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     Date: 19980714

     Dossier: T-247-98

Entre :

             MICHEL LAFLAMME, détenu, présentement incarcéré à l'Établissement Drummond, situé au 2025, boul. Jean de Bréboeuf, à Drummondville, district de Drummond, province de Québec, J2B 7Z6;                         

     Demandeur

     - et -

             SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA, sis au 3, Place Laval, à Laval, district de Laval, province de Québec, H7W 1A2;                         

     Défendeur

     - et -

             PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, sis au 1, rue Notre-Dame Est, local 4.100, à Montréal, district de Montréal, province de Québec, H2Y 1B6;                         
     Défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise la décision du président du Tribunal disciplinaire de l'Établissement Drummond (le tribunal), datée du 21 janvier 1998, déclarant le demandeur coupable d'une infraction disciplinaire et imposant une sentence de cinq jours de détention avec perte de privilèges.

[2]      Tant ce qui était reproché au demandeur que sa sentence disciplinaire apparaissent sur un même document intitulé "Rapport de l'infraction d'un détenu et Avis de l'accusation" (l'Avis). Dans un premier temps, bien en évidence, l'Avis décrit comme suit l'infraction reprochée:

         A EN SA POSSESSION UN BIEN VOLÉ.                 
         LORS DE LA FOUILLE DE SA CELLULE, NOUS AVON (sic) TROUVÉS (sic) UN (sic) LUMIÈRE D'URGENCE.                 
         "VOIR NOTE DE SERVICE"                 

[3]      La note de service en question fait état de la disparition de trois ampoules dans les fixtures de "SORTIE" du côté des cellules 22 à 42 de l'Établissement et requiert l'application des sanctions prévues, de même que l'exercice d'une surveillance appropriée.

[4]      Un peu plus loin, cependant, vers le milieu de l'Avis, il est indiqué que l'accusation est portée en vertu du paragraphe 40i) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. (1992), ch. 20 (la Loi).

[5]      Or, cet article 40 de la Loi énumère les diverses infractions disciplinaires dont peut être trouvé coupable un détenu. C'est au paragraphe 40e) qu'on retrouve l'infraction d'avoir en sa possession un bien volé:

40. An inmate commits a disciplinary offence who

     [. . .]
     (e) is in possession of stolen property;

40. Est coupable d'une infraction disciplinaire le détenu qui :

     [. . .]
     e) a en sa possession un bien volé;

[6]      Quant au paragraphe 40i), il se lit comme suit:

40. An inmate commits a disciplinary offence who

     [. . .]
     (i) is in possession of, or deals in, contraband;

40. Est coupable d'une infraction disciplinaire le détenu qui:

     [. . .]
     i) est en possession d'un objet interdit ou en fait le trafic;

[7]      Ainsi, la possession d'un bien volé et celle d'un objet interdit constituent deux infractions disciplinaires distinctes et l'Avis, qui est sensé aussi constituer la décision du tribunal, ne fait qu'indiquer les détails de la peine, sans préciser pour laquelle des deux infractions le demandeur a été trouvé coupable.

[8]      Or, le paragraphe 43(3) de la Loi prévoit:

(3) The person conducting the hearing shall not find the inmate guilty unless satisfied beyond a reasonable doubt, based on the evidence presented at the hearing, that the inmate committed the disciplinary offence in question.

(3) La personne chargée de l'audition ne peut prononcer la culpabilité que si elle est convaincue hors de tout doute raisonnable, sur la foi de la preuve présentée, que le détenu a bien commis l'infraction reprochée.

             (Mon emphase.)                 

[9]      En l'espèce, la preuve documentaire pertinente est donc imprécise et ne permet pas de savoir laquelle des infractions indiquées à l'Avis constitue "l'infraction reprochée" aux fins de l'application du paragraphe 43(3) ci-dessus. Ainsi, le demandeur ne semble pas avoir été traité de façon équitable, puisqu'il ne pouvait savoir à quelle accusation précise il devait répondre.

[10]      De plus, l'article 33 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, SOR/DORS/92-620, requérait que l'audition disciplinaire du demandeur soit enregistrée:

33. (1) The Service shall ensure that all hearings of disciplinary offences are recorded in such a manner as to make a full review of any hearing possible.

(2) A record of a hearing shall be retained for a period of at least two years after the decision is rendered.

(3) An inmate shall be given reasonable access to the record of the inmate's hearing.


33. (1) Le Service doit veiller à ce que toutes les auditions disciplinaires soient enregistrées de manière qu'elles puissent faire l'objet d'une révision complète.

(2) Les enregistrements des auditions disciplinaires doivent être conservés pendant au moins deux ans après la date de la décision.

(3) Tout détenu doit avoir accès, dans des limites raisonnables, à l'enregistrement de son audition disciplinaire.

[11]      En raison d'une défectuosité mécanique des amplificateurs de son, l'enregistrement de l'audition, ici, n'a pu être fait de façon efficace et est inaudible. L'enregistrement prévu par la Loi, s'il avait bien fonctionné, aurait certes permis à cette Cour, en révision, de conclure de façon plus éclairée tant sur la question de l'équité procédurale que celle de l'application du paragraphe 43(3) de la Loi par le tribunal.

[12]      Dans un contexte où le demandeur a toujours soutenu n'avoir jamais été en possession de l'objet en cause, ignorant comment celui-ci a pu se retrouver dans sa cellule non verrouillée, l'absence d'un enregistrement audible empêche aussi cette Cour de réviser adéquatement l'appréciation de la preuve faite par le tribunal administratif et ses conclusions de fait.

[13]      Dans les circonstances, je suis donc d'avis qu'il existe une "possibilité sérieuse" d'une erreur telle que l'absence d'enregistrement empêche le demandeur de faire valoir ses moyens de demande de contrôle judiciaire lui résultant des droits qu'il possède en vertu de la justice naturelle, de l'équité procédurale et de la Loi (voir SCFP c. Montréal, [1997] 1 R.C.S. 793, aux pages 840 et 841).

    

[14]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est accordée, la décision du tribunal, en date du 21 janvier 1998, est annulée et l'affaire est renvoyée au Tribunal disciplinaire de l'Établissement Drummond pour nouvelle audition.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 14 juillet 1998


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