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Date : 20020710

Dossier : T-2406-93

Référence neutre : 2002 CFPI 764

Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

JAMES W. HALFORD et VALE FARMS LTD.

Demandeurs

et

SEED HAWK INC., PAT BEAUJOT, NORBERT BEAUJOT,

BRIAN KENT et SIMPLOT CANADA LIMITED

Défendeurs

MOTIFS


[1]    Les défendeurs de Seed Hawk présentent M. Clifford Anderson, un éminent ingénieur en mécanique, à titre d'expert en génie mécanique afin d'offrir un témoignage d'opinion en ce qui a trait à la conception et à l'opération de dispositifs mécaniques. Le demandeur conteste la qualification de M. Anderson en tant qu'expert pour les fins du présent procès en raison du fait qu'il n'a aucune formation ou expérience pertinente dans le domaine faisant l'objet du brevet.

[2]    M. Anderson a obtenu un baccalauréat en génie mécanique de l'Université de Colombie-Britannique en 1963. Il a entrepris des études de deuxième cycle dans cette discipline, obtenant une maîtrise en génie mécanique de l'Université de Colombie-Britannique en 1965. Après avoir obtenu son diplôme d'études supérieures, M. Anderson est devenu membre de ce qui est maintenant connu comme l'Association of Professional Engineers, Geologists and Geophysicists of Alberta, qui lui a permis d'utiliser la désignation d'ingénieur. Il est également membre, actuellement, de l'Association of Professional Engineers of Ontario.

[3]    La carrière professionnelle de M. Anderson a commencé par une nomination à titre d'agent de recherches associé dans l'Industrial and Engineering Services Division de l'Alberta Research Council où il a travaillé avec des inventeurs et a été consulté concernant des questions de brevet. Il a occupé ce poste de 1965 à 1970. Il est ingénieur-conseil depuis 1970, d'abord dans une firme connue sous le nom de Quintex Engineering Ltd. où il était l'un des directeurs. Quintex est devenue Anderson Wiskel & Associates Ltd en 1977 en raison du retrait progressif de l'associé de M. Anderson de la pratique professionnelle. En fin de compte, en 1986, l'associé de M. Anderson s'est complètement retiré de la pratique professionnelle et la firme s'est fait connaître sous le nom de Anderson Associates Consulting Engineers Inc.


[4]                 Selon le témoignage de M. Anderson, la nature du travail effectué par la firme est demeurée assez diversifiée au cours des années, tout comme sa propre pratique. Il a affirmé, dans son témoignage qu'il ne s'était pas limité à quelque domaine particulier du génie mécanique que ce soit et qu'il avait acquis une vaste expertise dans la résolution de divers problèmes relatifs au génie mécanique. Son curriculum vitae souligne une pratique dans la reconstitution d'accidents, les analyses des défectuosités des véhicules ainsi que les analyses des catastrophes en général. En outre, il a développé une expertise considérable dans l'industrie pétrolière et gazière. Au cours des années, il s'est vu accorder onze brevets canadiens dont la majeure partie était liée à l'industrie pétrolière et gazière.

[5]                 M. Anderson est membre de nombreuses sociétés savantes, y compris la Society of Automotive Engineers, l'American Society of Mechanical Engineers, la Société canadienne des sciences judiciaires, la Canadian Association of Technical Accident Investigators and Reconstructionists, l'American Academy of Forensic Sciences, l'Association for the Advancement of Automotive Medicine et l'International Institute of Forensic Sciences Inc. Son curriculum vitae révèle qu'il est l'auteur d'une série de documents, ayant tous été délivrés à des sociétés associées aux sciences judiciaires.

[6]                 M. Anderson a déjà témoigné, à deux occasions, comme expert dans des procès portant sur des brevets. Les deux avaient trait à l'industrie pétrolière et gazière.


[7]                 M. Anderson a admis candidement qu'il n'avait aucune expérience particulière dans la conception de matériel agricole ou de semis en dehors de sa formation générale en génie mécanique. Il a également admis qu'il n'avait aucune formation en science du sol ou en dynamique du sol. Il possède une connaissance superficielle des fermes mais, comme il l'a dit, [traduction] « Je ne conduis pas des tracteurs » . Il a reconnu qu'il n'avait aucune expérience antérieure dans la mise en place d'engrais. Il a indiqué qu'avant d'être impliqué dans le présent litige, il n'avait aucune connaissance de l'état de la technique. Ladite connaissance de l'état de la technique qu'il possède maintenant, il l'a acquise pour les fins du présent litige.

[8]                 M. Raber a cité de long extraits de la jurisprudence relative à la qualification des experts. Plusieurs des causes auxquelles il réfère se déroulaient dans un contexte de droit criminel. Je ne les examinerai pas en détail, parce que je ne crois pas que les parties diffèrent d'opinion sur les principes applicables à l'admission de la preuve d'expert, à l'exception de leur application en l'espèce. Les critères pour l'admission de la preuve d'expert ont été énoncés dans l'arrêt R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9, à la page 20 :

L'admission de la preuve d'expert repose sur l'application des critères suivants :

a) la pertinence;

b) la nécessité d'aider le juge des faits;

c) l'absence de toute règle d'exclusion; et

d) la qualification suffisante de l'expert.


[9]                 C'est le critère de « la qualification suffisante de l'expert » qui est en cause dans la présente instance, puisque les trois autres critères ne sont pas en litige. Sur ce point, M. Raber invoque le passage suivant tiré de l'ouvrage de H. G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent For Inventions, 4e éd., Toronto, Carswell, 1969, qui a été cité dans l'arrêt Nekoosa Packaging Corp. c. AMCA International Ltd (1994), 56 C.P.R. (3d) 470, à la page 478 :

Afin d'être admis comme expert dont le témoignage sera convaincant, un témoin doit être versé dans l'art dont relève l'invention. Le témoignage d'un simple scientifique ou d'un professionnel en génie mécanique qui s'appuie sur des connaissances générales plutôt que sur une connaissance spéciale de l'art en question n'aura pas une grande force probante aux yeux de la Cour.

[10]            Ces commentaires sont offerts au soutien de la thèse qu'un expert qui s'appuie sur des connaissances générales ne peut être qualifié en tant qu'expert dans un domaine dans lequel il existe un ensemble de connaissances spéciales. Le passage cité ci-dessus ne semblait pas aller si loin. La conséquence pour s'être appuyé sur des connaissances générales, consiste en ce que le témoignage peut ne pas « être convaincant » ou « avoir une grande force probante » . L'auteur du texte a manifestement envisagé qu'une personne ayant des connaissances générales pourrait être qualifiée en tant qu'expert, mais à son avis, on ne devrait accorder que peu de force probante à l'opinion d'un tel expert. Mais, si une partie désire présenter le témoignage d'un tel expert et que les autres critères pour l'admission d'une preuve d'expert sont satisfaits, il ne semble pas y avoir de raison pour laquelle le témoignage de l'expert ne devrait pas être reçu. La force probante à assigner à une telle preuve représente une question qui doit être examinée par le juge des faits.


[11]            La preuve ayant trait aux qualifications de M. Anderson me convainc que sa formation et son expérience d'ingénieur en mécanique sont telles qu'elles aideraient le tribunal à comprendre la conception et l'opération de dispositifs mécaniques, y compris de dispositifs de semis. Il n'a pas étudié de façon particulière les dispositifs de semis, sauf en rapport avec sa participation dans la présente instance. Mais on ne m'a rien présenté pouvant m'amener à conclure que les dispositifs de semis sont si particuliers que seul quelqu'un les ayant spécialement étudiés serait en mesure d'aider le tribunal.

[12]            En fin de compte, j'accepterai M. Anderson à titre d'expert dans le but d'offrir un témoignage d'opinion au sujet de la conception et de l'opération de dispositifs mécaniques.

     « J. D. Denis Pelletier »          

Juge                       

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 T-2406-93

INTITULÉ :             

JAMES W. HALFORD et VALE FARMS LTD.

et

SEED HAWK INC., PAT BEAUJOT, NORBERT BEAUJOT,

BRIAN KENT et SIMPLOT CANADA LIMITED

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 17 JUIN 2002

MOTIFS DU JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                     LE 10 JUILLET 2002

COMPARUTIONS :

STEVEN RABER                                                POUR LES DEMANDEURS

DAN GILES

ALEXANDER MACKLIN                                             POUR LES DÉFENDEURS

DOAK HORNE                                                  (SEED HAWK INC., PAT

IRENE BRIDGER                                               BEAUJOT, NORBERT BEAUJOT ET BRIAN KENT)

WOLFGANG RIEDEL                                                   POUR LA DÉFENDERESSE (SIMPLOT CANADA LIMITED)


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

FILEMORE RILEY                                             POUR LES DEMANDEURS

WINNIPEG (MANITOBA)

GOWLING, LAFLEUR, HENDERSON          POUR LES DÉFENDEURS

CALGARY (ALBERTA)                                                 (SEED HAWK INC., PAT

BEAUJOT, NORBERT BEAUJOT ET BRIAN KENT)

MEIGHAN, HADDAD AND COMPANY      POUR LA DÉFENDERESSE

BRANDON (MANITOBA)                                            (SIMPLOT CANADA LIMITED)

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