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Date : 20010614

Dossier : T-465-01

Référence neutre : 2001 CFPI 659

ENTRE :

     LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA

                                                                                                 demandeur

                                                    - et -

LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DU BUREAU CANADIEN D'ENQUÊTE SUR LES

ACCIDENTS DE TRANSPORT ET DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS

                                                                                                  défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]    Dans le cadre de la présente demande, en vertu des règles 303(1)a) et 104(1)b) des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles), NAV CANADA sollicite une ordonnance pour être constituée comme défenderesse dans la demande et, subsidiairement, comme intervenante aux termes de la règle 109 avec le droit de déposer sa preuve, de participer aux contre-interrogatoires, de soumettre des observations écrites et de présenter des arguments verbaux.


1. Les faits

[2]    Depuis le 1er novembre 1996, NAV CANADA, une société privée, est le principal fournisseur de services de navigation aérienne civile dans l'espace aérien canadien et international dont la responsabilité a été déléguée au Canada. Ces services comprennent la prestation de services de contrôle de la circulation aérienne, d'information de vol et d'information aéronautique.

[3]    Les services de contrôle de la circulation aérienne, d'information de vol et d'information aéronautique assurés par les contrôleurs aériens et les spécialistes des services de vol de NAV CANADA sont une activité extrêmement spécialisée et complexe exigeant la participation de personnel ayant reçu une formation spéciale, notamment dans les communications avec le personnel naviguant.

[4]    NAV CANADA enregistre les conversations entre ses contrôleurs aériens et ses spécialistes de l'information de vol et le personnel naviguant pendant l'exercice de leurs fonctions, dans tous les cas pour ses propres fins. Avant le 1er novembre 1996, les services de navigation aérienne civile relevaient de Transports Canada. Le ministère assurait la confidentialité de ces bandes sonores et de toutes les transcriptions qui pouvaient en être faites. Depuis que NAV CANADA a pris la responsabilité du système de navigation aérienne civile, elle a toujours maintenu que ces bandes et ces transcriptions sont confidentielles et ne peuvent pas être communiquées au public.


[5]                 L'affidavit de Kathleen C. Fox, contrôleur aérien qualifié, donne trois raisons pour justifier cette position. Ces raisons sont contenues dans certaines parties de son affidavit non contestées par le demandeur (le Commissaire).

[6]                 Premièrement, les bandes sonores et la transcription des communications avec les services de la circulation aérienne (ATS) ne donnent qu'une idée partielle de la totalité des événements qui se passent dans le poste de pilotage et au poste du contrôleur. Leur communication pourrait donner des informations trompeuses à des tiers concernant les événements qui se produisent réellement.

[7]                 Deuxièmement, quand NAV CANADA a pris la responsabilité de l'exploitation du système de navigation aérienne civile, elle a convenu avec le gouvernement d'assurer la même qualité et la même étendue de services de navigation aérienne civile que ceux qui étaient offerts par la Couronne. Après ce transfert, NAV CANADA a utilisé les mêmes procédures que le gouvernement. La politique de confidentialité des communications avec ATS et l'interdiction de divulguer les bandes sonores et leur transcription remontent à une date antérieure à la date à laquelle NAV CANADA a accepté de prendre en charge le système de navigation aérienne.


[8]                 Troisièmement, l'utilisation par NAV CANADA de ces bandes sonores est restreinte par les clauses de ses conventions collectives en vigueur avec, notamment, l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien (ACCTA), qui est l'agent négociateur accrédité représentant les contrôleurs aériens de NAV CANADA.

2. La présente instance

[9]                 Dans la présente instance, le Commissaire a déposé une demande aux termes des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information (L.R.C. 1985, ch. A-1) (la Loi) en vue d'obtenir une ordonnance exigeant que le défendeur (le Bureau de la sécurité des transports) communique certaines bandes sonores des conversations entre les contrôleurs aériens de NAV CANADA et un équipage particulier relativement à un accident d'aviation qui s'est produit près de Clarenville (Terre-Neuve), le 19 mai 1998, impliquant un aéronef de Kelner Airways. La demande allègue que le Bureau de la sécurité des transports a commis une erreur dans son application de l'article 19 de la Loi. Cet article autorise le responsable d'une institution fédérale à refuser de communiquer certains renseignements personnels, selon le sens de cette expression à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. ( 1985), ch. P-21).

[10]            Les bandes sonores en question ont été remises au Bureau de la sécurité des transports par NAV CANADA et contiennent les voix des employés de NAV CANADA dans l'exercice de leurs fonctions.


[11]            Dans une partie non contestée de son affidavit, Kathleen C. Fox a déclaré qu'à sa connaissance Transports Canada n'a jamais communiqué de bandes sonores ou de transcriptions de ces bandes au public et que NAV CANADA n'a jamais divulgué ces bandes ou leur transcription au public ou consenti à ce qu'elles le soient.

[12]            Par contre, il est arrivé une seule fois dans le passé qu'avant de remettre l'original des bandes sonores au Bureau de la sécurité des transports, NAV CANADA en ait fait une transcription interne qu'elle a remise au Bureau de la sécurité des transports. Quand elle a été informée que le Bureau de la sécurité des transports avait l'intention de communiquer cette transcription, NAV CANADA s'y est opposée et le Bureau a accepté de ne pas la divulguer, mais il a préparé sa propre transcription qu'il a communiquée avant d'en aviser NAV CANADA.

3. Le droit et la jurisprudence

[13]            La règle 303(1)a) dispose que toute personne directement touchée par une ordonnance recherchée dans une demande doit être désignée à titre de défendeur dans la demande. L'article est rédigé dans les termes suivants :

303.(1) Défendeurs - Sous réserve du paragraphe (2), le demandeur désigne à titre de défendeur :

a)             toute personne directement touchée par l'ordonnance recherchée, autre que l'office fédéral visé par la demande;


[14]            Et la règle 104(1)b) stipule que la Cour peut à n'importe quel moment constituer comme partie à l'instance toute personne qui aurait dû l'être ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l'instance.

[15]            Dans la décision Apotex Inc. c. Canada (Procureur général) et autres (1994), 79 F.T.R.    235, ma collègue, Mme le juge Simpson, a énoncé les cinq facteurs suivants comme étant les facteurs pertinents à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour de désigner un défendeur dans une demande de contrôle judiciaire :

1.             L'état de la cause. Comment l'affaire a-t-elle évolué sur le plan de la procédure et du fond jusqu'à maintenant? Les questions en litige ont-elles été bien cernées?

2.             Les incidences de la décision. Qui sera touché? Les questions en litige intéressent-elles les parties, un groupe plus large comme un secteur industriel ou le grand public?

3.             La nature des droits que les parties requérantes font valoir. Sont-ils directs ou indirects? Sont-ils d'ordre substantiel, procédural ou économique?

4.             La nature des éléments de preuve que les parties ou les intervenants projetés sont en mesure de présenter et la question de savoir s'ils aideront la Cour à en venir à une décision.

5.             L'aptitude des parties actuelles à présenter tous les éléments de preuve pertinents et leur enthousiasme apparent pour cette tâche.


4. L'analyse en fonction des cinq critères

[16]            Premièrement, en ce qui concerne l'état de la cause, l'avis de demande a été émis et la demande introduite. Le Commissaire a déposé certains affidavits et le Bureau de la sécurité des transports a fait de même en réponse à ceux du Commissaire. Il n'y a pas encore eu de contre-interrogatoire, et les avocats des parties s'entendent pour dire qu'il n'y en aura pas tant que le statut de NAV CANADA ne sera pas déterminé. Donc, cette question n'est pas assez avancée pour écarter la possibilité d'un deuxième défendeur.

[17]            Deuxièmement, en ce qui concerne les incidences de la décision, les parties touchées, outre le pilote, seront NAV CANADA et ses employés et, plus particulièrement, les contrôleurs aériens dont les voix se retrouvent sur la bande sonore.

[18]            Troisièmement, la nature des droits que NAV CANADA fait valoir. Ce sont des droits directs qui sont plus que des questions de procédure, étant donné que la communication des renseignements peut avoir des répercussions sur ses relations avec ses propres employés et peut-être même avec le grand public.


[19]            Quatrièmement, la nature des éléments de preuve que NAV CANADA est en mesure de produire, en raison de son expérience technique de la question, peut aider la Cour à prendre une décision. NAV CANADA est le seul organisme au Canada qui assure le contrôle de la circulation aérienne pour tout le pays en vertu de la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile (L.C.    1996, ch. 20). Elle est autorisée à le faire depuis le 1er novembre 1996.

[20]            Cinquièmement, les parties n'ont pas la capacité qu'a NAV CANADA de produire une partie de la preuve pertinente qu'elle est tout à fait prête à fournir. En outre, le défendeur déjà désigné appuie la demande de NAV CANADA.

5. Les prétentions du Bureau de la sécurité des transports

[21]            Le Bureau de la sécurité des transports prétend que la participation de NAV CANADA à cette instance aidera la Cour étant donné qu'elle apportera un point de vue différent sur les questions complexes qui sont en jeu. NAV CANADA serait en mesure de répondre aux questions concernant les personnes dont les voix ont été enregistrées et, plus particulièrement, les attentes relatives à la protection des renseignements personnels qu'ont les contrôleurs aériens dans leurs communications sonores. Elle peut décrire le contexte dans lequel travaillent les contrôleurs aériens et le préjudice qui pourrait être causé aux droits et aux intérêts de ces personnes si ces renseignements étaient divulgués. C'est le propriétaire de la bande sonore qui fait l'objet de cette instance et les droits de ses employés sont directement touchés. En outre, NAV CANADA possède une connaissance et une expertise approfondies concernant les services de contrôle aérien.


[22]            Comme NAV CANADA n'a pas reçu l'avis prévu à l'article 27 de la Loi, elle a été empêchée de présenter des observations en vertu de l'article 20 au Bureau de la sécurité des transports. En tant que partie défenderesse, NAV CANADA serait autorisée à soumettre des observations complètes sur toutes les questions pertinentes.

6. Les prétentions du Commissaire

[23]            Subsidiairement, le Commissaire ne s'opposerait pas à la participation de NAV CANADA en tant qu'intervenante, en limitant cette participation à des observations écrites et verbales seulement, sans droit d'appel et de contre-interrogatoire. Toutefois, il s'oppose à ce que le plein statut de défenderesse soit accordé à NAV CANADA au motif que cette société n'a pas qualité pour agir, étant donné qu'elle n'est pas une institution fédérale et qu'elle n'est donc pas dispensée de se conformer à la Loi. Il soutient que NAV CANADA souhaite intervenir uniquement pour s'assurer que ses droits, en tant que propriétaire des bandes sonores en question, sont protégés, et que ses intérêts dans d'autres litiges en vertu de la Loi sont préservés. Ces questions sont soulevées en vertu du paragraphe 20(1), mais NAV CANADA est empêchée de soulever ces nouveaux motifs dans le cadre de la présente instance. Qui plus est, la position de NAV CANADA est adéquatement défendue par le Bureau de la sécurité des transports et il n'y a vraiment aucune nécessité pour NAV CANADA d'intervenir, et encore moins de participer à titre de défenderesse.


[24]            À mon avis, ces allégations sont prématurées étant donné qu'elles se rapportent principalement au bien-fondé de la cause que NAV CANADA aurait présentée si elle avait reçu l'avis de mise en cause prévu à l'article 27 de la Loi. Les arguments du Commissaire seront entendus en temps et lieu. Pour le moment, il suffit de décider si NAV CANADA est directement touchée par l'ordonnance recherchée dans la demande, et, à mon avis, c'est le cas : par conséquent, elle est autorisée à comparaître à titre de défenderesse. On ne peut présumer que le Bureau de la sécurité des transports protégera les intérêts de NAV CANADA.

7. Dispositif

[25]            La demande est accueillie et il est par les présentes ordonné aux termes des règles 303(1)a) et 104(1)b) des Règles de la Cour fédérale (1998) que NAV CANADA soit désignée comme défenderesse dans la présente demande.

Juge

OTTAWA (Ontario)

le 14 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL. L., trad. a.


Date : 20010614

Dossier : T-465-01

OTTAWA (ONTARIO), LE 14 JUIN 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE :

     LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA

                                                                                                 demandeur

                                                    - et -

LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DU BUREAU CANADIEN D'ENQUÊTE SUR LES

ACCIDENTS DE TRANSPORT ET DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS

                                                                                                  défendeur

                                           ORDONNANCE

La demande de NAV CANADA pour être désignée comme défenderesse est accueillie.

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL. L., trad. a.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-465-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Commissaire à l'information du Canada

c.

Le directeur général du Bureau canadien de la sécurité des transports et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 5 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

DATE DES MOTIFS :                        le 14 juin 2001

ONT COMPARU

Daniel Brunet                                            POUR LE DEMANDEUR

Marc-Aurèle Racicot

Mary Caldbick                                        POUR LE DÉFENDEUR

Neil Wilson                                              POUR LA DÉFENDERESSE

Ritu Gambhir                                            NAV CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Bureau du Commissaire à l'information POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

McCarthy, Tétrault                                  POUR LE DÉFENDEUR

Ottawa (Ontario)

Gowling, Lafleur, Henderson LLP          POUR LA DÉFENDERESSE

Ottawa (Ontario)                                     NAV CANADA

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