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Date: 19990519


Dossier : 99-T-12

Ottawa (Ontario), le 19 mai 1999.

DEVANT :      MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE

LAURA MEDEIROS, KATHY AUDETTE, ESTHER CARISEE, CAROLINE CHARLEBOIS, FLORENCE GODON, LUCIA KOSTER, SAPHIRA LEVESQUE, MARTHA MALAIGRANDA, DONNA MARTIN, ROBERT MAYHEW, ALFREDO MEDEIROS, LAURA MEDEIROS JR, NOAH MEDEIROS, RACHEL MILLER, PETER MILLER, ALICE PEEVER, AMBROZINA POST, MARY SUTHERLAND, SOPHIE TARDIF, ADELINE TAYLOR, ALEX. TAYLOR, BONNIE TAYLOR, DAVID B. TAYLOR, DAVID TAYLOR, DONALD TAYLOR, GILBERT TAYLOR, LAWRENCE TAYLOR, LLOYD TAYLOR, LORETTA TAYLOR, MINNIE TAYLOR, SIMEON TAYLOR, THERESA TAYLOR, WILLIAM TAYLOR, EVA WESLEY, STELLA (ZACHARIE) WRIGHT, LOWLA ZACHARIE, RICHARD ZACHARIE, LIN ZACHERIE et PETER ZACHERIE,


demandeurs requérants,

et


GABRIEL ECHUM (chef de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, LAWRENCE TOWESGISHIG (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, BRUCE MENDOWEGAN (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, JOHN MENDOWEGAN (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, ELZEAR TAYLOR (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, CALVIN TAYLOR (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, KEN CHARLES (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, LE CHEF ET LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION GINOOGAMING et LA PREMIÈRE NATION GINOOGAMING,

et


ONTARIO POWER GENERATION INC.,

défendeurs.

ORDONNANCE

1.      Ontario Power Generation Inc. est constituée partie défenderesse dans cette requête.
2.      La demande de prorogation de délai est rejetée en ce qui concerne la décision du conseil de la première nation Ginoogaming de conclure le règlement final avec Ontario Hydro.
3.      La demande de prorogation de délai est accueillie en ce qui concerne la décision du conseil de la première nation Ginoogaming d"utiliser le produit du règlement final au profit des membres de la première nation Ginoogaming autres que les demandeurs.
4.      Les demandeurs présenteront leur demande de contrôle judiciaire au plus tard le 28 mai 1999.
5.      Sous réserve de toute autre ordonnance de la Cour, cette instance est régie par la partie 5 des Règles de la Cour fédérale (1998).
6.      Le nom du demandeur qui n"est pas membre de la première nation Ginoogaming sera radié de l"intitulé de la cause.
7.      La demande d"injonction provisoire relative à l"utilisation du produit du règlement final est accueillie en ce qui concerne une somme de 300 000 $. Ce montant doit être détenu en fiducie par le conseil de la première nation Ginoogaming en attendant qu"il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire.
8.      La question des dépens sera examinée lorsque la demande sera entendue.

             " Karen R. Sharlow "

                     Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date : 19990519


Dossier: 99-T-12

ENTRE

LAURA MEDEIROS, KATHY AUDETTE, ESTHER CARISEE, CAROLINE CHARLEBOIS, FLORENCE GODON, LUCIA KOSTER, SAPHIRA LEVESQUE, MARTHA MALAIGRANDA, DONNA MARTIN, ROBERT MAYHEW, ALFREDO MEDEIROS, LAURA MEDEIROS JR, NOAH MEDEIROS, RACHEL MILLER, PETER MILLER, ALICE PEEVER, AMBROZINA POST, MARY SUTHERLAND, SOPHIE TARDIF, ADELINE TAYLOR, ALEX. TAYLOR, BONNIE TAYLOR, DAVID B. TAYLOR, DAVID TAYLOR, DONALD TAYLOR, GILBERT TAYLOR, LAWRENCE TAYLOR, LLOYD TAYLOR, LORETTA TAYLOR, MINNIE TAYLOR, SIMEON TAYLOR, THERESA TAYLOR, WILLIAM TAYLOR, EVA WESLEY, STELLA (ZACHARIE) WRIGHT, LOWLA

ZACHARIE, RICHARD ZACHARIE, LIN ZACHERIE et PETER ZACHERIE,


demandeurs requérants,


et


GABRIEL ECHUM (chef de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, LAWRENCE TOWESGISHIG (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, BRUCE MENDOWEGAN (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, JOHN MENDOWEGAN (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, ELZEAR TAYLOR (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, CALVIN TAYLOR (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, KEN CHARLES (conseiller de la bande de la première nation Ginoogaming) en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant, LE CHEF ET LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION GINOOGAMING et LA PREMIÈRE NATION GINOOGAMING,

et


ONTARIO POWER GENERATION INC.,


défendeurs.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE SHARLOW

[1]      La première nation Ginoogaming est une " bande indienne " au sens de la Loi sur les Indiens . Seuls certains membres résident dans la réserve Ginoogaming, à Long Lake (Ontario). Un seul demandeur réside dans la réserve. Certains demandeurs habitent à Hornepayne (Ontario) ou près de cet endroit, et d"autres ont des parents qui habitent à Hornepayne, qui est située à environ 180 kilomètres de la réserve Ginoogaming.

[2]      Si je comprends bien, les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d"au moins deux décisions du conseil de la première nation Ginoogaming. La première est la décision de conclure une entente en vue du règlement de certaines réclamations se rapportant aux activités présentes et passées d"Ontario Hydro à Long Lake (Ontario) et aux environs. La seconde est une décision ou une série de décisions portant que le produit du règlement sera utilisé uniquement au profit des membres de la première nation Ginoogaming qui résident dans la réserve Ginoogaming, à l"exclusion des membres non résidants, dont les demandeurs.

[3]      Les demandeurs ne peuvent pas poursuivre l"affaire sans obtenir une ordonnance prorogeant le délai imparti aux fins de la présentation d"une demande de contrôle judiciaire fondée sur la Loi sur la Cour fédérale. Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit que les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l"office fédéral, de sa décision à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu"un juge de la Section de première instance peut accorder.

[4]      Dans l"arrêt Grewal c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration, [1985] 2 C.F. 263, la Cour d"appel fédérale a dit qu"en déterminant si une prorogation de délai doit être accordée, il faut tenir compte des questions suivantes :

     (1)      la question de savoir s"il est justifié de ne pas présenter la demande de contrôle judiciaire dans le délai prévu par la loi;
     (2)      la question de savoir si la décision qui fait l"objet de la demande peut faire l"objet de pareil contrôle;
     (3)      la question de savoir s"il existe des motifs soutenables justifiant la réparation demandée dans le cadre du contrôle judiciaire;
     (4)      la question de savoir si, eu égard aux circonstances, il est nécessaire d"accorder la prorogation pour rendre justice aux parties.

Ces questions seront examinées l"une à la suite de l"autre.

Le retard est-il justifié?

[5]      La décision de conclure le règlement a apparemment été prise le 4 août 1998 ou vers cette date, comme en fait foi une résolution que cinq membres du conseil ont apparemment signée ce jour-là. Le règlement a été signé au cours d"une cérémonie publique, le 15 août 1998.

[6]      Je considère qu"il n"est pas contesté que les demandeurs ont été avisés au préalable de la réunion qui devait avoir lieu le 4 août 1998, à laquelle les membres de la première nation Ginoogaming allaient voter au sujet de la question de savoir si la décision de conclure le règlement devait être approuvée. On ne sait pas trop si cette réunion devait être tenue uniquement parce qu"il s"agissait d"une condition du règlement ou si la nature de la décision était telle que la loi exigeait l"assentiment des membres. Quoi qu"il en soit, la réunion a eu lieu. Les demandeurs allèguent que les membres non résidants n"ont pas été autorisés à prendre la parole ou à voter lors de la réunion.

[7]      Il semble également que le chef, Judy Mayhew, ait été informé le 6 août 1998 ou vers cette date que l"entente avait été approuvée à la réunion du 4 août. Le chef Mayhew n"est pas l"un des demandeurs. En août 1998, Mme Mayhew était chef d"un groupe appelé la première nation Hornepayne. Il s"agit d"une organisation qui cherche à être reconnue à titre de bande en vertu de la Loi sur les Indiens , mais qui n"a pas encore atteint cet objectif. Je crois comprendre que certains demandeurs seulement sont membres de la première nation Hornepayne.

[8]      Certains éléments de preuve dont je dispose laissent entendre que les membres de la première nation Hornepayne sont légalement membres de la première nation Ginoogaming uniquement à cause d"événements qui se sont produits au début du siècle, par suite desquels l"identité distincte des deux groupes n"a pas été reconnue. Il semble que la première nation Hornepayne ait occupé une partie des territoires de chasse et de pêche de la première nation Ginoogaming à certains moments de l"année, notamment le territoire dans lequel Ontario Hydro exerçait les activités qui ont donné lieu aux réclamations de la première nation Ginoogaming qui sont visées par le règlement. Si je comprends bien, les membres de la première nation Hornepayne allèguent que les activités d"Ontario Hydro les ont contraints à abandonner leur territoire habituel près de Long Lake, et que c"est la raison pour laquelle ils sont maintenant établis à Hornepayne.

[9]      Il semble reconnu, compte tenu des relations entre le chef de la première nation Ginoogaming et le chef de la première nation Hornepayne, que les demandeurs auraient été informés de la décision de conclure le règlement en même temps que le chef Mayhew l"a été ou à peu près en même temps. Si c"est bien le cas, il semble raisonnable d"inférer que les demandeurs ont appris, quelques jours après le 6 août 1998, qu"il avait été décidé de conclure l"entente. Ils étaient probablement au courant de la chose le 15 août 1998, soit le jour où a eu lieu la cérémonie publique au cours de laquelle l"entente a été signée.

[10]      Il semble également que le chef de la première nation Ginoogaming ait envoyé une lettre au chef Mayhew le 12 août 1998 en vue de l"informer qu"il avait été décidé d"utiliser le produit du règlement uniquement au profit des membres de la première nation Ginoogaming qui résident dans la réserve Ginoogaming. Les demandeurs étaient probablement également au courant de cette décision le 15 août 1998.

[11]      Si c"est bien le cas, la demande de contrôle judiciaire des deux décisions aurait pu être présentée de plein droit le 14 septembre 1998. La demande de prorogation de délai a été présentée le 15 mars 1999, soit environ six mois plus tard.

[12]      Diverses raisons sont données pour justifier le fait qu"on a tardé à présenter la demande. On dit que les demandeurs ont obtenu une copie de la résolution de la bande ou de l"entente au mois de février 1999 seulement. C"est peut-être vrai. On dit également qu"au mois d"août 1998, les demandeurs n"étaient au courant des détails relatifs au règlement et de l"utilisation prévue du produit que par suite de rumeurs. Je ne retiens pas cet argument.

[13]      Des détails, en ce qui concerne le règlement, sont donnés dans l"avis de la réunion du 4 août 1998 ainsi que dans les documents qui ont été envoyés au chef Mayhew le 6 août 1998. Dans les documents du 4 août 1998, il est fait mention de l"intention d"utiliser le produit du règlement à des fins communautaires [TRADUCTION] " dans la réserve" et des projets particuliers qui pourraient uniquement être réalisés dans la réserve y sont décrits. Les documents du 6 août 1998 renferment des renseignements similaires et comprennent également une section intitulée : " Gestion de l"entente ". Ils montrent clairement que le produit devait en bonne partie être utilisé uniquement au profit des membres résidant dans la réserve. Cela comprend le paiement prévu d"une somme annuelle de 3 000 $ pour une période de cinq ans en faveur de chacun des anciens résidant dans la collectivité.

[14]      De plus, dans une lettre datée du 12 août 1998 du chef Echum au chef Mayhew, il est dit ce qui suit :

         [TRADUCTION]                 
         On nous a demandé d"assurer le soutien des membres et des anciens qui sont membres et résidents permanents de la réserve de la première nation Ginoogaming . Ils pourront participer à toute réclamation existante et future concernant la première nation Ginoogaming. En votre qualité de chef, vous devez respecter cette décision, comme nous vous respectons et comme nous respectons les gens que vous représentez à titre de membres de la première nation Hornepayne.                 
     [Je souligne.]                 
À mon avis, il s"agit clairement d"un avis de la décision de limiter les avantages de l"entente aux membres résidant dans la réserve ou, plus précisément, d"exclure les membres de la première nation Hornepayne.
[15]      Par conséquent, en ce qui concerne la décision de conclure le règlement et la décision relative à l"utilisation du produit, les demandeurs disposaient probablement de suffisamment de renseignements le 15 août 1998 ou vers cette date pour présenter cette demande.
[16]      L"avocat des demandeurs soutient que ses clients se sont activement prévalus de leurs recours. Ils ont intenté une action devant la Cour de l"Ontario (Division générale) le 27 novembre 1998 et ont déposé un avis de requête en vue d"obtenir une injonction en janvier 1999. Il a été soutenu que les demandeurs avaient besoin de temps, entre le mois d"août et le mois de novembre, pour se procurer des fonds et retenir les services d"un avocat, comme le montrent certains éléments de preuve.
[17]      Certains éléments de preuve montrent également que dès le 1er décembre 1998, l"avocat des défendeurs a avisé l"avocat des demandeurs qu"il avait intenté cette action devant le mauvais tribunal. Je crois comprendre que l"instance devant la Cour de l"Ontario a été ajournée en attendant que cette cour statue sur la question de savoir si le règlement était valide.
[18]      Le chef Echum de la première nation Ginoogaming a été mis au courant en 1996 de l"intérêt continu qu"avait la première nation Hornepayne dans le déroulement des négociations avec Ontario Hydro. En janvier 1997, Mme Mayhew a rédigé une lettre dans laquelle elle faisait savoir que le conseil de la première nation Hornepayne et elle avaient adopté une attitude de " non-intervention " à l"égard du règlement, mais je ne puis déterminer l"importance qu"il convient d"accorder à cette lettre. En premier lieu, la lettre aurait apparemment été rédigée " sous toutes réserves " et je ne dispose d"aucune explication à cet égard. En second lieu, la lettre est adressée à un avocat qui ne participe pas à la présente instance. Je ne connais pas le contexte de cette lettre.
[19]      Les documents mis à ma disposition ne montrent pas si Ontario Hydro était au courant, lorsque l"action a été intentée devant la Cour de l"Ontario, de l"existence d"une controverse du genre de celle qui existe en l"espèce.
[20]      Compte tenu des éléments de preuve dont je dispose au sujet de l"historique des négociations, des mesures qui ont été prises après le mois d"août 1998, de la nature des plaintes et des réparations demandées ainsi que de la confusion bien compréhensible qui régnait, avant le mois de décembre 1998, au sujet de la question de la compétence et de certaines questions de procédure, je ne puis conclure que le retard ait été déraisonnable dans ce cas-ci.
Les décisions sont-elles susceptibles de révision?
[21]      Les deux décisions contestées ont été prises par le conseil de la première nation Ginoogaming. Il est bien établi que la décision d"un conseil de bande qui exerce ou est réputé exercer son pouvoir en matière de direction de la bande peut faire l"objet d"un contrôle judiciaire devant cette cour : Coalition to Save Northern Flood v. Canada , [1995] 9 W.W.R. 457 (C.A. Man.) et Gabriel c. Canatonquin, [1980] 2 C.F. 792 (C.A.F.). Rien ne me permet de conclure qu"il ne s"agit pas ici de décisions de ce genre. Je conclus donc que les décisions sont susceptibles de révision.
Existe-t-il un motif soutenable en ce qui concerne la réparation demandée?
[22]      Si je comprends bien, l"argument des demandeurs, en ce qui concerne la décision de conclure le règlement, est que le conseil a outrepassé ses pouvoirs en tentant d"empêcher toute action future de la part des membres de la première nation Ginoogaming qui n"auront pas droit au produit du règlement. Certaines dispositions de renonciation et de libération du règlement semblent le prévoir.
[23]      Je commencerai par la thèse selon laquelle les conseils de bande ont l"obligation légale d"exercer leurs pouvoirs d"une façon équitable et impartiale, et qu"ils n"ont pas le droit de prendre des décisions arbitraires qui sont avantageuses pour un groupe de membres à l"exclusion d"un autre groupe. Il est possible de soutenir que toute décision de traiter les demandeurs d"une façon différente des autres membres de la première nation Ginoogaming peut être annulée dans le cadre d"un contrôle judiciaire à moins que le traitement différent ne soit justifié.
[24]      Il est fait mention des [TRADUCTION] " membres " dans plusieurs clauses du règlement. Toutefois, aucune disposition de l"entente n"accorde à certains membres un plus grand nombre d"avantages que ceux qui sont accordés à d"autres membres, ou n"exige que certains membres renoncent à un plus grand nombre d"avantages que d"autres membres. Je conclus que rien dans le règlement lui-même ne peut étayer l"allégation des demandeurs selon laquelle le conseil a accordé sans motif légitime la préférence à un groupe de membres. Je conclus que les demandeurs n"ont pas démontré qu"ils avaient un motif soutenable à l"égard de la décision de conclure le règlement.
[25]      Je ne puis dire la même chose en ce qui concerne la décision que le conseil a prise au sujet de l"utilisation du produit du règlement. À cet égard, certains éléments de preuve montrent clairement qu"il avait été décidé de traiter différemment différents membres de la première nation Ginoogaming selon l"endroit où ils résidaient et selon qu"ils étaient membres ou non de la première nation Hornepayne.
[26]      Il est possible que l"historique de la première nation Ginnoogaming et de la première nation Hornepayne puisse justifier ce traitement différent. Toutefois, je ne puis me prononcer sur la question en me fondant sur les éléments de preuve mis à ma disposition. Je conclus que les demandeurs ont démontré l"existence d"un motif soutenable à l"égard de la décision que le conseil de la première nation Ginoogaming avait prise d"utiliser le produit du règlement uniquement au profit des membres résidant dans la réserve.
Une prorogation de délai est-elle nécessaire pour rendre justice aux parties?
[27]      Compte tenu des considérations susmentionnées, il ne faut accorder une prorogation de délai pour rendre justice aux parties qu"à l"égard de la décision relative à l"utilisation du produit du règlement. Je n"accorderai donc une prorogation du délai dans lequel le contrôle judiciaire peut être demandé qu"à l"égard de cette décision.
Injonction provisoire
[28]      Les demandeurs sollicitent également une injonction provisoire empêchant le conseil de débourser le produit du règlement en attendant qu"il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire.
[29]      J"ai déjà décidé que les demandeurs ont un motif soutenable et je conclus également qu"il existe une question sérieuse à trancher. En l"absence d"une restriction apportée au pouvoir du conseil en ce qui concerne les fonds, les demandeurs risquent de subir un préjudice irréparable si l"injonction n"est pas accordée.
[30]      La question de la prépondérance des inconvénients a été examinée dans le cadre des plaidoiries compte tenu du fait qu"une injonction pourrait être accordée en vue de mettre fin à l"exécution des obligations prévues par le règlement. Étant donné que j"ai refusé d"accorder l"autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de conclure le règlement, aucune injonction de ce genre ne sera accordée.
[31]      En ce qui concerne l"utilisation du produit, la question de la prépondérance des inconvénients est réglée d"une façon plus efficace si on limite le montant qui est assujetti à l"injonction. Les avocats des défendeurs soutiennent qu"étant donné qu"il y a 37 demandeurs et 704 membres de la première nation Ginoogaming, le produit devrait être visé par l"injonction provisoire dans une proportion de 5,4 p. 100 seulement, ce qui représente un montant d"environ 216 000 $.
[32]      Cette solution est quelque peu logique, mais il n"y est pas tenu compte du fait que même s"ils ne sont pas demandeurs, certains membres, à part les 37 demandeurs, pourraient bénéficier d"une décision favorable rendue dans le cadre de ce contrôle judiciaire. Il est également présumé que toutes les utilisations prévues entraîneront une distribution directe de fonds aux membres. C"est peut-être bien le cas en ce qui concerne certaines utilisations prévues (comme les sommes versées chaque année aux anciens, et peut-être le paiement de bourses d"études et le financement de programmes visant à aider les personnes atteintes d"une déficience), mais cela n"est peut-être pas vrai en ce qui concerne des dépenses comme celles qui se rapportent à la construction d"un centre culturel, aux programmes de protection contre l"érosion et à la surveillance de l"environnement, ainsi qu"au paiement de dettes.
[33]      Compte tenu de la documentation mise à ma disposition, il semble que les intérêts des demandeurs seront suffisamment protégés et que la première nation Ginoogaming ne subira aucun préjudice indu si la Cour ne rend une injonction provisoire qu"à l"égard d"un montant de 300 000 $ sur le produit du règlement. Le montant doit être détenu en fiducie en attendant qu"il soit statué sur la présente demande de contrôle juridique.
Mesures subséquentes
[34]      La formule de demande de contrôle judiciaire versée dans le dossier de la requête devra être modifiée de façon à ne porter que sur la décision relative à l"utilisation du produit. Les demandeurs déposeront une demande modifiée au plus tard le 28 mai 1999. Sous réserve de toute autre ordonnance de la Cour, cette instance sera régie par la partie 5 des Règles de la Cour fédérale (1998).
[35]      Il n"est pas contesté que le nom d"un demandeur qui n"est pas membre de la première nation Ginoogaming devrait être radié de l"intitulé de la cause. Il devrait être tenu compte de cette modification dans tous les documents qui seront déposés à l"avenir dans cette instance.
             " Karen R. Sharlow "
                 Juge
OTTAWA (Ontario)
Le 19 mai 1999.
Traduction certifiée conforme
L. Parenteau, LL.L.
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