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Date : 19990915


T-601-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 SEPTEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF ADJOINT


E n t r e :


     FOURNIER PHARMA INC.

     et FOURNIER INDUSTRIE ET SANTÉ,

     demanderesses,

     et

     APOTEX,

     défenderesse.

     ORDONNANCE

     LA COUR, STATUANT SUR la requête présentée par les demanderesses (requérantes) en vue d'obtenir une ordonnance interdisant à la défenderesse, à ses dirigeants, administrateurs, préposés, mandataires, employés, filiales, compagnies liées, distributeurs, ayants droit, coentreprises et à toute personne sur laquelle elle exerce un contrôle direct ou indirect ou avec laquelle elle agit de concert :

     a)      d'utiliser la couleur orange en liaison avec la vente, l'offre en vente et la distribution de sa capsule de 200 mg de fénofibrate ;
     b)      d'employer le mot " micro " dans sa marque de commerce ou son appellation commerciale en liaison avec lesquelles ses capsules de 200 mg de fénofibrate sont vendues, offertes en vente ou distribuées tant que les questions en litige dans la présente action n'auront pas été tranchées définitivement sur le fond dans le cadre d'un procès ou tant que la Cour n'aura pas rendu toute autre ordonnance qu'elle jugera à propos de rendre :

     REJETTE la requête et ADJUGE les dépens à la défenderesse.


     J. Richard

                                         Juge en chef adjoint



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.




Date : 19990915


T-601-99


E n t r e :


     FOURNIER PHARMA INC.

     et FOURNIER INDUSTRIE ET SANTÉ,

     demanderesses,

     et

     APOTEX,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD

NATURE DE L'INSTANCE

[1]      La Cour est saisie d'une requête en injonction interlocutoire présentée par les demanderesses (les requérantes) en vue de faire interdire à la défenderesse d'utiliser la couleur orange en liaison avec la vente, l'offre en vente et la distribution de sa capsule de 200 mg de fénofibrate et d'employer le mot MICRO dans sa marque de commerce ou son appellation commerciale en liaison avec lesquelles ses capsules de 200 mg de fénofibrate sont vendues, offertes en vente ou distribuées tant que les questions en litige dans la présente action n'auront pas été tranchées définitivement sur le fond à l'issue d'un procès.

[2]      À l'audition de la requête, l'avocat des demanderesses a précisé les réparations que les demanderesses sollicitent dans le cadre de la présente requête :

     [TRADUCTION]
         Une ordonnance interdisant à la défenderesse, à ses dirigeants, administrateurs, préposés, mandataires, employés, filiales, compagnies liées, distributeurs, ayants droit, coentreprises et à toute personne sur laquelle elle exerce un contrôle direct ou indirect ou avec laquelle elle agit de concert :
     a)      d'utiliser la couleur orange en liaison avec la vente, l'offre en vente et la distribution de sa capsule de 200 mg de fénofibrate ;
     b)      d'employer le mot " micro " dans sa marque de commerce ou son appellation commerciale en liaison avec lesquelles ses capsules de 200 mg de fénofibrate sont vendues, offertes en vente ou distribuées tant que les questions en litige dans la présente action n'auront pas été tranchées définitivement sur le fond dans le cadre d'un procès ou tant que la Cour n'aura pas rendu toute autre ordonnance qu'elle jugera à propos de rendre.

RAPPEL DES FAITS

[3]      La demanderesse, Fournier Industrie, une société française qui agit par l'intermédiaire d'un groupe de compagnies en exploitation et de filiales indirectes, dont l'autre demanderesse, Fournier Pharma, pour vendre ses produits, est le titulaire enregistré des lettres patentes canadiennes no 1 322 529 intitulées " forme posologique nouvelle de fénofibrate ". L'invention décrite et revendiquée dans ce brevet est constituée d'une composition thérapeutique qui comporte du fénofibrate et un agent tensioactif solide comicronisés. Son invention est utile spécialement pour le traitement par administration orale de l'hyperlipidémie et de l'hypercholestérolémie.

[4]      La demanderesse, Fournier Industrie, est également le titulaire enregistré de la marque de commerce canadienne no 454 029 portant sur le LIPIDIL MICRO, en liaison avec une préparation pharmaceutique qualifiée d'" hypolipidémiant ". De plus, la demanderesse a déposé, le 6 mai 1998, une demande en vue d'obtenir l'enregistrement d'une marque de commerce (S.N. 877 342) portant sur le dessin d'une capsule orange en liaison avec une préparation pharmaceutique destinée au traitement de l'hypercholestérolémie, de l'hypertriglycéridémie et de la dyslipidémie mixte. Cette demande d'enregistrement est toujours en instance.

[5]      Le 26 mars 1999, la défenderesse Apotex, un fabricant de médicaments génériques, a reçu un avis de conformité portant sur une composition pharmaceutique de fénofibrate commercialisée en liaison avec le nom APO-FENO MICRO. Cet avis de conformité certifiait que l'APO-FENO MICRO est le bioéquivalent du LIPIDIL MICRO.

[6]      Le 29 mars 1999 ou vers cette date, la défenderesse a offert l'" APO-FENO MICRO 200 mg " en vente au Canada. Elle le qualifie de médicament de rechange au " LIPIDIL MICRO" " et de régulateur du métabolisme lipidique. L'APO-FENO MICRO devait être vendu sous forme de capsule gélatineuse dure de couleur orange contenant 200 mg de fénofibrate.

[7]      Au moment de l'audition, la défenderesse tentait de faire reconnaître son produit comme un produit interchangeable dans les formulaires provinciaux de médicaments. Son produit est déjà inscrit sur ce formulaire en Alberta et en Nouvelle-Écosse et il fait partie de la liste de produits admissibles aux avantages afférents au régime d'assurance-médicaments en Colombie-Britannique.

[8]      Le 1er avril 1999, les demanderesses ont déposé une requête en vue d'obtenir une injonction provisoire. À l'appui de leur requête, elles invoquent une contrefaçon de brevet, une imitation frauduleuse, la contrefaçon de marque de commerce et des indications fausses et trompeuses. Compte tenu des éléments de preuve présentés par la défenderesse à l'audition de sa requête en injonction provisoire, éléments qui démontraient que le produit de la défenderesse ne renferme pas de fénofibrate micronisé, les demanderesses n'ont répondu à aucune des allégations relatives à la contrefaçon du brevet.

[9]      Le 12 avril 1999, le juge saisi des requêtes a rejeté la demande d'injonction provisoire sans frais. Il a conclu ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     Compte tenu du fait que les demanderesses n'ont pas présenté d'éléments de preuve suffisants pour démontrer qu'il y a une question sérieuse à juger et vu que la preuve n'est pas suffisante pour me permettre de conclure à un préjudice irréparable imminent, il n'y a de toute évidence aucune urgence en l'espèce. J'estime qu'il n'y a pas lieu en l'espèce de prononcer une injonction provisoire.

[10]      Un appel a été interjeté de cette décision le 10 avril 1999. Cet appel est toujours en instance.

[11]      À la suite de la décision du 12 avril 1999, les demanderesses ont modifié leur déclaration le 21 avril 1999. Elles ont supprimé les allégations de contrefaçon de brevet et ont invoqué les moyens prévus au paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence et les alinéas 7b) et 7d) de la Loi sur les marques de commerce.

[12]      À la suite du rejet de la requête en injonction provisoire et de la conclusion d'un contrat de licence entre les demanderesses et Pharmascience, un autre fabricant de médicaments génériques, Pharmascience, a commencé à commercialiser et à vendre un médicament contenant du fénofibrate micronisé appelé PMS Fenofibrate micro. Ce produit, qui est identique au LIPIDIL MICRO, est fabriqué par la demanderesse, Fournier Pharma.

[13]      Se fondant sur leur déclaration modifiée, les demanderesses soutiennent qu'il y a une question sérieuse à juger en raison du fait que la défenderesse :

     a) a violé, ou manifesté son intention délibérée de violer les droits de marque de commerce que les demanderesses possèdent à l'égard des marques de commerce canadiennes enregistrées sous le numéro 454 029, en contravention des articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 :
     b) a annoncé, commercialisé, offert en vente, vendu ou manifesté l'intention délibérée de vendre des capsules de fénofibrate ayant la même apparence que les capsules de fénofibrate micronisé des demanderesses ou qui créent autrement de la confusion avec ces dernières, ou a fait la promotion desdites capsules ou a fait le commerce desdites capsules ou manifesté son intention délibérée d'en faire le commerce ;
     c) a appelé l'attention du public sur ses capsules de fénofibrate de manière à causer ou à causer vraisemblablement de la confusion entre les capsules de fénofibrate de la défenderesse et le produit de fénofibrate des demanderesses, en violation de l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce :
     d) a employé ou a manifesté son intention délibérée d'employer l'aspect des capsules de fénofibrate micronisé de manière à faire déprécier la valeur de l'achalandage y afférent ;
     e) a employé ou a exprimé l'intention délibérée d'employer la marque de commerce LIPIDIL MICRO des demanderesses de manière à faire déprécier la valeur de l'achalandage y afférent, le tout contrairement au paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce ;
     f) a fait passer ou a manifesté son intention délibérée de faire passer les capsules de fénofibrate de la défenderesse pour les capsules de fénofibrate micronisé des demanderesses, en contravention de l'alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce ;
     g) a utilisé ou manifesté son intention délibérée d'utiliser la présentation des capsules de fénofibrate micronisé des demanderesses de manière à tromper le public en ce qui regarde les caractéristiques, la composition, la qualité ou le mode de fabrication, de production ou d'exécution des capsules de fénofibrate de la défenderesse, le tout en violation de l'alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce ;
     h) a utilisé ou manifesté son intention délibérée d'utiliser la marque de commerce APO-FENO MICRO d'une manière fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde les caractéristiques, la composition ou la qualité des capsules de fénofibrate de la défenderesse, le tout en violation de l'alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce ;
     i) a utilisé ou manifesté son intention délibérée d'utiliser la marque de commerce APO-FENO MICRO d'une manière fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde le mode de fabrication, de production ou d'exécution des capsules de fénofibrate de la défenderesse, le tout en violation de l'alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce ;
     j) a donné au public des indications fausses ou trompeuses sur un point important pour promouvoir directement ou indirectement la fourniture ou l'utilisation de son produit APO-FENO MICRO et de promouvoir ses intérêts commerciaux, en violation de l'alinéa 52(1)a) de la Loi sur la concurrence, L.R.C (1985), ch. C-34.

[14]      Les mots " FORMULATION MICRONISÉE " ne sont employés ni sur l'étiquette, ni sur la capsule, ni dans la monographie du produit de la défenderesse. Le mot " micro " apparaît sur l'étiquette du produit que le pharmacien reçoit, mais pas sur la capsule. La capsule est de couleur orange.

[15]      La présente instance n'est pas fondée sur une allégation de contrefaçon de brevet, étant donné que ce moyen a été abandonné. Elle ne repose pas non plus sur le défaut de la défenderesse de faire homologuer son médicament, puisqu'un avis de conformité lui a été délivré. Finalement, la présente instance n'est pas fondée sur la prétention que la défenderesse ne peut lancer sur le marché un médicament générique bioéquivalent à celui des demanderesses. La présente instance repose sur la prétention des demanderesses que la défenderesse contrefait sa marque de commerce et qu'elle trompe le public en employant le mot MICRO dans le nom qu'elle a donné à son médicament et en utilisant la couleur orange sur sa capsule.

[16]      Les demanderesses invoquent trois principaux moyens, qu'elles tirent des alinéas 7b) et 7d) de la Loi sur les marques de commerce et du paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES


[17]      Les alinéas 7a) et 7d) de la Loi sur les marques de commerce disposent :



     7. No person shall

     [...]

     (b) direct public attention to his wares, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his wares, services or business and the wares, services or business of another;

     [...]

     (d) make use, in association with wares or services, services, of any description that is false in a material respect and likely to mislead the public as to
         (i) the character, quality, quantity or composition,


         (ii) the geographical origin, or
         (iii) the mode of the manufacture, production or performance of the wares or services;

7. Nul ne peut :

     [...]

b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre ;

     [...]

d) utiliser, en liaison avec des marchandises ou services, une désignation qui est fausse sous un

rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde :

     (i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition,
     (ii) soit leur origine géographique,
     (iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d'exécution;

[18]      Le paragraphe 18(5) de la Loi sur les marques de commerce dispose :



     (5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including


     (a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

     (b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;
     (c) the nature of the wares, services or business;
     (d) the nature of the trade; and
     (e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y

compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure

dans laquelle ils sont devenus connus ;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage ;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises ;

d) la nature du commerce ;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la

présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.


[19]      Le paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence est ainsi libellé :



     52.(1) No person shall, for the purpose of promoting, directly or indirectly, the supply or use of a product or for the purpose of promoting, directly or indirectly, any business interest, by any means whatever,
     (a) make a representation to the public that is false or misleading in a material respect;
     (b) make a representation to the public in the form of a statement, warranty or guanrantee of the performance efficacy or lenght of life of a product that is not based on an adequate and proper test thereof, the proof of which lies on the person making the representation;
     (c) make a representation to the public in a form that purports to be
     (i) a warrantee or guarantee of a product, or
     (ii) a promise to replace, maintain or repair an article or any part thereof or to repeat or continue a service until it has achieved a specific result if the form or purported warranty or guarantee or promise is materially misleading or if there is no reasonable prospect that it will be carried out; or
     (d) make a materially misleading representation to the public concerning the price at which a product or like products have been, are or will be ordinarily sold, and for the purpose of this paragraph a representation as to price is deemed to refer to the price at which the product has been sold by sellers generally in the relevant market unless it is clearly specified to be the price at which the product has been sold by the person by whom or on whose behalf the representation is made.

52.(1) Nul ne peut, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l'utilisation d'un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques, donner au public :

a) ou bien des indications fausses ou trompeuses sur un point important ;

b) ou bien, sous la forme d'une déclaration visant le rendement, l'efficacité ou la durée utile d'un produit, des indications qui ne se fondent pas sur une épreuve suffisante et appropriée, dont la preuve incombe à la personne qui donne les indications ;

c) ou bien des indications sous une forme qui fait croire qu'il s'agit

(i) soit d'une garantie de produit,

(ii) soit d'une promesse de remplacer, entretenir ou réparer tout ou partie d'un article ou de fournir de nouveau ou continuer un service jusqu'à l'obtention du résultat spécifié, si cette forme de prétendue garantie ou promesse est trompeuse d'une façon importante ou s'il n'y a aucun espoir raisonnable qu'elle sera respectée :

d) ou bien des indications trompeuses d'une façon importante sur le prix auquel un ou des produits similaires ont été, sont ou seront habituellement vendus, les indications relatives au prix étant réputées, pour l'application du présent alinéa, se référer au prix auquel le produit a été généralement vendu par les vendeurs sur le marché correspondant, à moins qu'il s'agit du prix auquel le produit a été vendu par la personne qui donne les indications ou au nom de laquelle elles sont données.


[20]      Le paragraphe 20(1) de la Loi sur les marques de commerce dispose :

     20.(1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use shall be deemed to be infringed by a person not entitled to its use under this Act who sells, distributes or advertises wares or services in association with a confusing trade-mark or trade-name.

20.(1) Le droit du propriétaire d'une marque de commerce déposée à l'emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne non admise à l'employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion.

CRITÈRES RÉGISSANT LES INJONCTIONS INTERLOCUTOIRES

[21]      Le critère à trois volets qui a été posé dans l'arrêt RJR-MacDonald1 devrait s'appliquer aux requêtes en injonction interlocutoire. Dans un premier temps, le requérant doit démontrer qu'il existe une question sérieuse à juger. À la deuxième étape, le requérant doit établir qu'il subira un préjudice irréparable si on ne lui accorde pas la réparation qu'il sollicite et, finalement, la troisième étape exige une appréciation de la prépondérance des inconvénients.

[22]      Le requérant doit satisfaire à chacun des trois volets de ce critère.

Question sérieuse à juger

[23]      Voici ce que la Cour suprême du Canada a déclaré, dans l'arrêt RJR-MacDonald, en ce qui concerne le premier volet du critère :

     [...] Toutefois, dans American Cyanamid, lord Diplock avait précisé que le requérant n'avait plus à établir une forte apparence de droit et qu'il lui suffisait de convaincre le tribunal que [traduction] " la demande n'est ni futile ni vexatoire, ou, en d'autres termes, que la question à trancher est sérieuse ". Le critère formulé dans American Cyanamid est maintenant généralement accepté par les tribunaux canadiens qui, toutefois, reviennent à l'occasion à un critère plus strict: voir Robert J. Sharpe, Injunctions and Specific Performance (2nd ed. 1992), aux pp. 2-13 à 2-20.

     La Cour a ajouté ce qui suit :
     Une fois convaincu qu'une réclamation n'est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères, même s'il est d'avis que le demandeur sera probablement débouté au procès. Il n'est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l'affaire.

[24]      À cette étape-ci, il me faut trancher cette question à la lumière des éléments dont je dispose.

[25]      La conclusion que la requête en injonction interlocutoire ne soulève pas de question sérieuse à juger ne lie pas le tribunal qui instruit la cause sur le fond.

Prétentions et moyens des demanderesses

[26]      Les demanderesses affirment que le nom LIPIDIL MICRO et les marques de commerce afférentes au dessin de la capsule orange sont distinctifs et qu'ils ont acquis une réputation solide, un bon achalandage et une signification secondaire au Canada au sein de la profession médicale et du public.

[27]      Elles soutiennent également que la présentation de la capsule APO-FENO MICRO de la défenderesse créera de la confusion avec celle de la capsule LIPIDIL MICRO des demanderesses et que la défenderesse a volontairement adopté un habillage identique à celui de la capsule des demanderesses pour son produit concurrentiel.

[28]      Les demanderesses font valoir, en ce qui concerne les éléments et facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce, qu'il existe de toute évidence de la confusion entre les deux produits. (1) Le produit des demanderesses est le seul produit hypolipidémiant vendu au Canada en capsules oranges, si l'on fait exception de celui de son preneur de licence Pharmascience. (2) En ce qui concerne la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, le produit des demanderesses est vendu depuis mars 1995, alors que la défenderesse n'a obtenu son avis de conformité qu'en mars 1999. (3) Les produits sont identiques à tous égards, à cette réserve près qu'un produit est micronisé alors que l'autre ne l'est pas. (4) Pour ce qui est de la nature du commerce, les demanderesses font la promotion de leur produit auprès des médecins, et la défenderesse, auprès des pharmaciens, et la demanderesse fait valoir que la campagne de promotion plus dynamique que la compagnie qui fabrique le médicament d'origine a menée auprès des médecins a eu pour effet de faire augmenter les ventes du produit générique en pharmacie. (5) Finalement, en ce qui concerne le degré de ressemblance entre les marques de commerce, les capsules en litige ont une apparence identique pour ce qui est de leurs dimensions, de leur forme et de leur couleur. La capsule des demanderesses porte la mention LIPIDIL MICRO alors que celle de la défenderesse porte la mention APO 100.

[29]      Les demanderesses affirment que l'utilisation du mot MICRO par la défenderesse crée de la confusion et est trompeuse au sens de l'alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce et du paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence. Il ressort d'ailleurs de la preuve que le fénofibrate contenu dans l'APO-FENO MICRO n'est pas micronisé.

[30]      Les demanderesses affirment que la défenderesse a délibérément employé les mots " formulation micronisée " dans la monographie de son produit et sur ses étiquettes et ce, malgré le fait que le fénofibrate employé dans son produit n'est pas micronisé. La défenderesse n'a procédé que le 12 mai 1999 aux correctifs nécessaires dans sa monographie et sur les étiquettes de son produit.

[31]      Les demanderesses allèguent que l'emploi du mot MICRO laisse entendre qu'il s'agit d'une " formulation micronisée ". Elles précisent que cet emploi est trompeur surtout lorsqu'on l'associe à un produit qui n'est pas micronisé. Elles ajoutent qu'il ressort d'un sondage qu'elles ont effectué auprès de 100 pharmaciens qu'en réponse à une question ouverte, 25 pour 100 d'entre eux ont déclaré qu'ils croyaient que l'APO-FENO MICRO était micronisé. Une autre tranche de 48 pour 100 de pharmaciens ont répondu dans le même sens lorsqu'on leur a posé une question plus directe. Les demanderesses en infèrent qu'au total, 73 pour 100 des personnes qui ont répondu au sondage se sont dites d'avis que l'APO-FENO MICRO est micronisé.

[32]      La demanderesse soutient que la défenderesse a délibérément plagié la couleur du médicament d'origine pour faciliter sa substitution en pharmacie.

Prétentions et moyens de la défenderesse

[33]      En ce qui concerne les moyens que les demanderesses tirent du paragraphe 52(1) de la Loi sur la concurrence, la défenderesse soutient que, pour fonder un recours, il faut que les indications reprochées soient fausses ou trompeuses, c'est-à-dire qu'elles soient factuellement erronées. En l'espèce, la seule activité contestée qui soit encore exercée est l'emploi du nom APO-FENO MICRO, emploi qui serait faux ou trompeur en ce qui concerne le mode de fabrication du produit d'Apotex. La défenderesse fait toutefois valoir qu'il ressort à l'évidence de la preuve que les médecins, les pharmaciens et les patients ne sont pas au courant des méthodes de fabrication et qu'ils ne s'y intéressent pas. Ce qui est pertinent lorsqu'on considère les comportements en matière de préparation, de vente et d'achat, c'est le fait que l'APO-FENO MICRO a été jugé être le bioéquivalent du LIPIDIL MICRO.

[34]      En ce qui concerne le sondage produit par la demanderesse, la défenderesse soutient que les sondeurs n'ont pas essayé de déterminer dans quelle mesure les pharmaciens seraient influencés par le nom en ce qui concerne leurs décisions d'achat. En tant que tel, le sondage ne prouve rien pour ce qui est de la question de savoir si les fausses indications reprochées portent sur un point important.

[35]      Même s'il y a eu fausse désignation des marchandises, rien ne permet de conclure que l'emploi du mot " MICRO " a influencé les décisions d'achat des médecins, des pharmaciens ou des patients.

[36]      En ce qui concerne les moyens tirés par les demanderesses de l'imitation frauduleuse, la défenderesse affirme que l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce ne prévoit aucun droit de poursuite qui codifierait les règles de common law relatives à l'imitation frauduleuse. Il n'y a pas d'élément de preuve tendant à démontrer qu'il y a effectivement eu confusion.

[37]      L'alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce ne s'applique pas, étant donné que la description ne satisfait pas aux exigences des sous-alinéas (i), (ii) ou (iii).

[38]      La défenderesse affirme que la couleur orange de la capsule n'a pas acquis de signification secondaire au sens que la Cour suprême du Canada a donné à cette expression dans l'arrêt Ciba-Geigy2. La défenderesse soutient en fait que la couleur orange ne permet pas de retracer l'origine d'un produit déterminé.

[39]      La défenderesse ajoute que le contrat de licence conclu avec Pharmascience a par ailleurs détruit le caractère distinctif de la couleur orange de la capsule.

[40]      La défenderesse affirme qu'il n'y a aucun risque de confusion entre les deux produits. La capsule APO-FENO MICRO porte la mention APO et est distribuée dans des flacons de pharmacie sur lesquels la provenance du produit est précisée. Le LIPIDIL MICRO et le PMS Fenofibrate Micro sont distribués dans des boîtes portant une étiquette.

[41]      La défenderesse affirme que la marque de commerce LIPIDIL MICRO n'est pas contrefaite, étant donné que le nom qui est employé est APO-FENO MICRO.

Conclusions

[42]      La prétention de la défenderesse suivant laquelle la marque de la demanderesse a perdu tout caractère distinctif en raison de l'octroi d'une sous-licence à Pharmascience est à tout le moins défendable, compte tenu des dispositions de l'article 50 de la Loi sur les marques de commerce.

[43]      Rien ne permet pour le moment de conclure à la confusion. Je suis toutefois disposé à accepter que la demanderesse a franchi le seuil préliminaire consistant à convaincre la Cour que l'emploi que la défenderesse fait du mot MICRO est susceptible de créer de la confusion au sens de l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce.

[44]      Je suis également disposé à accepter que la prétention de la demanderesse que l'emploi du mot " MICRO " dans la description des marchandises de la défenderesse est susceptible de tromper le public, pour les motifs énumérés aux sous-alinéas 2d) (i) et 2d)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, n'est ni frivole ni vexatoire.

[45]      En ce qui concerne les risques de confusion causés par la couleur orange de la capsule de la demanderesse, je conclus que la couleur de la capsule ne créée aucune confusion.

[46]      Il ressort par ailleurs de certaines annexes jointes à l'affidavit souscrit par le directeur du développement des entreprises des demanderesses, M. Denis Lalonde, que plusieurs fabricants de médicaments emploient la couleur orange pour leur capsule.

[47]      Les pharmaciens exécutent les ordonnances en remettant un produit pharmaceutique interchangeable, parce qu'ils sont tenus de le faire selon les lois d'une province déterminée, et non en raison de la couleur.

[48]      Même si la défenderesse et les demanderesses emploient la même couleur pour leur capsule, il semble que les inscriptions qui se retrouvent sur leur capsule respective soient différentes et rien ne permet de penser que la couleur orange indique la provenance ou l'origine de la capsule.

[49]      Compte tenu des éléments dont je dispose, le moyen que les demanderesses tirent du paragraphe 52(1) ne soulève pas une question sérieuse à juger : rien ne permet de penser que l'emploi du mot " MICRO " a influencé les décisions d'achat des médecins, des pharmaciens ou des patients.

[50]      Les demanderesses n'ont par conséquent pas démontré qu'il existe une question sérieuse à juger en ce qui concerne la couleur orange et le paragraphe 52(1) de la Loi sur les marques de commerce.

Préjudice irréparable

[51]      La Cour d'appel fédérale a défini dans trois arrêts importants les paramètres applicables pour déterminer l'existence d'un préjudice irréparable. Il s'agit des arrêts Centre Ice Ltd. c. Ligue nationale de hockey et al.3, Nature Co. c. Sci-Tech Educational Inc.4 et Syntex Inc. c. Novopharm Ltd.5.

[52]      Dans l'arrêt Syntex, le juge Heald a déclaré :


     Cette Cour a posé pour règle jurisprudentielle que la preuve du préjudice irréparable doit être catégorique et non pas conjecturale.

Prétentions et moyens des demanderesses

[53]      Les demanderesses soutiennent que les méthodes de concurrence déloyales auxquelles la défenderesse a recouru en employant la même couleur et le mot MICRO pour son produit provoquera une baisse marquée de la part de marché des demanderesses, ce qui leur causera une perte permanente de marché. Elles affirment qu'il s'agit là d'un préjudice irréparable, étant donné que la Cour suprême du Canada a reconnu que ce type de perte ne peut jamais être récupéré ni être réparé par de l'argent.

[54]      En 1998, les recettes relatives au Lipidil Micro représentaient 89 pour 100 du chiffre d'affaires de Fournier Pharma pour cette année-là.

[55]      Elles affirment que, parce que la demanderesse Fournier Pharma ne fabrique qu'un seul médicament, sa part de marché revêt une importance encore plus grande. Elles affirment que, suivant les éléments de preuve concernant les médicaments génériques antérieurs, elles perdront 50 pour 100 de leur part de marché dès la première année, ce qui signifie qu'elles perdront éventuellement ou devront congédier des employés qu'elles ne pourront jamais réembaucher.

[56]      Les recettes et l'achalandage déclineront en raison de la présence du produit meilleur marché de la défenderesse sur le marché.

[57]      Le lancement sur le marché d'APO-FENO MICRO a amené Fournier Pharma à octroyer une licence à une autre compagnie, Pharmascience, pour vendre un produit générique.

[58]      Les demanderesses soutiennent que l'utilisation par la défenderesse du mot MICRO provoquera une perte du caractère distinct de ce mot dans les relations commerciales du produit de la demanderesse, ce qui, à son tour, diminuera l'achalandage du produit des demanderesses. Les demanderesses ont mentionné que l'utilisation trompeuse de leur marque de commerce par la défenderesse pour obtenir un avantage sur les demanderesses aux yeux et dans l'esprit des pharmaciens diminuera aussi l'achalandage.

[59]      Les demanderesses soutiennent que cette perte d'achalandage constitue un préjudice irréparable qui leur nuit directement et indirectement par le biais du contrat de licence qu'elles ont conclu avec Pharmascience.

Prétentions et moyens de la défenderesse

[60]      En réponse aux arguments des demanderesses, la défenderesse soutient que rien dans la preuve ne permet d'affirmer que l'aspect extérieur de l'APO-FENO MICRO détruira le caractère distinctif ou l'achalandage des demanderesses. Elle ajoute que rien ne permet de penser qu'une telle perte ne peut être mesurée.

[61]      La défenderesse soutient qu'aucune des présumées pertes, quelle qu'en soit la nature, ne découle des présumés actes fautifs que l'on reproche à la défenderesse dans la présente action. Elle affirme qu'ils sont causés par le lancement d'une formulation générique de capsules de 200 mg de fénofibrate sur le marché.

[62]      La défenderesse fait valoir que le calcul des présumées pertes de profits ou de ventes des demanderesses ne sera connu avec certitude qu'au procès.

[63]      La défenderesse soutient également que l'argument des demanderesses suivant lequel leurs recettes vont diminuer en raison du fait que le marché global des capsules de 200 mg de fénofibrate fléchira lorsque les demanderesses cesseront d'en faire la promotion auprès des médecins est mal fondé, parce que cette perte n'est pas imputable aux activités de la défenderesse, mais bien à la décision des demanderesses de cesser d'en faire la promotion.

[64]      Pour ce qui est de la réduction des effectifs qui découlerait du manque à gagner, la défenderesse soutient que rien ne permet de penser que les recettes prévues seront insuffisantes pour assurer un salaire au personnel actuel.

[65]      La défenderesse soutient également que la preuve ne permet pas de savoir quels projets de recherche seraient compromis si la défenderesse continue à vendre l'APO-FENO MICRO.

Conclusions

[66]      L'argument fondamental qu'invoquent les demanderesses pour démontrer l'existence d'un préjudice irréparable est leur perte de part de marché. Ainsi que la défenderesse le souligne, la perte de part de marché est le résultat normal du lancement d'un produit générique sur le marché, et de toute façon, le montant de cette perte peut être établi. Cette arrivée sur le marché ne porte pas atteinte aux droits de brevet des demanderesses et est faite en vertu d'un avis de conformité.

[67]      Une grande partie des éléments de preuve invoqués par les demanderesses portait sur les incidences financières pour les demanderesses du lancement d'une version générique sur le marché. Ces éléments de preuve visent la contrefaçon de brevet causée par le produit générique, une question dont je n'ai pas été saisi dans le cadre de la présente requête. Ils relatent les résultats observés de l'introduction légitime d'un produit générique équivalent sur le marché. C'est le fruit de la concurrence et non de pratiques déloyales.

[68]      Dans l'arrêt Syntex, le juge Heald a déclaré, au sujet de la perte de part de marché causée par l'apparence d'un produit générique :

     Pour cette raison, on peut dire que la perte d'une part de marché n'est pas imputable à la contrefaçon de la marque de l'intimée, mais au régime de réglementation et au bas prix des produits génériques, comme noté ci-dessus.

[69]      De plus, les demanderesses ont conclu un contrat de licence avec Pharmascience de sorte que son produit d'origine subira inévitablement une diminution du volume des ventes en raison des ventes du produit identique par son preneur de licence.

[70]      Les demanderesses n'ont pas réussi à établir qu'elles subiront un préjudice irréparable, en l'occurrence la perte d'une part de marché, du fait de l'emploi du mot " MICRO " ou de la couleur orange par la défenderesse.

[71]      L'autre préjudice irréparable que les demanderesses affirment qu'elles subiront est la perte d'achalandage découlant de la perte de caractère distinctif imputable à l'emploi du mot MICRO et à l'emploi de la couleur orange.

[72]      Parlant de l'évaluation de la perte de l'achalandage, la Cour d'appel a déclaré dans l'arrêt Centre Ice Ltd. :

     Si elle est établie au terme d'une instruction complète de l'affaire, la perte d'achalandage, de réputation et de caractère distinctif peut fort bien constituer un préjudice irréparable et conduire au prononcé d'une injonction permanente. Cependant, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de notre Cour, faute d'éléments de preuve établissant clairement qu'un préjudice irréparable résulterait à cette étape-ci de la confusion créée, la Cour ne devrait pas prononcer d'injonction interlocutoire.

[73]      La preuve de la perte d'achalandage est de la nature d'un manque à gagner et non d'une atteinte à la réputation.

[74]      En ce qui concerne les éléments qui ont été portés à ma connaissance, je conclus que rien ne permet de conclure avec certitude à une perte de caractère distinct ou à une perte d'achalandage. Pour le moment, ces pertes sont spéculatives.

[75]      Le montant des dommages-intérêts réclamés peut être calculé, même si cette tâche est quelque peu ardue en l'espèce.

[76]      Je conclus donc que la demanderesse n'a pas satisfait au second volet du critère.

Prépondérance des inconvénients

[77]      Voici les propos qu'a tenus la Cour suprême du Canada dans l'arrêt RJR-MacDonald :

     Dans l'arrêt Metropolitan Stores, le juge Beetz décrit, à la p. 129, le troisième critère applicable à une demande de redressement interlocutoire comme un critère qui consiste " à déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond ".

Prétentions et moyens des demanderesses

[78]      Les demanderesses affirment que la défenderesse ne subira aucun préjudice irréparable étant donné qu'il lui suffit de changer le nom et la couleur de son produit.

[79]      En tout état de cause, les demanderesses font valoir que la prépondérance des inconvénients favorise les demanderesses de façon écrasante pour les raisons suivantes : (1) Fournier Pharma ne fabrique qu'un seul médicament et n'est par conséquent qu'une petite compagnie par rapport à la défenderesse ; b) Fournier Pharma possède déjà une part du marché, ce qui n'est pas le cas de la défenderesse : c) les demanderesses ont investi des sommes d'argent considérables pour faire la promotion de leur produit : d) la défenderesse ne possède aucun achalandage en ce qui concerne la couleur orange ou le mot MICRO.

[80]      Les demanderesses soutiennent également que l'utilisation de la même couleur par la compagnie de médicaments génériques provoque une absence de choix au sein du public entre le produit générique et le produit d'origine.

Prétentions et moyens de la défenderesse

[81]      La défenderesse allègue que la présence du médicament vendu par Pharmascience sous une forme analogue est cruciale pour déterminer la prépondérance des inconvénients. Les ventes de la défenderesse s'effondreront si elle est expulsée de force du marché et si Pharmascience peut s'implanter comme fabricant du produit générique. La défenderesse soutient que cette perte sera amplifiée si elle est contrainte de concurrencer Pharmascience avec un produit qui n'est pas analogue. La défenderesse affirme que, dans ces conditions, la prépondérance des inconvénients la favorise.

Conclusions

[82]      Vu l'ensemble de la preuve, je suis convaincu que la défenderesse subira un plus grand préjudice que les demanderesses si l'injonction interlocutoire est accordée.

[83]      La défenderesse n'aura pas le droit d'employer le mot " MICRO " ou la couleur orange. Elle devra non seulement supprimer le mot " MICRO " de son étiquette et la couleur orange de sa capsule, mais également présenter une nouvelle demande d'inscription aux formulaires provinciaux.

[84]      Si l'injonction demandée est accordée, le contrat de licence conclu avec Pharmascience garantira l'entrée exclusive de celle-ci sur le marché, à l'exclusion de la défenderesse.

[85]      Par conséquent, la défenderesse sera expulsée du marché pendant une période de temps critique et aura beaucoup de mal à livrer concurrence à Pharmascience.

[86]      Le temps qu'il lui faudra attendre pour pénétrer à nouveau sur le marché conférera un avantage considérable à Pharmascience et, lorsqu'il sera lancé à nouveau sur le marché, le produit non analogue aura peu de chances de donner lieu à des ventes importantes.

[87]      Dans ces conditions, la défenderesse subira un préjudice plus important si elle ne peut peut pas livrer concurrence sur le marché.

[88]      Je conclus que la défenderesse subirait un préjudice plus grave si une injonction interlocutoire était prononcée en attendant une décision sur le fond.

LES DÉPENS

[89]      En ce qui concerne les dépens, l'avocat des demanderesses affirme que les dépens devraient suivre l'issue de la cause indépendamment de la question de savoir si les demanderesses obtiennent ou non gain de cause dans leur requête en injonction interlocutoire. En revanche, l'avocat de la défenderesse affirme que, si les demanderesses obtiennent l'injonction, les dépens devraient suivre l'issue de la cause, mais que si la défenderesse obtient gain de cause en ce qui concerne la requête, les dépens devraient lui être adjugés.

[90]      Le paragraphe 400(1) de Règles de la Cour fédérale (1998) confère à la Cour un pouvoir discrétionnaire absolu en ce qui concerne la détermination du montant des dépens et leur répartition.

[91]      À mon avis, comme les requérantes n'ont pas réussi à établir leur droit à une injonction interlocutoire, les dépens de la présente requête devraient être adjugés à la défenderesse.

DISPOSITIF

[92]      La présente requête en injonction interlocutoire est rejetée avec dépens, lesquels sont payables à la défenderesse.


     J. Richard

                                         Juge en chef adjoint

Ottawa (Ontario)

Le 15 septembre 1999


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              T-601-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Fournier Pharma Inc. et Fournier Industrie et Santé

DATE DE L'AUDIENCE :      Ottawa (Ontario)

LIEU DE L'AUDIENCE :          Le 4 août 1999


MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par le juge en chef adjoint Richard en date du 15 septembre 1999


ONT COMPARU :

Me Ronald E. Dimock                          pour la demanderesse

Me Andrew M. Shaughnessy

Me Harry B. Radomski                          pour la défenderesse

Me Richard Naiberg


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Dimock Stratton Clarizio                          pour la demanderesse

Toronto (Ontario)

Goodman, Phillips & Vineberg                      pour la défenderesse

Toronto (Ontario)

__________________

1      RJR-MacDonald Inc. c. Canada (procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

2      Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120.

3      (1994), 53 C.P.R. (3d) 54 (C.A.F.).

4      (1992), 41 C.P.R. (3d) 359 (C.A.F.).

5      (1991), 36 C.P.R. (3d) 129 (C.A.F.).

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