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Date : 19990521

Dossier : T-2647-97

ENTRE :

     NATURE'S PATH FOODS INC.,

     demanderesse,

     - et -

     COUNTRY FRESH ENTERPRISES INC.

     et SUKHDEVPAUL DHANOA,

     défendeurs.


TAXATION DES DÉPENS " MOTIFS

CHARLES E. STINSON,

OFFICIER TAXATEUR

[1]      La présente action porte sur une imitation frauduleuse relative à des produits consistant en du tahini de sésame. Par une ordonnance datée du 3 décembre 1998, le juge Rouleau a rejeté la demande déposée par les défendeurs en vue d'obtenir un jugement sommaire et a accordé les frais à la demanderesse quelle que soit l'issue de la cause. La demanderesse présente son mémoire de dépens s'élevant à 11 019,94 $ pour que ceux-ci soient taxés sur la base des frais entre parties.

Thèse des défendeurs

[2]      Les défendeurs soutiennent que l'ordonnance susmentionnée n'a pour effet d'autoriser ni la taxation ni le paiement des dépens à la présente étape de l'instance et que, subsidiairement, le mémoire de dépens est excessif. La demanderesse n'a pas fait preuve de diligence dans la poursuite de l'instance, n'a pas demandé de mesure de redressement par voie d'injonction et a attendu que la requête en jugement sommaire soit produite avant d'insister pour que la communication préalable de la preuve ait lieu. Les défendeurs ont déposé et fait signifier leur requête plus de neuf mois plus tard, la demanderesse n'ayant pris que peu de mesures dans l'intervalle. L'avocat n'a aucunement abordé la question des dépens de manière approfondie lors de l'audience et la Cour n'a pas ordonné que les dépens soient payés sans délai. L'avocat des défendeurs a, sans résultat, demandé à l'avocat de la partie adverse de lui fournir les précédents ou les sources étayant le droit de cette dernière d'obtenir sans délai l'adjudication et le paiement des dépens avant qu'une décision ne soit rendue à l'égard des frais relatifs aux questions de fond que soulève le litige.

[3]      Les défendeurs font en outre valoir que, suivant la règle 401(2) des Règles de la Cour fédérale (1998), les dépens sont payables sans délai lorsque la Cour est convaincue que la requête n'aurait pas dû être présentée ou contestée. En l'espèce, la Cour n'a rendu aucune ordonnance en ce sens. Un certain nombre d'affaires permettent d'affirmer que, sauf en cas de situation particulière ou extraordinaire, les dépens afférents à une instance interlocutoire doivent être taxés en même temps que tous les autres frais, soit lorsque l'action est terminée, de manière que l'officier taxateur puisse bénéficier de la conclusion définitive prononcée à l'égard des questions de fond soulevées par le litige. Il s'agit des affaires suivantes :

         Waterfurnace Inc. c. 803943 Ontario Ltd. (1991), 50 F.T.R. 19 (C.F. 1re inst.)                 
         Sim c. Canada (1996), 114 F.T.R. 98 (C.F. 1re inst. " protonotaire)                 
             confirmé en appel [Q.L. 1996 A.C.F. no 1050] (C.F. 1re inst.)                         
         Pawliw c. Canada [Q.L. 1995 A.C.F. no 835] (C.F. 1re inst.)                 
         Casden c. Cooper Enterprises Ltd., [1991] 3 C.F. 281 (C.F. 1re inst.)                 
         Coca-Cola Ltd. c. Pardhan, (1997) 75 C.P.R. (3d) 318 (C.F. 1re inst.)                 
         Smith & Nephew Inc. c. Glen Oak Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 452                 
             (C.F. 1 re inst.)                         
         Kirkbi AG c. Ritvik Holdings Inc. (1998), 81 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.,                 
             n o de greffe : T-2799-96, 23 juin 1998).                         

On évite ainsi la multiplicité des taxations dans le cadre d'une même action. Les dépens afférents à un incident interlocutoire peuvent néanmoins être taxés et déclarés payables sans délai, mais la Cour doit d'abord conclure qu'il existe des circonstances exceptionnelles, frivoles ou vexatoires. Le simple rejet d'une demande, comme en l'espèce, ne répond pas à ce critère.

Thèse de la demanderesse

[4]      La demanderesse allègue que les défendeurs ont incorrectement qualifié son comportement dans le cadre de la présente affaire. Selon elle, la question des dépens afférents à l'action au fond n'a aucune pertinence au regard de la question des dépens liés à la requête en jugement sommaire. Le retard des défendeurs eux-mêmes à présenter cette requête ne peut être invoqué contre la demanderesse. Au cours des quelques mois qui ont précédé la requête des défendeurs, la demanderesse a activement favorisé le processus de communication préalable de la preuve et donné suite aux directives formulées avant l'instruction.

[5]      Les défendeurs paraissent souhaiter que l'adjudication des dépens fasse l'objet d'un nouvel examen. Or, on ne peut procéder à un tel examen dans le cadre de la taxation des dépens. Par ailleurs, la décision rendue dans l'affaire Waterfurnace Inc. (précitée) n'est pas pertinente en l'espèce. En effet, le tribunal y a jugé que les dépens d'une requête interlocutoire n'étaient pas payables avant ceux liés à l'ensemble de l'action puisqu'il serait alors impossible de réaliser la compensation entre les deux sommes le cas échéant. La taxation effectuée lorsque les dépens ont, à un stade interlocutoire, été adjugés quelle que soit l'issue de la cause n'empêche pas la compensation ultérieure avec les dépens de l'action. Il y a lieu de faire une distinction entre la présente espèce et l'affaire Casden (précitée) puisque cette dernière porte sur la taxation des dépens afférents à une requête portée en appel. En l'occurrence, aucun appel n'est en instance et l'adjudication des dépens est définitive.

Taxation

[6]      Le 4 mai 1999, dans le dossier T-2019-98 (Mennes c. Le procureur général du Canada et al.), l'officier taxateur Pilon s'est penché sur la demande présentée par le défendeur lors de la taxation en vue d'obtenir un ajournement dans l'attente que l'appel porté à l'égard de la décision ayant donné lieu à l'adjudication des dépens soit tranché. Il a conclu qu'un ajournement équivaudrait, dans les faits, à un sursis de l'instance non étayé par les Règles et accordé en l'absence d'une requête pour suspension fondée sur l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale. Il a examiné la jurisprudence laissant entendre qu'il n'y a pas de suspension automatique de l'instance lors du dépôt d'un appel. Il a refusé d'accorder l'ajournement demandé et a procédé à la taxation. Avec respect pour l'opinion contraire, je pense que la série d'affaires invoquées devant moi par les défendeurs peuvent être considérées comme espèces différentes de l'affaire Mennes. En effet, elles étayent en l'occurrence la conclusion voulant que, sauf directive contraire de la Cour, la cristallisation et le recouvrement du montant des dépens adjugés à un stade interlocutoire ne devraient avoir lieu qu'en même temps que la taxation de l'adjudication des dépens afférents au jugement rendu à l'égard des questions de fond soulevées par le litige.

[7]      L'argument avancé par la demanderesse selon lequel le jugement définitif qui tranchera les questions de fond en litige dans la présente affaire pourrait n'avoir aucune pertinence en ce qui concerne la présente taxation des dépens liés à un incident interlocutoire ne peut être retenu à la lumière de la jurisprudence invoquée par les défendeurs. Ces affaires confirment la priorité qu'il faut accorder au règlement pratique des différents aspects du litige. Par conséquent, l'adjudication interlocutoire de dépens ne devrait habituellement pas donner lieu à une multiplicité de taxations et de recouvrements de dépens qui, en bout de ligne, sont susceptibles d'entraîner une augmentation des frais occasionnés par le litige. Il faut plutôt favoriser un processus unique permettant d'examiner plus efficacement l'ensemble des questions relatives aux dépens en vue d'une taxation qui, conformément à la règle 408(2), pourra traiter d'une éventuelle compensation. Cette approche fait l'objet d'une exception prévue par la règle 401(2) à laquelle la Cour peut recourir si elle le juge opportun. En l'espèce, l'ordonnance qui tranche la demande en jugement sommaire ne mentionne aucune exception de ce genre. J'estime donc que la conclusion tirée par la Cour dans l'affaire Kirkbi (précitée), à la page 313, est déterminante en ce qui concerne les dépens qui doivent être adjugés à la suite d'une demande en jugement sommaire partiel ayant été rejetée :

         [72]      [...] Pour ces périodes, selon l'avocat de Lego, les dépens devraient être taxés sur la base procureur-client. L'avocat fait en outre valoir que ces dépens devraient être payés quel que soit le sort de la cause et sans délai.                 
         [73]      En réponse, l'avocat de Ritvik soutient qu'il ne s'agit pas d'un cas qui justifie des dépens sur la base procureur-client ou sur toute autre base spéciale, ou une ordonnance prévoyant le paiement immédiat des dépens.                 
         [74]      Si je ne trouve guère utile l'analyse statistique de Ritvik, je suis généralement d'accord avec les observations faites par son avocat en réponse. Bien que, comme le reconnaît l'avocat de Ritvik, j'aie trouvé que la preuve produite ne soit " guère convaincante ", je n'estime pas que cette seule conclusion justifie une ordonnance quant aux dépens qui se situe en dehors de la gamme normale ou qui prévoie le paiement immédiat des dépens. La requête de Ritvik a été introduite sur le fondement d'une jurisprudence de notre Cour qui favorisait l'introduction de la requête, encore que, jusqu'à maintenant, Ritvik n'a pas eu gain de cause. Il ne faudrait pas à mon avis que, dans des cas qui s'y prêtent comme celui-ci, les requêtes en jugement sommaire soient découragées par des décisions hors de l'ordinaire sur les dépens.                 
         [75]      En fin de compte, je conclus que Lego a droit aux dépens contre Ritvik, selon l'échelle ordinaire, payables lors de la conclusion définitive de l'affaire, quel que soit le sort de la cause.                 

C'est donc dire qu'il serait prématuré de procéder à la taxation et qu'il m'est actuellement impossible de me prononcer sur le mémoire de dépens en l'absence d'une directive de la Cour ordonnant que celui-ci soit tranché sans délai. Je délivrerai un certificat portant que l'objection préliminaire des défendeurs relative à la taxation du mémoire de dépens afférents à la demande en jugement sommaire, préalablement au prononcé d'un jugement dans la présente action, est accueillie.

     _____________________________

     Officier taxateur

Fait le 21 mai 1999

à Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DE GREFFE :                  T-2647-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          NATURE'S PATH FOODS INC.,

                                         demanderesse,

                         - et -
                         COUNTRY FRESH ENTERPRISES INC.
                         et SUKHDEVPAUL DHANOA,

                                         défendeurs.

TAXATION PAR ÉCRIT SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

TAXATION DES DÉPENS " MOTIFS PRONONCÉS PAR CHARLES E. STINSON, OFFICIER TAXATEUR

DATE DES MOTIFS :      LE 2I MAI 1999

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Paul Smith Intellectual Property Law          pour la demanderesse
     Vancouver (C.-B.)
     Edwards, Kenney et Bray                  pour les défendeurs
     Vancouver (C.-B.)
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