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     T-2685-95

OTTAWA (Ontario), le 8 juillet 1997.

EN PRÉSENCE DE M. le juge MacKay

ENTRE :

     COCA-COLA LTÉE. et COCA-COLA BOTTLING LTD.,

     demanderesses,

     et

     MUSADIQ PARDHAN, faisant affaire sous

     la raison sociale UNIVERSAL EXPORTERS,

1106972 ONTARIO LIMITED, faisant affaire

sous la raison sociale UNIVERSAL EXPORTERS

et M. et MME UNTEL et TOUTE AUTRE PERSONNE

INCONNUE DES DEMANDERESSES QUI OFFRE EN VENTE,

VEND, EXPORTE OU FAIT LE COMMERCE DE PRODUITS

COCA-COLA TRANSBORDÉS,

     défendeurs.

     VU la demande présentée par les demanderesses en vue d'obtenir une ordonnance prescrivant que les frais afférents à l'exécution de l'ordonnance du juge Joyal en date du 19 décembre 1995 et à leur requête subséquente en injonction interlocutoire, entendue le 8 janvier 1996 et accordée par la Cour, soient fixés ou évalués et immédiatement payés;

     APRÈS avoir entendu les avocats des parties à Toronto le 20 février 1997, date à laquelle la Cour a décidé de surseoir au prononcé de sa décision, et après avoir examiné les arguments alors présentés;

     O R D O N N A N C E

     LA COUR ORDONNE QUE la demande de frais présentée par les demanderesses, au présent stade de l'action, soit rejetée et que les frais afférents aux requêtes mentionnées suivent l'issue de la cause.

     _____________________________

     JUGE

Traduction certifiée conforme :      ________________________

     C. Bélanger, LL.L.

     T-2685-95

ENTRE :

     COCA-COLA LTÉE. et COCA-COLA BOTTLING LTD.,

     demanderesses,

     et

     MUSADIQ PARDHAN, faisant affaire sous

     la raison sociale UNIVERSAL EXPORTERS,

1106972 ONTARIO LIMITED, faisant affaire

sous la raison sociale UNIVERSAL EXPORTERS

et M. et MME UNTEL et TOUTE AUTRE PERSONNE

INCONNUE DES DEMANDERESSES QUI OFFRE EN VENTE,

VEND, EXPORTE OU FAIT LE COMMERCE DE PRODUITS

COCA-COLA TRANSBORDÉS,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

     Il s'agit d'une demande présentée par les demanderesses afin d'obtenir que les frais qu'elles ont engagés relativement à l'exécution de l'ordonnance Anton Piller et à leur demande d'injonction interlocutoire soient fixés ou évalués et qu'ils soient immédiatement payés par les défendeurs, même si l'instruction de l'action, à l'égard de laquelle ces mesures ont été prises, n'a lieu que bien plus tard.

     Tout en reconnaissant qu'il est inhabituel que la Cour examine la question de l'adjudication des dépens à un stade interlocutoire de l'instance alors que les droits des parties n'ont pas encore été établis de manière définitive à la suite d'une instruction, les demanderesses affirment qu'il s'agit d'une affaire particulière.

     Voici un bref résumé du contexte en l'espèce. Par voie de déclaration déposée le 19 décembre 1995, les demanderesses ont introduit une action contre les défendeurs dans laquelle elles allèguent que ces derniers violent leurs marques de commerce, déprécie la valeur de ces marques et crée de la confusion dans les marchés où le Coca-Cola est vendu parce qu'ils vendent, dans des pays étrangers, du Coca-Cola qui est fabriqué pour être consommé au Canada seulement. Elles font également valoir que les défendeurs vendent ce produit sans entente de licence appropriée et contrairement aux arrangements qu'elles-mêmes ont pris concernant l'octroi de licences, la vente et la distribution de marchandises portant leurs marques de commerce, ce qui pourrait avoir des conséquences préjudiciables sur ces dernières. En effet, les marchandises portant leurs marques qui sont expédiées outre-mer n'ont pas été emballées en vue de ce genre de transport et elles sont donc susceptibles d'arriver à destination endommagées avant même d'être vendues, ce qui peut avoir des conséquences préjudiciables sur la perception qu'on a de ces marchandises dans le pays destinataire.

     Outre les mesures de redressement habituellement accordées dans les actions où on allègue la violation de marques de commerce, notamment le prononcé d'une injonction interlocutoire jusqu'à ce que l'instruction ait lieu ou que l'affaire soit tranchée, les demanderesses tentent également d'obtenir une ordonnance de type Anton Piller.

     Le 19 décembre 1995, en plus de déposer une déclaration dans le cadre de leur poursuite, les demanderesses ont demandé, ex parte et à huis clos, une ordonnance de type Anton Piller. Elles souhaitaient que la Cour, par le biais de cette ordonnance, enjoigne aux défendeurs de ne pas faire disparaître ou détruire les éléments de preuve concernant les présumées actes de violation et permette aux avocats des demanderesses d'avoir accès aux locaux et aux dossiers des défendeurs ainsi que de saisir et de conserver des éléments de preuve pour le compte des demanderesses. Mon collège le juge Joyal a prononcé une ordonnance à cet effet le 19 décembre 1995 contre certaines parties défenderesses nommées, M. et Mme Untel et toute personne ayant connaissance de l'ordonnance. Cette ordonnance prévoit que les [TRADUCTION] "frais afférents à la requête seront déterminés par le juge présidant l'instruction".

     Les avocats des demanderesses ont par la suite entrepris d'exécuter l'ordonnance Anton Piller. Ils ont saisi des documents et d'autres éléments de preuve concernant les activités des défendeurs qui sont visées par l'action des demanderesses. Parmi les éléments saisis se trouvait, prétend-on, un certain nombre de documents portant que les défendeurs étaient des mandataires autorisés à vendre les produits des demanderesses à l'étranger, ce qui n'est tout simplement pas le cas. Le 8 janvier 1996, les demanderesses ont présenté une demande afin d'obtenir deux ordonnances, que j'ai prononcées. Si je me souviens bien, les ordonnances ont été rendues après l'avis de requête habituel de deux jours, en l'absence des défendeurs, bien que ces derniers aient alors été représentés par un avocat qui a simplement comparu sans avoir reçu d'instructions quant aux requêtes dont la Cour était saisie.

     La première ordonnance portait que les originaux des documents saisis devaient être déposés et consignés à la Cour, et que les demanderesses pouvaient remettre des copies de ces documents aux avocats de la demanderesse Coca-Cola Ltée. et aux avocats des défendeurs dans le cadre d'une poursuite connexe engagée devant la Cour de district des États-Unis. Par ailleurs, l'ordonnance tranchait certaines questions incidentes, et prévoyait qu'il était sursis à l'adjudication des frais découlant de l'exécution de l'ordonnance du juge Joyal en date du 19 décembre 1995, dûment révisée, et de la requête du 8 janvier, [TRADUCTION] "jusqu'à nouvelle ordonnance de la Cour".

     La seconde ordonnance du 8 janvier 1996 consistait en une injonction interlocutoire prononcée dans l'attente de l'instruction, enjoignant aux parties défenderesses nommées de ne pas se livrer à des activités qui violent les marques de commerce des demanderesses. Elle imposait notamment aux défendeurs des interdictions relatives aux boissons des demanderesses portant des marques de commerce en ce qui concerne leur expédition et leur distribution ainsi que d'autres activités connexes touchant des territoires pour lesquels les défendeurs ne sont titulaires d'aucune licence leur permettant d'y expédier ou d'y distribuer ces produits. Cette ordonnance a été rendue sous réserve des droits des défendeurs de présenter une requête pour en faire modifier les modalités. Il a en outre été [TRADUCTION] "sursis à l'adjudication des frais jusqu'à nouvelle ordonnance de la Cour".

     Le 14 mars 1996, certaines parties défenderesses nommées ont déposé une défense et demande reconventionnelle. Les demanderesses ont présenté une requête pour faire radier certains passages de cet acte de procédure. La requête a été accueillie, du moins en partie, par une ordonnance du protonotaire adjoint Giles prenant effet le 15 mai 1996.

     En janvier 1997, les demanderesses ont déposé un avis de requête concernant la demande dont je suis actuellement saisi, à savoir de fixer ou d'évaluer les frais entraînés par l'exécution de l'ordonnance du juge Joyal et la requête en injonction interlocutoire, et d'en ordonner le paiement immédiat.

     La thèse des demanderesses, selon laquelle la présente affaire est inhabituelle et justifie l'adjudication des frais au présent stade de l'instance, se fonde sur divers facteurs. Premièrement, en raison de ces mesures préliminaires, les demanderesses ont dû engager des coûts très élevés, bien au-delà de 100 000 $, pour les frais d'avocats et les débours considérables pour payer les services des enquêteurs retenus simplement pour recueillir des éléments de preuve permettant d'introduire l'action et la présente instance. D'après les demanderesses, la longue enquête et les coûts initiaux élevés qu'elles ont dû engager ont été rendus nécessaires à cause de la façon dont les affaires des défendeurs sont organisées. En effet, on soutient qu'une des entreprises est située dans la résidence d'une des parties défenderesses nommées, mais qu'il est impossible d'obtenir facilement une adresse commerciale pour cet endroit par le biais de sources publiques. L'entité aurait également été exploitée sous divers noms, apparemment parce qu'on savait que le principal objet de l'affaire, soit l'expédition et la vente à l'étranger de Coca-Cola fabriqué au Canada pour le marché canadien, n'était aucunement autorisé par les titulaires des marques de commerce ni par une licence. On peut avancer que la plus grande partie des activités des défendeurs à cet égard est exercée clandestinement, du moins en ce sens que les défendeurs paraissent ne pas avoir été prêts à annoncer ou à reconnaître leur entreprise de la manière habituelle au sein des milieux d'affaires canadiens. Pourtant, à la lumière des documents saisis sous le régime de l'ordonnance Anton Piller, les demanderesses estiment que les ventes réalisées par les défendeurs en 1995 s'élèvent à environ 6 millions de dollars.

     Les demanderesses signalent que, depuis plus d'un an, aucune objection ferme n'a été opposée à leur action, aucune mesure n'a été prise en vue de faire modifier les ordonnances de la Cour ou de les porter en appel et aucune défense adéquate portant sur le bien-fondé de l'action des demanderesses n'a été présentée. La défense et demande reconventionnelle déposée en mars 1996 a été radiée pour l'essentiel et aucune défense modifiée n'a été déposée. Selon les demanderesses, les défendeurs n'ayant présenté au tribunal aucune observation quant au bien-fondé de l'action ni aucune preuve par affidavit laissant croire à l'existence d'un argument susceptible d'étayer la légitimité de leurs activités commerciales, l'action en cause ne peut aller plus loin. En effet, elle semble avoir été tranchée par l'injonction interlocutoire accordée précédemment, comme c'est le cas dans bien d'autres affaires où l'action est introduite contre des vendeurs de marchandises contrefaites ou contre ceux qui portent atteinte aux droits conférés par une marque de commerce et dont les activités n'ont aucun fondement légitime.

     Les avocats des demanderesses insistent sur le fait que la demande vise les frais entre parties et les débours engagés pour conduire une enquête raisonnable, comme ce fut le cas en l'espèce. Les demanderesses n'ont pas demandé de frais sur la base procureur-client. On souligne qu'il ressort clairement des éléments de preuve saisis sous le régime de l'ordonnance de la Cour que les défendeurs savaient qu'ils n'étaient pas autorisés à vendre à l'étranger, par ventes pour l'exportation, des marchandises portant des marques de commerce commercialisées dans le cours ordinaire des affaires au Canada, et achetées ici par les défendeurs pour être ensuite vendues à l'étranger. Les demanderesses soutiennent que ces marchandises ont été fabriquées pour être vendues en vue de leur consommation au Canada. Selon elles, les frais devraient être fixés à 30 000 $ entre parties par ordonnance de la Cour, et les débours (qui s'élèveraient à plus de 40 000 $ hors taxes) engagés pour payer les frais des enquêteurs dont les services ont été retenus pour permettre l'exécution de l'ordonnance Anton Piller devraient être adjugés à ce stade-ci de l'instance en plus de faire l'objet d'une ordonnance prévoyant leur paiement immédiat.

     Les avocats qui ont comparu pour les défendeurs en ce qui touche la demande de frais se sont montrés étonnés de cette demande, compte tenu de la décision rendue par la Cour d'appel dans l'arrêt Thurston Hays Developments Ltd. et al. c. Horne Abbott Ltd et al. (1985), 5 C.P.R. (3d) 124. En outre, les défendeurs affirment qu'en l'espèce les demanderesses n'ont pas déployé beaucoup d'efforts pour que l'instruction ait lieu le plus rapidement possible. Pourtant, il appartient aux demanderesses et non aux défendeurs de veiller à cet aspect de l'instance. De l'avis des défendeurs, les demanderesses traitent la présente action comme si elle était subordonnée à l'action principale qu'elles ont intenté devant le tribunal américain. On avance que les documents saisis aux termes de l'ordonnance Anton Piller rendue en l'espèce ont été invoqués dans le cadre de la poursuite judiciaire exercée aux États-Unis de sorte que les éléments de preuve obtenus grâce à l'enquête menée au Canada sont maintenant utilisés dans deux actions distinctes. Enfin, les défendeurs soutiennent que les frais engagés par les demanderesses pour retenir les services d'enquêteurs ou de procureurs ne devraient pas, en toute équité, être considérés comme des dépens, mais plutôt comme des dépenses qui, si elles sont effectivement recouvrables, le seraient à titre de dommages-intérêts.

     Je ne suis pas convaincu de l'opportunité de rejeter la requête en adjudication des frais au motif que les éléments de preuve saisis en l'espèce peuvent être utilisés, avec l'autorisation de la présente Cour, devant un autre tribunal ou que les dépenses entraînées par l'enquête devraient, selon les défendeurs, être traitées comme des dommages-intérêts. À mon avis, il s'agit plutôt de déterminer si, à la lumière des circonstances de l'affaire, le succès obtenu jusqu'à maintenant par les demanderesses dans le cadre de la procédure interlocutoire justifie l'adjudication de frais à ce stade-ci de l'instance.

     Bien qu'il ne soit apparemment assujetti à aucune restriction aux termes de la règle 344, le pouvoir discrétionnaire de la Cour en ce qui concerne les dépens doit être exercé suivant les principes judiciaires. Voici le texte de certaines parties importantes de cette règle :

         344. (1) La Cour a entière discrétion pour adjuger les frais et dépens aux parties à une instance, pour en déterminer la somme, pour les répartir et pour désigner les personnes qui doivent les supporter.         
         ...         
         (3) En exerçant sa discrétion conformément au paragraphe (1), la Cour peut tenir compte :         
         a) du résultat de l'instance;...                 
         p) de toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens.                 
         344. (4) La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en tenant compte ou non du tarif B et peut adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés.         
         ...                 
         (5) Nonobstant toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut, à sa discrétion :         
         a) adjuger ou refuser d'adjuger les dépens à l'égard d'une question ou d'une procédure particulière.                 

     À mon avis, le pouvoir discrétionnaire conféré par la règle 344 est assez large pour comprendre, dans les cas appropriés, le pouvoir d'ordonner le paiement d'une garantie pour les dépens à un stade interlocutoire, mais uniquement dans des situations exceptionnelles.

     La pratique suivie par la Cour est sans équivoque. À moins de circonstances particulières, les frais ne sont habituellement pas examinés, et ils sont rarement adjugés, dans le cadre d'une procédure interlocutoire antérieure à l'instruction. En effet, à cette étape, on considère généralement que les dépens suivent l'issue de l'instance et qu'ils seront fixés par le juge présidant l'instruction, au terme de celle-ci.

     Le raisonnement étayant cette pratique a été explicité par le juge Urie de la Cour d'appel dans l'arrêt Thurston Hays Developments Ltd. et al. c. Horn Abbott Ltd. et al., précité. Dans cette affaire, la Cour s'est penchée sur l'ordonnance rendue par le juge des requêtes qui, en accordant une injonction interlocutoire pour une présumée violation d'une marque de commerce, a ordonné l'adjudication de frais en faveur de la partie demanderesse peu importe l'issue de l'instance. Le juge des requêtes avait accompagné cette ordonnance d'une directive voulant que la partie demanderesse fournisse l'engagement habituel de compenser la partie défenderesse par le biais de dommages-intérêts dans l'éventualité où cette dernière obtiendrait gain de cause en défense. Quant à l'adjudication des frais, le juge Urie a précisé ce qui suit (5 C.P.R. (3d) 126) :

     Pour ce qui est de la question de l'adjudication des dépens sans égard au sort de la cause, pour être en mesure d'adjuger ainsi à cette étape, il faut nécessairement présumer que les appelants sont coupables ou encore qu'ils seront, selon toute probabilité, trouvés coupable de la contrefaçon alléguée par les intimées et donc qu'ils devraient être pénalisés en dépit du fait qu'il n'est pas du tout exclu qu'ils obtiennent gain de cause en défense lors de l'instruction de l'action intentée contre eux. Nous ne croyons pas que la décision d'imposer une telle pénalité relève d'un exercice adéquat de la discrétion judiciaire. Il est plus approprié, à notre avis, que l'adjudication soit "dépens à suivre". [...] l'ordonnance sera modifié[e] pour apporter ce changement.         

     Dans la décision Toronto-Dominion Bank c. Canada Trustco Mortgage Co. (1992), 50 F.T.R. 317, 40 C.P.R. (3d) 68 (C.F. 1re inst.), le juge Strayer a suivi cette pratique générale au moment de trancher une demande d'adjudication des dépens en faveur de la partie défenderesse et intimée à la suite du rejet de la requête en injonction interlocutoire de la partie demanderesse. À son avis, le raisonnement suivi dans l'arrêt Thurston Hays s'applique aussi dans le cas où la partie défenderesse qui a obtenu gain de cause demande des dommages-intérêts après le rejet de la requête en injonction interlocutoire de la partie demanderesse.

     Dans les circonstances bien particulières de certaines espèces, la Cour a proposé des facteurs exceptionnels susceptibles de justifier l'adjudication de frais à la suite d'une procédure interlocutoire antérieure à l'instruction. Dans l'affaire Tamec Inc. c. 2804166 Canada Inc. (1995), 104 F.T.R. 275, 63 C.P.R. (3d) 309 (C.F. 1re inst.), le juge Teitelbaum a rendu une ordonnance prorogeant l'injonction initialement accordée à titre provisoire relativement à une présumée violation d'un droit d'auteur et il a rendu une ordonnance Anton Piller afin d'empêcher la partie défenderesse de faire disparaître certains éléments de preuve. Il a en outre adjugé des dépens de 1 250 $, y compris les débours, à la partie demanderesse. Bien qu'il n'ait pas fourni d'explication directe sur ce point, il est arrivé à la conclusion que, dans cette affaire, la santé financière de la partie défenderesse était douteuse et que rien ne prouvait qu'elle serait en mesure de verser des dommages-intérêts si la partie demanderesse devait obtenir gain de cause à l'instruction. Dans l'affaire Smith & Nephew Inc. c. Glen Oak Inc. (1996), 64 C.P.R. (3d) 452 (C.F. 1re inst.), le juge Noël, appelé à se prononcer sur la question des dépens à une étape interlocutoire de l'instance, en a refusé l'adjudication, tout en précisant que, si les requêtes de la partie défenderesse, qu'il a rejetées, avaient été simplement futiles ou vexatoires, il aurait pu être opportun d'adjuger des dépens même avant la tenue de l'instruction.

     En l'espèce, les défendeurs n'ont avancé aucun argument pour justifier leurs actes ou contester les prétentions des demanderesses. Aucune défense complète ou modifiée n'a été déposée avant l'audition de la présente requête et certaines parties de la défense initiale déposée en l'espèce ont été radiées. Néanmoins, l'omission des défendeurs de présenter une défense à l'action, alors que les demanderesses n'ont pris aucune mesure concrète pour les pousser à se préparer en vue de l'instruction, ne constitue guère un fondement pour adjuger des frais à ce stade-ci de l'instance.

     Il existe toutefois un autre facteur susceptible d'être pertinent en l'espèce. Il paraît ressortir de la preuve par affidavit présentée par les demanderesses que les défendeurs se livrent, au Canada, à des activités correspondant à ce qu'on appelle la "commercialisation parallèle" à l'étranger. En effet, on allègue qu'ils achètent au Canada des boissons fabriquées dans ce pays sous le régime d'ententes de licence conclues par les demanderesses, et destinées à être vendues exclusivement sur le marché canadien, et qu'ils les distribuent ensuite dans d'autres pays, ou qu'ils y font la commercialisation, alors qu'ils ne sont titulaires d'aucune licence leur permettant de faire des affaires relatives à ce produit. Ces activités se font probablement au détriment des titulaires de licences dans ces pays étrangers, et de la demanderesse Coca-Cola Ltée. qui est propriétaire des marques de commerce. On soutient également que les défendeurs prétendent frauduleusement agir à titre de mandataires de cette demanderesse.

     Dans la mesure où cette activité a lieu au Canada, on fait valoir qu'elle viole les marques de commerce des demanderesses. La question de savoir s'il s'agit d'un acte constituant une violation aux termes de la Loi sur les marques de commerce pourrait être une question sérieuse à trancher lors de l'instruction. De toute manière, on ne peut dire à ce stade-ci de l'instance que ce soit une question futile ou fallacieuse. Je fais cette affirmation à la lumière de la décision rendue par la Cour d'appel dans l'arrêt Smith & Nephew Inc. c. Glen Oak Inc., [1996] 3 C.F. 565, 68 C.P.R. 153 (C.A.F.). La Cour avait à se prononcer sur la présumée commercialisation parallèle au Canada de marchandises en provenance de l'étranger et portant les marques d'un titulaire de marques de commerce. Bien que les faits en l'espèce soient différents, cette affaire paraît soulever, par analogie, de sérieuses questions au sujet des conséquences qu'ont ce genre d'activités sur les droits que confère une marque de commerce.

     Selon moi, les circonstances en l'espèce ne justifient pas la prise de la mesure exceptionnelle que constituerait l'adjudication des frais à ce stade-ci de l'instance. Il paraît y avoir des questions sérieuses à trancher. Au présent stade interlocutoire, il ne serait pas approprié d'adjuger les frais demandés et d'ordonner qu'ils soient payés immédiatement.

     La demande présentée par les demanderesses afin que les frais engagés relativement à l'instance interlocutoire dans le cadre de laquelle elles ont jusqu'à maintenant obtenu gain de cause soient fixés ou évalués, et que la Cour ordonne aux défendeurs de les payer immédiatement, est rejetée. Les frais découlant de l'instance en question suivront l'issue de la cause.

     _____________________________

     JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 8 juillet 1997.

Traduction certifiée conforme :      ________________________

     C. Bélanger, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-2685-95
INTITULÉ DE LA CAUSE :      COCA-COLA LTÉE. ET AL. c. MUSADIQ PARDHAN ET AL.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :           Le 20 février 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MACKAY LE 8 JUILLET 1997.

ONT COMPARU :

M. Andrew Shaughnessy                  POUR LES DEMANDERESSES

M. Chris Pibus

M. David Seed                      POUR LES DÉFENDEURS

M. Robert Liang

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling, Strathy & Henderson              POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Chauhan Associates                      POUR LES DÉFENDEURS

Richmond Hill (Ontario)

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