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Date : 20010621

Dossier : T-2028-95

Référence neutre : 2001 CFPI 689

ENTRE :

WHIRLPOOL CORPORATION et

         INGLIS LIMITED

demanderesses

              - et -

        CAMCO INC. et

    GENERAL ELECTRIC COMPANY

défenderesses

ET ENTRE :

     T-2113-96

WHIRLPOOL CORPORATION et

         INGLIS LIMITED

demanderesses

                   et

      MAYTAG CORPORATION,

      MAYTAG LIMITED et

      MAYTAG QUEBEC INC.

défenderesses


        MOTIFS DES ORDONNANCES

        (rendus à l'audience à Toronto (Ontario),

le mercredi 20 juin 2001)

LE JUGE HUGESSEN

[1]                Les requêtes visant à l'obtention de directives qui ont été présentées dans ces deux dossiers ont été entendues ensemble. J'ai demandé aux avocats de traiter en premier lieu de la question du délai parce que, à mon avis, il était sérieusement possible de se demander si ces requêtes ont été présentées en temps opportun.

[2]                Dans la première action, où Camco Company est défenderesse, l'instruction, qui a eu lieu au mois d'avril 1997, a duré cinq jours; Monsieur le juge Cullen a rendu jugement au mois d'août de cette année-là; il a tiré, d'une façon générale, des conclusions favorables aux demanderesses et leur a adjugé les dépens. La deuxième action, dans laquelle les défenderesses sont les sociétés Maytag, devait être entendue environ un mois seulement après le prononcé du jugement dans la première action; or, par suite de ce dernier jugement, une requête a été présentée devant moi en vue de l'obtention d'un jugement sur consentement et j'ai signé pareil jugement ce mois-là. Par ce jugement, j'adjugeais en outre les dépens aux demanderesses et je réservais expressément aux défenderesses le droit d'interjeter appel contre le jugement au fond, c'est-à-dire au sujet des conclusions relatives à la validité et à la contrefaçon.


[3]                Les deux jugements ont en fait été portés en appel devant la Cour d'appel fédérale. Je crois comprendre que la question de l'adjudication des dépens était en litige dans l'appel relatif au premier jugement, mais qu'elle ne l'était apparemment pas dans l'appel relatif au deuxième jugement. Cependant, je ne sais pas trop ce qui serait arrivé si l'appel du deuxième jugement avait été accueilli, à savoir si la décision que j'avais rendue sur consentement au sujet des dépens avait été confirmée.

[4]                Les appels ont été rejetés par la Cour d'appel au tout début de l'année 1999. Les deux défenderesses ont sollicité et obtenu l'autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada qui, au mois de décembre 2000, a rejeté les appels avec dépens. Une requête en réexamen a été rejetée par la Cour suprême au mois de février de l'année en cours, et les requêtes dont je suis ici saisi ont été signifiées et déposées peu de temps après.

[5]                À mon avis, les requêtes ont été présentées en dehors du délai imparti. En effet, lorsque la règle 403 exige qu'une requête de ce genre soit présentée dans les 30 jours qui suivent la date d'un jugement, elle entend, le cas échéant, le jugement de la Section de première instance.


[6]                Les demanderesses se fondent en partie sur ce qui, à mon avis, constitue une remarque incidente faite par la Cour d'appel dans l'arrêt Engine and Leasing Co c. Atlantic Towing Ltd. (1994), 164 N.R. 394 (C.A.F.) à l'appui de la thèse selon laquelle, si les dépens sont en cause dans l'appel, le délai dans lequel une requête peut être présentée en vertu de la règle 403 à l'égard des dépens devant la Section de première instance ne commence à courir qu'à compter de la date du jugement de la Cour d'appel. Je ne crois pas que l'interprétation que les demanderesses ont donnée aux remarques qui ont été faites dans cet arrêt soit en fait celle qu'il convient de donner aux paroles de Monsieur le juge Décary. Quoi qu'il en soit, il s'agissait néanmoins clairement d'une remarque incidente; or, à mon avis, eu égard aux circonstances de cette affaire-là, cette remarque était tout à fait juste. La présente espèce est tout à fait différente. Dans l'arrêt Engine and Leasing, la question des dépens n'avait pas été examinée à l'audience et elle avait en fait été expressément reportée. Il n'est rien arrivé de la sorte dans ce cas-ci. En passant, dans l'affaire Stein c. « Kathy K. » (Le) [1976] 2 C.F. 69 (1re inst.), la situation était fort similaire; en effet, une requête comme celle qui est ici en cause avait été présentée longtemps après le prononcé du jugement de la Section de première instance parce que la question des dépens n'avait pas été débattue et que les deux avocats et la Cour l'avait laissée de côté.

[7]                Les demanderesses invoquent également la règle 3 à l'appui de l'interprétation qu'elles cherchent à donner à la règle 403; elles affirment qu'exiger qu'une requête fondée sur la règle 403 soit présentée dans les 30 jours qui suivent la date du jugement définitif prononcé par la Section de première instance, lorsque ce jugement a été porté en appel, constitue un gaspillage de temps et d'argent. Elles affirment que, compte tenu de la règle 3, la règle 403 doit être interprétée comme se rapportant au jugement définitif rendu en appel.


[8]                Il est vrai qu'il y aura toujours des cas dans lesquels il est après coup possible de dire qu'il aurait été inutile de présenter une requête en vue de l'obtention de dépens additionnels ou d'une ordonnance spéciale relative aux dépens juste après que la Section de première instance a rendu jugement. Cependant, les personnes qui ont rédigé les Règles[1] le savaient certainement; il est également vrai qu'il y aura des cas dans lesquels une économie de temps et d'argent sera clairement réalisée si la requête fondée sur la règle 403 doit être présentée conformément aux exigences de la règle, dans les 30 jours qui suivent la date du jugement de la Section de première instance. De fait, tel est ici le cas. Si ces requêtes avaient été présentées devant le juge qui a présidé l'instruction dans les 30 jours qui ont suivi la date à laquelle les deux jugements en question ont été prononcés, la question des dépens aurait fort probablement pu être jointe à la question du bien-fondé des appels; la Cour d'appel aurait pu l'examiner en même temps et en se fondant sur le même dossier. Si l'ordonnance que je rends aujourd'hui est assujettie à un appel et si j'entendais cette requête au fond, l'ordonnance que je rendrais, le cas échéant, à l'égard des dépens additionnels, occasionnerait des frais d'impression fort élevés et la Cour devrait y consacrer beaucoup de temps afin de régler l'appel.

[9]                J'aimerais ajouter que la règle, dans la présente cour, est qu'un jugement n'est pas suspendu du fait qu'un appel a été interjeté et que l'existence même de cette règle milite fortement à l'encontre de l'interprétation que les demanderesses cherchent à donner au mot « jugement » figurant dans la règle 403.


[10]            Même si ce que j'ai qualifié de remarque incidente, dans l'arrêt Engine and Leasing, était un énoncé exact du droit et même si cette remarque devait être interprétée de la façon dont les demanderesses le préconisent, la requête ici en cause serait néanmoins présentée en dehors du délai imparti puisque elle pourrait tout au plus se rapporter au jugement définitif de la Cour d'appel fédérale plutôt qu'au jugement de la Cour suprême du Canada.

[11]            Subsidiairement, les demanderesses ont sollicité une prorogation de délai de façon à pouvoir présenter ces requêtes nunc pro tunc. Elles affirment que les défenderesses ne subiront pas de préjudice ou ne subiraient pas de préjudice si je devais rendre une ordonnance en ce sens. Je ne suis pas certain que ce soit le cas. De fait, il me semble qu'un certain nombre de facteurs peuvent militer à l'encontre des défenderesses, et notamment bien sûr, le fait que le barème des dépens a énormément augmenté depuis que les jugements ont été rendus, aux mois d'août et de septembre 1997. Il est en outre certain que les requêtes n'auraient pas été entendues puisque je n'ai pas personnellement connaissance des circonstances dans lesquelles l'instruction s'est déroulée. Si les requêtes avaient été présentées en temps opportun, le juge Cullen, qui a présidé l'instruction, aurait été bien mieux placé pour rendre une décision équitable sur les diverses requêtes que les demanderesses ont présentées.


[12]            Toutefois, indépendamment de cela, le préjudice n'est pas l'unique facteur à prendre en considération lorsqu'il s'agit de déterminer si une prorogation de délai doit être accordée. Il faut tenir compte d'autres facteurs. De fait, il n'existe aucune liste exhaustive des divers facteurs qu'un juge peut prendre en compte lorsqu'il détermine s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à proroger un délai. Cependant, parmi les facteurs qui sont souvent mentionnés, il y a la force ou la faiblesse de la cause à l'égard de laquelle la prorogation de délai est demandée, le temps qui s'est écoulé depuis que le délai imparti a expiré, les motifs du retard, quels qu'ils soient, ainsi que la question de savoir si la personne qui sollicite la prorogation avait l'intention d'agir depuis que le délai a commencé à courir et si elle a manifesté cette intention.

[13]            Si je soupèse ces facteurs du mieux possible, je ne crois pas qu'il convienne ici d'exercer mon pouvoir discrétionnaire; je dois dire qu'à mon avis, la considération la plus importante se rapporte au temps qu'on a laissé s'écouler, à savoir 40 mois, depuis que les jugements initiaux ont été prononcés. Par conséquent, je rejette les deux requêtes avec dépens. À ma connaissance, il ne s'agit pas ici d'un cas dans lequel il convient de rendre une ordonnance spéciale au sujet des dépens.

                                                                                         

                 Juge                     

Ottawa ( Ontario)

21 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER : T-2028-95

INTITULÉ DE LA CAUSE : WHIRLPOOL CORPORATION & INGLIS LTD. et CAMCO INC. ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE : 20 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS : 21 juin 2001

ONT COMPARU:

Christopher Kvas POUR LES DEMANDERESSES

Dennis Leung POUR LES DÉFENDERESSES

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

KVAS MILLER EVERITT POUR LES DEMANDERESSES

SMART & BIGGAR POUR LES DÉFENDERESSES


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER : T-2113-96

INTITULÉ DE LA CAUSE : WHIRLPOOL CORPORATION & INGLIS LTD. et MAYTAG CORPORATION ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE : 20 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS : 21 juin 2001

ONT COMPARU:

Christopher Kvas POUR LES DEMANDERESSES

Stephen Lane POUR LES DÉFENDERESSES

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

KVAS MILLER EVERITT POUR LES DEMANDERESSES

SIM, HUGHES, ASHTON & MCKAY POUR LES DÉFENDERESSES



[1]    Au cours de l'argumentation, j'ai signalé aux avocats que ce n'était pas par hasard que le délai prévu dans la règle 403 et le délai imparti aux fins du dépôt d'un avis d'appel en vertu de l'article 27 de la Loi sur la Cour fédérale correspondent.

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