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Date : 20011106

Dossier : T-625-97

Référence neutre : 2001 CFPI 1214

                                                           Action réelle et personnelle

ENTRE :

                                                    FRANCOSTEEL CANADA INC.

                                                                                                                                             Demanderesse

                                                                                   et

                                                         LE M.V. "AFRICAN CAPE",

                                  ses propriétaires, BONAVERIA SHIPPING CO. LTD.

                                                                                   et

                                                                ses gérants, DIMKO

                                                  INTERNATIONAL COMPANY S.A.

                                                                                                                                                   Défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

[1]                 Il s'agit en l'espèce d'une requête conjointe des parties afin que la Cour procède en vertu de la règle 400 et suivantes des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles) à l'octroi des dépens entre les parties ainsi qu'à l'établissement du quantum desdits dépens.


[2]                 En avril 1997 la demanderesse a poursuivi les défenderesses pour dommages causés à un chargement de rouleaux de métal lors de leur transport maritime. Par après, les parties ont convenu de confier la détermination finale de la responsabilité et du quantum des dommages à un arbitre qui rendit sa décision le 21 décembre 2000. Les parties avaient convenu toutefois de confier à cette Cour la question des dépens.

[3]                 Dans sa décision, l'arbitre a tenu les défenderesses responsables des dommages occasionnés et a évalué ces derniers à une somme de 85 879,44 $. La demanderesse réclamait devant l'arbitre une somme de 485 117,99 $.

[4]                 Quelque six mois après le début des procédures en cette Cour, soit le 29 septembre 1997, les défenderesses ont offert formellement par écrit à la demanderesse de régler le litige pour une somme de 125 000 $ incluant capital, intérêts et dépens (l'offre). Cette offre est demeurée sur la table jusqu'au 9 novembre 2000, soit jusqu'au quatrième jour suivant le début de l'arbitrage qui s'est déroulé du 6 au 20 novembre 2000. Le 9 novembre 2000 l'offre fut révoquée par le représentant des défenderesses.

ANALYSE

[5]                 Le premier aspect qu'il importe d'aborder consiste à déterminer qui de la demanderesse ou des défenderesses a droit aux dépens.

[6]                 À cet égard, il m'apparaît qu'il y a lieu de regarder en premier l'application possible de la règle 420(2)a).

[7]                 Suivant les défenderesses, cette règle doit recevoir application en l'espèce. Si cela est le cas, l'octroi des dépens s'en trouvera alors réglé. Cette règle se lit comme suit:

   420.(2) Sauf ordonnance contraire de la Cour, lorsque le défendeur présente par écrit une offre de règlement qui n'est pas révoquée et que le demandeur :

                a) obtient un jugement moins avantageux que les conditions de l'offre, le demandeur a droit aux dépens partie-partie jusqu'à la date de signification de l'offre et le défendeur a droit au double de ces dépens, à l'exclusion des débours, à compter du lendemain de cette date jusqu'à la date du jugement;

   420.(2) Unless otherwise ordered by the Court, where a defendant makes a written offer to settle that is not revoked,

                (a) if the plaintiff obtains a judgment less favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff shall be entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and the defendant shall be entitled to double such costs, excluding disbursements, from that date to the date of judgment;

[8]                 Les défenderesses reconnaissent que cette règle spécifie que l'offre ne doit pas avoir été révoquée. Ici, il est admis que l'offre fut effectivement révoquée.


[9]                 Toutefois, selon les défenderesses, ce qui importe c'est que l'offre ne fut pas révoquée avant le début de l'arbitrage. Suivant ces dernières, une offre de règlement est destinée à éviter un procès; étape où une vaste partie des dépens sont encourus. Une fois le procès ou l'arbitrage commencé, la dynamique d'une offre toujours pendante change. Selon les défenderesses, le fait de révoquer alors une offre, surtout lorsque l'on approche la conclusion de l'arbitrage, évite à la partie ayant fait l'offre de voir celle-ci être acceptée par la partie adverse qui pourrait alors considérer l'offre plus qu'alléchante face à son appréciation du déroulement des procédures et du peu de chances de succès qui se profile à l'horizon.

[10]            Il appert du paragraphe 62 de l'affidavit de Alan Loiseau produit par les défenderesses que ce soit là en partie l'appréciation que ces dernières s'étaient faite du déroulement de l'arbitrage et qui motiva la révocation de l'offre. Ce paragraphe se lit comme suit:

62.           On 9 November 2000, prior to the resumption of the hearing before the arbitrator that day, I informed Plaintiff's counsel verbally that the Cdn. $125,000 settlement offer that had been made by the Defendants on 29 September 1997 was withdrawn on instructions from the North of England that had been received overnight. The settlement offer was withdrawn because it had been made to avoid the necessity of a trial or arbitration hearing, and also because it was becoming clear from the evidence led to that point that the offer probably exceeded any amount that the Plaintiff was likely to be awarded by a significant margin. The Defendants had incurred enormous costs in defending the claim to that point, and the Defendants were concerned that if the offer was left open it might be accepted at the conclusion of the arbitration hearing, thereby preventing the Defendants from seeking any costs award since the offer had been made on an "all-inclusive" basis.

[11]            Les défenderesses soutiennent donc que l'on doit lire implicitement dans l'alinéa 420(2)a) des règles la même mention que celle se retrouvant à la règle 49.10 (2) des Rules of Civil Procedure de l'Ontario. Cette règle se lit:

   49.10 (2) Defendant's offer - Where an offer to settle,

    (a)        is made by a defendant at least seven days before the commencement of the hearing;

   (b)        is not withdrawn and does not expire before the commencement of the hearing; and


   (c)         is not accepted by the plaintiff,

and the plaintiff obtains a judgment as favourable as or less favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to party and party costs to the date the offer was served and the defendant is entitled to party and party costs from that date, unless the court orders otherwise.

[12]            Bien que l'argument des défenderesses présente un attrait certain, je ne crois pas que le cas en l'espèce commande que l'on lise la règle 420(2)a) des règles comme si elle se lisait avec le même libellé que la règle de l'Ontario.

[13]            Premièrement, les règles ont été édictées en avril 1998 alors que le denier amendement à la règle de l'Ontario semble remonter à 1991. Ainsi, on doit présumer que lorsque les règles furent édictées, le comité des règles de la Cour fédérale était au courant de la règle de l'Ontario et n'a pas choisi d'adopter le même libellé.

[14]            Deuxièmement, bien qu'il soit souhaitable que les craintes des défenderesses face à une offre de règlement ne se réalisent pas, les défenderesses auraient pu s'éviter cette crainte en stipulant que l'offre excluait les dépens si non acceptée avant le début du procès ou de tout arbitrage. Partant, peu importe le moment où une telle offre aurait pu être acceptée, la réserve quant aux dépens aurait pu permettre aux défenderesses de s'adresser à la Cour pour obtenir les dépens.

[15]            Troisièmement, la crainte d'acceptation tardive développée par les défenderesses semble venir uniquement de leur propre évaluation de la pensée interne gouvernant la demanderesse vers le quatrième jour de l'arbitrage. La crainte des défenderesses ne semble point venir d'indications ou de déclarations alors de la demanderesse. À cet égard, suivant la démonstration faite lors de l'audition de la requête à l'étude par le procureur de la demanderesse, en tout temps avant la réception de la décision de l'arbitre la demanderesse s'attendait à recevoir plus que l'octroi de l'arbitre, et ce, même si ce dernier avait retenu l'approche la plus sévère développée par les défenderesses dans leur expertise. On peut donc escompter que la demanderesse ne s'apprêtait pas à accepter l'offre.

[16]            Il y a donc lieu de considérer que la règle 420(2)a) ne peut recevoir ici application en faveur de l'octroi des dépens aux défenderesses à compter de la date de l'offre puisque celle-ci fut révoquée. Notons ici que même si cette offre ne peut emporter l'octroi des dépens, cela ne signifie pas que cette offre ne devrait pas recevoir un certain poids aux fins de la règle 400(3)e) (voir infra, par [28]).

[17]            Au niveau de l'octroi des dépens à l'une ou l'autre des parties, l'autre facteur qui mérite d'être envisagé - et qui doit selon moi gouverner l'octroi des dépens - est le résultat des procédures au sens de la règle 400(3)a).

[18]            Sous cet aspect, il m'apparaît que l'on doit considérer que c'est la demanderesse qui doit ici être vue comme victorieuse. En effet, l'arbitre a tranché l'élément de responsabilité en sa faveur. Il est indéniable que l'aspect responsabilité fut l'élément le plus préoccupant du débat lors de la préparation de l'arbitrage et lors de celui-ci.

[19]            De plus, une partie des dommages que la demanderesse réclamait lui fut octroyée. Le fait que la somme obtenue par la demanderesse soit fortement moindre que la somme réclamée pourra, tout comme le fait qu'il y ait eu une offre écrite, porter quant au quantum des dépens à accorder à la demanderesse.

[20]            Les défenderesses suggèrent qu'elles sont les gagnantes pour les fins de la règle 400(3)a) puisqu'elles ont mis de l'avant une offre supérieure au montant obtenu lors de l'arbitrage. Tel que soutenu par le procureur de la demanderesse, je ne pense pas que l'on doive tirer une conclusion sous l'alinéa 400(3)a) sur la base d'une offre qui est faite hors les procédures et qui demeure inconnue de ces dernières jusqu'à la toute fin.

[21]            Les dépens vont donc à la demanderesse. Reste toutefois à déterminer le quantum de ceux-ci.

[22]            À cet égard, la demanderesse a produit un mémoire de frais totalisant 79 015,44 $. Cette somme est composée d'une somme de 33 087,87 $ à titre de dépens sous le tarif B, 12 254,84 $ au titre de dépenses et 33 672,73 $ au titre de frais reliés aux experts.

[23]            Quant aux dépens du tarif B, on doit d'ores et déjà corriger certaines sommes. Il appert que la somme de 1 800 $ au titre de Attending Discovery doit être remplacée par une somme de 600 $. La somme de 5 000 $ au titre de Plaintiff's representative attending Arbitration doit être rayée entièrement puisque la demanderesse n'a pu justifier cette somme.

[24]            Les dépens sous le tarif B ne peuvent donc être supérieurs à 26 887,87 $.

[25]            La somme de 12 254,84 $ doit disparaître en entier puisqu'il fut démontré à l'audition de cette requête que les items la composant furent réclamés devant l'arbitre au titre des dommages. Partant, l'octroi de l'arbitre épuise tous les dommages. Les items composant la somme de 12 254,84 $ ne peuvent donc plus être ici réclamés à titre de dépenses.

[26]            Quant aux frais reliés aux experts, pour les motifs mentionnés au paragraphe précédent, une somme totalisant 5 423,58 $ (5 173,56 $ + 250,02 $) doit être retranchée de la somme de 12 875,60 $ reliée à Bodycote Technitrol Inc. Les frais reliés aux experts sont donc en principe de 28 249,15 $, soit la somme de 7 452,02 $ + 11 663,07 $ + 9 134,06 $.

[27]            Les dépens de la demanderesse ne peuvent donc en principe être supérieurs au total des sommes de 26 887,87 $ + 28 249,15 $, soit 55 137,02 $.

[28]            Maintenant, vu que les défenderesses ont présenté une offre écrite qui doit ici recevoir un certain poids en vertu de la règle 400(3)e) en raison de son caractère raisonnable et adéquat; vu que la somme recouvrée par la demanderesse en arbitrage est nettement moindre que la somme y réclamée (règle 400(3)b)), je suis d'avis ici en vertu de la règle 400(4) d'adjuger à la demanderesse, au lieu de ses dépens taxés, une somme globale de 40 000 $.

[29]            Vu que le succès est partagé quant à la présente requête, aucuns dépens ne seront accordés sur celle-ci.

Richard Morneau    

protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC),

le 6 novembre 2001


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES PROCUREURS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-625-97

Action réelle et personnelle

Entre :

FRANCOSTEEL CANADA INC.

                                                                 Demanderesse

et

LE M.V. "AFRICAN CAPE",

ses propriétaires, BONAVERIA SHIPPING CO. LTD. et

ses gérants, DIMKO INTERNATIONAL COMPANY S.A.

                                                                        Défendeurs


LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :le 26 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

EN DATE DU :6 novembre 2001

ONT COMPARU :


Me Richard L. Desgagnés

Me Marc Duquette

pour la demanderesse


Me Victor DeMarco

pour les défendeurs


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Ogilvy Renault

Montréal (Québec)

pour la demanderesse


Brisset Bishop

Montréal (Québec)

pour les défendeurs


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