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Date : 20040806

Dossier : T-1179-01

Référence : 2004 CF 1087

Ottawa (Ontario), le 6 août 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                            ECOLOGY ACTION CENTRE SOCIETY

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                La Ecology Action Centre Society (la demanderesse) sollicite, en vertu de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, et modifications, le contrôle judiciaire de l'ordonnance de modification 2001-074 prise par M. Neil A. Bellefontaine, en sa qualité de directeur général régional, Région des Maritimes, ministère des Pêches et des Océans. L'ordonnance de modification, qui est datée du 30 mai 2001 et entrée en vigueur le 1er juin 2001, prescrit notamment ce qui suit :


2.              L'ordonnance de modification de périodes de fermeture dans la Région des Maritimes 2001-003 est par la présente abrogée.

3.              La présente ordonnance prend effet le 6h00, 03 juin 2001 et demeurera en vigueur jusqu'à la date de son abrogation, à laquelle les périodes de fermeture indiquées dans le règlement seront rétablies.

[2]                La partie pertinente de l'ordonnance de modification 2001-003, datée du 19 décembre 2000, est rédigée comme suit :

2.              Les périodes de fermeture mentionnées au paragraphe 87.(1) du Règlement de pêche de l'Atlantique de 1985, concernant la pêche des poissons de fond, et figurant dans la colonne IV des articles 1 à 14 de l'annexe XXIII dudit Règlement est par la présente modifiée, de sorte que tout engin est désormais interdit du 1 janvier au 31 décembre dans la division 5Z.

3.              La présente ordonnance prend effet le 1 janvier 2001 et demeurera en vigueur jusqu'au 31 décembre 2001, sauf abrogation antérieure, date à laquelle la période de fermeture sera portée à la période de fermeture comme elle est indiquée dans ledit règlement.

[3]                La demanderesse conteste la validité de l'ordonnance de modification et cherche à obtenir diverses ordonnances, comme suit :

[traduction]

1.              déclarant que la prise de l'ordonnance de modification était « contraire à la loi » , au sens de l'alinéa 18.1(4)f) de la Loi sur la Cour fédérale, parce que celle-ci autorise l'utilisation de chaluts sur le Banc Georges, qui causent la « détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson » en violation du paragraphe 35(1) de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14, et modifications;

2.              déclarant que la prise de l'ordonnance de modification était « sans compétence » ou qu'elle a « outrepassé celle-ci » , au sens de l'alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur la Cour fédérale, parce qu'elle autorise l'utilisation de chaluts sur le Banc Georges, causant la « détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson » en violation du paragraphe 35(1) de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14, et modifications;


3.              subsidiairement, déclarant que la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson autorisées par l'ordonnance de modification ne respectent pas les exigences d'autorisation de la Loi sur les pêches, du Règlement de pêche (dispositions générales) et de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale;

4.              annulant ou infirmant l'ordonnance de modification, ou partie d'entre elle;

5.              interdisant au directeur général régional de prendre toute ordonnance de modification ultérieure autorisant l'utilisation de chaluts sur le Banc Georges, sauf autorisation expresse en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches; et

6.              visant tout redressement que la Cour peut considérer juste.

LE CONTEXTE

[4]                La demanderesse est une organisation à but non lucratif, constituée en 1971 en vertu des lois de la Nouvelle-Écosse. Son objectif principal est d'éduquer le public au sujet de la nécessité de protéger et de conserver l'environnement. Elle s'adresse à divers organismes gouvernementaux pour promouvoir une perspective d'intérêt public en matière de protection environnementale. La demanderesse a participé à des consultations publiques au sujet de l'industrie de la pêche, faisant valoir son point de vue auprès du gouvernement et de l'industrie.

[5]                Elle a une longue histoire de participation active et elle se préoccupe beaucoup des méthodes de pêche. L'affidavit de M. Butler contient des détails à ce sujet et les pièces attachées aux affidavits comprennent notamment des copies des présentations faites par la demanderesse auprès du ministère des Pêches et des Océans, ainsi que des études et des rapports scientifiques préparés par des hydrobiologistes des milieux marins et d'autres chercheurs scientifiques.


[6]                La demanderesse est préoccupée par les effets négatifs du chalutage sur la zone visée par l'ordonnance de modification. Elle ne préconise pas une interdiction totale du chalutage.

[7]                C'est la partie canadienne du Banc Georges qui est visée par l'ordonnance de modification. Le Banc Georges est un banc de pêche immergé et peu profond, qui a été réparti entre le Canada et les États-Unis. La frontière internationale est connue sous le nom de « ligne Hague » . La portion se trouvant au Canada est constituée par l'extrémité nord, qui recouvre une zone allant de la côte sud-est de la Nouvelle-Écosse jusqu'au golfe du Maine.

[8]                La région benthique du Banc Georges, savoir le fond de l'océan, est constituée de sable et de sable pierreux. Selon une certaine documentation déposée par la demanderesse, y compris un document de recherche du Dr Jeremy Collie, cette région benthique est une aire d'alevinage pour diverses espèces végétales et animales, y compris les ophiures, anémones de mer, éponges, coraux et crabes. Selon la demanderesse, ces organismes vivants sont soumis à un risque lorsqu'on attrape des poissons avec un chalut.


[9]                Le chalutage est une forme de pêche qui utilise des engins mobiles. Ces engins, qu'on appelle aussi « chaluts à panneaux » , ont une armature constituée de filins et de panneaux, complétée par un filet. Ils sont tirés par un bateau de pêche. Les panneaux sont utilisés pour maintenir le filet ouvert à l'horizontal. Des poids posés au fond maintiennent le filet ouvert à la verticale. L'extrémité du filet, qu'on appelle « cul du chalut » , retient les poissons et tout ce qui a pu être ramassé au fond de l'océan durant l'opération de chalutage.

[10]            La demanderesse déclare que cette forme de pêche permet de ramasser sans discrimination les poissons trop petits et les végétaux qui sont nécessaires pour nourrir et maintenir l'environnement maritime. Elle déclare que le chalutage a des conséquences négatives à long terme et elle a déposé des bibliographies annotées d'études scientifiques qui ont été soumises à l'examen des pairs et qui portent sur ces effets négatifs.

[11]            La demanderesse note que le ministère des Pêches et des Océans a commandé ses propres recherches au sujet de l'impact sur la région benthique lorsque divers engins de fond sont utilisés. Cette documentation comprend des rapports préparés conjointement par des employés du Ministère et par des parties prenantes dans l'industrie de la pêche, comme le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques.

[12]            Le défendeur a déposé l'affidavit de M. Jorgen Hansen, un hydrobiologiste des milieux marins qui est à l'emploi du ministère des Pêches et des Océans, Région des Maritimes, à titre de conseiller principal, poissons de fond, Direction de la gestion des ressources. Il est responsable de la gestion de la pêche de divers poissons de fond dans la Région des Maritimes, y compris les zones de pêche qui se trouvent dans la partie canadienne du Banc Georges.


[13]            Dans son affidavit, il traite de l'application des divers règlements adoptés en vertu de la Loi, ainsi que des exigences générales applicables à la pêche sur le Banc Georges. Pour pêcher légalement dans cette zone, il est essentiel de détenir un permis pour la pêche du poisson de fond sur le Banc Georges et d'avoir réglé tous les frais y afférents. M. Hansen a mis en annexe à son affidavit un permis type pour la pêche du poisson de fond, afin d'illustrer à quelles conditions un tel permis peut être soumis.

[14]            M. Hansen a déclaré que l'ordonnance de modification 2001-074 avait eu pour effet de remettre en vigueur les périodes de fermeture prévues par les règlements en cause, y compris le Règlement de pêche de l'Atlantique, DORS/86-21.

[15]            Parmi la preuve déposée dans le cadre de la demande, on trouve notamment le dossier du tribunal. Au vu du certificat qui porte la date du 27 juillet 2001 et la signature de M. Bellefontaine, il appert qu'il a examiné les documents dont il fait la liste dans le certificat avant de prendre l'ordonnance de modification. On trouve dans le dossier du tribunal copie du Plan de gestion intégrée de la pêche du poisson de fond.

LE POINT DE VUE DE LA DEMANDERESSE


[16]            La demanderesse soutient que l'ordonnance de modification est incohérente avec les dispositions de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14, et modifications (la Loi), qui traitent de la protection de l'habitat du poisson et, conséquemment, qu'elle est ultra vires ou contraire à la loi, au sens de l'alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée.

[17]            Elle soutient que l'ordonnance de modification a autorisé le chalutage sur le Banc Georges, et que cette forme de pêche entraîne la détérioration, la destruction ou la perturbation (DDP) de l'habitat du poisson. La DDP est interdite par le paragraphe 35(1) de la Loi. Se fondant sur cette interdiction, la demanderesse soutient que l'ordonnance de modification a un objectif contraire à celui de la Loi et, par conséquent, qu'elle est ultra vires ou autrement contraire à la loi.

[18]            S'appuyant sur l'arrêt Ward c. Canada (Procureur général), [2002] 1 R.C.S. 569, la demanderesse convient que la Loi confie au ministre la responsabilité de gérer, maintenir et développer les pêches dans l'intérêt public. Toutefois, elle soutient que cette responsabilité recouvre aussi la protection et la gestion de l'environnement aquatique et déclare que son point de vue est confirmé par le paragraphe 35(1) de la Loi.

[19]            De plus, la demanderesse soutient que l'objet de l'article 35 est de protéger l'environnement maritime et renvoie à ce sujet au débat parlementaire du 16 mai 1977, lorsque l'article 35 a été déposé à la Chambre des communes. La demanderesse s'appuie aussi sur les décisions R. c. Levesque, (2001), 43 C.E.L.R. (N.S.) 294, R. c. Fillion (1993), 59 C.A.Q. 72 et R. c. Kelsey (1985), 55 Nfld. & P.E.I.R. 154.


[20]            La demanderesse soutient qu'en l'absence d'une définition des termes « ouvrages ou entreprises » , que l'on trouve à l'article 35, ils se rapportent à toutes les formes d'activité humaine. Elle s'appuie sur Levesque, précité, et K. c. Van Bidder, [1990] Y.J. no 232 (Q.L.) pour étayer son argument que les tribunaux ont donné un sens extensif à l'expression « des ouvrages ou entreprises » . La demanderesse soutient que la pêche, et notamment le chalutage, sont des « ouvrages » ou « entreprises » au sens de l'article 35.

[21]            La demanderesse renvoie aussi au paragraphe 34(1) de la Loi, où l'on trouve une définition des termes « habitat du poisson » . Elle fait état de la politique du ministère des Pêches et des Océans, qui est exposée dans le document intitulé Cadre décisionnel de détermination et d'autorisation de la détérioration, de la destruction ou de la perturbation de l'habitat du poisson (Ottawa : Direction générale des communications, MPO, 1998), où l'on trouve une discussion additionnelle au sujet du sens à donner aux termes « habitat du poisson » .

[22]            S'appuyant sur la décision R. c. British Columbia Hydro and Power Authority (1997), 25 C.E.L.R. (N.S.) 51 (C.S. C.-B.), la demanderesse soutient que les tribunaux ont adopté une interprétation holistique des termes « habitat du poisson » . Elle soutient aussi que le Banc Georges fait partie de l'habitat essentiel au poisson, et qu'on y trouve des frayères, des aires d'alevinage, de croissance et d'alimentation, ainsi que des routes migratoires.


[23]            La DDP n'est pas définie dans la Loi, mais la demanderesse renvoie à nouveau à la politique ministérielle où l'on définit la DDP comme « tout changement dans l'habitat qui réduit sa capacité à soutenir un ou plusieurs processus vitaux du poisson » . La politique présente ensuite des commentaires sur trois éléments distincts, savoir : la détérioration, la destruction et la perturbation de l'habitat du poisson. La demanderesse déclare que chacun de ces trois éléments doit recevoir une interprétation distincte et que la présence d'un seul d'entre eux constitue de la DDP.

[24]            La demanderesse soutient que le terme anglais « harmful » ne se rapporte qu'au terme anglais « alteration » et, à ce sujet, elle s'appuie sur les décisions Fillion, précitée, et R. c. Jackson, [1994] 10 W.W.R. 609 (B.R. Alb.). Elle s'appuie sur la décision R. c. High (2003), 1 C.E.L.R. (3d) 49 (C.P. C.-B.) pour dire qu'il n'est pas nécessaire que les effets sur l'habitat du poisson soient permanents ou irréparables pour constituer une violation du paragraphe 35(1).

[25]            La demanderesse soutient que les tribunaux ont conclu que plusieurs activités normalement autorisées constituent de la DDP, renvoyant aux décisions High, précitée, et British Columbia Hydro and Power Authority, précitée. Elle soutient que le chalutage a pour conséquence de détériorer et perturber l'habitat du poisson sur le Banc Georges, parce qu'il a un impact sur le fond marin, détruisant des zones de croissance pour les petits des poissons de fond et des sources d'alimentation pour divers poissons.


[26]            La demanderesse soutient que le paragraphe 35(2) de la Loi exige une autorisation ministérielle pour la DDP. Le processus d'autorisation exige du ministre qu'il examine la situation spécifique en cause : voir British Columbia Hydro and Power Authority, précité. La demanderesse déclare que le ministre n'a accordé aucune autorisation spécifique pour la DDP en l'espèce.

[27]            S'appuyant sur la décision Spinney c. Canada, 183 F.T.R. 71, la demanderesse soutient que les ordonnances de modification sont des actes de nature législative et non administrative. Elle soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. La demanderesse soutient que lorsque le gouverneur en conseil exerce son autorité d'une façon qui outrepasse les pouvoirs conférés par la loi habilitante, les tribunaux peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire d'accorder une réparation appropriée. La demanderesse s'appuie sur l'arrêt Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476 (C.A.F.) pour étayer cet argument.

[28]            Finalement, la demanderesse soutient que le « principe de précaution » , énoncé récemment par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt 114957 Canada Ltée. (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Ville), [2001] 2 R.C.S. 241, s'applique à la prise de l'ordonnance de modification. La demanderesse déclare que même en l'absence d'une preuve scientifique complète au sujet de dommages graves à l'environnement, les mesures environnementales doivent anticiper et prévenir les causes de dégradation de l'environnement.


[29]            La demanderesse soutient que comme il y a une preuve importante que le chalutage est une cause de DDP, le paragraphe 6(1) du Règlement de pêche (dispositions générales), précité, ne peut recevoir une interprétation qui autoriserait le directeur général régional à ouvrir le Banc Georges au chalutage. Cette activité serait contraire au « principe de précaution » , ce principe exigeant que le directeur général régional pêche par excès de prudence s'il existe des incertitudes quant aux effets environnementaux du chalutage.

LE POINT DE VUE DU DÉFENDEUR

[30]            Le défendeur soutient que les faits pertinents en l'espèce sont contenus dans les deux ordonnances de modification, la première étant l'ordonnance de modification 2001-003, qui prescrivait la fermeture de la pêche au poisson de fond du 1er janvier au 31 décembre 2001, et la deuxième étant l'ordonnance de modification 2001-074, qui abrogeait l'ordonnance de modification précédente. Selon le défendeur, l'ordonnance de modification 2001-074 venait remettre en vigueur les périodes de fermeture pour la pêche des poissons de fond prévues dans les annexes XXIII et XXIV du Règlement de pêche de l'Atlantique, précité.


[31]            Le défendeur déclare que la seule question qui se pose dans le cadre de cette demande de contrôle judiciaire consiste à savoir si le directeur général régional a agi dans les limites de sa compétence en prenant l'ordonnance de modification 2001-074. Le défendeur déclare que la présence de la DDP n'est pas pertinente lorsqu'il s'agit de répondre à cette question. Il faut plutôt examiner la question au vu du cadre législatif (la Loi) et réglementaire (le Règlement adopté en vertu de l'article 43).

[32]            Le défendeur renvoie à l'article 7 de la Loi, qui accorde au ministre la compétence requise pour gérer la pêche. L'article 43 autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements d'application de la Loi.

[33]            Le défendeur soutient que l'ordonnance de modification fait partie des mécanismes à la disposition du ministre dans la gestion de la pêche. De plus, il soutient que ce pouvoir de réglementation peut être exercé par le directeur général régional en sa qualité de délégué du ministre, en vertu du paragraphe 6(1) de la Loi.

[34]            Le défendeur soutient que le gouverneur en conseil a voulu accorder au directeur général régional pleine compétence de modifier les périodes de fermeture de la pêche, sous réserve de la diffusion de l'avis prévu à l'article 7 du Règlement de pêche (dispositions générales), précité. Il déclare que la prise de l'ordonnance de modification qui a changé la période de fermeture prévue au Règlement de pêche (dispositions générales), précité, n'outrepasse pas la compétence du directeur général régional.


[35]            Le défendeur soutient aussi que l'autorisation prévue au paragraphe 35(2) n'est pas requise avant la prise d'une ordonnance de modification, au vu du cadre législatif qui autorise la réglementation de la pêche par la délivrance de permis avec conditions, selon ce qui est approprié. Le défendeur exprime le point de vue voulant que si une autorisation spécifique était requise en vertu du paragraphe 35(2), le remède approprié serait une poursuite pour défaut d'avoir respecté l'interdiction générale que l'on trouve au paragraphe 35(1) de la Loi.

[36]            De toute façon, le défendeur soutient que l'article 35 de la Loi ne s'applique pas à la pêche comme telle, mais bien aux « ouvrages ou entreprises » , termes qui ne sont pas définis dans la Loi. S'appuyant sur les principes généraux d'interprétation des lois, le défendeur déclare que ces termes doivent être interprétés d'une façon qui respecte les objectifs de la législation. En l'instance, ces objectifs sont la gestion et le contrôle de la pêche, y compris la conservation et la protection des ressources halieutiques.

[37]            Le défendeur soutient que la Loi accorde au ministre et au gouverneur en conseil les outils nécessaires pour atteindre ces objectifs. Il appuie cette déclaration sur les arrêts Ward c. Canada (Procureur général), précité, et Gulf Trollers Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1987] 2 C.F. 93 (C.A.).


[38]            Le défendeur déclare aussi qu'il y a lieu d'obtenir une autorisation en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi lorsqu'on veut se livrer à une activité autre que la pêche qui peut avoir un impact sur l'habitat du poisson. À l'appui de ce point de vue, le défendeur note la différence entre l'article 7 de la Loi, qui traite de la pêche, et les articles 36 et 37 de la Loi, qui traitent d'autres activités que la pêche.

[39]            Subsidiairement, le défendeur soutient que si le paragraphe 35(1) s'applique à la pêche, alors la seule autorisation du ministre requise est la délivrance d'un permis. La délivrance de permis en vertu de l'article 7 est un moyen légal d'autoriser la DDP.

[40]            Le défendeur déclare aussi que la pêche n'est pas mentionnée à l'annexe VI du Règlement de pêche (dispositions générales), précité, qui traite de diverses activités liées aux ponts, ponceaux et barrages, ainsi que des activités minières et autres activités qui ne sont pas de la pêche. Les renseignements exigés en vertu de l'annexe VI portent sur des questions telles que les spécifications techniques et les détails des projets, qui n'ont rien à voir avec la pêche. Selon le défendeur, ceci démontre que l'article 35 ne vise pas l'activité légale de pêche qui est autorisée par le ministre en vertu de sa large compétence générale sur les permis de pêche.

[41]            Le défendeur soutient que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37 (LCEE) n'exige pas qu'il y ait une évaluation environnementale avant de prendre l'ordonnance de modification en cause. Le défendeur déclare que les articles 5 et 7 de la LCEE prévoient les conditions nécessaires pour enclencher l'application de la loi, comme suit :

1.          il doit s'agir d'un projet précis;

2.          le projet ne doit pas être exempté de l'évaluation environnementale;


3.          l'une ou l'autre des attributions précisées à l'article 5 doit être exercée pour que le projet puisse se réaliser.

[42]            Le défendeur soutient qu'une décision d'ouverture ou de fermeture d'une zone de pêche ne peut être décrite comme un « ouvrage » en vertu de la LCEE. Il soutient de plus que lorsque le directeur général régional a pris l'ordonnance de modification 2001-074, il n'était pas saisi d'un projet.

[43]            Subsidiairement, le défendeur soutient que s'il y avait un « projet » à ce moment-là, il n'y avait pas connaissance précise du projet. Or, le paragraphe 7(2) de la LCEE prescrit qu'il n'est pas nécessaire d'effectuer une évaluation environnementale à l'égard d'un projet dont les détails essentiels ne sont pas déterminés avant l'exercice par l'autorité fédérale d'une de ses attributions.

[44]            Le défendeur s'appuie sur la décision Les Tribus Kwicksutaineuk/Ah-Kwa-mish c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (2003), 227 F.T.R. 96, conf. (2003), 313 N.R. 394 (C.A.F.), où la Cour a conclu que les activités de pêche ne sont pas visées par l'exigence d'une évaluation environnementale en vertu de la LCEE.


[45]            Finalement, le défendeur soutient que le directeur général régional n'exerçait aucune des attributions qui enclenchent l'application de la LCEE. Le paragraphe 5(1) de cette Loi énumère les circonstances dans lesquelles une évaluation est requise. Le seul règlement qui porte sur le paragraphe 5(1) a été adopté en vertu des alinéas 59f) et g) de la LCEE, soit le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées, DORS/94-636.

[46]            Le défendeur soutient que même si le paragraphe 35(2) de la Loi est mentionné dans le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées, la DDP qui est le résultat d'une activité de pêche autorisée par le ministre échappe à l'application du paragraphe 35(2). De plus, le défendeur soulève l'argument subsidiaire voulant que si l'interdiction générale prévue au paragraphe 35(1) s'applique à la zone prévue dans l'ordonnance de modification, on peut toujours se livrer à des activités de pêche dans cette zone en vertu d'un permis délivré par le ministre. Dans de telles circonstances, aucune évaluation en vertu de la LCEE n'est requise.

[47]            Le défendeur déclare que cette demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée, avec dépens.

ANALYSE

i)           La portée du contrôle judiciaire

[48]            La présente demande de contrôle judiciaire est introduite en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, précitée. La demanderesse s'appuie tout particulièrement sur les alinéas 18.1(4)a) et f), qui sont rédigés comme suit :



18.1 (4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

[...]

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

18.1(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

...

(f) acted in any other way that was contrary to law.


[49]            La réparation disponible par suite d'une demande de contrôle judiciaire consiste seulement à une réponse à la question de savoir si la décision en cause a été prise correctement par le décideur, dans le cadre de la compétence que lui accorde la législation. Dans l'arrêt Nunavut Tunngavik Inc. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (1998), 229 N.R. 249 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale décrit la portée du contrôle judiciaire de la façon suivante, à la page 255 :

Cela dit, et après avoir examiné le contexte dans lequel l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre doit être analysé, il est bon de répéter que la fonction de la Cour dans une procédure de contrôle judiciaire n'est pas de prêter des intentions au ministre dans son appréciation des besoins et de l'intérêt du public quand il a fixé les quotas de pêche et, ensuite en agissant à sa place, de substituer ses propres vues à celles du ministre. Le Parlement et le gouverneur en conseil avaient l'intention de donner au ministre, dans l'exercice de ses fonctions et de son obligation d'établir et de mettre en oeuvre des quotas de pêche dans l'intérêt du public, « la plus grande marge de manoeuvre possible » (voir Carpenter Fishing Corporation et autres et Sa Majesté la Reine du chef du Canada et autres C.A.F., A-941-96; Barron c. Ministre du Revenu national, [1997] A.C.F. no 175; 209 N.R. 392 (C.A.F.)).

[50]            La décision contestée en l'espèce est une décision législative. Un acte législatif est de nature différente d'un acte administratif, différence qui est expliquée comme suit dans De Smith Judicial Review of Administrative Action (S.A. De Smith & J.M. Evans, 4th ed. (Londres, Angleterre : Stevens, 1980)), à la page 71 :


[traduction] Une distinction qui est souvent faite entre les actes législatifs et les actes administratifs est une distinction entre les mesures générales et les mesures particulières. Un acte législatif est un acte qui consiste à créer et à promulguer une règle de conduite générale sans faire allusion à des cas particuliers; un acte administratif ne peut être défini avec exactitude, mais il comprend l'adoption d'une politique, la formulation et l'adoption d'une directive précise et l'application d'une règle générale à un cas particulier conformément aux exigences liées à la politique, à la convenance ou à la pratique administrative.

[51]            Puisqu'une telle décision suppose l'interprétation d'une loi ou d'un règlement, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte et les tribunaux peuvent intervenir dans certaines circonstances limitées, comme l'énonce le juge Blais dans Spinney, précité, à la page 80 :

Étant donné que l'ordonnance de modification est un acte législatif, autorisé par le Règlement et pris en application de la Loi, la compétence de la Cour est limitée. Elle peut intervenir dans les cas d'un acte inconstitutionnel (contraire aux articles 91 ou 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique), d'un manquement à la procédure ou d'un acte législatif qui outrepasse les pouvoirs conférés par la loi habilitante.

[52]            Comme il est mentionné dans l'arrêt Gulf Trollers, précité, à la page 102, une ordonnance de modification correspond à l'exercice d'un pouvoir délégué au directeur général régional par le Règlement. Il s'agit donc d'une législation déléguée. En conséquence, le délégué doit s'assurer que l'exercice de la compétence qu'on lui a déléguée est conforme aux objectifs de la loi habilitante.

ii)          La portée de la Loi sur les pêches


[53]            En l'espèce, la demanderesse conteste l'ordonnance de modification au motif qu'elle outrepasse les pouvoirs conférés par la loi habilitante, savoir la Loi. Bien que cette loi ne comporte aucune disposition énonçant son objectif, les tribunaux ont conclu qu'elle confère de larges pouvoirs de réglementation et de gestion des pêches. Dans l'arrêt Ward, précité, la Cour suprême du Canada décrit de la façon suivante la compétence fédérale sur les pêches :

Ces décisions établissent indubitablement que la compétence en matière de pêcheries vise non seulement la conservation et la protection, mais encore la « réglementation » générale des pêcheries, y compris leur gestion et leur surveillance. Elles reconnaissent que les « pêcheries » , au par. 91(12) de la Loi constitutionnelle de 1867, s'entendent des pêcheries en tant que ressource naturelle; [traduction] « une source de richesse pour le pays ou la province » (Robertson, précité, p. 121); un « bien commun » à gérer pour le bien de tous les Canadiens (Comeau's Sea Foods, précité, par. 37). La ressource halieutique comprend tous les animaux qui habitent les mers, mais elle englobe aussi les intérêts commerciaux et économiques, les droits et les intérêts des peuples autochtones, de même que l'intérêt public en matière de sport et de loisirs.

[54]            La Loi donne un pouvoir discrétionnaire absolu au ministre pour l'octroi de permis. L'article 7 est rédigé comme suit :


7. (1) En l'absence d'exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d'exploitation de pêcheries - ou en permettre l'octroi -, indépendamment du lieu de l'exploitation ou de l'activité de pêche.

(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l'octroi de baux, permis et licences pour un terme supérieur à neuf ans est subordonné à l'autorisation du gouverneur général en conseil.

7. (1) Subject to subsection (2), the Minister may, in his absolute discretion, wherever the exclusive right of fishing does not already exist by law, issue or authorize to be issued leases and licences for fisheries or fishing, wherever situated or carried on.

(2) Except as otherwise provided in this Act, leases or licences for any term exceeding nine years shall be issued only under the authority of the Governor in Council.


[55]            L'article 7 a été examiné par les tribunaux, qui ont reconnu que le ministre a un pouvoir discrétionnaire étendu pour l'octroi de permis. À ce sujet, je renvoie à l'arrêt Comeau's Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12 et à Tucker c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (2000), 197 F.T.R. 66, conf. (2001) 288 N.R. 10 (C.A.F.).


[56]            Alors que le ministre s'est vu accorder un pouvoir discrétionnaire absolu pour l'octroi de permis, c'est au gouverneur en conseil que le législateur a confié le pouvoir de prendre des règlements au sujet des divers aspects de la pêche. C'est l'article 43 qui confère ce pouvoir. Les dispositions de cet article pertinentes en l'espèce sont rédigées comme suit :


43. Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements d'application de la présente loi, notamment :

[...]

43. The Governor in Council may make regulations for carrying out the purposes and provisions of this Act and in particular, but without restricting the generality of the foregoing, may make regulations

...

b) concernant la conservation et la protection du poisson;

[...]

(b) respecting the conservation and protection of fish;

...

e) concernant l'utilisation des engins et équipements de pêche;

[...]

(e) respecting the use of fishing gear and equipment;

...

g) concernant les conditions attachées aux licences, permis et baux;

[...]

(g) respecting the terms and conditions under which a licence and lease may be issued;

...

i) concernant la conservation et la protection des frayères;

[...]

(i) respecting the conservation and protection of spawning grounds;

...

l) prescrivant les pouvoirs et fonctions des personnes chargées de l'application de la présente loi, ainsi que l'exercice de ces pouvoirs et fonctions;

(l) prescribing the powers and duties of persons engaged or employed in the administration or enforcement of this Act and providing for the carrying out of those powers and duties; and

m) habilitant les personnes visées à l'alinéa l) à modifier les périodes de fermeture, les contingents ou les limites de taille ou de poids du poisson fixés par règlement pour une zone ou à les modifier pour un secteur de zone.

(m) where a close time, fishing quota or limit on the size or weight of fish has been fixed in respect of an area under the regulations, authorizing persons referred to in paragraph (l) to vary the close time, fishing quota or limit in respect of that area or any portion of that area.


[57]            Dans l'exercice de ce pouvoir, le gouverneur en conseil a adopté le Règlement de pêche (dispositions générales), précité. Le paragraphe 3(1) de ce Règlement précise son aire d'application, mais l'alinéa 3(4)a) prévoit que les dispositions du Règlement de pêche de l'Atlantique, précité, l'emportent sur toute disposition incompatible du Règlement de pêche (dispositions générales), précité.


[58]            L'article 2 du Règlement de pêche (dispositions générales), précité, définit de la façon suivante les termes « directeur général régional » :


« directeur général régional » Le directeur général régional ou le directeur général régional associé du ministère;

"Regional Director-General" means a Regional Director-General or an Associate Regional Director-General of the Department;


[59]            Le paragraphe 6(1) du Règlement de pêche (dispositions générales), précité, traite des ordonnances de modification comme suit :


6. (1) Lorsqu'une période de fermeture, un contingent ou une limite de taille ou de poids du poisson est fixé pour une zone par un des règlements énumérés au paragraphe 3(4), le directeur général régional peut, par ordonnance, modifier la période de fermeture, le contingent ou la limite pour cette zone ou pour toute partie de cette zone.

6. (1) Where a close time, fishing quota or limit on the size or weight of fish is fixed in respect of an area under any of the Regulations listed in subsection 3(4), the Regional Director-General may, by order, vary that close time, fishing quota or limit in respect of that area or any portion of that area.


[60]            La « période d'interdiction » est définie comme suit à l'article 2 de la Loi :


« période d'interdiction » Période spécifiée pendant laquelle le poisson visé ne peut être pêché; « période de fermeture » ou « saison de fermeture » ont le même sens.

"close time" means a specified period during which fish to which it applies may not be fished, and "closed time" or "closed season" has a similar meaning;


[61]            L'article 22 du Règlement prévoit que les permis peuvent être assortis de conditions. En l'espèce, les alinéas 22(1)a), c), h) et i) sont pertinents :



22. (1) Pour une gestion et une surveillance judicieuses des pêches et pour la conservation et la protection du poisson, le ministre peut indiquer sur un permis toute condition compatible avec le présent règlement et avec les règlements énumérés au paragraphe 3(4), notamment une ou plusieurs des conditions concernant ce qui suit :

22. (1) For the proper management and control of fisheries and the conservation and protection of fish, the Minister may specify in a licence any condition that is not inconsistent with these Regulations or any of the Regulations listed in subsection 3(4) and in particular, but not restricting the generality of the foregoing, may specify conditions respecting any of the following matters:

a) les espèces et quantités de poissons qui peuvent être prises ou transportées;

[...]

(a) the species of fish and quantities thereof that are permitted to be taken or transported;

...

c) les eaux dans lesquelles la pêche peut être pratiquée;

[...]

(c) the waters in which fishing is permitted to be carried out;

...

h) le type et la quantité d'engins et d'équipements de pêche qui peuvent être utilisés et leur grosseur ainsi que la manière dont ils doivent être utilisés;

(h) the type, size and quantity of fishing gear and equipment that is permitted to be used and the manner in which it is permitted to be used;

i) l'endroit précis où les engins de pêche peuvent être mouillés;

(i) the specific location at which fishing gear is permitted to be set;


[62]            Au vu de ces dispositions du Règlement de pêche (dispositions générales), précité, il est apparent que le directeur général régional avait le pouvoir de prendre l'ordonnance de modification et que ladite ordonnance était elle-même autorisée par le Règlement. L'ordonnance de modification ne faisait rien d'autre que d'ouvrir la zone 5Z à la pêche. Rien ne permet de dire que le directeur général régional a outrepassé sa compétence, puisqu'il était autorisé à agir comme il l'a fait.


[63]            De plus, il ressort aussi clairement que l'article 43 autorise le gouverneur en conseil à prendre le règlement qui fonde la compétence du directeur général régional. À ce sujet, je renvoie aux alinéas 43l) et m), que je viens de citer. Selon l'arrêt de la Cour suprême du Canada Procureur général c. Inuit Tapirisat et autres, [1980] 2 R.C.S. 735, aux pages 758 et 759, un tribunal est autorisé à examiner si le gouverneur en conseil a agi dans le cadre de sa compétence en prenant un règlement.

En pareil cas, la Cour doit revenir à son rôle fondamental de surveillance de la compétence et, ce faisant, interpréter la Loi pour établir si le gouverneur en conseil a rempli ses fonctions dans les limites du pouvoir et du mandat que lui a confiés le législateur.

[64]            En fait, il est utile de faire remarquer que l'ordonnance de modification 2001-074 n'a fait que rétablir la période de fermeture de la pêche dans cette zone, selon ce que prévoient les articles 87 et 90 du Règlement de pêche de l'Atlantique, précité, qui sont rédigés comme suit :


87. (1) Sous réserve des articles 88 et 90, il est interdit de pêcher une espèce de poisson de fond nommée à la colonne I de l'annexe XXIII, dans une zone de stock mentionnée à la colonne II, à partir d'un bateau d'une catégorie visée à la colonne III, pendant la période de fermeture établie à la colonne IV de cette annexe.

87. (1) Subject to sections 88 and 90, no person shall fish for a species of groundfish set out in column I of an item of Schedule XXIII in a Stock Area set out in column II of a subitem of that item from a vessel of a vessel class set out in column III of that subitem during the close time set out in column IV of that subitem.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), lorsqu'une période de fermeture établie à la colonne IV de l'annexe XXIII vise plus d'une catégorie de bateau mentionnée à la colonne III, cette période est réputée avoir été fixée pour chacune de ces catégories de bateau.

(2) For the purposes of subsection (1), where a close time set out in column IV of a subitem of Schedule XXIII is in respect of more than one vessel class, that close time is deemed to be fixed in respect of each vessel class referred to in that subitem.

90. Il est interdit de pêcher le poisson de fond dans les eaux visées à la colonne I de l'annexe XXIV au moyen d'un engin de pêche visé à la colonne II pendant la période de fermeture établie à la colonne III.

90. No person shall fish for groundfish in the waters set out in column I of Schedule XXIV with a type of gear referred to in column II during the close time set out in column III.



[65]            Les périodes de fermeture dont il est fait mention à l'article 87 ont fait l'objet de l'ordonnance de modification 2001-003. Cette ordonnance de modification a changé les périodes de fermeture et prévu que « tout engin est désormais interdit du 1 janvier au 31 décembre » . En vertu du Règlement de pêche de l'Atlantique, précité, y compris l'annexe XXIII, les périodes de fermeture varient selon les espèces de poisson. Toutefois, l'ordonnance de modification 2001-003 fait que toutes les périodes de fermeture étaient modifiées pour être portées à 12 mois. L'ordonnance de modification 2001-003 était spécifiquement prévue pour prendre fin le 31 décembre 2001, « sauf abrogation antérieure » .

[66]            Elle a été abrogée par l'ordonnance de modification 2001-074, qui n'a fait que rétablir les périodes de fermeture prévues dans le Règlement de pêche de l'Atlantique, précité. Personne n'a contesté la légalité de ce Règlement. En fait, on ne trouve dans cette demande aucune contestation de la légalité de l'article 43 de la Loi, qui autorise la prise de règlements, ou du Règlement de pêche (dispositions générales), précité.

[67]            Subsidiairement, la demanderesse soutient que l'ordonnance de modification est « contraire à la loi » , parce que le chalutage sur le Banc Georges sera cause de DDP. Aux dires de la demanderesse, la DDP consécutive à la pêche est interdite par l'article 35 de la Loi. L'article 35 est rédigé comme suit :


35. (1) Il est interdit d'exploiter des ouvrages ou entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson.

35. (1) No person shall carry on any work or undertaking that results in the harmful alteration, disruption or destruction of fish habitat.

(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas aux personnes qui détériorent, détruisent ou perturbent l'habitat du poisson avec des moyens ou dans des circonstances autorisés par le ministre ou conformes aux règlements pris par le gouverneur en conseil en application de la présente loi.

(2) No person contravenes subsection (1) by causing the alteration, disruption or destruction of fish habitat by any means or under any conditions authorized by the Minister or under regulations made by the Governor in Council under this Act.



[68]            La demanderesse soutient que les termes « ouvrages » ou « entreprises » , qui ne sont pas définis dans la Loi, doivent recevoir leur sens ordinaire et être interprétés comme recouvrant toute activité humaine. Comme la pêche est une activité humaine, elle serait visée par la portée du paragraphe 35(1).

[69]            Pour sa part, le défendeur soutient que ce point de vue n'est pas cohérent avec l'objectif de la Loi. Les termes « ouvrages » ou « entreprises » apparaissent aux articles 36 et 37, tout comme à l'article 35. Ces trois dispositions se trouvent dans la partie de la Loi qui traite de la protection de l'habitat et de la prévention de la pollution. Le défendeur soutient que les termes « ouvrages ou entreprises » et « pêche » sont utilisés à différents endroits dans la Loi parce qu'ils ont des sens différents et qu'ils ne se recoupent pas.

[70]            Le terme « pêche » est défini comme suit à l'article 2 de la Loi :


« pêche » Fait de prendre ou de chercher à prendre du poisson par quelque moyen que ce soit.

"fishing" means fishing for, catching or attempting to catch fish by any method;


Cette définition est large. Elle doit être interprétée dans le contexte de la Loi et du Règlement. Dans la décision Les Tribus Kwicksutaineuk/Ah-Kwa-mish, précitée, le juge Rouleau a rejeté l'argument qu'on lui présentait au vu du sens extensif à donner au terme « pêche » . Il déclare ceci, au paragraphe 22 :


Le mot « pêche » est défini comme suit à l'article 2 de la Loi sur les pêches : « Fait de prendre ou de chercher à prendre du poisson par quelque moyen que ce soit. » L'interprétation stricte de ce terme donnée par le demandeur n'est pas étayée par l'interprétation grammaticale ou textuelle de la Loi dans son ensemble. La définition de ce terme ne fait pas mention de l'exigence voulant que le poisson qui est pêché soit « utilisé » ou « exploité » de quelque façon; elle est limitée à l'action physique même par laquelle une personne prend le poisson (ou en prend possession). De fait, les règlements existants (voir, par exemple, l'article 33 du Règlement de pêche (dispositions générales)) et l'économie de la loi permettent et même exigent que le poisson qu'une personne prend soit dans certaines circonstances remis à l'eau, de sorte que l' « utilisation » ou l' « exploitation » du poisson n'est pas pertinente et qu'elle est même prohibée dans certaines circonstances.

[71]            En l'espèce, la demanderesse cherche à démontrer que la pêche est visée par le paragraphe 35(1) de la Loi, afin de démontrer que le directeur général régional a agi de façon « contraire à la loi » en prenant l'ordonnance de modification 2001-074. Cet argument se fonde sur l'allégation que le chalutage va inévitablement entraîner la DDP dans la zone 5Z.

[72]            Cet argument me cause des difficultés. Premièrement, le directeur général régional agissait d'une façon autorisée par la loi lorsqu'il a pris l'ordonnance de modification. L'ordonnance de modification ne précise pas quels types d'engin de pêche sont autorisés durant les périodes d'ouverture, cette question étant réglée par les conditions prévues dans les permis accordés par le ministre et au vu de la réglementation applicable.

[73]            Il n'y a aucune preuve que la prise de l'ordonnance de modification a eu, en soi, un impact particulier sur l'environnement de la région benthique de la zone 5Z. Je partage l'avis du défendeur que s'il y a eu un impact, sa cause ne se trouve pas dans l'ordonnance de modification.

[74]            De plus, il importe de noter que l'article 35 n'interdit pas absolument la DDP. La DDP peut être autorisée par le ministre ou par un règlement pris par le gouverneur en conseil.


[75]            La pêche est autorisée, sous réserve de l'obtention d'un permis et du respect des conditions fixées conformément au Règlement. Il est incongru de dire que la pêche est interdite aux fins de l'article 35 à défaut d'une autre autorisation. L'article 35 est une interdiction qui peut, dans certains cas, mener à des poursuites en vertu de la Loi.

[76]            Si le législateur avait eu l'intention que les termes « ouvrages ou entreprises » de l'article 35 comprennent la pêche, il aurait pu, et il aurait dû, clarifier cette intention en incluant des termes en ce sens dans la définition ou ailleurs dans la Loi.

[77]            J'accepte l'argument du défendeur qui veut que, de toute façon, l'article 35 ne prescrit pas une interdiction absolue de la DDP, mais seulement des activités non autorisées qui peuvent avoir ce résultat. Au vu du cadre législatif et réglementaire, il est clair que pour être légale la pêche doit être autorisée par le moyen d'un permis délivré par le ministre.

[78]            De plus, le Règlement de pêche (dispositions générales), précité, contient des dispositions portant sur les demandes d'autorisation en vertu du paragraphe 35(2). L'annexe VI du Règlement énumère certaines activités spécifiques qui exigent une autorisation, y compris la construction des ponts, ponceaux et barrages, les activités minières et le contrôle de l'érosion. Ces activités ne sont pas comprises dans la définition de « pêche » , bien qu'elles peuvent lui être accessoires.


[79]            La demanderesse a fait état du débat parlementaire tenu à l'occasion de la modification de la Loi en 1977, qui est venue ajouter des dispositions sur la prévention de la pollution. L'article 35 se trouve dans la partie de la Loi qui s'intitule : « Protection de l'habitat des poissons et prévention de la pollution » . L'article 34 comprend plusieurs définitions qui s'appliquent aux articles 35 à 43. On trouve la définition suivante des termes « habitat du poisson » , à l'article 34 :


« habitat du poisson » Frayères, aires d'alevinage, de croissance et d'alimentation et routes migratoires dont dépend, directement ou indirectement, la survie des poissons.

"fish habitat" means spawning grounds and nursery, rearing, food supply and migration areas on which fish depend directly or indirectly in order to carry out their life processes;


[80]            Il peut être utile de s'en rapporter au débat parlementaire pour interpréter une loi. Il est clair au vu de la documentation présentée par la demanderesse que la préservation et la conservation des ressources halieutiques étaient un facteur important pour le ministre des Pêches d'alors et que cet objectif avait l'appui des autres députés qui ont participé au débat. Toutefois, le débat parlementaire pertinent en l'espèce ne va pas dans le sens de l'argument de la demanderesse que les termes « ouvrages ou entreprises » de l'article 35 recouvrent les activités de pêche autorisées par le ministre ou par le Règlement.

[81]            La jurisprudence citée par la demanderesse au sujet des termes « ouvrages et entreprises » que l'on trouve à l'article 35 porte sur des poursuites introduites en application de l'article 35 et elle n'est pas pertinente en l'espèce.

[82]            Selon moi, l'article 35 ne s'applique pas à l'ordonnance de modification en cause ici.


iii)          Application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale

[83]            La demanderesse soutient aussi que l'ordonnance de modification est « contraire à la loi » , puisqu'il n'y a pas eu d'évaluation environnementale en vertu de la LCEE. Selon moi, cette loi ne s'applique pas en l'espèce.

[84]            La LCEE a été adoptée pour créer un processus fédéral d'évaluation environnementale, comme l'indique clairement son préambule. De plus, l'article 4 énonce comme suit l'objectif de la loi :


4. (1) La présente loi a pour objet :

a) de veiller à ce que les projets soient étudiés avec soin et prudence avant que les autorités fédérales prennent des mesures à leur égard, afin qu'ils n'entraînent pas d'effets environnementaux négatifs importants;

4. (1) The purposes of this Act are

(a) to ensure that projects are considered in a careful and precautionary manner before federal authorities take action in connexion with them, in order to ensure that such projects do not cause significant adverse environmental effects;

b) d'inciter ces autorités à favoriser un développement durable propice à la salubrité de l'environnement et à la santé de l'économie;

(b) to encourage responsible authorities to take actions that promote sustainable development and thereby achieve or maintain a healthy environment and a healthy economy;

b.1) de faire en sorte que les autorités responsables s'acquittent de leurs obligations afin d'éviter tout double emploi dans le processus d'évaluation environnementale;

(b.1) to ensure that responsible authorities carry out their responsibilities in a coordinated manner with a view to eliminating unnecessary duplication in the environmental assessment process;

b.2) de promouvoir la collaboration des gouvernements fédéral et provinciaux, et la coordination de leurs activités, dans le cadre du processus d'évaluation environnementale de projets;

(b.2) to promote cooperation and coordinated action between federal and provincial governments with respect to environmental assessment processes for projects;

b.3) de promouvoir la communication et la collaboration entre les autorités responsables et les peuples autochtones en matière d'évaluation environnementale;

(b.3) to promote communication and cooperation between responsible authorities and Aboriginal peoples with respect to environmental assessment;


c) de faire en sorte que les éventuels effets environnementaux négatifs importants des projets devant être réalisés dans les limites du Canada ou du territoire domanial ne débordent pas ces limites;

(c) to ensure that projects that are to be carried out in Canada or on federal lands do not cause significant adverse environmental effects outside the jurisdictions in which the projects are carried out; andd) de veiller à ce que le public ait la possibilité de participer de façon significative et en temps opportun au processus de l'évaluation environnementale.

(d) to ensure that there be opportunities for timely and meaningful public participation throughout the environmental assessment process.

(2) Pour l'application de la présente loi, le gouvernement du Canada, le ministre, l'Agence et les organismes assujettis aux dispositions de celle-ci, y compris les autorités fédérales et les autorités responsables, doivent exercer leurs pouvoirs de manière à protéger l'environnement et la santé humaine et à appliquer le principe de la prudence.

(2) In the administration of this Act, the Government of Canada, the Minister, the Agency and all bodies subject to the provisions of this Act, including federal authorities and responsible authorities, shall exercise their powers in a manner that protects the environment and human health and applies the precautionary principle.


[85]            La LCEE vise l'évaluation des effets environnementaux des projets. Le terme « projet » est défini comme suit, à l'article 2 :


« projet » Réalisation - y compris l'exploitation, la modification, la désaffectation ou la fermeture - d'un ouvrage ou proposition d'exercice d'une activité concrète, non liée à un ouvrage, désignée par règlement ou faisant partie d'une catégorie d'activités concrètes désignée par règlement aux termes de l'alinéa 59b).

"project" means

(a) in relation to a physical work, any proposed construction, operation, modification, decommissioning, abandonment or other undertaking in relation to that physical work, or

(b) any proposed physical activity not relating to a physical work that is prescribed or is within a class of physical activities that is prescribed pursuant to regulations made under paragraph 59(b);


[86]            Le paragraphe 5(1) précise les projets pour lesquels une évaluation environnementale doit être effectuée. Il est rédigé comme suit :


5. (1) L'évaluation environnementale d'un projet est effectuée avant l'exercice d'une des attributions suivantes :

5. (1) An environmental assessment of a project is required before a federal authority exercises one of the following powers or performs one of the following duties or functions in respect of a project, namely, where a federal authority

a) une autorité fédérale en est le promoteur et le met en oeuvre en tout ou en partie;

(a) is the proponent of the project and does any act or thing that commits the federal authority to carrying out the project in whole or in part;


b) une autorité fédérale accorde à un promoteur en vue de l'aider à mettre en oeuvre le projet en tout ou en partie un financement, une garantie d'emprunt ou toute autre aide financière, sauf si l'aide financière est accordée sous forme d'allègement - notamment réduction, évitement, report, remboursement, annulation ou remise - d'une taxe ou d'un impôt qui est prévu sous le régime d'une loi fédérale, à moins que cette aide soit accordée en vue de permettre la mise en oeuvre d'un projet particulier spécifié nommément dans la loi, le règlement ou le décret prévoyant l'allègement;

(b) makes or authorizes payments or provides a guarantee for a loan or any other form of financial assistance to the proponent for the purpose of enabling the project to be carried out in whole or in part, except where the financial assistance is in the form of any reduction, avoidance, deferral, removal, refund, remission or other form of relief from the payment of any tax, duty or impost imposed under any Act of Parliament, unless that financial assistance is provided for the purpose of enabling an individual project specifically named in the Act, regulation or order that provides the relief to be carried out;

c) une autorité fédérale administre le territoire domanial et en autorise la cession, notamment par vente ou cession à bail, ou celle de tout droit foncier relatif à celui-ci ou en transfère à Sa Majesté du chef d'une province l'administration et le contrôle, en vue de la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie;

(c) has the administration of federal lands and sells, leases or otherwise disposes of those lands or any interests in those lands, or transfers the administration and control of those lands or interests to Her Majesty in right of a province, for the purpose of enabling the project to be carried out in whole or in part; or

d) une autorité fédérale, aux termes d'une disposition prévue par règlement pris en vertu de l'alinéa 59f), délivre un permis ou une licence, donne toute autorisation ou prend toute mesure en vue de permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie.

(d) under a provision prescribed pursuant to paragraph 59(f), issues a permit or licence, grants an approval or takes any other action for the purpose of enabling the project to be carried out in whole or in part.


[87]            L'article 59 de cette loi autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements. L'alinéa 59b) autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour « désigner une activité concrète ou une catégorie d'activités concrètes pour l'application de la définition de " projet " au paragraphe 2(1) » . C'est en vertu de cette disposition législative qu'on a pris le Règlement sur la liste d'inclusion, DORS/94-637.

[88]            Selon moi, ni la LCEE ni le Règlement sur la liste d'inclusion, précité, ne s'appliquent en l'espèce. L'objet de cette demande est une ordonnance de modification. Je renvoie à la décision Les Tribus Kwicksutaineuk/Ah-Kwa-mish, précitée, où le juge Rouleau a déclaré, au paragraphe 26, que la pêche n'est pas un « projet » aux fins de la LCEE. Il déclare ceci :

[...] De fait, la jurisprudence dit clairement que l'interdiction énoncée dans cette disposition vise la réalisation et l'exploitation de projets qui pourraient entraîner la destruction du poisson ou endommager l'habitat du poisson : voir par exemple Lavoie c. Canada (Ministre de l'Environnement) (2000), 190 F.T.R. 181 (C.F. 1re inst.); Lavoie c. Canada (Ministre de l'Environnement) (1999), 168 F.T.R. 82 (C.F. 1re inst.). Or, en l'espèce, on n'entend pas réaliser ou exploiter un projet de ce genre.


CONCLUSION

[89]            L'objet de cette demande de contrôle judiciaire est une ordonnance de modification qui a été prise de façon légitime par le directeur général régional dans l'exercice du pouvoir qui lui est délégué par le paragraphe 6(1) du Règlement de pêche (dispositions générales), précité. Ce Règlement a été adopté par le gouverneur en conseil en vertu de la compétence qui lui est accordée par l'article 43 de la Loi.

[90]            En soi, l'ordonnance de modification n'a comme effet que de déterminer une période de fermeture pour la pêche dans la zone 5Z, en conformité des articles 87 et 90 du Règlement de pêche de l'Atlantique, précité. Selon ce Règlement, cette zone est ouverte à la pêche durant les périodes précisées à la colonne IV de l'annexe XXIII, sous réserve des périodes de fermeture précisées à l'annexe XXIV.

[91]            La pêche n'est pas un « ouvrage ou entreprise » au sens de l'article 35 de la Loi et elle n'exige aucune autre autorisation qu'un permis délivré par le ministre en vertu de l'article 7 de la Loi. La LCEE ne s'applique pas étant donné que la pêche n'est pas un « projet » .


[92]            La réglementation et la gestion des ressources halieutiques canadiennes sont des activités complexes. Elles impliquent l'identification et la pondération d'une variété d'intérêts, y compris la préservation d'une ressource naturelle, les intérêts économiques des personnes impliquées dans l'industrie de la pêche et une sage exploitation des ressources halieutiques au bénéfice de tous et non des seuls Canadiens.

[93]            Le Parlement a confié au ministre et au gouverneur en conseil la tâche de pondérer ces divers intérêts. En autant que les choix qu'ils font se situent dans le cadre de l'autorité qui leur est conférée par la loi, l'intervention des tribunaux n'est pas justifiée.

[94]            Les ordonnances de modification sont reconnues comme des outils de gestion légitimes, par exemple dans l'arrêt Gulf Trollers, précité. Une ordonnance de modification qui vient changer les périodes de fermeture prévues dans une autre ordonnance de modification ou dans le Règlement exige l'exercice d'un jugement qui ne devrait pas être contesté par la Cour dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire. Je renvoie à nouveau à la déclaration de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Nunavut, précité, à la page 255 :

Autrement dit, dans une procédure de contrôle judiciaire, la Cour se préoccupe de la légalité de la décision ministérielle résultant de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, et non pas de l'opportunité, de la sagesse ou de la justesse de cette décision (voir Association canadienne des importeurs réglementés c. Canada, [1994] 2 C.F. 247, page 260 (C.A.F.)).

[95]            En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Au vu du pouvoir discrétionnaire que m'accordent les Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, et modifications, et de l'intérêt public aux questions soulevées par la demanderesse, je n'octroie pas de dépens.


                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.

                                                                                   _ E. Heneghan _               

                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    T-1179-01

INTITULÉ :                                                   Ecology Action Centre Society

c.

Le Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATES DE L'AUDIENCE :                         Les 26 et 27 janvier 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

ET ORDONNANCE :                                   La juge Heneghan

DATE DES MOTIFS :                                  Le 6 août 2004

COMPARUTIONS :

Robert Wright                                                                           POUR LA DEMANDERESSE

Margot Venton

James Gundvaldsen-Klaassen                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sierra Legal Defence Fund, Toronto (Ontario)              POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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