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     Date : 19990608

     Dossier : IMM-2720-99


OTTAWA (ONTARIO), LE 8 JUIN 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

     DARNETTE ADASSA RICHARDS,

     demanderesse,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     défendeur.



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]      La présente affaire a été entendue le 2 juin 1999 par téléconférence, au terme de laquelle la Cour a accordé, séance tenante, un sursis à l"exécution de la mesure d"expulsion. Vu les questions en litige, la Cour fournit par la présente des motifs écrits.

[2]      Mme Richards, citoyenne de la Jamaïque, est arrivée au Canada en 1987 à l"âge de 22 ans pour vivre avec sa grand-mère. Elle a obtenu le statut d"immigrante admise grâce au parrainage de sa grand-mère. Entre-temps, la santé de sa grand-mère s"est détériorée, et la preuve que la demanderesse a soumise en cour indique qu"elle est la prestataire de soins principale de sa grand-mère.

[3]      La source du litige que la Cour est appelée à trancher est le fait que Mme Richards a été déclarée coupable, non pas à une mais bien à deux reprises, d"infractions relatives à l"importation de stupéfiants au Canada. À la suite de la deuxième condamnation, les autorités de l"Immigration ont amorcé un processus par lequel le ministre a décidé, en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration, que Mme Richards constituait un danger pour le public. Une mesure d"expulsion a alors été prise à son endroit. Mme Richards présente une demande de contrôle judiciaire relativement à l"avis de danger, de même qu"une demande de sursis à l"exécution de la mesure d"expulsion dans l"attente de l"audition de la demande d"autorisation et de la demande de contrôle judiciaire concernant l"avis de danger.

[4]      Le critère pour l"attribution d"un sursis est énoncé dans l"affaire Toth1, une décision de la Cour d"appel fédérale. L"aspect le plus contesté de ce critère aux fins de la présente affaire porte sur la question grave à trancher. L"avocat de la demanderesse a soulevé des questions qui découlent du défaut de la part des autorités de l"Immigration d"aviser de façon appropriée la demanderesse lorsqu"elles ont eu recours à l"avis de danger. La Cour est d"avis qu"il s"agit ici d"éléments de crédibilité qui ne soulèvent pas de question grave. C"est plutôt le fait de savoir si l"affaire Thompson2 s"applique aux faits du présent dossier et si Thompson fait encore

jurisprudence à la suite de la décision de la Cour d"appel dans Williams3 qui constitue une question grave.

[5]      Afin de bien situer le problème, l"on doit tenir compte des éléments de preuve sur lesquels le ministre s"est appuyé pour tirer sa conclusion selon laquelle Mme Richards était un danger pour le public. À la suite des entretiens tenus avec Mme Richards après chacune de ses condamnations, les autorités de l"Immigration ont préparé trois rapports :

     1-      un rapport descriptif des actes criminels, en date du 9 janvier 1998
     2-      un rapport d"avis ministériel concernant le danger pour le public, en date du 20 juillet 1998
     3-      une demande d"avis du ministre en date du 18 août 1998

C"est sur la foi de ces rapports que le représentant du ministre a conclu que Mme Richards constituait un danger pour le public. Les extraits de ces rapports qui font référence à la situation de Mme Richards sont reproduits plus bas :

         [TRADUCTION] Rapport descriptif des actes criminels, conformément au paragraphe 27(1)
     ....
     Section 3 - Condamnations ou infractions devant être signalées
     DATE :          CONDAMNATION ou INFRACTION :          PEINE :
     6 mai 1992          Importation de stupéfiants              16 mois de prison
     10 janvier 1997      Importation de stupéfiants              21 mois et 15 jours de prison

     ...

     Section 5 - CIRCONSTANCES ENTOURANT LES FAITS ALLÉGUÉS [...]

     C"est une dette de drogue impayée de 2 000,00 $, redevable à certains individus, qui a éventuellement mené à la condamnation de l"intéressée en 1997. Elle dit avoir fait l"objet de menaces de la part de ces créanciers, et affirme qu"on lui a ordonné de se rendre en Jamaïque pour chercher de la cocaïne. Elle y est allée en décembre 1995; elle est revenue au pays le 4 mars 1996. Elle avait avalé un sac contenant 78 comprimés de cocaïne avant son retour au Canada. Elle a été interrogée à l"aéroport de Toronto, à savoir si elle avait en sa possession des drogues aux fins d"importation, a répondu par l"affirmative et a été transportée à l"hôpital. La valeur marchande des drogues se chiffrait à 59 000,00 $.
     L"intéressée est allée en vacances en Jamaïque en 1989. Au moment de son départ pour le Canada, à l"aéroport de la Jamaïque, un ami de longue date lui a demandé de rapporter un petit sac pour un ami au Canada de sa part. Elle affirme avoir acquiescé à la demande et qu"à sa connaissance, le sac ne contenait que quelques épices et autres types de nourriture.
     L"intéressée a donc accepté de ramener le sac. À son arrivée au Canada, elle a été interrogée aux douanes canadiennes quant au contenu du sac. Elle a expliqué que le sac n"était pas le sien et qu"elle le ramenait pour un ami. Le sac a alors été fouillé et on y a trouvé entre autres de la marijuana. L"intéressée prétend ignorer le fait que le sac contenait de la drogue.
     Il y avait 30 lb de marijuana, d"une valeur marchande de 138 200,00 $.
     Section 6 - Degré d"établissement [...]
     L"intéressée, travailleuse autonome, est coiffeuse depuis quelques années, bien qu"elle ne soit pas coiffeuse autorisée. Elle travaillait à partir de son domicile. Elle a toujours vécu avec sa grand-mère de 77 ans depuis son arrivée au Canada.
     L"intéressée habite présentement dans une maison de transition, au 255, rue Wellesley, à Toronto, no de tél. 924-3708, et elle y demeurera jusqu"au 22 mars 1998.
     Elle fréquente présentement à temps plein l"Academy of Learning pour obtenir un diplôme de Business Office Skills. Le cours devrait être complété en mai 1998.
     Section 7 - Raisons d"ordre humanitaire [...]
     L"intéressée a une grand-mère d"âge avancé au Canada. La grand-mère est très proche de sa petite-fille et prétend avoir pris soin d"elle depuis qu"elle est âgée de 8 mois. C"est elle qui l"a ultérieurement parrainée au Canada.
     L"intéressée a dans le passé été cocaïnomane, une dépendance qu"elle a commencé à développer en 1988 en étudiant à l"Université de Toronto. Elle affirme que c"est sa grand-mère qui l"a aidée à cesser sa consommation de drogue.
     La situation de l"intéressée n"a jamais fait l"objet de rapport par notre ministère dans le passé.
     Section 8 - Potentiel de réadaptation [...]
     La dernière condamnation de l"intéressée relativement à l"importation de stupéfiants remonte à janvier 1997. Il serait difficile d"évaluer à ce moment-ci la progression de sa démarche de réadaptation.
     L"intéressée semble faire un effort pour perfectionner ses compétences au travail et suit présentement des cours à temps complet.

     Lors de l"entrevue, elle a exprimé de grands remords et a fait preuve de coopération.


     Section 9 - [...]

     L"intéressée a été trouvée coupable d"importation de stupéfiants à deux reprises impliquant d"importantes quantités de drogues, et pour chaque infraction elle a purgé une peine de longue durée. Ces condamnations peuvent faire en sorte qu"elle soit considérée comme un danger pour le public.
     Ma recommandation est que l"intéressée devrait faire l"objet d"une enquête.
     ...

    



     Rapport d"avis ministériel concernant le danger pour le public

     Paragraphe 70(5) et sous-alinéa 46.01(1)e)(iv)

     ....
     11. Motifs justifiant l"avis de danger
         L"intéressée a été trouvée coupable d"importation de stupéfiants à deux reprises impliquant d"importantes quantités de drogues et, en conséquence, elle a purgé des peines de longue durée pour les deux infractions.
     ...
     Éléments principaux des observations présentées par l"intéressée
     L"intéressée a écrit une lettre indiquant dans ses propres mots avoir regretté ses actions passées.
     Elle affirme vouloir changer son mode de vie, et suit présentement des cours à l"Academy of Learning.
     Elle sera diplômée avec mention d"honneur du programme Business Office Skills le 24 juillet 1998. Elle s"est également inscrite à la même école pour suivre le programme Micro Computer Business Applications débutant le 27 avril 1998; elle devrait avoir terminé ce programme au 23 octobre 1998. Lettre de l"école jointe au dossier.
     L"intéressée attend un enfant pour le 22 septembre 1998; le père de l"enfant, un résident permanent, se nomme Wayne Anthony Clarke.
     14. Commentaires des agents
     L"intéressée a été interrogée à notre bureau le 9 juillet 1998. Elle semble avoir fait des efforts pour changer son mode de vie. Elle suit des cours afin de perfectionner sa formation et attend un enfant pour septembre 1998.
     Elle a auparavant été mariée durant quelque temps en 1994; elle a depuis obtenu un divorce le 20 février 1997.
     Elle vit actuellement encore avec sa grand-mère de 72 ans qui est aveugle au sens de la loi et qui l"a parrainée au Canada. Elle affirme qu"elle a rencontré son ami de coeur actuel, et en même temps le père de son enfant, l"été dernier alors qu"elle était encore à la maison de transition. Les deux ont été mis en contact par l"intermédiaire d"un ami commun. L"ami de coeur de l"intéressée est un résident permanent sans casier judiciaire qui vit avec ses parents et qui travaille comme ouvrier d"usine.

     Partie " D " - Autres considérations
     S"il y a lieu, énumérer les raisons d"ordre humanitaire ou les questions relatives au risque de renvoi.
     Les raisons d"ordre humanitaire pertinentes portent sur le fait que l"intéressée est proche de sa grand-mère de 72 ans et aveugle au sens de la loi, avec laquelle elle a vécu depuis son arrivée au Canada.
     L"intéressée attend aussi un enfant en septembre 1998, et le père est résident permanent; le couple envisage de se marier dans le futur, mais rien n"a encore été planifié.
     ...
     Partie " F " - Recommandations
     Sur la foi des renseignements figurant ci-dessus et en tenant compte de l"ensemble des facteurs pertinents, je recommande, en vertu du paragraphe 70(5) et du sous-alinéa 46.01(1)e )(iv) de la Loi sur l"immigration, que le ministre rende un avis déclarant que l"intéressée constitue un danger pour le public.
     Date : 15 juillet 1998          Signature de l"agent :
     RECOMMANDATION DU DIRECTEUR
     JE SOUSCRIS À L"AVIS U              JE NE SOUSCRIS PAS À L"AVIS
     COMMENTAIRES DU DIRECTEUR :

    


     DEMANDE D"AVIS DU MINISTRE - Paragraphe 70(5) et sous-alinéa 46.01(1)e) (iv)

     REQUÉRANTE : RICHARDS, Darnette Adassa          DOSSIER : hq5-87131
     CLASSE : Résidente permanente                  CITOYENNETÉ : Jamaïque

     DATE DE LIBÉRATION :

    
     PROFIL DE DANGEROSITÉ
     10janv97 -      importation de stupéfiant, soit la cocaïne, paragraphe 5(2) Loi sur les stupéfiants, peine de 21 mois et 15 jours, en plus de 10 mois et une semaine de détention avant procès
     06mai92 -      importation de stupéfiant, soit la marijuana, paragraphe 5(2) Loi sur les stupéfiants, peine de 16 mois
     QUESTIONS RELATIVES AU RISQUE DE RENVOI
     Aucune mention n"est faite relativement au risque dans les observations présentées par l"intéressée.
     Selon le Country Reports on Human Rights Practices for 1997," [TRADUCTION] La Jamaïque est une démocratie parlementaire fondée sur une constitution et membre du Commonwealth. Deux partis politiques se sont échangé le pouvoir depuis les premières élections par suffrage universel en 1944; un troisième parti a vu le jour fin 1995. Le People"s National Party (PNP) du premier ministre Patterson a gagné 50 des 60 sièges au Parlement lors des élections nationales du 18 décembre. La campagne électorale s"est avérée dans l"ensemble beaucoup moins violente que les campagnes précédentes. Toutefois, les pratiques d"intimidation à l"endroit des électeurs et des agents des partis, de même que les restrictions à la libre circulation des électeurs continuent à se faire sentir. La magistrature est indépendante, mais manque de ressources appropriées.
     Les droits de la personne sont en général respectés par l"État. Cependant, certains problèmes dans certains domaines n"ont pas encore été réglés. Malgré que des membres des forces de sécurité aient commis des homicides extrajudiciaires et aient fait preuve de brutalité, de même qu"ils ont procédé à des arrestations et à des détentions arbitraires, l"État a remédié à la situation efficacement en punissant ceux qui en étaient responsables. La situation dans les prisons demeure critique en raison de l"entassement, de la violence à l"égard des détenus, des conditions d"hygiène lamentables et de l"alimentation déficiente. Le système judiciaire est débordé et de longs délais d"attente sont fréquents. La discrimination économique et la violence à l"endroit des femmes demeurent des sujets d"actualité, de même que la violence de la foule dirigée contre ceux qui sont soupçonnés d"enfreindre la loi.
     Il n"y a pas lieu de penser que l"intéressée sera exposée à un risque quelconque à son retour. Le danger posé par l"intéressée à la collectivité canadienne l"emporte sur tout danger auquel l"intéressée pourrait faire face.
     COMMENTAIRES ET RECOMMANDATION DE L"AGENT D"EXAMEN DES CAS
     J"ai examiné avec attention la lettre d"avis, les documents connexes énumérés dans cet avis, de même que le rapport d"avis ministériel préparé par le CIC et les observations présentées par l"intéressée. Les documents qui précèdent comprennent tout ce qui a été soumis au représentant du ministre à l"appui de la demande pour qu"il émette un avis déclarant que Darnette Adassa Richards constitue un danger pour le public en vertu du paragraphe 70(5) et du sous-alinéa 46.01(1)e )(iv) de la Loi sur l"immigration.

     Date : 18 août 98              Déposé par : " Bonnie Maystrenko "

                             Bonnie Maystrenko

                             Agente d"examen des cas

     Date : 18 août 98              Je souscris : " Glen McBrien "

                             Glen McBrien, analyste principal

                             Examen des cas

                             Règlement des cas

     DÉCISION :
     Si vous êtes d"avis que cette personne constitue un danger pour le public, veuillez signer ci-dessous et sur le formulaire ci-joint.
     Date : 19/8/98                      " W.A. Sheppit "

                             W.A. Sheppit - Représentant du ministre

                             Directeur général - Règlement des cas



[6]      Il ressort de l"examen du dossier que peu d"éléments, sinon aucun, n"ont pour effet de fonder l"avis selon lequel Mme Richards constitue un danger pour le public, mis à part ses deux condamnations. Les deux condamnations sont le fondement même de la recommandation relative à la tenue d"une enquête. Le seul élément contenu dans le rapport d"avis ministériel concernant le danger pour le public qui pourrait appuyer l"avis de danger est le fait de la condamnation, étant donné que le reste du rapport ne contient que des renseignements neutres ou positifs. Ces faits déclenchent l"application du principe dans l"affaire Thompson , dans laquelle le juge Gibson a conclu que la simple condamnation d"une personne ne constitue pas nécessairement un motif suffisant pour conclure qu"elle représente un danger pour le public.

         [19]      Je suis convaincu que bien qu'il ne faille pas imposer à l'intimé des lignes directrices formelles sur ce qui constitue un danger pour le public, ces mots doivent avoir un certain sens en soi; il doit s'agir de quelque chose de plus que la simple répétition de l'élément " condamnation pour une infraction grave " du cadre législatif. Le législateur n'envisageait certainement pas que les opinions de danger n'aient aucun sens, et, pour que l'intimé se forme une opinion en vertu du paragraphe 70(5), une condamnation seule est un motif insuffisant; les circonstances de chaque espèce doivent, en plus de la condamnation, indiquer l'existence d'un danger pour le public. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucun cas où il serait possible de formuler avec raison une opinion de danger en vertu du paragraphe 70(5) lorsqu'un individu n'a qu'une seule condamnation; je conclus simplement qu'il doit y avoir dans chaque cas des circonstances qui s'ajoutent à une condamnation unique dénotant la présence d'un danger pour le public. Il peut fort bien y avoir des cas où les circonstances entourant une condamnation unique indiquent l'existence d'un tel danger.

L"affaire Thompson a été examinée dans l"affaire Williams , où le juge Strayer, au nom de la Cour d"appel, dans le contexte d"une discussion à savoir si le paragraphe 70(5) était inconstitutionnel en raison de son caractère vague, a affirmé ce qui suit :

         [29]      [...] Dans ce contexte, le sens de l'expression " danger pour le public " n'est pas un mystère : cette expression doit se rapporter à la possibilité qu'une personne ayant commis un crime grave dans le passé puisse sérieusement être considérée comme un récidiviste potentiel. Point n'est besoin de prouver - à vrai dire, on ne peut pas prouver - que cette personne récidivera. Selon moi, cette disposition oriente convenablement la pensée du ministre vers la question de savoir si, compte tenu de ce que le ministre sait de l'intéressé et des observations que l'intéressé a faites en son propre nom, le ministre peut sincèrement croire que l'intéressé est un récidiviste potentiel dont la présence au Canada crée un risque inacceptable pour le public [...] Je conviens avec le juge Gibson dans l'affaire Thomson [16 août 1996, IMM-107-96 (C.F. 1re inst.), à la p. 11 (non publié)] que le " danger " doit être interprété comme un " danger présent ou futur pour le public ". J'hésite toutefois à affirmer que le ministre doit avoir en main un type particulier de document pour tirer une conclusion de danger présent ou futur. Il se peut qu'une cour de contrôle ne soit pas du même avis que le ministre, ou considère qu'on aurait dû donner plus de poids à certains documents, mais cela ne veut pas dire que le critère législatif est d'une imprécision inadmissible simplement parce qu'il permet au ministre de parvenir à une conclusion différente de celle de la Cour.

Les fait de la présente affaire soulèvent la question de savoir si le principe de l"affaire Thompson s"applique autant dans le cas de deux condamnations que pour une seule, et si la Cour d"appel a implicitement écarté le principe de Thompson . Il s"agit d"une question grave.

[7]      En ce qui concerne le préjudice irréparable, l"avocat du ministre a plaidé que ce terme comprenait une menace sérieuse à l"intégrité physique d"une personne. L"avocat de la demanderesse a souligné que, dans l"affaire Toth , un sursis a été accordé dans le cas où la mesure d"expulsion aurait signifié la fin de l"entreprise qui faisait vivre la famille du demandeur de même qu"un certain nombre d"employés. Le sursis a été accordé en dépit du fait que le préjudice n"était que de nature économique et qu"il touchait d"autres personnes que simplement la personne expulsée. La Cour est d"avis que, vu les faits de la présente affaire, l"expulsion de la prestataire de soins principale de la grand-mère serait une perte énorme pour cette dernière, même si la grand-mère avait dû auparavant faire des arrangements durant les périodes où la demanderesse était incarcérée. La situation de la grand-mère est grave en raison de son âge et de sa cécité. L"affaire Toth demeure une autorité pour la proposition selon laquelle un préjudice irréparable peut signifier le préjudice infligé aux tiers et n"est donc pas limité au seul préjudice causé à la personne dont on cherche à obtenir l"expulsion.

[8]      À l"instar du juge Gibson dans l"affaire Hogan c. Canada (M.C.I.) , [1996] A.C.F. no 276, DRS 96-08504, la Cour est d"avis que la prépondérance des inconvénients et le préjudice irréparable sont étroitement liés. Dans le cas présent, la prépondérance des inconvénients est à l"avantage de la demanderesse.

[9]      Pour ces motifs, la Cour ordonne un sursis à l"exécution de la mesure d"expulsion de la demanderesse du Canada dans l"attente de l"issue de la demande d"autorisation de contrôle judiciaire et de la demande de contrôle judicaire comme telle. Des observations ont été présentées relativement aux dépens; cependant, c"est au juge qui entendra la demande de contrôle judiciaire à trancher ce point.



     " J.D. Denis Pelletier "

     Juge



Traduction certifiée conforme


Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              IMM-2720-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      DARNETTE ADASSA RICHARDS c. MCI

LIEU DE L"AUDIENCE :          OTTAWA ET TORONTO, PAR TÉLÉCONFÉRENCE

DATE DE L"AUDIENCE :          2 JUIN 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE PELLETIER

EN DATE DU 8 JUIN 1999

COMPARUTIONS

Michael Crane                  POUR LA DEMANDERESSE

Andrea Horton                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Michael Crane                  POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Toth c. M.E.I. (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).

2      Thompson c. M.C.I. [1996] A.C.F. no 1097.

3      Williams c. M.C.I. (1997), 212 N.R. 63; 147 D.L.R. (4th) 93 (C.A.F.) [la demande d"autorisation de se pourvoir devant la C.S.C. a été rejetée le 16 octobre 1997, no de dossier 26509].

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