STIRLING SCALES

ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE)          POUR LE DÉFENDEUR

METCALF & COMPANY

HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)          POUR LES PARTIES INTÉRESSÉES
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