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                                                                                                                                            Date: 20001215

                                                                                                                                Dossier: IMM-388-00

Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2000

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

CSABA BARTHA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER

[1]         Il s'agit d'une demande visant à faire infirmer la décision par laquelle la section du statut de réfugié (la SSR) a déclaré que le demandeur s'était désisté de sa revendication du statut de réfugié. Avant l'audience, l'avocat du demandeur a fait savoir que son client voulait retirer sa demande. La SSR voulait que le demandeur comparaisse devant elle; elle a statué que le retrait équivalait à un désistement, et ce, sans donner avis de son intention de prendre pareille décision. Par suite de cette décision, le demandeur a en fait perdu le droit de demander que sa revendication soit rétablie si, à une date ultérieure, les circonstances qui avaient donné lieu au retrait changeaient.


[2]         Le demandeur, qui venait de la Roumanie, est arrivé au Canada au mois de mars 1998; peu de temps après, il a revendiqué le statut de réfugié en se fondant sur le fait qu'il était d'origine ethnique hongroise et en invoquant ses associations politiques et sociales. Le 3 juin 1998, Citoyenneté et Immigration Canada a déféré la revendication à la SSR.

[3]         Environ un an plus tard, avant qu'il soit statué sur la revendication, le demandeur a épousé une personne qui résidait en permanence au Canada. Peu de temps après, il a demandé à résider en permanence au Canada à titre d'immigrant parent, sous le parrainage de sa nouvelle conjointe. Il a également demandé à être dispensé de l'application du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi), pour des raisons d'ordre humanitaire.

[4]         Le 10 janvier 2000, le demandeur a eu une entrevue avec un fonctionnaire de l'Immigration au sujet de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Le 11 janvier 2000, l'avocat du demandeur a reçu une télécopie d'une lettre de Citoyenneté et Immigration Canada l'informant qu'il avait été fait droit à la demande que son client avait présentée en invoquant des raisons d'ordre humanitaire. Le même jour, l'avocat du demandeur a télécopié au greffier de la SSR une lettre signée par son client disant que le demandeur renonçait à sa revendication.


[5]         Quelques jours plus tard, la SSR a avisé l'avocat du demandeur que le président de l'audience voulait que le demandeur comparaisse le 17 janvier 2000, soit le jour où devait avoir lieu l'audience relative à la revendication du statut de réfugié présentée par le demandeur, et ce, même si le demandeur avait envoyé un avis écrit de renonciation. À l'audience, le président de l'audience a reconnu avoir reçu le formulaire de renonciation signé par le demandeur, mais il croyait apparemment que ce formulaire n'était pas acceptable. Il a demandé au demandeur s'il comprenait les conséquences de la renonciation. Le demandeur a accepté de signer un formulaire manuscrit fourni par la formation. Après avoir accepté ce formulaire, la formation a pris la décision suivante :

[TRADUCTION]

LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : D'accord. Néanmoins - par conséquent, en votre qualité de demandeur, vous pouvez renoncer à votre revendication. Néanmoins, la section du statut doit prendre une décision dans ce dossier. On vous a donc donné une possibilité raisonnable de vous faire entendre au cas où vous décideriez de ne pas renoncer à votre revendication; en mettant fin à votre demande de protection il y a eu défaut de votre part dans la poursuite de la revendication. Comprenez-vous ce que je veux dire?

[6]         Au cours de l'échange subséquent de propos qui a eu lieu entre le président de l'audience et l'avocat du demandeur, le président a déclaré, malgré les objections de l'avocat, qu'il y avait eu désistement au sens de l'alinéa 69.1(6)c) de la Loi. Dans son [TRADUCTION] « Avis de décision relative au désistement » en date du 1er février 2000, la formation dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Conformément au paragraphe 69.1(6) de la Loi sur l'immigration, la section du statut a conclu qu'il y avait eu défaut de votre part dans la poursuite de votre revendication; la section déclare qu'il y a eu désistement le 17 janvier 2000.


[7]         J'ai bien l'impression que le demandeur a quitté l'audience tenue par la SSR en se demandant si un piège lui avait été tendu. Le demandeur doit s'être demandé pourquoi la formation avait cherché à savoir s'il comprenait les conséquences de la renonciation, sans toutefois lui faire connaître ses propres vues bien arrêtées au sujet des conséquences y afférentes tant qu'elle n'avait pas une renonciation entre ses mains. On pourrait comprendre pourquoi le demandeur se demandait ce qui avait amené la formation à insister pour qu'il signe un formulaire de renonciation qu'elle avait préparé au lieu d'accepter simplement son propre avis écrit de renonciation. Somme toute, si elle n'était pas certaine que le demandeur comprenait ce qui se passait, la section du statut était tenue de fournir à celui-ci des renseignements additionnels plutôt que de documenter d'une façon plus adéquate une décision qu'il ne comprenait pas, croyait-elle.

[8]         Il faut supposer que les membres de la formation ont agi de bonne foi et qu'ils avaient l'intention de s'acquitter de leur obligation légale. Il est malheureux que, ce faisant, ils aient créé un ensemble de circonstances dans lesquelles leur impartialité pourrait être remise en question. Il importe de noter que la règle 32 des Règles de la section du statut de réfugié (les Règles) exige qu'un avis d'audience relative au désistement soit donné avant que la section du statut puisse conclure au désistement. Si pareil avis avait été donné en l'espèce, le demandeur et son avocat auraient été au courant de l'intention de la formation. L'avocat du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) a convenu que l'omission de donner l'avis nécessaire constituait un motif justifiant l'annulation de l'ordonnance et avait offert de consentir à une ordonnance annulant l'ordonnance et déférant l'affaire pour réexamen.


[9]         Lorsque cette offre a été faite, l'avocat du demandeur a demandé à la SSR si, dans l'avenir, elle allait accepter de ne pas considérer une renonciation comme un désistement. On a répondu à l'avocat qu'aucun engagement de ce genre ne serait pris. Si le demandeur avait accepté l'offre du ministre, l'affaire aurait été déférée à une formation différente de la SSR, qui aurait pu conclure encore une fois que la renonciation était en fait un désistement. Il ne resterait alors au demandeur qu'à demander l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire, dans l'espoir de saisir cette cour de la question. Étant donné que la Cour était déjà saisie de l'affaire, le demandeur ne voyait pas vraiment en quoi la proposition du ministre était avantageuse.

[10]       La formation n'a pas donné de motifs à l'appui de la conclusion qu'elle a tirée au sujet du désistement. Toutefois, elle a fait savoir qu'elle était tenue de prendre une décision au sujet de la revendication et qu'elle pouvait uniquement décider qu'il y avait eu désistement. Cela correspond aux conclusions qui ont été tirées dans la décision A.T.O., 1988 C.R.D.D. no 120, qu'une autre formation de la SSR avait prise au sujet de la même question. En l'absence de motifs de la part de la formation qui a entendu l'affaire, les plaidoiries étaient fondées sur l'hypothèse selon laquelle si des motifs avaient été prononcés, ces motifs auraient été conformes au raisonnement qui avait été fait dans la décision A.T.O.


[11]       Dans l'affaire A.T.O., la demanderesse n'avait pas comparu à l'audition de sa revendication. Son avocat s'était présenté et avait fait savoir que la demanderesse attendait un bébé et qu'elle ne pouvait donc pas assister à l'audience. La formation a ajourné l'audience à une date ultérieure et a fait savoir qu'à ce moment-là, elle examinerait la question de savoir si la demanderesse s'était désistée de sa revendication. Quelque temps avant la date prévue de l'audience, la demanderesse a retenu les services d'un nouvel avocat, qui a écrit à la SSR pour l'informer que sa cliente voulait renoncer à sa revendication. La demanderesse et son nouvel avocat n'ont pas comparu à l'audience, parce qu'ils croyaient apparemment que la lettre de l'avocat suffirait pour régler l'affaire.

[12]       La formation a conclu que la demanderesse ne pouvait pas renoncer à une revendication parce qu'elle n'avait aucune responsabilité, en ce qui concerne la compétence que possédait la SSR à l'égard de la revendication :

[TRADUCTION]

20             Une lecture minutieuse de la Loi montre qu'aucune des dispositions concernant la section du statut ne confère expressément le droit de renoncer à une revendication. Le fait que la section du statut n'a pas compétence sur une revendication par suite d'une demande présentée directement par l'intéressé explique sans doute le fait que la Loi ne prévoit rien à ce sujet.

21             La demande de protection est faite à un agent d'immigration (paragraphe 44(1)). Si l'affaire est jugée recevable, elle doit être déférée immédiatement à la section du statut. Étant donné que les demandeurs de statut ne peuvent pas eux-mêmes présenter leur revendication devant la section du statut, ils ne peuvent pas non plus, de toute évidence, soustraire l'affaire à la compétence de la section du statut.

[13]       La SSR a ensuite examiné la Loi et les Règles; elle a conclu qu'elle pouvait uniquement statuer sur une demande de certaines façons :

[TRADUCTION]

29             Comme nous l'avons vu, seule la section du statut est autorisée à statuer sur une revendication en prenant une décision à ce sujet. En ce qui concerne les revendications fondées sur l'article 69.1, la Loi prévoit uniquement deux décisions : la décision concernant la revendication du statut de réfugié (favorable ou défavorable) et la décision portant sur le désistement prévue au paragraphe 69.1(6).

30            Étant donné que la décision concernant la revendication du statut de réfugié ne sert de toute évidence pas à régler le problème qui se pose ici, et puisque la section du statut doit en bonne justice être en mesure de respecter les voeux de l'intéressé qui décide de ne pas poursuivre sa revendication, une décision portant sur le désistement constitue la seule possibilité offerte par la Loi.


[14]       La formation a tenu compte du fait que la règle 33 des Règles traite expressément de la renonciation. Cette règle est ainsi libellée :

33. (1)     Une partie peut, de vive voix à l'audience ou par un avis écrit déposé au greffe, renoncer à une revendication ou retirer une demande.

(2) Le greffier avise par écrit sans délai le ministre ou l'intéressé, selon le cas, de la renonciation ou du retrait visé au paragraphe (1).

[15]       Voici ce que la formation avait à dire à ce sujet :

[TRADUCTION]

24             Toutefois, la formation est d'avis que les Règles ne confèrent pas un droit de renonciation. Les Règles viennent s'ajouter à la procédure d'audience prévue par la Loi et visent à lui donner effet en précisant les modalités de dépôt des documents et en indiquant les renseignements et les diverses demandes nécessaires ainsi que les modalités afférentes à la tenue des audiences et aux prises de décision. Les Règles sont de nature procédurale et ne renferment pas de dispositions législatives de fond.

25             Une lecture minutieuse de la règle 33 montre qu'elle décrit les circonstances dans lesquelles une partie peut exprimer son intention de ne pas poursuivre une revendication ou une autre demande et ce que le greffier doit faire en pareil cas.

26             La règle 33 ne crée pas un droit de renonciation. Elle énonce en partie la procédure que les parties et le greffier doivent suivre. Cette règle ne confère pas une compétence au greffier puisque la Loi ne confère pas pareille compétence. Le greffier n'est donc pas autorisé à « fermer le dossier » comme M. Segal le voudrait. Le greffier peut uniquement informer le ministre ou l'intéressé, le cas échéant, qu'un avis de renonciation a été déposé auprès du greffe. Si le dossier était « fermé » , une décision serait rendue; or, seule la formation peut rendre pareille décision.

[16]       Cette logique entraîne inévitablement le résultat suivant : la SSR peut uniquement se prononcer sur la renonciation au moyen d'une déclaration de désistement, après avoir donné au demandeur la possibilité de se faire entendre :

[TRADUCTION]

32            Il résulte de ce qui précède que lorsque l'intéressé donne avis de son intention de ne pas poursuivre sa demande de protection, que ce soit de vive voix à l'audience ou par un avis écrit déposé au greffe conformément à la règle 33, la section du statut peut uniquement conclure au désistement aux termes du paragraphe 69.1(6), qui est la seule disposition habilitante sur ce point.

33             En vertu de la Loi, il ne peut être conclu au désistement que dans les cas suivants : l'omission de comparaître, l'omission de fournir les renseignements demandés et le fait « qu'il y a défaut par ailleurs dans la poursuite de la revendication » .


34             Le libellé de l'alinéa 69.1(6)c) permet de régler la question de la renonciation. En exprimant son intention de renoncer à sa revendication, l'intéressé indique clairement qu'il n'a pas l'intention de poursuivre la revendication, de sorte qu'il y a défaut de sa part.

[...]

36             Nous sommes d'avis que lorsqu'il exprime de vive voix à l'audience son intention de renoncer à sa revendication, ou lorsqu'il manifeste son intention en déposant un avis au greffe, l'intéressé se prévaut de la « possibilité de se faire entendre » qui lui est donnée au sens de la Loi. Il se prévaut encore plus de cette possibilité lorsqu'il déclare qu'il ne veut plus se faire entendre. En pareil cas, l'équité procédurale n'exige pas l'application de la règle 32, et la formation peut immédiatement conclure au désistement parce que la renonciation est alors un fait qui peut être admis d'office en justice et sur lequel la formation peut fonder sa décision (paragraphe 68(3) et (4)).

[17]       Au départ, la formation a dit que le demandeur ne peut pas plus retirer une affaire dont la SSR est saisie qu'il ne peut saisir la SSR d'une affaire. Le problème que pose l'analyse effectuée par la formation est que l'on confond celui qui fait la présélection et celui qui présente la demande. Il est vrai que tous ceux qui revendiquent le statut de réfugié doivent s'adresser à l'agent principal. Il est également vrai que l'agent principal défère l'affaire à la section du statut s'il est convaincu que la revendication est recevable :

44. (1)      Toute personne se trouvant au Canada peut revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention en avisant en ce sens un agent d'immigration, à condition de ne pas être frappée d'une mesure de renvoi qui n'a pas été exécutée, à moins que la mesure n'ait été annulée en appel.

(2) Le cas échéant, l'agent d'immigration défère sans délai le cas à un agent principal.

46.02 S'il conclut à la recevabilité de la revendication, l'agent principal défère sans délai le cas à la section du statut selon les modalités prévues par les règles mentionnées au paragraphe 65(1).

[18]       De longues dispositions de la Loi traitent des situations dans lesquelles la revendication de statut n'est pas recevable. Ainsi :

46.01 (1) La revendication de statut n'est pas recevable par la section du statut si l'intéressé se trouve dans l'une ou l'autre des situations suivantes :

a) il s'est déjà vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention par un autre pays dans lequel il peut être renvoyé;


b) il est arrivé au Canada, directement ou non, d'un pays - autre que celui dont il a la nationalité ou, s'il n'a pas de nationalité, que celui dans lequel il avait sa résidence habituelle - qui figure dans la liste établie en vertu des règlements d'application de l'alinéa 114(1)s);

c) depuis sa dernière venue au Canada, il a fait l'objet :

(i) soit d'une décision de la section du statut lui refusant le statut de réfugié au sens de la Convention ou établissant le désistement de sa revendication,

(ii) soit d'une décision d'irrecevabilité de sa revendication par un agent principal;

d) le statut de réfugié au sens de la Convention lui a été reconnu aux termes de la présente loi ou des règlements;

e) l'arbitre a décidé, selon le cas :

(i) qu'il appartient à l'une des catégories non admissibles visées à l'alinéa 19(1)c) ou au sous-alinéa 19(1)c.1)(i) et, selon le ministre, il constitue un danger pour le public au Canada,

(ii) qu'il appartient à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)e), f), g), j), k) ou l) et, selon le ministre, il serait contraire à l'intérêt public de faire étudier sa revendication aux termes de la présente loi,

(iii) qu'il relève du cas visé au sous-alinéa 27(1)a.1)(i) et, selon le ministre, il constitue un danger pour le public au Canada,

(iv) qu'il relève, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'alinéa 27(1)d) et, selon le ministre, il constitue un danger pour le public au Canada.

[19]       Même si, avant d'être déférée à la SSR, une demande doit d'abord être sélectionnée pour déterminer si elle est recevable, cela ne veut pas dire qu'il s'agit de la demande de l'agent principal. Il s'agissait et il s'agit encore de la demande du demandeur. La compétence de la SSR ne découle pas du fait que la demande lui a été transmise par l'agent principal. La SSR a compétence parce que l'objet de la demande relève de la compétence exclusive qui lui est conférée par la Loi. La demande en cause n'est que l'un des cas dans lesquels la SSR a compétence. La procédure par laquelle la SSR est saisie de la demande n'a rien avoir avec la question de la compétence.


[20]      Dans la décision A.T.O., la formation estimait qu'elle pouvait uniquement statuer sur une demande en faisant l'une de trois choses prévues par la Loi. La formation peut accueillir la revendication, la rejeter ou conclure au désistement. Étant donné que le demandeur a demandé à renoncer à sa revendication, il ne semblait pas approprié d'accueillir ou de rejeter la revendication. Il ne restait qu'à conclure au désistement. Étant donné qu'une renonciation peut être considérée comme une omission de poursuivre la revendication, la renonciation constitue un désistement.

[21]       L'avocat du demandeur souligne que la Loi prévoit une quatrième possibilité, à savoir qu'il est possible de retirer une demande :

28 (2) La mesure d'interdiction de séjour conditionnelle ne devient exécutoire que si se réalise l'une des conditions suivantes :

a) la personne retire sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention;

[...]

[22]       La Loi traite la renonciation et le désistement d'une façon différente. Une mesure d'interdiction de séjour conditionnelle s'applique dans les deux cas, mais une renonciation n'empêche pas une personne de présenter par la suite une revendication, alors qu'un désistement l'empêche de le faire :

46.01 (1) La revendication de statut n'est pas recevable par la section du statut si l'intéressé se trouve dans l'une ou l'autre des situations suivantes : [...]

c) depuis sa dernière venue au Canada, il a fait l'objet :

(i) soit d'une décision de la section du statut lui refusant le statut de réfugié au sens de la Convention ou établissant le désistement de sa revendication [...]


[23]       Quant à la question du défaut dans la poursuite d'une revendication, il n'est pas évident que la renonciation à la revendication constitue nécessairement un défaut. Il s'agit d'un choix délibéré de ne pas procéder au traitement d'une revendication, par opposition à l'inobservation d'une des mesures qu'il faut prendre en vue de faire avancer la revendication. Il n'existe aucune raison d'intérêt public, comme il y en a par exemple dans le cas de plaintes déposées au criminel, qui empêche le demandeur de renoncer à une revendication.

[24]       Dans la décision A.T.O., la formation a exprimé l'avis selon lequel elle se voyait obligée de conclure au désistement, alors qu'il y avait en fait eu renonciation. Voir le paragraphe 32 précité dans lequel la formation conclut que lorsque l'avis de renonciation est donné : [TRADUCTION] « [...] la section du statut peut uniquement conclure au désistement aux termes du paragraphe 69.1(6) de la Loi, qui est la seule disposition habilitante sur ce point. »

[25]       À l'audition de la présente affaire, l'avocat du ministre a soutenu que, dans la décision A.T.O., la formation voulait simplement dire qu'elle conservait la compétence voulue pour déterminer si elle allait reconnaître la renonciation ou si elle allait considérer cette renonciation comme un désistement. Avec égards, les remarques qui ont été faites dans la décision A.T.O. ne justifient pas cette interprétation. L'avocat affirme que le fait que la formation continue à avoir compétence lui permet d'instruire le cas lorsque le demandeur, qui se rend compte que l'audience ne se déroule pas bien, tente de retirer sa demande au milieu de l'audience dans l'espoir d'avoir affaire dans l'avenir à une formation plus compatissante.


[26]       Il est possible de répondre d'au moins deux façons à pareille stratégie. Quoique veuille dire l'expression « défaut dans la poursuite de la revendication » , on ne saurait éliminer la possibilité selon laquelle cela pourrait comprendre une omission délibérée de poursuivre une audience qui est déjà en cours. Le fait que l'intéressé pourrait qualifier pareille mesure de renonciation n'empêcherait pas nécessairement la formation qui entend l'affaire de conclure au désistement. Quoi qu'il en soit, les Règles disent clairement qu'une demande qui a été retirée peut uniquement être rétablie sur demande à la SSR. En pareil cas, la SSR serait pleinement autorisée à refuser de rétablir la demande. Par conséquent, reconnaître au demandeur le droit à la renonciation, même au milieu de l'audience, ne lui conférerait pas le droit de chercher une formation plus compatissante.

[27]       L'avocat a également soulevé le cas hypothétique du demandeur qui décide de retirer sa demande parce que l'on a exercé une coercition, probablement à l'étranger. L'avocat a soutenu que la SSR devait continuer à avoir compétence dans le cas d'un soi-disant retrait afin d'être en mesure d'enquêter sur le caractère volontaire du retrait et de refuser ce retrait si les circonstances montrent qu'il n'était pas volontaire.


[28]       Dans la mesure où la SSR est prête à permettre le rétablissement, la question de la coercition ne se pose pas. Ceux qui ne voudraient pas céder à la coercition poursuivraient leur demande et invoqueraient la coercition en vue de prouver qu'il est vraisemblable qu'ils soient persécutés dans leur pays d'origine. Le refus de la SSR d'accepter un retrait ne contraint pas le demandeur à poursuivre la demande. Si le demandeur ne poursuivait pas l'affaire, que ferait la SSR? Estimerait-elle que la demande a été retirée? Dans l'affirmative, pourquoi n'accepterait-elle pas tout simplement le retrait? Estimerait-elle qu'il y a eu désistement? Dans l'affirmative, elle punirait sciemment le demandeur qui a cédé à la coercition. Il est préférable d'accepter le retrait et de laisser le demandeur établir la coercition s'il tente de rétablir la demande à une date ultérieure.

[29]       Il importe de noter que même si la demande visant à l'obtention du statut de réfugié est rejetée, ou même s'il y a eu renonciation ou désistement, le résultat est le même du point de vue de la possibilité d'être expulsé. La mesure d'interdiction de séjour conditionnelle qui est prise au moment où la revendication est déférée à la SSR devient exécutoire dans tous les cas :

(2) La mesure d'interdiction de séjour conditionnelle ne devient exécutoire que si se réalise l'une des conditions suivantes :

a) la personne retire sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention;

a.1) sa revendication a été jugée irrecevable par l'agent principal, qui le lui a dûment notifié;

b) son désistement a été constaté par la section du statut, qui le lui a dûment notifié;

c) la section du statut lui a refusé le statut de réfugié au sens de la Convention et lui a dûment notifié le refus;

d) il a été déterminé conformément aux paragraphes 46.07(1.1) ou (2) que la personne n'avait pas le droit que confère le paragraphe 4(2.1) de demeurer au Canada et la personne en a été avisée.

[Je souligne.]


[30]       Le fait que l'intéressé renonce à sa revendication ne lui confère aucun avantage tactique. La mesure d'interdiction de séjour conditionnelle devient exécutoire conformément aux conditions qui s'y appliquent. C'est pourquoi, la plupart du temps, il n'y aurait renonciation que si le demandeur, comme c'était ici le cas, a obtenu le droit de demeurer au Canada de quelque autre façon. C'est également pourquoi le droit de demander le rétablissement est important puisqu'il permet la reprise de la revendication si, pour une raison ou une autre, par exemple le retrait d'un répondant, le droit du demandeur de demeurer au Canada est encore une fois compromis. En principe, ces possibilités ne devraient pas être limitées par une interprétation restrictive de la compétence que possède la SSR lorsqu'il s'agit de statuer sur le retrait d'une demande.

[31]       C'est pourquoi l'ordonnance par laquelle la SSR a conclu au désistement est infirmée. Par conséquent, il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire à la SSR pour nouvelle audition étant donné que la demande visant à l'obtention du statut de réfugié a fait l'objet d'une renonciation.

[32]       Chaque partie m'a demandé de taxer les dépens à l'encontre de la partie adverse, en soutenant qu'il existe des raisons spéciales, au sens de l'article 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration. Le ministre soutient que les raisons spéciales découlent du refus du demandeur d'accepter l'offre qui lui avait été faite, à savoir consentir à une ordonnance déférant l'affaire à la SSR. Le demandeur avait tout à fait raison de refuser l'offre du ministre. Le demandeur soutient que la conduite de la SSR justifie qu'on lui adjuge les dépens. La procédure que la SSR a suivie pour statuer sur cette revendication laissait à désirer, mais la SSR pouvait à bon droit tirer la conclusion qu'elle a tirée, compte tenu de la décision rendue dans l'affaire A.T.O. Par conséquent, le demandeur aurait de toute façon peut-être été obligé d'engager les frais que comporte une demande de contrôle judiciaire. En outre, la décision rendue par la Cour évitera au demandeur les frais d'une nouvelle audience de sorte qu'en fin de compte, le demandeur n'est pas dans une situation pire que celle dans laquelle il aurait été. Dans la mesure où la demande en vue de l'obtention des dépens vise à ce que la Cour fasse savoir qu'elle n'approuve pas la procédure suivie par la formation qui a entendu la revendication en ordonnant l'adjudication des dépens, je refuse d'exprimer ainsi pareil avis.


ORDONNANCE

Pour les motifs susmentionnés, la demande d'annulation de la décision de la SSR est accueillie.

« J.D. Denis Pelletier »

______________________________

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                   IMM-388-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 CSABA BARTHA c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                      SASKATOON (SASKATCHEWAN)

DATE DE L'AUDIENCE :                     le 4 décembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE du juge Pelletier en date du 15 décembre 2000

ONT COMPARU :

Felix P. Hoehn                                                     POUR LE DEMANDEUR

Marcel Larouche                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Felix P. Hoehn                                                     POUR LE DEMANDEUR

Henderson Campbell

Saskatoon (Saskatchewan)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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