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Date: 19980302


Dossier : T-1532-94

OTTAWA (ONTARIO), LE 2 MARS 1998.

EN PRÉSENCE DU JUGE JOYAL

         AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 56 et 59 de la Loi sur les marques de commerce, L.R. (1985), ch. T-13

     - et -

         AFFAIRE INTÉRESSANT une opposition présentée par l'Association olympique canadienne relativement à la demande de marque de commerce canadienne no 612,272 qui concerne la marque de commerce REPRÉSENTATION D'UN HOMME déposée le 29 juillet 1988 par Techniquip Limited

ENTRE :

     TECHNIQUIP LIMITED,

     appelante,

     - et -

     ASSOCIATION OLYMPIQUE CANADIENNE,

     intimée.

     JUGEMENT


     L'appel interjeté en l'espèce est par les présentes accueilli avec dépens.

                                 L-Marcel Joyal

    

                                 J U G E

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.




Date : 19980302


Dossier : T-1532-94

         AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 56 et 59 de la Loi sur les marques de commerce, L.R. (1985), ch. T-13

     - et -

         AFFAIRE INTÉRESSANT une opposition présentée par l'Association olympique canadienne relativement à la demande de marque de commerce canadienne no 612,272 qui concerne la marque de commerce REPRÉSENTATION D'UN HOMME déposée le 29 juillet 1988 par Techniquip Limited

ENTRE :

     TECHNIQUIP LIMITED,

     appelante,

     - et -

     ASSOCIATION OLYMPIQUE CANADIENNE,

     intimée.


     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE JOYAL

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté en vertu des articles 56 et 59 de la Loi sur les marques de commerce (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le registraire des marques de commerce le 29 avril 1994, par laquelle la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission) a refusé la demande de marque de commerce no 612,272 présentée par l'appelante relativement à la REPRÉSENTATION D'UN HOMME.

Les faits

[2]      Le 29 juillet 1988, l'appelante, Techniquip Limited, a déposé une demande d'enregistrement visant la marque de commerce REPRÉSENTATION D'UN HOMME. Selon la demande, l'emploi proposé au Canada pour cette marque est le suivant :

[Traduction]
connecteurs servant à attacher une personne à un cordage de sécurité, ceintures de sécurité et harnais, dispositifs de sécurité antichutes, cordons de longueur fixe et cordons rétractables, contrôleurs d'évacuation d'urgence, dispositifs antichutes, serre-câbles et serre-cordes, crochets de sûreté et mousquetons, absorbeurs d'énergie destinés au matériel d'amortissement des chutes, dispositifs d'ancrage destinés au matériel d'amortissement des chutes, chariots pour dispositifs d'ancrage mobiles destinés aux trépieds et aux bossoirs servant à l'amortissement des chutes, dispositifs de sécurité d'échelle servant à rattacher une personne à une échelle, matériel d'entrée et d'extraction destiné à éviter la chute d'une personne se trouvant dans un espace clos et à faciliter le sauvetage d'une telle personne dans l'éventualité où elle ne serait pas en état de sortir par elle-même, et;
[...] conception et installation de systèmes adaptés d'amortissement des chutes, services de consultation en matière de systèmes d'amortissement des chutes.

[3]      Le 18 janvier 1989, la demande a fait l'objet d'une annonce pour permettre le dépôt d'oppositions. L'intimée, l'Association olympique canadienne, a déposé une déclaration d'opposition le 29 avril 1989. Voici les motifs invoqués à l'appui de cette opposition :

     1.      Le défaut de l'appelante de respecter les dispositions du paragraphe 30(1) de la Loi puisqu'elle connaissait l'existence de la marque de l'intimée;
     2.      L'appelante n'avait pas le droit d'obtenir l'enregistrement puisqu'elle n'était pas la requérante appropriée;
     3.      La marque de commerce de l'appelante ne pouvait être enregistrée aux termes du sous-alinéa 9(1)n)(iii), de l'article 11 et ni de l'alinéa 12(1)e) de la Loi, compte tenu des 29 marques officielles de l'intimée;
     4.      La marque de commerce de l'appelante ne pouvait être enregistrée aux termes du sous-alinéa 9(1)n)(iii), de l'article 11 ni de l'alinéa 12(1)e) de la Loi, compte tenu des 13 marques officielles du Organizing Committee of the 1976 Olympic Games/Le Comité organisateur des jeux olympiques de 1976;
     5.      La marque de commerce de l'appelante n'était pas distinctive compte tenu des diverses marques de commerce de l'intimée.

Décision de la Commission des oppositions des marques de commerce

[4]      La Commission a rejeté le premier, le deuxième et le cinquième motif d'opposition parce que l'intimée a omis de déposer des éléments de preuve étayant ses allégations.

[5]      En ce qui concerne les troisième et quatrième motifs, la Commission a déclaré que le critère applicable est celui de la comparaison directe des marques en question, et qu'il ne faut donc pas tenir compte d'éléments liés au marché comme les marchandises ou les services. La Commission a précisé que ces motifs auraient également été rejetés si l'intimée ne s'était appuyée que sur une seule marque officielle. Or, l'intimée a invoqué une famille de marques officielles. C'est avec une certaine réticence que la Commission a étendu le critère de la ressemblance qu'a énoncé le juge Rothstein dans l'affaire Association olympique canadienne c. Health Care Employees Union of Alberta1 pour conclure que la marque de l'appelante serait perçue, en raison de certaines similitudes, comme faisant partie de la famille de marques de l'intimée. La Commission a donc refusé la demande de l'appelante.

Questions en litige

[6]      L'appelante fait valoir que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle :

     1-      a permis à l'intimée de s'appuyer sur sa famille de marques officielles;
     2-      a omis de considérer l'état du marché et le registre en tant qu'éléments de preuve;
     3-      a omis d'exiger que l'intimée présente des éléments de preuve établissant l'emploi de sa famille de marques;
     4-      a conclu que l'appelante ne s'était pas acquittée de l'obligation de prouver que sa marque était enregistrable.

Dispositions législatives applicables

[7]      Les dispositions pertinentes de la Loi sont ainsi rédigées :


9.      (1) No person shall adopt in connection with a business, as a trade-mark or otherwise, any mark consisting of, or so nearly resembling as to be likely to be mistaken for,

9.      (1) Nul ne peut adopter à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit:

(n) any badge, crest, emblem or mark

(n) tout insigne, écusson, marque ou emblème:

     (i) adopted or used by any of Her Majesty's Forces as defined in the National Defence Act,
     (i) adopté ou employé par l'une des forces de Sa Majesté telles que les définit la Loi sur la défense nationale,
     (ii) of any university, or
     (ii) d'une université,

     (iii) adopted and used by any public authority, in Canada as an official mark for wares or services,
     (iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services,

in respect of which the Registrar has, at the request of Her Majesty or of the university or public authority, as the case may be, given public notice of its adoption and use;

à l'égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l'université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d'adoption et emploi;

11.      No person shall use in connection with a business, as a trade-mark or otherwise, any mark adopted contrary to section 9 or 10 of this Act or section 13 or 14 of the Unfair Competition Act, chapter 274 of the Revised Statutes of Canada, 1952.

11.      Nul ne peut employer relativement à une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque adoptée contrairement à l'article 9 ou 10 de la présente loi ou contrairement à l'article 13 ou 14 de la Loi sur la concurrence déloyale, chapitre 274 des Statuts révisés du Canada de 1952.

12.      (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not


(e) a mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10

12.      (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants:

(e) elle est une marque dont l'article 9 ou 10 interdit l'adoption;

Les marques

[8]      La famille de marques de l'intimée consiste en des bonhommes-allumettes blancs sur fond carré de couleur noire. Chaque bonhomme est surmonté d'une tête ronde, et les parties supérieure et inférieure de leur corps sont détachées l'une de l'autre. Dans les marques, tous les bonhommes sont en mouvement et pratiquent une activité sportive. Des lignes additionnelles apparaissant sur les marques permettent d'établir de quel sport il s'agit.

[9]      La marque de la requérante consiste en un dessin représentant un bonhomme-allumettes blanc sur fond rond de couleur noire. Le bonhomme, immobile, est surmonté d'une tête ronde et la partie supérieure de son corps est divisée en quatre sections par ce qui, manifestement, est un harnais.

Analyse

1.      La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a autorisé l'intimée à s'appuyer sur sa famille de marques?

[10]      On ne conteste pas que l'intimée soit une "autorité publique" aux termes de la Loi. Ce fait a été confirmé dans l'arrêt Registraire des marques de commerce c. Association olympique canadienne2.

[11]      La décision La Reine c. Kruger3 énonce le critère normalement applicable sous le régime du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi. Après avoir comparé diverses dispositions de la Loi, le registraire est arrivé à la conclusion que la protection offerte par cette disposition particulière était à certains égards plus large que le critère relatif à la confusion prévu à l'article 6, mais qu'il était plus rigoureux à d'autres égards.

[12]      Le critère applicable aux termes du sous-alinéa 9(1)n)(iii) ne vise que la ressemblance entre la marque prohibée et la marque adoptée. Il ne s'agit pas d'un critère fondé sur la comparaison directe; si la marque faisant l'objet de l'opposition n'est pas identique à la marque invoquée par l'opposant, la présente Cour doit alors se demander si la marque de commerce du requérant est d'une ressemblance telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec une ou plusieurs marques de l'opposant.

[13]      Dans la décision qu'elle a rendue en l'espèce, la Commission a formulé de sérieuses réserves à l'égard de la décision prononcée par le juge Rothstein dans l'affaire Association canadienne olympique c. Health Care Employees Union of Alberta4 (la décision Health Care) où ce dernier affirme, à la page 19 :

[...] je conclus également que lorsque le propriétaire d'une famille de marques s'oppose à l'enregistrement d'une marque soi-disant similaire, il faut prendre en considération les caractéristiques de toutes les marques faisant partie de la famille afin d'évaluer le degré de ressemblance.
[...]
Je ne pense cependant pas qu'un examen attentif de près soit le critère applicable [sous le régime du sous-alinéa 9(1)n)(iii)]. La question qui se pose est de savoir si une personne qui ne connaît qu'une des marques en cause et en garde un vague souvenir, pourrait, sous l'effet d'une première impression, se tromper ou se méprendre.

Selon la Commission, le raisonnement suivi par le juge a pour effet d'étendre, sans justification, la portée de la protection offerte par les articles 9 et 12 de la Loi.

[14]      Or, j'estime que cette décision laisse intact le critère énoncé auparavant dans l'affaire Kruger, et que la seule extension introduite s'applique aux éléments de preuve sur lesquels le juge présidant l'instruction peut s'appuyer pour apprécier, à la lumière du critère de la ressemblance prévu à l'article 9, les marques visées par une opposition.

[15]      Dans l'affaire Association des Grandes Soeurs c. Les Grands Frères du Canada5, le juge Gibson a examiné de façon approfondie la décision rendue dans Health Care et a conclu que celle-ci était conforme aux paramètres fixés précédemment dans l'affaire Kruger, bien que le libellé du critère soit différent. Le juge Gibson a systématiquement rejeté le critère de la "comparaison directe" pour appliquer celui de la ressemblance et du souvenir imparfait.

[16]      Je suis d'accord avec les propos tenus par le juge Gibson et je crois que le critère énoncé au sous-alinéa 9(1)n)(iii) consiste à déterminer si une personne qui ne connaît qu'une des marques en cause et en garde un vague souvenir, pourrait, sous l'effet d'une première impression, se tromper ou se méprendre sur la marque du requérant.

2.      La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a fait défaut de prendre en compte la situation du marché à titre d'élément de preuve?

[17]      À cet égard, il est évident, depuis l'arrêt Allied Corporation c. Association olympique canadienne6, que l'absence ou la présence d'une similitude entre les services ou les marchandises des parties n'est pas un facteur pertinent sous le régime du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi.

3.      La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a fait défaut d'exiger que l'intimée fournisse des éléments de preuve établissant l'emploi de sa famille de marques?

[18]      Les caractéristiques communes aux marques déposées et à celles visées par une demande d'enregistrement soulèvent une question relativement importante. La présence de marques sur le registre, autres que la marque servant à effectuer la comparaison, est un des faits dont le registraire doit tenir compte.

[19]      Il est reconnu que le registraire, au moment de se demander si deux marques sont susceptibles de créer de la confusion, doit déterminer si l'élément commun à celles-ci est également présent dans un certain nombre d'autres marques. En effet, cette situation tend à diminuer le risque de confusion et à permettre de distinguer les marques de commerce comparées grâce à des caractéristiques autres que leur particularité commune. À cet égard, l'auteur Harold G. Fox, dans son ouvrage intitulé The Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, affirme ce qui suit aux pages 174 et 175 :

[Traduction]
[marques non déposées et déposées] Si ces marques sont toutes déposées au nom du propriétaire, la présomption suivante s'applique lorsque le registraire est saisi de la demande : les marques constituent une série de marques employées par un propriétaire, ce qui équivaut à un seul enregistrement contradictoire, et l'enregistrement de la marque visée par la demande devrait, à première vue, être refusé. Si, d'un autre côté, les marques sont déposées au nom de plusieurs propriétaires différents, il faut alors présumer que la caractéristique commune consiste en une particularité commune au commerce visé et l'enregistrement devrait donc être autorisé. [...] Lorsque la question est soulevée à la suite d'une opposition, le registraire ne peut alors recourir à aucune présomption concernant les faits de l'espèce. Avant de pouvoir tirer, à la lumière de l'emploi des autres marques, l'inférence proposée, que ce soit en faveur du requérant ou de l'opposant, cet emploi doit avoir été mis en preuve.

[20]      Dans la décision Health Care, le juge Rothstein reconnaît que, si le propriétaire d'une famille de marques s'oppose à l'enregistrement d'une marque présumée semblable, il est nécessaire d'examiner les caractéristiques de toutes les marques de cette même famille. Dans ses motifs, le juge n'écarte pas l'exigence voulant que le propriétaire de la marque officielle établisse l'existence de sa famille de marques, non plus qu'il traite de la signification des particularités communes de marques appartenant à des propriétaires multiples. Il faut donc supposer, dans un tel cas, que ces éléments ont été pris en considération à l'étape préliminaire, et qu'on a alors présumé que les symboles de l'Association olympique canadienne existaient en tant que famille de marques au moment où l'affaire a été entendue par la Cour.

[21]      À mon avis, lors d'une instance en opposition, la Commission doit décider, à la lumière de la preuve présentée, si l'opposant peut ou non s'appuyer sur une famille de marques. Comme l'opposant ne bénéficie plus de la présomption d'emploi qui jouait en sa faveur lors des étapes préliminaires devant le registraire, il doit donc déposer des éléments de preuve à cet égard.

[22]      En l'espèce, la requérante a présenté deux affidavits selon lesquels les caractéristiques des marques de commerce de l'opposant consistaient en des particularités communes également utilisées par des tiers propriétaires. Cette preuve tend à enlever toute signification liée au droit de propriété qui, autrement, se rattacherait à la présumée famille de marques de l'opposant.

[23]      Dans son affidavit, Thibeault, personne chargée d'effectuer une recherche concernant les marques de commerce, énumère plus de 250 enregistrements relatifs à des bonhommes-allumettes, constitués de lignes évoquant la forme d'un homme se livrant à des activités diverses, avec une tête détachée du corps ou non. Certaines marques ont été enregistrées dès 1959, tandis que d'autres ne datent que de 1989.

[24]      L'affidavit Elrifi est encore plus pertinent. Il comporte une énumération de centaines de dessins représentant un bonhomme-allumettes aperçus dans des annuaires téléphoniques ou des journaux, qui sont réalisés à l'aide de lignes prenant la forme d'une personne se livrant à diverses activités. Les propriétaires de ces marques exploitent des entreprises dans des domaines aussi variés que l'assurance et la création de costumes. D'autres consistent en des autorités gouvernementales locales donnant des directives en matière de circulation, des centres commerciaux offrant des renseignements à leurs clients ou des équipes de la route dirigeant la circulation.

[25]      Il ressort clairement de la preuve présentée par la requérante que les marques appartenant à une multitude de propriétaires différents partagent des caractéristiques communes avec les marques de l'intimée. Par conséquent, les bonhommes-allumettes représentant une personne qui se livre à diverses activités ne devraient plus, à eux seuls, constituer une protection absolue pour les marques officielles de la nature de celles visées en l'espèce.

[26]      J'estime que la Commission a commis une erreur en omettant de tenir compte de la preuve présentée par la requérante relativement aux caractéristiques communes des marques de l'intimée. En d'autres termes, l'état du registre revêt, compte tenu des faits que j'ai exposés, une importance substantielle.

Conclusion

[27]      La catégorie particulière que constituent les marques "officielles" offre au propriétaire de celles-ci un degré de protection appréciable dont un nombre passablement élevé de marques bénéficient déjà. Cette protection s'applique aux emblèmes, aux écussons et aux drapeaux adoptés par les trois paliers de gouvernement au Canada, au symbole de la Croix-Rouge de même qu'à d'autres symboles. Elle porte en outre sur les insignes, les écussons et les emblèmes d'une force de défense visée par la Loi sur la défense nationale , de la G.R.C., des universités et de toute autorité publique à l'égard de laquelle un avis public d'adoption ou d'emploi a été donné. [Non souligné dans l'original.]

[28]      À mon avis, l'article 9 a pour objet de supprimer des divers secteurs d'activité ou du commerce toutes les sortes de marques énumérées plus haut. Suivant cette disposition, nul ne peut tirer profit d'un symbole public bien connu et respecté, ni l'adopter pour ses propres marchandises ou services. Ces emblèmes, insignes ou écussons sont associés à des institutions publiques qui ne prennent aucune part aux différents secteurs d'activité ou au commerce, mais qui sont néanmoins réputées être revêtues de respectabilité, de crédibilité et d'autres vertus civiques. En un sens, cette disposition veille à ce que ces symboles ne deviennent pas le gage d'une entreprise ou d'un secteur d'activité donné.

[29]      Toutefois, certaines de ces institutions, comme l'intimée dans le cadre du présent appel, jouissent d'une latitude relativement grande aux termes du sous-alinéa 9(1)n)(iii) puisqu'elles n'ont qu'à donner un avis public d'adoption et d'emploi pour un aussi grand nombre de marques qu'elles souhaitent. Ces marques peuvent alors faire l'objet d'une licence pour des fins commerciales, et les redevances lucratives ainsi acquises servent ensuite au financement d'activités diverses. Par contre, les institutions sont souvent obligées de se mettre à la poursuite d'usagers non autorisés, importants ou non, locaux ou régionaux, afin de protéger l'intégrité de leurs marques et les intérêts de leurs licenciés.

[30]      Cette position avantageuse qu'offre l'article 9 varie toutefois selon les divers sous-alinéas de l'alinéa 9(1)n). Les observations formulées par le juge MacGuigan dans l'arrêt Allied Corp. c. Association olympique canadienne, précité, sont claires sur ce point; l'alinéa 9(1)n)(i) emploie l'expression "adopté ou employé" par les forces de Sa Majesté, tandis que les termes apparaissant au sous-alinéa 9(1)n) (iii) sont "adopté et employé". J'interprète ces distinctions légales comme restreignant quelque peu l'exclusivité des marques des "autorités publiques" comparativement aux autres.

[31]      À mon sens, cette disposition impose en outre aux autorités publiques l'obligation de prouver l'adoption et l'emploi dans tous les cas où survient un différend. Dans l'arrêt Allied Corp. (précité), le juge MacGuigan affirme sans équivoque à la page 774 que l'alinéa 9(1)n) "comporte des réserves qui ne se retrouvent pas dans la plupart des autres alinéas", signifiant par là que la disposition ne confère pas nécessairement un accès illimité à une marque de commerce exclusive qui est susceptible, pour ainsi dire, d'être gardée par-devers soi sans jamais être employée.

[32]      Quoi qu'il en soit, un propriétaire de marque, comme en l'espèce, ne peut se contenter d'invoquer l'existence d'une famille de marques pour établir que la marque attaquée est composée d'éléments énoncés à l'alinéa 9(1)n), ou que sa ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec sa marque. Cette interprétation respecte les exigences habituelles de la Loi et elle est particulièrement pertinente dans une affaire comme celle-ci où le registre comporte quelques 250 marques déposées consistant en des dessins représentant un bonhomme-allumettes qui, généalogiquement, appartiennent à la même famille que les marques de l'intimée et dont l'enregistrement a été autorisé pendant une période s'étalant sur près de 40 ans. Autre facteur jouant contre l'intimée : les pièces jointes à l'affidavit Elrifi qui montrent des centaines de dessins de bonhommes-allumettes fixés sur des poteaux et des montants partout au Canada.

[33]      Dans les circonstances, il convient d'appliquer le critère plus rigoureux de la ressemblance qui est prévu au sous-alinéa 9(1)n)(iii). Les éléments particuliers des marques de l'intimée, qui représentent toutes l'image d'une personne en mouvement se livrant à des activités sportives, ne peuvent légitimement être attribués au dessin présenté par l'appelante, qui montre l'image d'une personne debout et immobile portant ce qui, de toute évidence, est un harnais.

[34]      Il serait inopportun de ma part de tenter d'élaborer plus de doctrine qu'il n'est nécessaire pour traiter les faits singuliers de la présente espèce. Je ne peux que conclure que le registraire a commis une erreur en refusant d'enregistrer la marque de l'appelante. L'appel est donc accueilli avec dépens.


                                 L-Marcel Joyal

    

                                 J U G E



O T T A W A (Ontario)

Le 2 mars 1998.








Traduction certifiée conforme



Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :                  T-1532-94

INTITULÉ DE LA CAUSE :          TECHNIQUIP LIMITED

                         - et -

                         ASSOCIATION OLYMPIQUE CANADIENNE

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 25 novembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE JOYAL LE 2 MARS 1998



ONT COMPARU :

Michael Charles                              POUR LA REQUÉRANTE

Marie Lussier

Kenneth McKay                              POUR L'INTIMÉE



PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Bereskin & Parr                              POUR LA REQUÉRANTE

Toronto (Ontario)

Sim, Hughes, Ashton & McKay                      POUR L'INTIMÉE

Toronto (Ontario)


__________________

1      (1993), 46 C.P.R. (3d) 12 (C.F. 1re inst.).

2      (1982), 67 C.P.R. (2d) 59 (C.A.F.).

3      (1978), 44 C.P.R. (2d) 135.

4      (1993) 46 C.P.R. (3d) 12 (C.F. 1re inst.).

5      No de greffe T-29-94, décision datée du 18 novembre 1996.

6      [1990] 1 C.F. 769 (C.A.F.).

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