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Date : 20000405

Dossier : T-1064-98

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2000

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

TIME WARNER ENTERTAINMENT COMPANY, L.P.,

demanderesse,

- et -

Mme UNETELLE et M. UNTEL et LES PERSONNES, DONT LE NOM EST INCONNU, QUI OFFRENT EN VENTE, VENDENT, IMPORTENT, FABRIQUENT, PRODUISENT, IMPRIMENT, DISTRIBUENT, ANNONCENT, MONTRENT, ENTREPOSENT OU EXPÉDIENT DES PERSONNAGES LOONEY TUNES NON AUTORISÉS OU CONTREFAITS, OU EN FONT LE COMMERCE, ET LES PERSONNES ÉNUMÉRÉES À L'ANNEXE A,

défendeurs.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER


[1]    Il s'agit d'un groupe de dossiers où le nombre de défendeurs est important en raison de la signification et de l'exécution d'ordonnances Anton Piller successives visant diverses personnes. Ces dossiers ont fait l'objet d'un avis d'examen en réponse auquel l'avocate de la demanderesse a présenté des observations. Pendant le déroulement de l'examen de l'état de l'instance, différentes mesures ont été prises, y compris le dépôt de requêtes en jugement par défaut et de requêtes en jugement. Je suis saisi des dossiers pour mener à terme l'examen de l'état de l'instance.

[2]    Il s'agit en l'espèce d'une action inhabituelle en ce qu'il peut y avoir un grand nombre de défendeurs dont le seul point commun est qu'ils ont ou qu'ils auraient porté atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la demanderesse. Il ne s'agit pas d'une instance à défendeurs multiples où il existe un lien d'ordre factuel entre les défendeurs. Dans la présente affaire, à chacun des défendeurs correspond un ensemble de faits distinct donnant lieu à une allégation distincte, même si cette dernière est formulée dans une seule déclaration visant de nombreux défendeurs. Dans les circonstances, il est inutile d'envisager de poursuivre l'instance, sauf à l'égard de certains défendeurs en particulier.

[3]    La tenue d'un examen de l'état de l'instance dans un tel contexte s'est révélée difficile. On a déjà pensé qu'une action de cette nature pouvait échapper à l'examen de l'état de l'instance, mais le juge en chef adjoint Richard (désormais juge en chef) a statué que ce genre de dossier était assujetti aux Règles de la Cour fédérale (1998), y compris les dispositions relatives à l'examen de l'état de l'instance. À l'invitation du juge en chef adjoint Richard, trois catégories de défendeurs ont été définies :


-            le défendeur à l'égard duquel le demandeur pouvait obtenir un jugement par défaut, mais ne l'a pas fait.

-            le défendeur à l'égard duquel le demandeur n'avait pas l'intention de poursuivre l'instance jusqu'à l'obtention d'une ordonnance définitive.

-            le défendeur à l'égard duquel le demandeur avait l'intention d'obtenir une ordonnance finale en présentant une requête en jugement sommaire ou une requête en jugement.

[4]                Il existe une quatrième catégorie dont le juge en chef adjoint n'a pas fait mention. Elle correspond au défendeur à l'égard duquel le demandeur a déjà obtenu une ordonnance définitive ou a déposé un avis de désistement.

[5]                L'avocate a présenté des observations concernant les trois premières catégories de défendeurs mais, depuis, des requêtes en jugement par défaut ont été formulées et accueillies et des requêtes visant l'obtention d'un jugement sommaire ou d'un autre redressement ont été déposées. Ainsi, dans de nombreux cas, l'état de l'instance en ce qui a trait à un défendeur donné n'est plus le même. Si l'action doit suivre sont cours, contre qui l'instance doit-elle être poursuivie?


[6]                Dans les cas où un jugement par défaut a été obtenu, la question de la gestion de l'instance ne se pose plus, car une ordonnance de la Cour a mis fin à l'instance. De même, lorsqu'une ordonnance définitive a été rendue, par consentement ou non, il n'y a plus lieu de gérer l'instance vu l'arrêt de la Cour d'appel dans Carpenter Fishing Corporation c. Canada, [1998] 2 C.F. 548, selon lequel une action ne doit donner lieu qu'à une seule ordonnance définitive. Partant, l'action dans le cadre de laquelle une injonction permanente est décernée est tenue pour réglée et ne doit pas demeurer pendante pour le cas où le défendeur ne respecterait pas une transaction comportant le versement d'une somme. Le non-respect d'une transaction confère en lui-même une cause d'action. Vu les démarches entreprises en l'espèce depuis l'avis d'examen, la Cour n'est pas en mesure de déterminer facilement à l'égard de quels défendeurs la gestion de l'instance pourrait avoir lieu. L'avocate est donc invitée à lui présenter la liste des défendeurs qui sont visés par la gestion de l'instance du fait qu'aucune ordonnance définitive n'a été rendue (ou aucun avis de désistement n'a été donné) à leur égard et que la demanderesse n'a pas renoncé à les poursuivre.


[7]                En règle générale, la Cour ne permet pas la poursuite de l'instance une fois qu'un examen de l'état de l'instance a été entrepris. La raison en est que l'avis d'examen ne presse pas les parties d'agir, mais permet plutôt à la Cour de se pencher sur la façon dont le demandeur a mené l'instance et de déterminer si cette dernière devrait être poursuivie. Baroud c. Canada, [1998] A.C.F. no 1729. Permettre que d'autres étapes soient franchies pendant l'examen de l'état de l'instance devancerait dans les faits l'issue de la procédure d'examen. Compte tenu de ce qui a été fait auparavant, toute démarche déjà entreprise peut être menée à terme sans qu'une autre ordonnance ne soit rendue en ce sens, sous réserve cependant de toute ordonnance jugée opportune par le juge responsable de la gestion de l'instance. Aucune autre étape ne peut être franchie avant la désignation de ce dernier.


[8]                En outre, aucune autre personne ne doit être constituée partie défenderesse avant la désignation du juge responsable de la gestion de l'instance, ni sans l'autorisation de ce dernier par la suite. Il en est ainsi parce qu'il est difficile de procéder à un examen méthodique lorsque le nombre des personnes en cause varie. De plus, les difficultés d'ordre pratique associées au grand nombre des parties défenderesses dans le cadre de la présente action, ainsi que dans d'autres actions semblables, justifient un certain plafonnement de ce nombre. Il est jusqu'à un certain point logique en l'espèce de limiter le nombre des défendeurs à ce qu'il est actuellement, sous réserve du pouvoir discrétionnaire du juge responsable de la gestion de l'instance. Il pourrait être justifié d'exiger de la demanderesse qu'elle intente une nouvelle action contre les autres défendeurs éventuels une fois que la gestion de l'instance aura débuté en l'espèce. Il incombera au juge responsable de la gestion de l'instance d'en décider.

[9]                Avant d'être rendus, les présents motifs ont été communiqués à l'avocate sous forme d'ébauche car elle n'avait pas eu l'occasion de faire connaître à la Cour son point de vue au sujet de différentes questions soulevées dans les motifs. L'avocate s'oppose à l'alinéa 5a) de l'ordonnance en raison des différentes affaires en instance dont le règlement sera retardé si le déroulement de la procédure est suspendu jusqu'à la désignation du juge responsable de la gestion de l'instance. Le paragraphe 5 de l'ordonnance est subordonné au paragraphe 4, qui prévoit que toute mesure prise contre les défendeurs peut suivre son cours sans que la Cour n'ait à rendre une autre ordonnance en ce sens dans la mesure où les documents exigés ont été signifiés et déposés. Voilà qui répond, à mon avis, à l'opposition de l'avocate. L'alinéa 5b) de l'ordonnance vise la situation où des instructions ont été données pour que des demandes visant l'obtention de jugements sommaires soient présentées, mais où cela n'a pas encore été fait. En conséquence, l'ordonnance sera rendue conformément à l'ébauche :


ORDONNANCE

Lecture faite des observations présentées en réponse à l'avis d'examen, la Cour ordonne ce qui suit :

1-          Au plus tard 30 jours après la date de la présente ordonnance, l'avocate remet à la Cour la liste de tous les défendeurs à l'égard desquels la demanderesse n'a pas obtenu une ordonnance définitive ou déposé un avis de désistement et contre lesquels elle compte prendre d'autres mesures dans le cadre de l'action (la « liste des dossiers actifs » ).

2-          L'action est gérée à titre d'instance à gestion spéciale quant aux défendeurs figurant sur la liste des dossiers actifs.

3-          Toutes les instances engagées contre des défendeurs ne figurant pas sur la liste des dossiers actifs et à l'égard desquels la demanderesse n'a pas obtenu une ordonnance définitive ou déposé un avis de désistement sont rejetées pour cause de retard. La demanderesse est autorisée à détruire les biens de ces défendeurs qui ont été saisis ou à s'en départir.


4-          Toutes les mesures prises contre les défendeurs figurant sur la liste des dossiers actifs, dans la mesure où, à la date de la présente ordonnance, les documents exigés ont été signifiés et déposés, peuvent être menées à terme sans que la Cour ne rende une autre ordonnance en ce sens.

5-          a)          Sous réserve du paragraphe 4, aucune nouvelle mesure n'est prise contre un défendeur figurant sur la liste des dossiers actifs avant la désignation du juge responsable de la gestion de l'instance.

b)          L'avocate établit un calendrier faisant état des mesures devant être prises pour que l'instance soit menée à terme contre les défendeurs figurant sur la liste des dossiers actifs et elle la transmet au juge responsable de la gestion de l'instance au plus tard 30 jours après la date de la présente ordonnance.

c)          Dans le cas où les mesures énoncées dans le calendrier ne seraient pas menées à terme dans le délai indiqué, le juge responsable de la gestion de l'instance peut, de son propre chef, rejeter l'instance engagée contre le défendeur en cause pour cause de retard sans autre avis à la demanderesse.


6-          Aucune autre personne n'est constituée partie défenderesse dans le cadre de la présente action avant la désignation du juge responsable de la gestion de l'instance ni sans l'autorisation de ce dernier par la suite.

            J.D. Denis Pelletier           

Juge                        

Traduction certifiée conforme            

                                                         

        Claire Vallée, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                    T-1064-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :    TIME WARNER ENTERTAINMENT COMPANY, L.P. c. Mme UNETELLE ET M. UNTEL ET AUTRES

EXAMEN PAR ÉCRIT SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PELLETIER en date du 5 avril 2000.

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Me MAY CHENG

Me COLLEEN SPRING ZIMMERMAN

POUR LA DEMANDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

FASKEN MARTINEAU DuMOULIN, S.R.L.

TORONTO

POUR LA DEMANDERESSE

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